Jean-Claude LEMALLE

Une expérience de juge consulaire
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Application pour les tribunaux de commerce
de la réforme de la procédure civile
résultant de l'ordonnance du 17/07/2019

Table des matières

1. – Les modes de saisine du tribunal de commerce

Les dispositions présentées dans cette partie s’appliquent aux instances introduites à compter du 01/01/2020 (article 5 2° et 55 II du décret n°2019-1333).

Il convient de préciser que l’introduction de l’instance prend date :

  • lorsqu’il s’agit d’une assignation, au jour de celle-ci,
  • lorsqu’il s’agit d’ une requête :
    • au jour de sa remise,
    • ou au jour de son envoi par voie postale.

1.1 – La saisine de droit commun

Sous réserve de l’opposition à ordonnance portant injonction de payer, laquelle, rétablissant le contradictoire peut s’assimiler à un mode de saisine, il n’existe plus que deux modes de saisine du tribunal de commerce au contentieux (art. 854 nouveau CPC, article 5 du décret n°2019-1333) :

  • l’assignation,
  • la requête conjointe remise au greffe.

La présentation volontaire des parties devant le tribunal, qui était tombée en désuétude, a été supprimée.

Bien que la notice du décret 2019-1333 prévoie la saisine par voie de requête pour le tribunal de commerce, il convient de souligner qu’aucune disposition spécifique au tribunal de commerce n’a été intégrée.

Il en découle que la saisine du tribunal par voie de requête, prévue par les article 54 et 57 nouveau CPC (art. 1 D.), n’est pas un mode de saisine de droit commun du tribunal de commerce. La saisine par voie de requête demeure toutefois possible lorsqu’un texte spécifique l’autorise (ce qui est le cas dans le cadre du livre VI du code de commerce – voir partie VII).

1.2 – Les requêtes au président sur le fondement de l’article 874 – Régime inchangé 

Les requêtes présidentielles de l’article 874 CPC, de même que celles prévues par les articles 493 et suivants du CPC n’ont pas été modifiées.

1.3 – Les autres requêtes

Le régime des requêtes prévues par le Livre VI du code de commerce est désormais celui prévu aux dispositions de droit commun (articles 54 et 57 nouveaux du CPC).

Il convient de souligner que les conditions prévues par ces articles sont sanctionnées par la nullité relative qu’il appartient aux seules parties d’exciper tout en démontrant le grief qu’elles subissent, conformément au droit commun de l’article 114 qui est inchangé. Il ne revient donc pas au tribunal  de soulever d’office une éventuelle nullité de ce chef ; encore moins au greffier.

La rédaction du décret entraine une confusion sur le régime de formation de la demande tendant à l’octroi de délais de l’article 861-2 CPC, est-ce toujours une demande incidente soumise à l’article 68 CPC ou une requête soumise aux articles 54 et 57 nouveaux ?  Une même confusion est induite par la nouvelle rédaction de l’article 1423 CPC relative à la demande d’apposition de la formule exécutoire sur une ordonnance portant injonction de payer, cette demande doit-elle désormais être faite selon les prescriptions propres à la requête des article 54 et 57 nouveau ? L’attention du ministère de la Justice a été attirée sur ces points afin que des correctifs/précisions soient apportés.

2. – Le contenu des actes de saisine (assignation et requête conjointe)

Les dispositions présentées dans cette partie s’appliquent aux instances introduites à compter du 01/01/2020 (art. 5 3° et 55 II du décret n°2019-1333)

Toutes les mentions que doivent contenir les assignations délivrées à compter du 01 janvier 2020, devant le tribunal de commerce, se trouvent désormais, outre les mentions inchangées prescrites pour les actes d’huissier de justice, aux articles 54 nouveau, 56 nouveau, et 855 nouveau du CPC.

S’agissant des requêtes conjointes, leur contenu est défini aux articles 57 nouveau, 54 nouveau et 855 al.2 (non du représentant des demandeurs) du CPC.

Il est à nouveau rappelé que les nullités éventuelles qui pourraient entacher un acte demeurent soumises au régime inchangé, notamment celui de l’article 114 CPC, et que ce moyen de défense ne peut être relevé d’office. 

