Jean-Claude LEMALLE

Une expérience de juge consulaire
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Le nouveau statut de l'entrepreneur individuel in bonis ou en difficulté

TABLE DES MATIERES

1 – Le principe de la distinction des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel

A compter du 15/05/2022, la loi n° 2022-172 du 14/02/2022 (article L. 526-22 à L. 526-31 et R. 526-26 à D. 526-32 du Code de commerce) a créé un nouveau statut de l’entrepreneur individuel, dont l’essentiel réside dans l’instauration de plein droit d’un patrimoine professionnel, distinct du patrimoine personnel, afin de cloisonner les droits de poursuite des créanciers.

L’article II de l’article 6 de cette même loi précise qu’à compter du 15/02/2022 il ne sera plus possible de faire application des dispositions concernant l’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée). Toutefois, les personnes physiques exerçant antérieurement à cette date, une activité professionnelle avec création d’un patrimoine affecté demeure soumise aux règles de l’EIRL (articles L. 526-5-1 à L. 526-21 et R. 526-3 à R. 526-5 du Code de commerce).

A compter du 15/05/2022, dès lors qu’une personne exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes, elle est titulaire, en principe, de deux patrimoines :

  • Un patrimoine professionnel constitué des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes.
  • Un patrimoine personnel constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel.

Textes applicables :

  • Loi n° 2022-172 du 14/02/2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante.
  • Décret n° 2022-709 du 26/04/2022 relatif à la mise en extinction du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
  • Décret n° 2022-725 du 28/04/2022 relatif à la définition du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel et aux mentions sur les documents et correspondance à usage professionnel.
  • Décret n° 2022-799 du 12/05/2022 relatif aux conditions de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel et du transfert universel du patrimoine professionnel.
  • Décret n° 2022-890 du 14/06/2022 relatif au traitement au traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel.
  • Décret n° 2022-933 du 27/06/2022 relatif aux modalités d’option et de renonciation de l’entrepreneur individuel à l’impôt sur les sociétés.

2 – Date et modalités d’application de ce nouveau statut de l’entrepreneur individuel

Ce nouveau statut de l’entrepreneur individuel s’applique, sans qu’il soit nécessaire d’effectuer une formalité quelconque à la création, par une personne physique, d’une activité professionnelle, à compter du 15/05/2022.

L’article 19 de la loi du 14/02/2022 précise que pour les entrepreneurs individuels qui ont commencé leur activité professionnelle avant le 15/05/2022, le nouveau statut s’appliquera aux créances nées après le 15/05/2022.

Il en résulte donc que les dettes antérieures au 15/05/2022 auront donc un gage sur les deux patrimoines de l’entrepreneur individuel.

Etant, de plus, précisé que les dispositions modifiant la procédure collective (livre VI du Code de commerce) ne s’appliqueront qu’aux procédures ouvertes à compter du 15/05/2022.

3 – Les évènements mettant fin à la distinction entre les patrimoines professionnel et personnel

L’article L. 526-22 alinéa 8 du Code de commerce dispose que « dans le cas où un entrepreneur cesse son activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis. Il en est de même en cas de décès de l’entrepreneur individuel, sous réserve des articles L. 631-3 et L. 640-3 » du Code de commerce.

3.1 – La cessation d’activité

Il en résulte que les créanciers antérieurs à la cessation d’activité, qu’ils soient professionnels ou personnels recouvrent un droit de gage général sur l’ensemble des biens de leur débiteur (solution qui diffère de l’EIRL).

Il semble donc en résulter que si une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte après la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel (constater officiellement), cette procédure ne fera pas la distinction entre les deux patrimoines.

3.2 – Le décès

Les patrimoines professionnel et personnel forment un patrimoine successoral unique, solution donc identique à la cessation d’activité. La protection des héritiers repose alors entièrement sur leur droit d’option.

4 – La définition de l’entrepreneur individuel

Article L. 526-22 du Code commerce :

« L’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ».

Il ressort de cette définition que la qualité d’entrepreneur individuel requiert la réunion de plusieurs éléments cumulatifs, l’entrepreneur individuel est :

  • une personne physique,
  • qui exerce en son nom propre,
  • une ou plusieurs activités professionnelles (commerciales, artisanales, agricoles, libérales),
  • de manière indépendante (indépendance juridique et non économique).

Sont donc exclus de ce statut :

  • les salariés qui agissent pour le compte de leur employeur,
  • les dirigeants sociaux qui agissent au nom et pour le compte d’une société,

Relèvent, par contre de ce statut :

  • les membres d’un réseau de distribution ou un franchisé.
  • un agent commercial,
  • un auto-entrepreneur.

Voir, éventuellement, la particularité d’un associé de SNC.

Contrairement à l’EIRL il ne peut donc exister qu’un seul patrimoine professionnel, pour l’ensemble des activités professionnelles exercées par l’entrepreneur individuel, y compris s’il s’agit à la fois d’activités commerciales, artisanales, agricoles et libérales. Nous verrons qu’il existe une exception, dans l’hypothèse, de l’ouverture d’une liquidation judiciaire.

5 – Les obligations de l’entrepreneur individuel concernant la dénomination professionnelle et le compte bancaire


5.1 – La dénomination professionnelle

L’article R. 526-27 du Code de commerce, s’agissant de la dénomination professionnelle adoptée par l’entrepreneur individuel, précise qu’il doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI ». Cette dénomination doit figurer sur les documents et correspondances à usage professionnel de l’intéressé.

Rappelons que l’article R. 123-237 du Code de commerce prévoit que toute personne immatriculée au RCS est tenu également d’indiquer la mention de l’identification RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée.

5.2 – Le compte bancaire

Contrairement à l’EIRL (article L. 526-13 du Code commerce), la loi et les décrets ne font aucune obligation à l’entrepreneur individuel d’ouvrir un compte bancaire exclusivement dédié à son activité professionnelle.

L’article R. 526-27 du Code de commerce prévoit seulement que « chaque compte bancaire dédié à son activité professionnelle ouvert par l’entrepreneur individuel doit contenir la dénomination dans son intitulé ».

Afin d’effectuer une distinction entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel  il paraît difficile à l’entrepreneur individuel de ne pas ouvrir un compte bancaire spécifiquement professionnel, son absence pourrait conduire le tribunal à constater qu’il n’a pas respecté strictement la distinction des patrimoines.

