Article 1132 du Code civil :
« L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».
Article 1133 du Code civil
« Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie ».
Article 1134 du Code civil
« L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne ».
Article 1135 du Code civil
« L’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement.
Néanmoins l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel son auteur n’aurait pas disposé, est une cause de nullité ».
Article 1136 du Code civil
« L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité ».
Pour retenir la notion d’erreur dans le consentement, il convient de rechercher :
L’erreur de droit porte sur la consistance des droits acquis ou cédés : c’est l’héritier qui consent à une renonciation de ses droits héréditaires en se méprenant sur la nature de ceux-ci.
Dans d’autres espèces, l’erreur porte sur la raison que l’on croyait avoir de s’engager : c’est l’erreur commise par le coobligé qui s’engage à payer l’intégralité de la dette en ignorant qu’il n’est tenu que pour sa part virile.
La solution n’est pas contraire à l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » : celui-ci n’a d’autre objet que d’interdire de prendre prétexte de son ignorance pour éluder l’application de la règle. Cet adage ne saurait valider un consentement vicié.
La qualité essentielle d’une prestation réside soit dans les caractéristiques de la prestation, soit dans son utilité.
En matière de vente d’œuvres d’art ou d’objets anciens, c’est fréquemment sur l’authenticité que porte l’erreur.
Encore faut-il, pour que l’annulation soit prononcée, qu’il soit établi d’une part, que l’authenticité était recherchée par l’acquéreur, et d’autre part, que l’erreur a été excusable et déterminante.
Prenons l’exemple d’un contrat de vente d’une peinture dans lequel il est stipulé la mention « attribué à Picasso ». Si l’acquéreur s’est mépris sur cette formule, croyant à tort que l’œuvre était de Picasso, le contrat n’encourt pas la nullité parce que l’authenticité de la peinture n’était pas entrée dans le champ contractuel.
Il arrive également que ce soit à l’opposé, le vendeur qui regrette d’avoir cédé un objet dont il ignorait qu’il pût être authentique.
En matière de vente de véhicules automobiles, peuvent s’analyser en des qualités essentielles, l’état neuf du moteur, l’année d’origine.
S’agissant d’un immeuble, on peut notamment voir une qualité essentielle dans l’absence de conformité du bien vendu aux règles d’urbanisme.
L’erreur porte alors sur l’aptitude de la prestation à remplir l’usage auquel on la destine. En matière immobilière, peut constituer une qualité essentielle le caractère constructible du terrain, objet du contrat.
Autre exemple : acquisition d’une plate-forme élévatrice ne pouvant être installée sans scier la dalle du premier étage. Il faudrait peut-être aussi rechercher la responsabilité du vendeur pour absence de conseil.
La jurisprudence admet l’annulation pour erreur dès lors que les droits sociaux cédés étaient privés de toute utilité par la circonstance que la société était, lors de la cession, déjà privée de l’essentiel de son actif et devenue dans l’impossibilité manifeste de réaliser son objet social, de poursuivre une activité économique et donc d’avoir une rentabilité. Encore faut-il d’une part, démontrer que l’acquéreur n’avait pas connaissance de cette situation financière irréversible et que d’autre part, que le vendeur n’a pas intentionnellement trompé l’acquéreur, ce qui constituerait un vice du consentement par dol et non par erreur.
L’erreur ne peut être sanctionnée que si celui qui l’invoque (errans) démontre, non seulement qu’il recherchait cette qualité particulière, mais encore que son cocontractant savait qu’il en était ainsi.
Achat d’un terrain en vue de la création d’un lotissement, but connu du vendeur.
L’erreur sur la personne n’est prise en compte que si le contrat a été conclu en considération de cette personne : par exemple, un contrat de cautionnement au bénéfice d’un débiteur qui avait interdiction d’exercer une activité commerciale.
Les qualités essentielles peuvent résider dans diverses circonstances liées au passé du cocontractant : salarié engagé comme directeur par une société ignorant qu’il venait de déposer le bilan d’une autre société dont il était président-directeur général.
Il est acquis en jurisprudence que la convention d’arbitrage est nulle si par exemple une partie ignorait que l’arbitre désigné avait donné une consultation à son adversaire.
Constitue une erreur indifférente une erreur de calcul, dès lors du moins qu’elle apparaît comme purement matérielle et ne porte pas sur les éléments ou le mode de calcul.
La jurisprudence, cependant, exclut parfois la rectification lorsque l’erreur matérielle est commise par un professionnel à son propre préjudice et au profit d’un non-professionnel de bonne foi.
L’article 1135 alinéa 1ier du Code civil, pose le principe que l’erreur sur un simple motif n’est pas une cause de nullité du contrat (contrat de publicité n’ayant pas procuré au souscripteur les avantages escomptés).
L’erreur sur les motifs devient une cause de nullité, en présence d’un motif érigé par les parties en élément déterminant de leur consentement, d’une manière expresse.
Le nouvel article 1136 du Code civil consacre un principe classique en énonçant que n’est pas une cause de nullité l’erreur sur la valeur définie comme celle par laquelle sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte.
L’erreur sur la rentabilité est en principe tenue pour indifférente, peu important d’ailleurs qu’elle soit qualifiée d’erreur sur la valeur ou d’erreur sur les motifs.
En jurisprudence, ce principe est cependant écarté en matière de franchise. Par un arrêt rendu en 2011, la Cour de cassation a en effet censuré une cour d’appel qui, après avoir constaté que « les résultats de l’activité du franchisé s’étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire », avait refusé d’annuler le contrat sans rechercher si ces circonstances ne révélaient pas « que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise ».