Concernant l’assignation, les points nouveaux sont les suivants (articles 54, 56 (art. 1 D.) et 855 nouveau CPC (art. 5 3° D.)) : 

  • Comme antérieurement, l’acte introductif d’instance doit mentionner les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter (art. 855 nouveau CPC).
    La nouveauté et l’adjonction des mots « ou doit » après « peut » : elle fait écho au principe de la constitution désormais obligatoire d’avocat devant le tribunal de commerce prévue à l’article 853 nouveau CPC (art. 5 1° D) sauf exceptions ou dispositions contraires.
    Pour satisfaire à cette disposition, l’acte introductif d’instance pourrait se contenter en théorie de reprendre les dispositions de l’article 853 nouveau CPC définissant les modalités de comparution ou représentation devant le tribunal de commerce. 
  • Lorsque la demande est formée par voie électronique (signification opérée par voie électronique ou requête reçue par le RPVA ou le tribunal digital), elle doit comporter, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur.
  • A peine de nullité, l’assignation doit comporter la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Le texte ancien, qui prévoyait déjà le bordereau de pièces, ne sanctionnait pas son absence par la nullité.
  • A peine de nullité, la demande initiale, lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, doit préciser les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou de la justification de la dispense d’une telle tentative (art. 54 5° nouveau CPC – art. 1 D.).

Cette dernière mention existait antérieurement mais n’était pas prescrite à peine de nullité ; sa rédaction nouvelle est toutefois moins étendue qu’auparavant puisqu’elle ne concerne désormais que les domaines dans lesquels la demande initiale doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, et qu’aucun texte ne prévoit, devant le tribunal de commerce, une phase de conciliation, médiation ou procédure participative. 

Par ailleurs, il convient de noter que l’article 127, qui était la seule sanction au défaut de mention des diligences entreprises, fait référence, dans sa nouvelle rédaction à l’article 56 nouveau alors qu’il devrait renvoyer, semble-t-il, à l’article 54 al.3 5° ; bien que nos juridictions ne soient plus concernées par ces dispositions, l’attention du ministère de la justice a été attirée sur cette malfaçon rédactionnelle. 

3. – La représentation par avocat devant le tribunal de commerce

Les dispositions présentées dans cette partie s’appliquent aux instances introduites à compter du 01/01/2020. Les procédures introduites antérieurement sont donc exclues de la représentation obligatoire (art. 5 1° et 55 du décret n°2019-1333).

3.1 – Le périmètre de la représentation obligatoire

Le principe de la représentation obligatoire devant le tribunal de commerce est désormais posé à l’article 853 CPC : « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce. » 

La constitution d’avocat emporte élection de domicile, ce qui signifie en particulier qu’au cours de la procédure, le greffe dialogue avec l’avocat, sauf disposition spécifique (exemple : art. 381 CPC : la radiation doit être notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants).

Si les parties doivent, par principe, constituer avocat, elles en sont dispensées dans les cas suivant (article 853 et 874 nouveau CPC) :

  • lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros.
  • dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du code de commerce.
  • pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés : ne sont pas prévues les ordonnances rendues par le tribunal relatives à la prorogation, au retrait du capital social, à la désignation du commissaire aux apports… l’attention du ministère de la Justice a été attirée sur ce point afin que des correctifs soient apportés.
  • en matière de gage des stocks et de gages sans dépossession.
  • lorsqu’un texte en dispose autrement.

En cas de demande indéterminée (obligation de faire) la constitution d’avocat est obligatoire si l’obligation à la source de la demande est supérieure à 10.000 euros ou s’il est impossible d’en déterminer le montant.

3.2 – Les conséquences de la représentation obligatoire

Le principe de la représentation obligatoire va induire certaines conséquences dans les greffes des tribunaux de commerce, par exemple : 

  • Concernant le jugement statuant exclusivement sur la compétence (article 84 du CPC), le greffier devra notifier la décision non seulement aux parties mais également à leur avocat, lorsque la procédure devant le tribunal est avec représentation obligatoire ;
  • Concernant l’opposition à l’ordonnance portant injonction de payer, si la demande initiale est supérieure ou égale à 10.000 euros, il conviendra d’inviter les parties à constituer avocat, en même temps que celle-ci sont convoquées à l’audience.