Rappelons que :

  • l’article L. 123-24 du Code de commerce fait obligation aux commerçants « de se faire ouvrir un compte dans un établissement de crédit ou un bureau de chèques postaux, »
  • l’article L. 613-10 du Code de la sécurité sociale fait obligation aux micro-entrepreneurs qui réalisent plus de 10.000 euros de chiffre d’affaires annuel pendant 2 années consécutives « sont tenus de dédier un compte ouvert dans un établissement de crédit ou un bureau de chèques postaux à l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à leur activité professionnelle ». 

6 – La répartition des biens, droits, obligations et sûretés de l’entrepreneur individuel entre les patrimoines professionnel et personnel

6.1 – Le patrimoine professionnel

6.1.1 – Périmètre matériel du patrimoine professionnel

Le patrimoine professionnel est défini par 2ième alinéa l’article L. 526-22 du Code de commerce qui dispose que :

« Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel ».

Le critère retenu par la législation est donc l’utilité à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sans toutefois soit précisé si cette utilité doit être totale ou partielle, ponctuelle ou définitive.

En précisant que l’entrepreneur doit être titulaire du bien ou du droit, il en découle, logiquement, qu’un bien ou un droit, même utile à l’activité professionnelle, ne pourrait être considéré comme faisant partie du patrimoine professionnel s’il n’est pas la propriété de l’entrepreneur individuel. A titre d’exemple :

  • le bien appartenant en propre au conjoint de l’entrepreneur,
  • le bien dont l’entrepreneur est locataire, usufruitier.

Rappelons qu’un bien meuble se trouvant sur les lieux de l’exercice de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel est présumé être sa propriété (voir la procédure de revendication).

L’article R. 526-26 du Code de commerce, précise que « les biens, droits, obligations et sûreté dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l’activité professionnelle, s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité ».

Ce même article en donne une liste non limitative, à savoir :

  • Le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
  • Les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
  • Les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société;
  • Les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
  • Les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle ( ?), les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, notamment au titre des articles L. 613-10 du Code de la sécurité sociale et L. 123-24 du présent Code de commerce, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

Concernant les sommes inscrites aux comptes bancaires, la distinction à faire entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel paraît extrêmement fastidieuse, sinon impossible à réaliser.

En conclusion, le patrimoine professionnel est constitué :

  • des biens droits, obligations et sûretés dont il est titulaire,
  • et qui sont utiles à son ou ses activités professionnelles indépendantes.

Rappelons, qu’il ne peut exister qu’un seul patrimoine professionnel par entrepreneur individuel et ce, quels que soient le nombre et la diversité des activités professionnelles indépendantes exercées (contrairement à l’EIRL).

Concernant la composition du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel, le II de l’article R. 526-26 du Code de commerce précise indique que « lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ».

Contrairement à l’EIRL, l’entrepreneur individuel n’a aucune déclaration d’affectation à faire, en effet, lorsqu’un bien (ou droit, obligation sûreté) est « utile » à l’activité professionnelle, et qu’il est la propriété de l’entrepreneur individuel, il constitue obligatoirement un bien professionnel.

6.1.1.1 – Interrogation concernant les biens mixtes  

Les textes ne donnent aucune précision concernant les biens meubles mixtes, c’est-à-dire ceux utilisés aussi bien à titre privé que professionnel (véhicule…), comment sont-ils partagés entre les patrimoines professionnel et personnel ?

6.1.1.2 – Interrogation concernant la notion d’utilité

Malgré les précisions données par l’article R. 526-26 du Code de commerce, certaines situations font faire naître une discussion concernant la notion d’utilité à l’activité professionnelle. Par exemple, un terrain appartenant à l’entrepreneur individuel, qui serait utilisé ponctuellement au stockage de marchandises destinées à être vendues ou transformées dans le cadre de son activité, doit-il constituer un bien entrant dans le patrimoine professionnel ?

6.1.2 – Preuve des éléments constitutifs du patrimoine professionnel

La charge de la preuve concernant l’affectation d’un bien ou d’un droit au patrimoine professionnels incombe à l’entrepreneur individuel (alinéa 8 de l’article L. 526-22 du Code de commerce), en vue de contester toutes mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires.

L’article précise que « la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il a procédé à une mesure d’exécution forcée ou à mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général ».

A cet effet, il convient de rappeler qu’une mesure conservatoire demandée par un créancier professionnel à l’encontre d’un entrepreneur individuel, ne pourra concerner qu’un bien appartenant au patrimoine professionnel de ce même entrepreneur (sauf exceptions).

6.1.3 – Date d’application de la limitation du gage des créanciers professionnels au patrimoine professionnel

La limitation du gage des créanciers professionnels au patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel s’appliquera aux créances postérieures au 15/05/2022 et qui seront nées à compter :

  • de l’immatriculation au registre dont l’entrepreneur relèvera pour son activité,
  • de la date d’immatriculation la plus ancienne lorsqu’il relèvera de plusieurs registres,
  • de la date déclarée du début d’activité, si celle-ci est antérieure à la date d’immatriculation,
  • du premier acte qu’il exercera en qualité d’entrepreneur individuel, quand il ne sera pas tenu d’une obligation d’immatriculation ou à défaut d’immatriculation.

Antérieurement à ces dates, aucune différenciation entre créances professionnelles et créances personnelles ne sera effectuée. Les créanciers pouvant exercer leur gage sur l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

6.1.4 – Neutralisation de l’incidence potentielle du régime matrimonial

L’article L. 526-26 du Code de commerce dispose que le statut de l’entrepreneur individuel « s’entend sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer ».

Il faut en déduire :

  • qu’aucune information particulière n’est due à l’époux commun en bien qui verrait un bien commun affecté de plein droit au patrimoine professionnel de son époux,
  • qu’un bien constituant le bien propre d’un époux, ne pourra constituer le patrimoine professionnel de l’autre époux,
  • qu’un bien commun aux époux, pourra intégrer le patrimoine professionnel de chacun d’entre eux.

6.2 – Le patrimoine personnel

Il est constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel (alinéa 2 de l’article L. 526-22 du Code de commerce).

7 – Les effets qui découlent de séparation des patrimoines concernant les rapports entre l’entrepreneur individuel et les créanciers professionnels. Les dérogations prévues par les textes.

7.1 – Le principe : la séparation du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel

Il ressort des dispositions du 3ième alinéa de l’article L. 526-22 du Code de commerce que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine professionnel.

C’est là la conséquence directe du principe de séparation des patrimoines qui donc limite le gage des créanciers professionnels qui ne pourront donc exercer leurs poursuites sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

Le texte définit les créanciers professionnels dont le droit de poursuite est cantonné au seul patrimoine professionnel, comme ceux « dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice professionnel » de l’activité de l’entrepreneur individuel.

