Article 1218
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 ».
De cette définition de la force majeure, donnée par l’article 1218, il apparaît que trois éléments doivent être réunis pour qu’un évènement soit qualifié de force majeure, L’évènement doit :
Ce texte n’étant pas impératif, il n’est pas douteux que les parties demeurent libres de prévoir à l’avance les conséquences de la survenance d’un évènement de force majeure sur leurs relations contractuelles.
L’article 1218 précise que pour constituer un cas de force majeure l’événement invoqué doit avoir échappé au contrôle du débiteur. Ce critère, remplace l’exigence d’extériorité, qui était imposée par une partie de la jurisprudence.
La question qui se pose est alors de savoir à quelles hypothèses correspond un événement qui échappe au contrôle du débiteur.
On pourrait considérer qu’il s’agit d’un événement qui serait étranger à son activité, car ne relevant pas de son contrôle. Cette interprétation conduirait néanmoins à réintroduire le critère d’extériorité. Or cela serait contraire à la volonté du législateur.
Aussi, convient-il d’admettre que le nouveau critère posé par l’article 1218 couvre un spectre plus large de situations, lesquelles sont susceptibles de correspondre, tant à des évènements externes qu’internes.
Ce qui importe, pour constituer un cas de force majeure, c’est que le débiteur n’ait pas de prise sur l’événement invoqué, celui-ci échappant à son contrôle.
Pris dans cette acception, le critère de « l’absence de contrôle » autorise à inclure, à l’instar de certaines décisions, dans le giron des cas de force majeure la maladie du débiteur ou encore la grève à la condition néanmoins que, dans ces deux cas, l’événement invoqué ne résulte pas de la conduite du débiteur.
En effet, la maladie qui serait causée par la conduite à risque du débiteur ne devrait, a priori, pas être constitutive d’un cas de force majeure. Il en va de même pour une grève qui prendrait sa source dans une décision de l’employeur.
Cour de cassation, assemblée plénière du 14/04/2006, n° 02-11168.
« Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Douai, 12 novembre 2001), que M. X… a commandé à M. Y… une machine spécialement conçue pour les besoins de son activité professionnelle ;
Qu’en raison de l’état de santé de ce dernier, les parties sont convenues d’une nouvelle date de livraison qui n’a pas été respectée ;
Que les examens médicaux qu’il a subis ont révélé l’existence d’un cancer des suites duquel il est décédé quelques mois plus tard sans que la machine ait été livrée ;
Que M. X… a fait assigner les consorts Y…, héritiers du défunt, en résolution du contrat et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen :…
Mais attendu qu’il n’y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ;
Qu’il en est ainsi lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter par la maladie, dès lors que cet événement, présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution, est constitutif d’un cas de force majeure ;
Qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que seul Michel Y… était en mesure de réaliser la machine et qu’il s’en était trouvé empêché par son incapacité temporaire partielle puis par la maladie ayant entraîné son décès, que l’incapacité physique résultant de l’infection et de la maladie grave survenues après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible et que la chronologie des faits ainsi que les attestations relatant la dégradation brutale de son état de santé faisaient la preuve d’une maladie irrésistible, la cour d’appel a décidé à bon droit que ces circonstances étaient constitutives d’un cas de force majeure ».
Le deuxième élément de la définition de la force majeure posé par l’article 1218 du Code civil concerne l’imprévisibilité de l’événement.
Ce critère appelle deux observations :
Ainsi, en fonction des circonstances de lieu, de date, de saison, peuvent ne peut pas être regardés comme des cas de force majeure, le verglas, la tempête, le vent, l’orage, les inondations, les chutes de neige, le brouillard, les glissements et effondrements de terrains, etc…Exemple, une inondation dans un terrain reconnu inondable, ne peut constituer un cas de force majeure.
Troisième et dernier critère caractérisant la force majeure, posée par l’article 1218, alinéa 1 du Code civil : l’irrésistibilité.
Le texte dispose que la force majeure est constituée lorsque les effets de l’événement « ne peuvent être évités par des mesures appropriées. »
Le rapport au Président de la république précise que l’irrésistibilité de l’événement doit l’être, tant dans sa survenance (inévitable) que dans ses effets (insurmontables).
L’irrésistibilité implique donc une appréciation du comportement de l’individu pendant toute la durée de réalisation de l’événement, de son fait générateur à ses conséquences.
Pour que l’événement soit irrésistible il faut que la personne concernée ait été dans l’impossibilité d’agir autrement qu’elle l’a fait.
Aussi, dès lors que l’événement peut être surmonté, y compris dans des conditions plus difficiles par le débiteur, il n’est pas fondé à se prévaloir de la force majeure.
Outre l’exonération de responsabilité du débiteur, la force majeure a pour effet, la suspension ou l’extinction du contrat.
Pour que la force majeure produise ses effets, le débiteur doit justifier d’un empêchement qui rend l’exécution de son obligation, non pas difficile, mais impossible.
L’impossibilité sera appréciée objectivement par la juridiction saisie, soit, non pas en considération de la personne du débiteur, mais en fonction d’éléments objectifs.
Lorsque l’empêchement est temporaire, l’article 1218 prévoit que l’exécution de l’obligation est suspendue.
A titre d’exception, l’article 1218, prévoit que l’empêchement temporaire peut entraîner, non pas la suspension, mais l’extinction du contrat, lorsque le retard justifie sa résolution. On peut imaginer que le texte vise l’hypothèse où l’exécution tardive de l’obligation ne présente plus aucun intérêt pour le créancier.
Lorsque l’empêchement est définitif, l’article 1218 prévoit que le contrat est résolu de plein droit.
Il appartiendra désormais au créancier insatisfait de contester, devant le juge, la résolution invoquée par le débiteur prétendument empêché d’exécution par un cas de force majeure.
Quant aux modalités de cette libération automatique, le texte renvoie aux articles 1351 à 1351-7, qui régissent les restitutions et dont il conviendra de se reporter.
Site “A. Bamdé et J. Bourdoiseau” : la force majeure en matière contractuelle, notion et effets.
DALLOZ – Documentation/Répertoire de droit civil : force majeure.
LEXIS 360 – Encyclopédies/JCL. Civil Code/Art. 1218 : force majeure.