Par procédure il faut entendre, un ensemble de formalités à accomplir par les parties (le demandeur ou le défendeur) à un procès, ainsi que leur représentant ou les auxiliaires de justice (avocat, huissier). Ce type d’acte est destiné à entamer une action en justice, à assurer le déroulement de la procédure, à suspendre ou éteindre celle-ci, ou à faire exécuter un jugement.
Exemple : assignation, signification d’un jugement…
La nullité d’un acte de procédure c’est la sanction, à savoir l’invalidité de l’acte, en cas d’absence ou d’irrégularité d’une forme ou mention imposée par la loi.
Exemple : l’’assignation à comparaître peut-être déclarée nulle si elle ne porte pas l’une des mentions exigées par l’article 56 du Code de procédure civile (indication des modalités de comparution devant la juridiction, par exemple).
Le Code de procédure civile fait une distinction entre la nullité pour vice de forme (articles 112 à 116 du Code de procédure civile) et la nullité pour irrégularité de fond (articles 117 à 121 du Code de procédure civile).
L’exception de vice de procédure a pour origine une irrégularité qui concerne le fond ou la forme de l’acte de procédure. Elle affecte la validité de la procédure elle-même.
La fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même.
Une exception de procédure a pour finalité la nullité de la procédure. Une fin de non-recevoir a pour conséquence l’irrecevabilité de la demande.
Exemple : En cas de cession de créance, la société bénéficiaire doit prouver la réalité de ladite cession et de plus qu’elle concerne bien le débiteur appelé à la cause. En l’absence de cette démonstration, il y a défaut de qualité à agir et donc irrecevabilité de la demande. Le demandeur n’est titulaire d’aucun droit à faire valoir.
Par contre, si une personne agit pour le compte d’une société alors qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir à cet effet, il y a vice de procédure et donc nullité de l’assignation. La société dispose peut-être d’un droit, mais la personne qui la représente n’est pas titulaire d’un pouvoir pour la représenter.
La nullité, prononcée par le juge, a pour effet l’anéantissement rétroactif de l’acte irrégulier.
Si la nullité d’une assignation éteint l’instance, il est théoriquement possible de la renouveler, par une nouvelle assignation régulière.
Notons que l’article 2241 du Code civil précise qu’une assignation, même annulée pour vice de procédure, interrompt la prescription.
L’article 650 du Code de procédure civile met à la charge des huissiers de justice, les frais afférents aux actes nuls par leur faute, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
Le vice de forme implique l’absence ou l’irrégularité quant aux mentions ou autres éléments devant obligatoirement figurer dans un acte de procédure.
Quelques exemples :
Au regard des articles 114 et 115 du Code de procédure civile, trois conditions sont nécessaires pour pouvoir constater l’existence d’un vice de forme pouvant éventuellement entraîner la nullité de l’acte de procédure :
Si l’article 114 du Code de procédure civile précise qu’ « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi », il ajoute que la nullité peut aussi avoir pour origine l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Parmi les vices de forme pouvant entacher un acte de procédure et entraîner sa nullité, on peut citer l’omission ou l’inexactitude des mentions :
Une formalité substantielle est une formalité qui constitue la raison d’être de l’acte et qui lui est indispensable pour remplir son objet.
Quelques exemples de formalités substantielles :
Je n’ai pas trouvé d’exemple de nullité pour vice de forme concernant une formalité d’ordre public.
L’article 114 alinéa 2 du Code de procédure civile subordonne le prononcé de la nullité d’un acte pour vice de forme à la preuve de l‘existence d’un grief causé à celui qui l’invoque, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Le grief se définit comme le préjudice subi par la victime dans la désorganisation de ses moyens de défense. Le grief est donc constitué lorsque l’irrégularité perturbe sérieusement le déroulement du procès pour la partie qui l’invoque.
Une fois le vice de forme établi, il convient d’alléguer et de prouver le grief qu’il a engendré, ainsi que sa relation avec le vice allégué, ce qui peut être délicat. Cette charge de la preuve du grief incombe au demandeur à la nullité de l’acte.