Dans cette optique, l’article L. 526-22 alinéa 5 du Code de commerce précise que « les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l’occasion de son exercice professionnel ».

Il en résulte donc que l’entrepreneur individuel disposera de 2 actifs (professionnel et personnel) et de 2 passifs (professionnel et personnel). En principe, seul l’actif professionnel répondra des dettes professionnelles et l’actif personnel des dettes personnelles.

La séparation entre les patrimoines professionnel et personnel n’est toutefois pas absolue, elle souffre d’un certain nombre de dérogations, à savoir :

  • possibilité pour le créancier professionnel de se constituer une sûreté réelle sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel,
  • renonciation à la séparation des patrimoines,
  • inopposabilité de la séparation des patrimoines aux créanciers publics en cas de manœuvres frauduleuses ou inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.
  • les créances concernant l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux (au niveau social et fiscal) bénéficieront d’un gage sur les deux patrimoines,
  • les créances professionnelles et personnelles antérieures au 15/05/2022.

7.2 – 1ière dérogation : possibilité pour le créancier professionnel de se constituer une sûreté réelle sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel

L’article L. 526-22 alinéa 4 du Code de commerce autorise l’entrepreneur individuel, nonobstant le principe de séparation des patrimoines, à consentir à ses créanciers professionnels des sûretés réelles (hypothèque, gage, nantissement) sur des biens relevant de son patrimoine personnel.

Par exemple, il peut constituer une hypothèque sur un bien immobilier personnel en garantie d’un prêt contracté auprès d’un établissement de crédit aux fins de financer son activité professionnelle.

Cette faculté n’est prévue par la loi qu’au bénéfice des créanciers professionnels. Il est donc interdit à l’entrepreneur individuel de constituer une sûreté réelle sur un bien relevant de son patrimoine professionnel aux fins de garantir une dette personnelle.

L’alinéa 3 de ce même article précise, en revanche, que « la distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal ».

Autrement dit, si l’entrepreneur individuel peut consentir une sûreté réelle sur un bien appartenant au patrimoine personnel, pour une dette professionnelle, il ne peut, en revanche, se porter caution sur l’ensemble de son patrimoine. 

7.3 – 2ième dérogation : renonciation, par l’entrepreneur individuel, à la séparation des patrimoines

Le 1ier alinéa de l’article L. 526-25 dispose que :

« L’entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la dérogation prévue au quatrième alinéa de l’article L. 526-22, pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret ». 

Cette renonciation qui ne concerne que le créancier professionnel (alinéa 4 de l’article L. 526-22 du Code de commerce) doit :

  • être demandée, par écrit, par le créancier professionnel,
  • concerner un engagement d’un montant déterminé ou déterminable et comportant un terme (cette renonciation ne peut pas être globale),
  • respecter les formes prescrites par les articles D. 526-28 et D. 526-29 (voir également l’arrêté du 12/05/2022 qui propose un modèle d’acte de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel),
  • l’acte de renonciation ne peut être signé par les parties qu’après un délai de réflexion (3 ou 6 jours).

7.3.1 – Le délai de réflexion de l’entrepreneur individuel pour accepter cette renonciation

Le 2ième alinéa de l’article L. 526-25 du Code de commerce dispose que « cette renonciation ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation. Si l’entrepreneur individuel fait précéder sa signature de la mention manuscrite énoncée par décret et uniquement de celle-ci, le délai de réflexion est réduit à trois jours francs ».

Il est donc indispensable pour le créancier professionnel de s’assurer que l’entrepreneur individuel a bien réceptionné sa demande de renonciation à la séparation des patrimoines, car c’est cette date de réception qui fait courir le délai de 3 ou 7 jours.

A défaut du respect de ces délais (3 et 7 jours), la renonciation doit être considérée comme nulle.

Voir ci-dessous les mentions complémentaires, à ajouter à l’acte de renonciation, pour ramener le délai de réflexion de 7 à 3 jours.

7.3.2 – L’établissement de l’acte de renonciation

L’article D. 526-28 du Code de commerce précise les mentions, obligatoires, devant figurer dans l’acte de renonciation. Il nous a semblé utile de les reproduire, au regard de la nullité de l’acte, à défaut, du respect de ces mentions.

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  1. Informations concernant l’entrepreneur individuel renonçant à la protection de son patrimoine et le bénéficiaire de la renonciation

1o En ce qui concerne l’entrepreneur individuel renonçant à la protection de son patrimoine personnel :

  • a) Les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et domicile de l’entrepreneur individuel ;
  • b)L’activité ou les activités professionnelles et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visées aux 1o à 3o de l’article R. 123-223 ;
  • c)L’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
  • d)Le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235 si l’entrepreneur est déjà immatriculé, ou, lorsqu’elle est antérieure à la date d’immatriculation, la date déclarée du début d’activité ;

2° En ce qui concerne le bénéficiaire de la renonciation :

  • a) Si le bénéficiaire de la renonciation est une personne physique :
  • les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, date, lieu de naissance et domicile du bénéficiaire de la renonciation ;
  • le cas échéant, l’activité ou les activités professionnelles exercées, l’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visées aux 1oà 3o de l’article R. 123-223 et le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
  • b)Si le bénéficiaire de la renonciation est une personne morale :
  • la raison sociale ou la dénomination sociale, suivie, le cas échéant, du sigle et de la forme ;
  • l’adresse du siège social ou de l’établissement, ou, à défaut, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée;
  • le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235;
  • l’indication que le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier.

II. Concernant l’engagement au titre duquel la renonciation est sollicitée:

 1o La date de l’engagement;

 2o L’objet de l’engagement;

 3o La date d’échéance de l’engagement, c’est-à-dire la date contractuelle prévue pour le remboursement total des sommes dues au titre de l’engagement, étant précisé que celle-ci peut être prorogée soit par un accord des parties soit par une décision judiciaire;

 4o Le montant de l’engagement ou les éléments permettant de le déterminer; ces éléments, une fois spécifiés dans l’acte de renonciation fixent définitivement le plafond pour lequel une même renonciation vaut;

 5o La date de demande de la renonciation.

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L’article D. 526-28 du Code de commerce précise que :

  • à défaut de comporter ces mentions l’acte de renonciation est nul,
  • le bénéficiaire de la renonciation informe l’entrepreneur individuel des conséquences de celle-ci sur ses patrimoines, sans toutefois que le texte fasse mention d’une sanction en l’absence de cette information,
  • l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation apposent leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu.