Il est à noter, s’agissant de la forme de la constitution que le formalisme de constitution prévu devant le TJ ne semble pas s’appliquer au tribunal de commerce. L’acte de constitution semble donc être libre (verbal à la barre, par courrier etc…), de même, il ne semble pas devoir être notifié par l’avocat à ses contradicteurs.

3.3 – Le cas de la procédure d’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer (articles 1405 et suivants CPC) est régie par des dispositions spécifiques. Au vu de l’article 1407 CPC qui dispose que « La demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire » il apparaitrait que la présentation d’une demande en injonction de payer d’une valeur supérieure à 10 000 euros n’oblige pas à constituer un avocat. Néanmoins le ministère de la Justice est formellement interrogé sur ce point.

3.4 – La procédure participative

Enfin, l’article 1543 nouveau CPC (art. 13 D.) permet d’introduire désormais la procédure participative entre avocats devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, y compris donc le tribunal de commerce. Le décret a pour objectif de la développer dans les juridictions. Les dispositions nouvelles sont visées aux articles 12 et 13 du décret. 

Rappelons que la procédure participative (articles 2062 et. s. code civil) est « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige ».

4. – L’exécution provisoire

Les dispositions présentées dans cette partie s’appliquent aux instances introduites à compter du 01/01/2020 (art. 3 et 55 II décret n°2019-1333)

Les nouvelles dispositions régissant l’exécution provisoire sont traitées aux articles 3, 16 et 55 du décret du 11/12/2019.

4.1 – Le principe de l’exécution provisoire des décisions de première instance

Le nouveau principe est défini à l’article 514 nouveau CPC : « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement » 

L’article 514 est commun à l’ensemble des juridictions civiles de première instance. Il s’applique donc au tribunal de commerce.

A la lecture de cet article, l’exécution provisoire de droit ne s’applique pas dans les cas suivants :

4.1.1 – Lorsque la loi en dispose autrement 

La rédaction de l’alinéa 2 de l’article R. 661-1 c.com est demeurée inchangée.

Il en résulterait que comme antérieurement, les décisions visées relevant du livre VI du code de commerce ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire. Toutefois, la rédaction du texte laisse subsister un doute sur ce sujet ; en effet, cela signifie-t-il que n’étant pas provisoire de droit elle l’est de façon facultative et que, comme le prévoit alors l’article 515 nouveau, le juge peut la prononcer ? ou cela doit-il être lu comme une impossibilité pour le juge de l’ordonner puisqu’il ne peut le faire que lorsque la loi prévoit expressément que l’exécution provisoire de droit est facultative ? ce que l’article R.661-1 al.2 ne dit pas de façon explicite. Le Ministère de la Justice est donc sollicité sur ce point.

Pour rappel, il s’agit des décisions suivantes : 

  • Autorisation par le juge-commissaire de paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien (L.622-8 al.1 c.com.) ;
  • Substitution de garanties ordonnées par le juge-commissaire (L. 622-8 al.2 et L. 626-22 al.3 c.com.) ;
  • Autorisation par le juge-commissaire de la réalisation d’un bien gagé ou faisant l’objet d’un droit de rétention à défaut d’avoir été retiré par le créancier dans les six mois du jugement de liquidation judiciaire (L. 642-20-1 al.1 c.com.) ;
  • Autorisation par le juge-commissaire de céder des biens objet de mesures conservatoires dont la conservation ou la détention génère des frais ou qui sont susceptibles de dépérissement (L. 663-1-1 c.com.) ;
  • Les décisions relevant des frais de procédure du livre VI (L. 663-1 à L. 663-4 c.com.) ;
  • Les jugements rendus en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif (L. 652-1 c.com.) et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l’interdiction « de gérer » (L. 653-8 c.com.) ;

La décision de prononcer l’exécution provisoire ne pourra être prise par le juge que dans l’ordonnance ou le jugement lui-même et non ultérieurement, par exemple, dans le cadre d’une omission de statuer (art. 516 et 517-3 nouveau CPC).