Selon la jurisprudence, le juge ne peut relever d’office l’existence d’un grief. C’est à la partie qui invoque la nullité de l’acte de procédure pour vice de forme de préciser et prouver le grief qu’elle estime avoir subi du fait de l’irrégularité.
L’appréciation du grief relève du pouvoir souverain du juge, qui a l’obligation de vérifier que l’irrégularité a causé un tel grief. Aucune irrégularité de forme ne fait nécessairement grief, il ne peut donc y avoir un grief par présomption.
On admet facilement que le plaideur qui se plaint d’une irrégularité de l’assignation, n’a pas réellement subi de préjudice, s’il a effectivement comparu.
Il existe peu de jurisprudence dans laquelle la notion de grief a été retenue pour un vice de forme d’un acte de procédure, en voici toutefois un exemple : Cour de cassation, chambre civile 2 du 13/11/2014, n° 13-25163
L’article 115 du Code de procédure civile prévoit que la nullité est couverte par la régulation ultérieure de l’acte, et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
Il convient de préciser que la régularisation doit intervenir avant l’ouverture des débats.
L’exception de nullité n’appartient qu’à la partie contre laquelle l’acte a été fait.
Le juge ne peut soulever d’office le moyen de nullité.
S’agissant d’une exception de procédure elle doit être soulevée avant toute défense, à savoir défense au fond ou fin de non-recevoir, à peine d’irrecevabilité.
En matière de procédure orale, des écritures sur le fond déposées au greffe (ou échangées entre les parties) avant l’audience n’empêchent pas de soulever oralement, lors de l’audience une exception de procédure, à condition que ce soit liminairement, avant toute référence aux écritures sur le fond.
Le paragraphe 2 de l’article 114 du Code de procédure civile qui dispose que “la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire de prouver le grief que lui cause l(irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public” semble s’opposait à ce que le juge relève d’office ce type d’irrégularités.
Mais deux arrêts récents de la Cour de cassation ont modifié cette situation en allant dans le sens d’un renforcement du régime de sanction des actes de signification irréguliers.
Dans un arrêt du 01/10/2010 (n° 18-23210) la chambre civile 2 de la Cour de cassation précise que :
Vu les articles 14, 471 et 655 à 659 du code de procédure civile et l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu’une partie, citée à comparaître par acte d’huissier de justice, ne comparaît pas, le juge, tenu de s’assurer de ce que cette partie a été régulièrement appelée, doit vérifier que l’acte fait mention des diligences prévues, selon les cas, aux articles 655 à 659 susvisés. A défaut pour l’acte de satisfaire à ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante.
Pour statuer comme il l’a fait, l’arrêt relève que M. R… n’a pas comparu et n’a sollicité aucune dispense de comparaître, bien qu’il ait reçu à domicile citation à comparaître et, dans le même acte, signification des conclusions et des pièces afférentes.
En se déterminant ainsi, sans vérifier que la citation délivrée à domicile comportait les mentions exigées par les textes susvisés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
La Cour de cassation rompt avec sa jurisprudence précédenet en posant pour principe que le juge doit vérifier par lui-même la régularité de l’acte de signification.
Concernant la sanction de la signification irrégulière en cas de défaut du défendeur, la Cour écarte la nullité mais décide que “à défaut pour l’acte de satisfaire aux exigences des articles 655 à 659 du Code de procédure civile, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante“.
Dans un second arrêt du 02/07/2020 (n° 19-14893) cette même chambre de la Cour de cassation juge que :
Vu l’article 659 du code de procédure civile :
Il résulte de ce texte que la signification d’un acte selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas notification.
Pour confirmer le jugement rejetant la demande de nullité du commandement à fin de saisie-vente, l’arrêt retient que la signification est régulière dès lors que le jugement a été signifié à Mme E… le 6 octobre 2015 à Hendaye (64), selon les formes prévues à l’article 659 du code de procédure civile et qu’il est justifié de ce qu’un courrier recommandé avec accusé de réception a été envoyé à Mme E….