L’article D. 526-29 du Code de commerce prévoit que « si le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, il remet gratuitement un exemplaire du modèle type à l’entrepreneur individuel qui en fait la demande ».

7.3.3 – Les formalités complémentaires à accomplir en cas de réduction du délai de réflexion à 3 jours (article D. 526-28 du Code de commerce)

Lorsque l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation entendent réduire le délai de réflexion au terme duquel la renonciation intervient, l’acte de renonciation porte, de la main de l’entrepreneur individuel, la mention manuscrite suivante :

« Je déclare par la présente renoncer au bénéfice du délai de réflexion de sept jours francs, fixé conformément aux dispositions de l’article L. 526-25 du code de commerce. En conséquence, ledit délai est réduit à trois jours francs ».

A défaut de ces mentions l’acte de renonciation est nul.

7.4 – 3ième dérogation : l’inopposabilité de la séparation des patrimoines aux créanciers publics en cas de manœuvres frauduleuses ou inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales ou pour certains impôts (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux)

L’article L. 526-24 du Code de commerce dispose que :

« Le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale. Le droit de gage de l’administration fiscale porte également sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel pour les impositions mentionnées au III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales ».

Ainsi, la dissociation des patrimoines ne sera pas opposable à l’administration fiscale et aux organismes de sécurité sociale en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales. 

Concernant l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et la taxe foncière afférente aux immeubles utiles à l’activité professionnelle, le III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales dispose que :

« Le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle dont est redevable la personne physique exerçant une activité professionnelle en tant qu’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal peut être recherché sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel. Le présent III n’est pas applicable au recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux lorsque l’entrepreneur individuel a opté pour l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 1655 sexies du code général des impôts ».

Pour ce qui est des créances sociales, le droit de gage des organismes de recouvrement porte également sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel (article L. 133-4-7 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale), pour le recouvrement des impositions et contributions suivantes : impôt sur le revenu dû par les travailleurs indépendants soumis à un régime micro (article L. 613-7 du Code de sécurité sociale), contributions sociales sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement (article L. 136-3 du Code de sécurité sociale) et contribution au remboursement de la dette sociale.

8 – Les effets qui découlent de séparation des patrimoines concernant les rapports entre l’entrepreneur individuel et les créanciers personnels

L’article L. 526-22 alinéa 6 du Code de commerce dispose que « seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel ».

Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées en dehors du cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine personnel.

Il en résulte que les biens relevant du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont hors de portée de ses créanciers personnels dont le gage est limité aux seuls biens qui ne sont pas utiles à l’activité professionnelle.

Le législateur a prévu deux dérogations à ce principe.

Rappelons, que le créancier personnel contrairement au créancier professionnel ne peut :

  • bénéficier du renoncement, par l’entrepreneur individuel, à la séparation des patrimoines,
  • obtenir une sûreté réelle sur un bien professionnel.

8.1 – En cas d’insuffisance du patrimoine personnel, le droit de gage du créancier personnel pourra s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice (6ième alinéa de l’article L. 526-22 du Code de commerce)

Pratiquement, dans l’hypothèse où la réalisation de l’actif relevant du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ne permettrait pas de désintéresser totalement ses créanciers personnels, le droit de gage de ces derniers pourra s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

8.2 – Concernant les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité

L’article L. 526-22 alinéa 6 du Code de commerce prévoit que les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.

Il en résulte que dans l’hypothèse où une sûreté serait constituée sur un bien devenu utile à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel en garantie d’une dette personnelle, le bénéficiaire de la sûreté sera autorisé à saisir le bien grevé, nonobstant le principe de séparation des patrimoines.

8.3 – Concernant les créances antérieures au 15/05/2022

Le nouveau régime de l’entrepreneur individuel n’étant applicable aux créances, qu’à compter du 15/05/2022, les créances antérieures, à cette date, auront donc pour gage, l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

9 – Traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel

9.1 – Ouverture des procédures collectives et de surendettement : compétence exclusive du tribunal des procédures collectives (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire)

Aux termes du nouvel article L. 681-1 du Code de commerce, quel que soit le patrimoine concerné (professionnel ou personnel) par la défaillance d’un entrepreneur individuel, seul le tribunal de la procédure collective est compétent pour l’appréciation des difficultés de l’entrepreneur individuel.

Il en résulte que l’entrepreneur individuel en difficulté, ne peut s’adresser qu’au tribunal de commerce ou au tribunal judiciaire, pour examiner sa situation financière concernant aussi bien son patrimoine professionnel que son patrimoine personnel. Comme nous l’examinerons ci-dessous,  le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire pourra, dans certaines conditions et avec l’accord du débiteur, transmettre le dossier ou une partie du dossier à la commission de surendettement, qui traitera les difficultés concernant le patrimoine personnel.

La commission de surendettement est donc incompétente pour traiter directement les difficultés d’un entrepreneur individuel, concernant son patrimoine personnel.

9.1.1 – La demande d’ouverture d’une procédure par l’entrepreneur individuel en difficulté

L’article R. 681-1 du Code commerce précise que, lors de la demande d’ouverture de la procédure collective, l’entrepreneur individuel devra :

  • présenter sa situation de trésorerie, l’était chiffré des créances et des dettes, l’état actif et passif et l’inventaire sommaire des biens, en distinguant les biens, droits ou obligations de l’entrepreneur individuel relevant du patrimoine professionnel et ceux relevant du patrimoine personnel,
  • également joindre à sa demande d’ouverture les actes de renonciation qu’il aurait pu signer au bénéfice de certains créanciers professionnels,
  • joindre les pièces et informations mentionnées aux articles R. 721-2 et R. 721-3 du Code de la consommation.

L’entrepreneur individuel pourra solliciter, dans sa demande d’ouverture, le bénéfice des mesures de traitement de surendettement.  Rappelons, que la procédure de surendettement ne peut être ouverte qu’avec l’accord du débiteur, accord qui peut d’ailleurs être recueilli lors de l’audience au cours de laquelle il est statué sur l’ouverture de la procédure collective (article R. 681-2 du Code de commerce).

9.1.2 – Le jugement : appréciation des difficultés patrimoine par patrimoine

L’article R. 681-3 du Code de commerce, précise que le tribunal doit apprécier « dans un même jugement » si les conditions d’ouverture d’une procédure collective et d’une procédure de surendettement sont « alternativement ou cumulativement » réunies.