Elle doit être ordonnée par le juge d’office ou à la demande d’une partie, à la condition qu’elle soit nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire (art. 515 nouveau CPC). 

Lorsque l’exécution provisoire (facultative) a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (art. 517-1 nouveau CPC). Le premier président statue alors en référé, par une décision non susceptible de recours.

4.1.2 – Lorsque la décision en dispose autrement 

Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou en partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée (art. R. 514-1 al.1 et 2 nouveau CPC). Il ne peut le faire que dans la décision en cause (art. R.514-2 nouveau CPC). 

Cependant, la faculté offerte au juge d’écarter le prononcé de l’exécution provisoire n’est pas applicable :

  • Lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance ou qu’il ordonne des mesures conservatoires (art. 514-1 al.3 nouveau CPC) ;
  • Pour les décisions relevant du livre VI du code de commerce (art. 661-1 al.3 c.com. ajouté par l’article 16 12° a) D.).

4.2 – Les suites de l’exécution provisoire de droit ou de son écartement

4.2.1 – La contestation de l’application de l’exécution provisoire de droit

Lorsque l’exécution provisoire est de droit, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin  de suspendre l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives (art. 514-3 al.1 nouveau CPC).

Toutefois, concernant la partie qui a comparu en première instance sans faire d’observation sur l’exécution provisoire, outre le fait qu’elle sera tenue de justifier d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, elle ne sera recevable à solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire que pour des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance (art. 514-3 al.2 nouveau CPC). 

En cas d’opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives (art. 514-3 al.3 nouveau CPC).

4.2.2 – La contestation si l’exécution provisoire de droit a été écartée

Art 514-4 nouveau CPC : Lorsque l’exécution provisoire de droit a été écartée en tout ou partie, son rétablissement ne peut être demandé, en cas d’appel, qu’au premier président et à condition :

  • qu’il y ait urgence
  • que ce rétablissement soit compatible avec la nature de l’affaire
  • et qu’il ne risque pas d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Lorsqu’il est saisi pour les cas A/ ou B/, le premier président statue en référé, par une décision non susceptible de recours.

5. – Le taux de ressort du tribunal de commerce

Les dispositions présentées dans cette partie entrent en vigueur le 01/01/2020 et sont applicables aux instances en cours à cette date. (art. 55 I D.).

Le tribunal de commerce connaît en dernier ressort des demandes jusqu’à la valeur de 5 000 euros (art. 721-6 c.com. modifié par l’article 16 15° D.). La valeur étant précédemment à 4 000 euros.

6. – Renvoi d’une affaire vers une autre juridiction

Lorsqu’une partie soulève l’incompétence du tribunal de commerce et que le litige relève des juridictions civiles, elle devra désigner la juridiction civile territorialement compétence qui sera :

  • soit le tribunal judiciaire ;
  • soit le tribunal de proximité (pour un litige dont la valeur est inférieure à 10 000 euros et relevant du ressort territorial d’un ancien tribunal d’instance dont le siège était situé en dehors du siège du tribunal de grande instance).

7. – Les conséquences de la modification de l’article 54 du Code de procédure civile sur le livre VI du Code de commerce

Les dispositions présentées dans cette partie entrent en vigueur le 01/01/2020 et sont applicables aux instances en cours à cette date. (art. 55 I D.).

L’article 54 ancien CPC était rédigée ainsi :

« Sous réserve des cas où l’instance est introduite par la présentation volontaire des parties devant le juge, la demande initiale est formée par assignation, par remise d’une requête conjointe au greffe de la juridiction ou par requête ».

Désormais, l’article 54 al. 1 nouveau CPC dispose :

« La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties. »

Cette modification a pour conséquence la modification de certains articles du livre VI du Code de commerce que nous ne détaillerons pas ici (article 16 du décret du 11/12/2019)

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