L’erreur est inexcusable dès lors qu’elle est fautive. L’erreur est écartée sur le fondement d’une simple négligence ou imprudence.
La qualification d’erreur inexcusable est parfois même fondée sur la seule affirmation du devoir de l’errans de s’informer, voire de son aptitude à le faire.
La jurisprudence prend spécialement en considération, pour écarter l’annulation, la circonstance que l’erreur a été commise par un professionnel dans le domaine de sa spécialité :
La qualité de professionnel ne suffit cependant pas à rendre l’erreur inexcusable :
L’erreur n’est une cause de nullité qu’à la condition d’avoir été déterminante du consentement : il doit apparaître que sans l’erreur, le contrat n’aurait pas été conclu ou en tout cas ne l’aurait pas été aux mêmes conditions.
L’erreur commise, par l’acquéreur, sur le régime fiscal attaché à un emplacement destiné à l’exploitation commerciale est une erreur sur des motifs, certainement déterminants, mais extérieurs à l’objet du contrat.
Deux éléments différencient le dol et l’erreur :
L’objet de la preuve est triple :
L’erreur est, en tant que vice du consentement, une cause de nullité relative du contrat.
Le caractère relatif de la nullité, emporte deux conséquences :
La nullité peut être constatée d’un commun accord entre les parties.
Il est également par l’article 1183 du Code civil, la possibilité offerte au cocontractant de l’errans de mettre en œuvre l’action interrogatoire. Ce texte lui permet en effet de mettre fin à l’incertitude quant à l’exercice de l’action en nullité sans attendre l’expiration du délai de prescription, en demandant par écrit à l’errans soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans le délai de 6 mois à peine de forclusion.
Le point de départ du délai de prescription est le jour où l’erreur a été découverte.
Aux termes de l’article 1178 alinéa 4, du Code civil, texte commun à tous les cas de nullité, indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
L’errans doit d’abord établir qu’il subit un préjudice. Il doit ensuite et surtout démontrer que son cocontractant a commis une faute qui consistera ordinairement en un manquement à son devoir d’information et plus précisément en un manquement qui, s’agissant d’une erreur et non d’un dol, ne peut être que non intentionnel.
Cour de cassation, chambre civile 1 du 13/02/2001, n° 98-15092.
« Attendu que, par un acte passé le 20 novembre 1981 en l’étude de M. Geoffroy d’X…, notaire, M. Alain Y… a acquis, de la Société anonyme de gestion de patrimoines (SAGEP), des lots d’un immeuble en copropriété à rénover ;
Que M. Y… a subi, par la suite, différents redressements fiscaux ;
Que, faisant valoir qu’il avait acheté ce bien immobilier pour bénéficier d’avantages fiscaux qui n’avaient pu être obtenus, il a, en 1992, assigné la SAGEP, aujourd’hui en liquidation judiciaire et représentée par M. Villa, liquidateur, le syndicat des copropriétaires de la résidence le Cloître Saint-Martin, et M. Geoffroy d’X…, en nullité pour erreur ou en résolution de la vente, et en dommages-intérêts ;
Que l’arrêt confirmatif attaqué (Orléans, 23 mars 1998) l’a débouté de ses prétentions ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt de s’être ainsi prononcé, alors, selon le moyen :
1° qu’en refusant d’annuler la vente faute de réalisation de l’objectif de défiscalisation, bien qu’il résultât des constatations de l’arrêt que la cause de l’engagement de M. Y… avait été le désir de réaliser des économies fiscales et que la SAGEP connaissait ce motif déterminant, la cour d’appel aurait méconnu les conséquences de ses constatations et violé l’article 1110 du Code civil ;
2° qu’en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si en sa qualité de professionnel de l’immobilier spécialiste de la défiscalisation, la SAGEP n’était pas censée connaître et maîtriser parfaitement les prescriptions de la loi Malraux et n’avait pas manqué à son devoir de conseil, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code civil ;
Mais attendu, d’abord, que l’erreur sur un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant ;
Que c’est donc à bon droit que l’arrêt énonce que l’absence de satisfaction du motif considéré savoir la recherche d’avantages d’ordre fiscal alors même que ce motif était connu de l’autre partie, ne pouvait entraîner l’annulation du contrat faute d’une stipulation expresse qui aurait fait entrer ce motif dans le champ contractuel en l’érigeant en condition de ce contrat ;
Qu’ensuite, ayant relevé qu’en 1983, la SAGEP pouvait croire à l’adéquation de l’opération avec les prescriptions de la loi Malraux, étant observé qu’il n’était pas démontré qu’à l’époque de la vente cette société ait eu connaissance du risque de ne pas bénéficier des avantages fiscaux de cette loi, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision au regard de l’article 1116 du Code civil ;
Que le moyen n’est donc fondé en aucune de ses branches ».
Site “A. Bamdé et J. Bourdoiseau” : vice du consentement : l’erreur : régime juridique, l’erreur obstacle, l’erreur sur la substance ou sur les qualités essentielles de la prestation, l’erreur sur les qualités essentielles de la personne, l’erreur sur les motifs, l’erreur sur la valeur.
DALLOZ : Documentation/Répertoire de droit civil/erreur
LEXIS 360 : Encyclopédies/JCL. Civil Code/Art. 1132 à 1136 : vice du consentement erreur.