Les différentes décisions que le tribunal devra prendre à l’examen de la situation des patrimoines professionnel et personnel, seront examinées ci-dessous.

Le tribunal devra donc motiver avec précision son jugement quant à l’existence des conditions d’ouverture d’une procédure collective et/ou d’une procédure de surendettement.

Cette procédure est également applicable au rétablissement professionnel, dans le respect des règles propres à cette procédure (article L. 681-1 du Code de commerce).

9.1.3 – Interrogation : les textes ne donnent aucune précision concernant la demande d’ouverture d’une procédure collective par assignation d’un créancier

Les textes ne prennent en compte que l’ouverture d’une procédure sur demande de l’entrepreneur individuel, en passant sous silence, la demande d’ouverture d’une procédure collective, d’un entrepreneur individuel, par assignation d’un créancier. Cette absence de précision nous amène à nous poser un grand nombre de questions, en voici quelques-unes.

Sauf, si le débiteur présent à l’audience est en mesure de produire, rapidement, au tribunal l’ensemble des pièces et renseignements nécessaires pour effectuer une répartition entre le patrimoine professionnel et le patrimoine privé, le tribunal ne pourra se prononcer, en particulier, sur le surendettement, que postérieurement à l’ouverture de la procédure.

9.1.4 – Interrogation : constatation, ultérieurement à l’ouverture de la procédure collective, par le tribunal que l’entrepreneur individuel a effectué des déclarations inexactes

Si le tribunal constate, après avoir ouvert une procédure collective et avoir saisi la commission de surendettement, que les conditions n’étaient pas remplies pour une telle procédure (en particulier certains créanciers professionnels disposent d’un droit de gage sur le patrimoine personnel), quel est la procédure à adopter ?

Le tribunal peut-il alors faire application du 3ième alinéa de l’article L. 621-2 du Code de commerce, qui prévoit que le tribunal peut prononcer la confusion du patrimoine professionnel et personnel ?

Dans cette hypothèse, il semble à la lecture de l’article R. 621-8-1 alinéa 1 du Code de commerce, que les patrimoines professionnel et personnel soient réunis, dans une même procédure !

9.2 – Ouverture des différentes procédures possibles

Le nouveau titre VIII bis du livre VI du code de commerce (Dispositions particulières à l’entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section III du chapitre VI du titre II du livre V) a prévu une articulation des procédures du droit des entreprises en difficulté et du droit du surendettement, dont le décret est venu préciser les modalités. Au regard des nouveaux articles L. 681-2 et L. 681-3 du code de commerce, quatre situations peuvent se présenter au tribunal.

Le tribunal étant amené à juger si l’entrepreneur individuel pourrait bénéficier des mesures de traitement des situations de surendettement, il paraît utile de reproduire ici l’article L. 711-1 modifié du Code de la consommation, qui en fixe les conditions :

« Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.

La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.

L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement ». 

Remarques concernant l’article L. 711-1 du Code de la consommation

  • la nouvelle rédaction de l’article L. 711-1 du Code de la consommation a pour conséquence qu’un gérant majoritaire de SARL pourra bénéficier de la procédure de surendettement, puisque celle-ci englobe, maintenant, les dettes professionnelles d’une personne physique qui n’a pas la qualité de commerçant,
  • la situation de surendettement n’est pas caractérisée par la notion de « cessation des paiements», mais par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes personnelles, pour un entrepreneur individuel, exigibles et à échoir,
  • la valeur estimée de la résidence principale ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement,
  • le cautionnement doit-être pris en compte, lorsque la caution a l’obligation de faire face à son engagement.

9.2.1 – 1ier cas : ouverture d’une procédure portant sur le seul patrimoine professionnel (II de l’article L. 681-2 du Code de commerce).

Lorsque les conditions d’ouverture d’une procédure collective en fonction de la situation du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont les seules à être réunies, le tribunal ouvre une sauvegarde, un redressement ou une liquidation judiciaire dont les effets sont en principe limités au seul patrimoine professionnel.

Le tribunal devra porter une attention toute particulière sur :

  • l’état des créances qui ne pourra comporter que des dettes professionnelles, auquel il convient d’y inclure :
  • les dettes personnelles de la période antérieure au 15/05/2022, si l’entrepreneur individuel exerçait son activité antérieurement à cette date,
  • certaines dettes fiscales et sociales (voir ci-après)
  • la constitution de l’actif, qui ne doit comprendre que les biens professionnels, mais il conviendra de prendre en compte :
  • l’acte de renonciation de la séparation des patrimoines, au bénéfice d’un créancier, pour une créance déterminée,
  • l’obtention par un créancier d’une sûreté réelle sur un bien personnel de l’entrepreneur individuel.

Il semble difficile de faire application de cette procédure pour un entrepreneur individuel ayant commencé son activité avant le 15/05/2022 et pour un passif antérieur à cette date.

En application de l’article L. 661-1 du Code de commerce seuls, le débiteur, le créancier poursuivant et le ministère public pourront faire appel du jugement.

9.2.2 – 2ième cas : ouverture d’une procédure unique portant sur les patrimoines professionnel et personnel (III de l’article L. 681-2 du Code de commerce)

Lorsque l’entrepreneur individuel cumule les difficultés au sein de ses deux patrimoines et que les conditions d’ouverture d’une procédure collective (en fonction de la situation de son patrimoine professionnel) ainsi que celles justifiant du surendettement (en fonction du patrimoine personnel) sont réunies à la date du jugement d’ouverture, par principe, l’entrepreneur en difficulté fait l’objet d’une procédure collective pour le tout, laquelle vise à la fois le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel.

Le tribunal qui ouvre cette procédure en informe la commission de surendettement, qui n’aura donc à traiter de la procédure de surendettement.

Pour autant, il ne faut pas voir dans ce traitement la réunion des patrimoines. En effet, la séparation patrimoniale dont bénéficie l’entrepreneur individuel est maintenue. Ce qui, probablement aura, pour conséquence l’établissement de deux états de créances, avec mention des créanciers possédant un gage dans les deux patrimoines.

Dans ce sens, le III de l’article L. 681-2 du Code de commerce précise que « les droits de chaque créancier sur le patrimoine professionnel, le patrimoine personnel ou tout ou partie de ces patrimoines sont déterminés » conformément aux articles L. 526-22 et suivants du Code de commerce. Dès lors, le tribunal traite, dans un même jugement, des dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable sur ses patrimoines professionnel et personnel, en fonction du droit de gage de chaque créancier, sauf dérogations contraires.