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l’adresse à Hendaye était la dernière adresse connue de Mme E…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Par cette formulation, la Cour de cassation écarte la sanction de la nullité pour vice de forme au profit de l’inexistence qui, à la différence de la première, ne nécessite pas que soit rapportée la preuve de l’existence d’un grief.
Les conditions du prononcé et le régime des nullités pour irrégularités de fond sont différents de celui pour vices de forme :
Seules deux conditions sont exigées :
Elles sont définies par l’article 117 du Code de procédure civile :
« Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
Le défaut de capacité d’ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice ».
Ce défaut vise :
Il s’agit ici de l’incapacité du demandeur lui-même, il ne dispose pas de la personnalité juridique.
Quelques exemples :
Le demandeur dispose de la capacité juridique, mais son représentant n’est pas titulaire d’un pouvoir régulier, ou légal.
Le défaut de capacité vise le cas où un plaideur confie un mandat, en vue du procès, à une personne non habilitée à exercer une mission de représentation en justice devant telle juridiction (exemple : une assignation délivrée par un administrateur judiciaire avec mission d’assistance, qui n’a donc pas une mission de représentation de la société débitrice, est entachée d’une irrégularité de fond).
Le défaut de pouvoir désigne l’absence de mandat conféré à une personne susceptible d’en recevoir un.
Par un arrêt de Chambre mixte rendu le 7 juillet 2006, la Cour de cassation a affirmé très nettement que les irrégularités de fond sont limitativement énumérées à l’article 117 du Code de procédure civile.
L’article 121 du Code de procédure civile prévoit la possibilité de sauver des procédures mal engagées, à condition que la nullité soit susceptible d’être couverte et que sa cause ait disparu au moment où le juge statue (avant la clôture des débats).
Par exemple, l’irrégularité tirée du défaut de capacité du demandeur placé en liquidation peut être régularisée par la reprise de la procédure par le liquidateur.
L’exception de nullité, fondée sur l’inobservation d’une règle de fond peut, aux termes de l’article 118 du Code de procédure civile, être proposée en tout état de cause. Elle peut donc être soulevée alors même que des conclusions au fond ont été notifiées.
L’article 120 du Code procédure civile distingue l’hypothèse où le juge a l’obligation de relever d’office une exception de nullité, de l’hypothèse où il en a la simple faculté :
Il en résulte, que dans les autres cas (défaut de pouvoir, par exemple), le juge a l’interdiction de relever d’office une exception de nullité de fond.
Notons que, mettant en œuvre son pouvoir de relever d’office un moyen, le juge doit inviter les parties à s’expliquer, et instaurer un débat contradictoire (article 16 du Code de procédure civile).
Un acte juridique est caduc lorsque, pleinement valable à sa formation, il est privé d’un élément essentiel à sa validité par la survenance d’un événement postérieur à sa formation.
La caducité se différencie ainsi nettement de la nullité, qui vient sanctionner l’absence d’une condition de validité de l’acte de procédure au moment de sa formation, et non postérieurement.
C’est ainsi que la caducité est la sanction du défaut de comparution du demandeur.
Voir l’article ” Quelques exemples de motivation d’un jugement contentieux” : “Assignation – Demande de nullité pour absence de fondement juridique, en application de l’article 56 2° du Code de procédure civile – Absence de preuve de grief (application de l’article 114 de ce même code) – Rejet“.
DALLOZ : Documentation – Encyclopédie – Répertoire de procédure civile : Nullité.
Documentation – Ouvrages DALLOZ – Droit et pratique de la procédure civile – Chapitre 272 : sanction des règles de formation des actes de procédure : vices de forme, irrégularité de fond
LEXIS 360 Entreprise – Les tribunaux de commerce n’ont plus d’accès au contenu de la documentation concernant la procédure civile.
Site A. Bamdé et J. Bourdoiseau : les nullités des actes de procédure, vice de fond, vice de forme.