Il semble que dans conditions aucune modification ne sera portée à l’insaisissabilité  de la résidence principale, qui ne pourra donc être saisie par un créancier professionnel, sauf exceptions (voir ci-dessous).

Cette procédure ne sera pas applicable si deux conditions sont remplies :

  • premièrement, si l’entrepreneur individuel à respecter strictement la distinction des patrimoines professionnel et personnel,
  • deuxièmement, le droit de gage des créanciers professionnels ne doit pas porter sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur.

Comme pour le premier cas, le débiteur, le créancier poursuivant et le ministère public pourront faire appel du jugement.

9.2.2.1 – Question concernant le traitement de la procédure

Au regard du IV de l’article L. 681-2 du Code de commerce, si le tribunal doit faire la distinction entre les patrimoines professionnel et privé, le dossier sera intégralement géré, suivant le livre VI du commerce et non suivant le Code de la consommation pour le patrimoine personnel.

Dans ces conditions sera-t-il possible de prendre par chaque patrimoine des décisions finales différentes, par exemple redressement pour le patrimoine professionnel et liquidation judiciaire pour le patrimoine personnel.

9.2.2.2 – Question concernant le respect de la séparation des patrimoines

Il est difficile aujourd’hui de définir ce que recouvre, exactement cette exigence du respect strict de la séparation des patrimoines.

En présence, par exemple, d’un compte bancaire qui regroupe les opérations professionnelles et personnelles, ou l’existence de prélèvements supérieurs au bénéfice, le tribunal doit-il considérer que l’entrepreneur individuel n’a pas strictement respecté la répartition des patrimoines ?

De plus, il est probable que le tribunal ne disposera pas, au jour de l’ouverture de la procédure collective, des éléments lui permettant de se faire une opinion concernant le respect de la séparation des patrimoines. Faut-il alors faire application de l’article L. 621-2 alinéa 3, qui prévoit que la procédure peut être étendue aux autres patrimoines du débiteur, en cas de manquement grave ? Que devient alors la procédure de surendettement ?

9.2.2.3 – Question concernant la liquidation judiciaire

En cas de liquidation judiciaire des patrimoines professionnelle et personnel, le dessaisissement du débiteur vise-t-il des deux patrimoines du débiteur.

9.2.3 – 3ième cas : ouverture de deux procédures parallèles (IV de l’article L. 681-2 du Code de commerce).

Il s’agit ici d’un entrepreneur individuel, pour lequel les conditions d’ouverture d’une procédure collective et d’une procédure de surendettement sont réunies, mais qui :

  • d’une part, a respecté strictement la distinction des patrimoines professionnel et privé,
  • d’autre part, le droit de gage d’un créancier professionnel ne porte pas sur le patrimoine personnel.

Lorsque ces conditions sont réunies, le tribunal qui ouvre la procédure collective de l’entrepreneur individuel saisit, avec l’accord du débiteur, la commission de surendettement aux fins de traitements des dettes dont ce dernier est redevable sur son patrimoine personnel.

A noter, qu’à défaut d’accord de l’entrepreneur individuel, concernant le surendettement, le tribunal ne fera application que des règles de la procédure collective sur le patrimoine professionnel, aucune procédure (surendettement) ne sera donc ouverte.

L’entrepreneur individuel sera ainsi soumis à 2 procédures parallèles, le tribunal et la commission de surendettement s’informant réciproquement de l’évolution de chacune d’entre elles (article R. 681-7 du Code de commerce).

Rappelons :

  • que l’administration fiscale dispose d’un gage sur l’ensemble des patrimoines concernant l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et la taxe foncière afférente aux immeubles utiles à l’activité professionnelle,
  • que si l’entrepreneur individuel a commencé son activité antérieurement au 15/05/2022, il n’existe pas de séparation des patrimoines,
  • il est probable que les banques, pour accorder des crédits, essaieront d’obtenir de la part de l’entrepreneur une renonciation à la séparation des patrimoines ou une hypothèque sur un bien personnel.

Pour toutes ces raisons, il est donc probable, que le tribunal sera amené à ouvrir des procédures couvrant à la fois les patrimoines professionnel et personnel (2ième cas).

9.2.3.1 – Interrogation concernant les créanciers personnels ayant un droit de gage sur le patrimoine professionnel

Le législateur n’envisageant pas le cas du créancier personnel disposant d’un gage sur le patrimoine professionnel, comment sera traitée cette dette entre le tribunal de commerce et la commission de surendettement ?

9.2.3.2 – Interrogation concernant un entrepreneur individuel pour qui le tribunal de commerce a ouvert une procédure collective et qui demanderait ultérieurement à bénéficier de la procédure de surendettement

Dans cette hypothèse, l’entrepreneur individuel doit-il faire sa demande au tribunal de commerce ? Même question, si l’entrepreneur individuel est en plan ?

9.2.4 – 4ième cas : ouverture d’une procédure unique portant sur le patrimoine personnel (L. 681-3 du Code de commerce)

Si seules les conditions du surendettement sont réunies, le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire renvoie l’affaire, avec l’accord du débiteur, devant la commission de surendettement.

Comme précédemment, à défaut d’accord de l’entrepreneur individuel, aucune procédure de surendettement ne sera ouverte.

Si la commission constate au cours de la procédure de surendettement que les conditions d’ouverture d’une procédure collective sont remplies, elle invitera le débiteur à demander l’ouverture d’une telle procédure. Si le débiteur effectue cette démarche, le tribunal ouvrira alors une procédure collective pour les patrimoines professionnel et personnel, et la commission sera dessaisie, sauf si l’entrepreneur individuel à respecter strictement la séparation des patrimoines et que le gage des créanciers professionnels ne porte pas sur le patrimoine personnel.

9.2.5 – Quelques remarques concernant l’ouverture des procédures

Concernant les 3ième et 4ième cas, des règles procédurales sont spécifiquement prévues :

  • l’accord du débiteur, requis pour saisir la commission de surendettement, peut être recueilli lors de l’audience au cours de laquelle le tribunal examine la demande d’ouverture (article R. 681-2 du Code de commerce). Afin d’éviter toute incertitude ou contentieux, l’accord du débiteur devrait être mentionné clairement dans le jugement d’ouverture ou de renvoi,
  • Concernant les cas n° 3 et 4 :
  • le créancier qui n’est pas partie au jugement et qui conteste la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel (10 jours à compter de la notification qui lui a été faite ou de la publication du jugement au BODACC) (article R. 681-6 du Code de commerce),
  • en cas de contestation, l’entrepreneur individuel, les créanciers connus, le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire, lorsqu’il en a été désigné un, sont « convoqués par tout moyen et sans délai par le greffe. Le tribunal recueille alors leurs observations et statue sur l’ensemble des contestations soulevées » (article R. 681-6, alinéa 2 du Code de commerce),
  • « le jugement est notifié par le greffe au débiteur et aux créanciers dont l’existence a été signalée par le débiteur», avec avis s’il y a lieu au mandataire judiciaire, au ministère public et à l’administrateur judiciaire s’il en a été désigné un (alinéa 2 de l’article R. 681-4 du Code de commerce),

9.3 – Autres dispositions (non exhaustives)

9.3.1 – L’état de cessation des paiements

L’état de cessation devra s’apprécier, pour un entrepreneur individuel, qu’au regard du seul patrimoine professionnel (2ième alinéa de l’article L. 631-1 du Code de commerce).

Cette modification de la constatation de l’état de cessation des paiements, qui paraît logique, soulève toutefois quelques difficultés. Faut-il inclure dans le passif professionnel :

  • le droit de gage des créanciers personnels, pouvant s’exercer sur le montant du bénéfice réalisé au cours du dernier exercice clos, en cas d’insuffisance du patrimoine personnel pour couvrir les dettes personnelles. De plus, ce montant va s’avérer difficile à estimer ;
  • le droit de gage de l’administration fiscale qui peut porter, comme nous l’avons vu précédemment, sur les patrimoines professionnel et personnel alors même que les dettes sont des dettes de nature personnelle (impôt sur le revenu par exemple).

Réciproquement faut-il déduire du passif professionnel les dettes pour lesquelles le créancier bénéficie d’un gage sur le patrimoine personnel, et pour lequel ledit patrimoine peut faire face.  

9.3.2 – Compétence en matière de contestations relatives à la séparation des patrimoines

Le V de l’article L. 681-2 du Code de commerce dispose que le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire « connaît des contestations relatives à la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel que s’élèvent à l’occasion de la procédure ouverte ». la commission de surendettement étant, sur ce point, tenue à l’écart.

De plus, concernant le cas n° 3, le IV de l’article L. 681-2 du Code de commerce, dispose que « Le tribunal exerce les fonctions du juge des contentieux de la protection, qu’il peut déléguer en tout ou partie au juge-commissaire ».

9.3.3 – Interdiction de modifier le patrimoine professionnel pendant la procédure collective

Le VI de l’article L. 681-2 dispose que :

«  Le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, jusqu’à la clôture de la procédure ou, le cas échéant, jusqu’à la fin des opérations du plan, interdiction pour tout débiteur entrepreneur individuel, sous réserve du versement de ses revenus, de modifier son patrimoine professionnel, lorsqu’il en résulterait une diminution de l’actif de ce patrimoine.

Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public dans le délai de trois ans à compter de sa date ».

En indiquant que l’entrepreneur individuel ne pourra modifier son patrimoine professionnel jusqu’à la fin des opérations du plan, faut-il en déduire concernant une cession partielle d’actif ?

9.3.4 – Possibilité pour un entrepreneur individuel en liquidation judiciaire d’exercer immédiatement une nouvelle activité professionnelle

 

VII de l’article L. 681-2 du Code de commerce :

« Lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, l’entrepreneur individuel peut exercer une nouvelle activité professionnelle. Un nouveau patrimoine professionnel est alors constitué. Ce patrimoine professionnel n’est pas concerné par la procédure ouverte.

Le débiteur ne peut constituer plus de deux patrimoines distincts de son patrimoine personnel.

La faculté d’exercer une nouvelle activité professionnelle dans les conditions prévues au premier alinéa du présent VII ne s’applique pas au débiteur qui, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, a fait l’objet, depuis moins de cinq ans, d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou d’une décision de clôture d’une procédure de rétablissement professionnel.

En cas de scission du patrimoine professionnel prévue au présent VII, le jugement de liquidation judiciaire emporte interdiction de toute opération entraînant une diminution de l’actif du patrimoine faisant l’objet de la procédure au profit de toute autre activité exercée par le débiteur ».

Il s’agit d’une exception au principe qu’un entrepreneur individuel selon lequel il ne peut disposer que d’un seul patrimoine professionnel.

En effet, en cas de prononcé de la liquidation judiciaire d’un entrepreneur individuel, celui-ci pourra immédiatement reprendre une nouvelle activité professionnelle individuelle, ce qui aura pour conséquence, à compter du début de cette nouvelle activité, la création d’un nouveau patrimoine professionnel.

A noter, que ledit article précise, que ce second patrimoine professionnel ne pourra pas être constitué par une partie du patrimoine professionnel compris dans la procédure de liquidation ,judiciaire.

9.3.5 – Réalisation de biens acquis d’une succession ou de biens composant un autre patrimoine ou insaisissables

Le nouvel article L. 642-22 du Code de commerce a été entièrement réécrit, il précise que :

« I. — Le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d’une succession ouverte après l’ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l’indivision pouvant en résulter.

II. — Sur la demande du débiteur et avec l’autorisation du juge-commissaire ou du tribunal, le liquidateur peut réaliser des biens ou droits composant un autre patrimoine de l’entrepreneur ou insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de celui-ci, lorsque cette cession facilite la réalisation des actifs du patrimoine saisi par l’effet de l’ouverture de la liquidation judiciaire.

III. — La contrepartie de la valeur de ces biens ou droits s’y substitue dans le patrimoine dont ils sont issus ».

9.3.6 – Concernant le rétablissement professionnel

 L’article L. 645-1 du Code commerce précise d’une part, que lorsque le débiteur est titulaire de plusieurs patrimoines, le seuil de 15.000 euros est déterminé en prenant en compte l’ensemble de ses patrimoines et d’autre part qu’un rétablissement professionnel ne pourra être ouvert en cas d’instance prud’homale en cours impliquant le débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines.

L’article L. 645-11 du Code commerce ajoute deux nouveaux paragraphes ainsi libellés :

« Ne peuvent être effacées les dettes grevant un patrimoine dont la situation n’est pas irrémédiablement compromise.

Aucune dette ne peut être effacée lorsqu’il apparaît que le montant du passif total est disproportionné au regard de la valeur de l’actif, biens insaisissables de droit non compris ».

9.3.7 – Les modifications concernant les conditions d’application de la liquidation judiciaire simplifiée

Depuis le 01/10/2021, la seule condition interdisant au tribunal d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’encontre d’un entrepreneur individuel, était qu’il possédait un bien immobilier.

L’article L. 641-2 du Code de commerce précise aujourd’hui que cette condition ne concerne pas la résidence principale.

Ainsi, les seuls débiteurs personnes physiques non éligibles à la liquidation judiciaire simplifiée seront ceux dont l’actif comprend un ou des biens immobiliers autres que la résidence principale.

9.3.8 – Sanctions de l’entrepreneur individuel

Nouvel alinéa à l’article L. 651-2, ainsi rédigé :

« Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l’égard d’un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section III du chapitre VI du titre II du livre V du présent code, le tribunal peut également, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine personnel.

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ».

La loi du 14/02/2022 adapte également les textes aménageant des sanctions professionnelles à l’entrepreneur individuel. Ainsi, l’article L. 653-3 3° sanctionne, l’entrepreneur individuel, de la faillite personnelle le fait d’ « avoir fait des biens ou du crédit de l’entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l’intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnes ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant ».

10 – Quelques précisions concernant l’insaisissabilité de biens immobiliers

Rappelons, que l’article L. 526-1 du Code de commerce a rendu insaisissable, sans aucune formalité à accomplir, la résidence principale d’un débiteur personne physique, pour la partie non utilisée pour un usage professionnel, pour les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur.

Que de même, l’alinéa 2 de ce même article dispose qu’un débiteur personne physique peut déclarer, par publication au fichier immobilier, insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas utilisé pour un usage professionnel et ceci pour les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

La réforme du statut de l’entrepreneur individuel n’a pas modifiée ces dispositions (alinéa 4 de l’article L. 526-22 du Code de commerce).

On peut toutefois préciser que :

  • lorsque la procédure collective de l’entrepreneur individuel produit ses effets sur le seul patrimoine professionnel, les biens insaisissables échappent toujours aux créanciers professionnels, sauf :
  • lorsque l’administration fiscale relève à l’encontre de l’entrepreneur principal, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales (alinéa 3 de l’article L. 526-1 et article L. 526-24 du Code de commerce),
  • lorsque la procédure collective produite ses effets sur le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, les biens ne pourront être appréhendés que par les créanciers professionnels bénéficiant d’une renonciation à l’insaisissabilité à leur profit.

Questions :

  • L’article 3 de l’article L. 526-1 du Code de commerce ne fait pas mention des organismes de sécurité sociale, concernant l’insaisissabilité de certains biens immobiliers en cas de fraude. Faut-il en déduire que dans ce cas, la résidence principale est insaisissable pour les organismes de sécurité sociale.
  • En cas de renonciation par l’entrepreneur individuel, au bénéfice d’un créancier professionnel, de la séparation des patrimoines, la résidence principale du débiteur conserve-t-elle son insaisissabilité ?
  • De même, lorsque le droit de gage de l’administration fiscale, s’exerce, concernant sur l’impôt sur le revenu de l’entrepreneur individuel, sur le patrimoine professionnel et personnel, la résidence principale du débiteur conserve-t-elle son insaisissabilité ?

11 – Transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

La transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ne constituant pas l’objet de la présente étude, nous nous contenterons de quelques remarques générales et de la reproduction des deux articles du Code de commerce qui traitent de cette nouvelle disposition.

Il est reconnu à l’entrepreneur la faculté de céder ou de donner l’intégralité de son patrimoine professionnel sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.

Contrairement à la cession d’un fonds de commerce, qui ne porte que sur un actif composé de divers biens et droits, le transfert de patrimoine professionnel peut aussi porter sur des dettes professionnelles.

Ce n’est d’ailleurs que si le transfert porte sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel que les règles propres à la transmission universelles peuvent jouer.

A cet égard, selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, la transmission universelle obéira à des règles différentes.

La transmission universelle à titre onéreux devrait ainsi être soumise au régime de la vente, tandis que la transmission universelle à titre gratuit devrait être soumise au régime des donations.

Quant à la transmission du patrimoine au profit d’une société, elle devrait être régie par les règles de l’apport.

Article L. 526-27 du Code de commerce :

«  L’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. Le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés.

Le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué. Il peut être consenti à titre onéreux ou gratuit. Lorsque le bénéficiaire est une société, le transfert des droits, biens et obligations peut revêtir la forme d’un apport.

Sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats.

Dans le cas où le cédant s’est obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel, l’inexécution de cette obligation engage sa responsabilité sur l’ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert.

Le transfert de propriété ainsi opéré n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité, dans des conditions prévues par décret ».

Article L. 526-28 du Code de commerce

« Les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel, dans un délai fixé par décret..

L’opposition formée par un créancier n’a pas pour effet d’interdire le transfert du patrimoine professionnel.

La décision de justice statuant sur l’opposition soit rejette celle-ci, soit ordonne le remboursement des créances ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

Lorsque la décision de justice lui ordonne le remboursement des créances, l’entrepreneur individuel auteur du transfert est tenu de remplir son engagement dans les conditions prévues à l’article 2284  du code civil, sans préjudice de l’article L. 526-1 du présent code ».

12 – Le régime fiscal de l’entrepreneur individuel

Normalement, l’entrepreneur individuel est soumis de plein droit à l’impôt sur le revenu.

A compter du 15/05/2022, l’article 13 de la loi de finances pour 2022 offre à l’entrepreneur individuel le droit d’opter pour l’IS à condition qu’il relève d’un régime réel d’imposition.

Le décret n° 2022-933 du 27/06/2022 en précise les conditions et les modalités de renonciation.

S’agissant ici de questions fiscales qui nécessiteraient un développement particulier, qui n’est l’objet de la présente étude, nous nous contenterons d’effectuer  deux observations.

Dans cette hypothèse, le régime social de l’entrepreneur individuel est aménagé, permettant de bénéficier du régime social des travailleurs non-salariés. Seront soumis aux cotisations sociales :

  • la rémunération de l’entrepreneur s’est versée (constatée en charge),
  • et les sommes qu’il a prélevées sur les bénéfices et qui sont imposées comme des dividendes. Les cotisations des indépendants ne s’appliquent sur ces dividendes que pour la partie qui dépasse 10 % du bénéfice net imposable. Pour la partie des dividendes prélevés qui ne dépasse pas ce seuil, pas de cotisations. L’entrepreneur devra néanmoins payer les contributions sociales applicables aux revenus du patrimoine, soit actuellement 17,2 %.

Il convient de rappeler, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, que le créancier personnel ne pourra pas en cas d’insuffisance du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel, exercer un droit de gage sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice, si l’entrepreneur individuel à opter pour le régime fiscal de l’IS.