Article L. 624-2 du Code de commerce (à jour au 30/04/2022) :
« Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »
Article R. 624-5 du Code de commerce (à jour au 30/04/2022) :
« Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Les tiers intéressés ne peuvent former tierce opposition contre la décision rendue par la juridiction compétente que dans le délai d’un mois à compter de sa transcription sur l’état des créances. »
A noter que l’article L. 622-22 alinéa 2, impose au débiteur, partie à l’instance, d’informer le créancier poursuivant de l’ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci. Si le débiteur manque sciemment à cette obligation, le tribunal pourra prononcer à l’encontre du débiteur personne physique ou du dirigeant une d’interdiction de gérer (article L. 653-8 alinéa 2).
La procédure de vérification et d’admission, par le juge-commissaire, des créances antérieures à l’ouverture de la procédure collective, ne tend qu’à la détermination de l’existence de la créance, de son montant et de sa nature. Le juge-commissaire ne dispose donc pas du pouvoir juridictionnel de trancher un litige concernant l’exécution d’un contrat.
Il en résulte et ceci en application de l’article L. 624-2, qu’en matière de vérification et admission des créances, le juge-commissaire ne peut donc prendre que les décisions suivantes :
Aucun texte ne l’écartant, la juge commissaire peut toujours surseoir à statuer, dans l’attente d’un évènement qui lui permettra d’être suffisamment informé. C’est le cas :
Il en résulte qu’avant de pouvoir prendre la décision d’admettre totalement ou partiellement la créance ou de la rejeter, le juge-commissaire doit se poser une série de questions qu’il convient de schématiser ainsi (raisonnement emprunté au professeur Pierre-Michel LE CORRE) :
Question 1 : existe-t-il une instance en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective
⇒ Si la réponse est oui : se reporter au chapitre 3 ” Hypothèse 1 : Constat par le juge-commissaire de l’existence d’une instance en cours “.
⇒ Si la réponse est non : le juge-commissaire passe à la question n° 2.
Question 2 : est-ce que la contestation en débat porte sur la régularité de la déclaration de créance (délai, pouvoir, qualité, demande d’admission définitive pour les créances fiscales ou sociales…) ?
⇒ Si la réponse est oui : se reporter au chapitre 4 : Hypothèse 2 :” La contestation porte sur la régularité de la déclaration de créance“
⇒ Si la réponse est non : le juge-commissaire passe à la question n° 3.
Question 3 : est-ce que la contestation relève de la compétence matérielle d’une autre juridiction ou de la compétence de la juridiction dans laquelle siège le juge-commissaire ?
⇒ Si la contestation relève de la compétence matérielle d’une autre autre juridiction : se reporter au chapitre 5 : ” Hypothèse 3 : L’incompétence du juge-commissaire “.
⇒ Si la contestation relève de la compétence de la juridiction dans laquelle siège le juge-commissaire : se reporter au chapitre 6 : Hypothèse 4 :” L’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire “.
C’est la première question que le juge-commissaire doit se poser, avant même d’examiner la recevabilité de la déclaration de créance. Car, en cas de constatation d’une instance en cours, le juge-commissaire étant totalement dessaisi, c’est le tribunal saisi, avant l’ouverture de la procédure collective, qui examinera la recevabilité de la déclaration de créance et ce, au regard de ladite déclaration que le créancier est dans l’obligation de produire, pour que l’audience reprenne (article R. 622-20).
Il appartient, au mandataire judiciaire ou au liquidateur, lorsqu’il remet la liste des créances déclarées, de proposer au juge-commissaire de constater l’existence d’une instance en cours (article L. 624-1 et L. 624-2).
Le juge-commissaire qui a connaissance d’une instance en cours au jour de l’audience de l’examen de la contestation de créance, devra également constater ladite instance et sera donc totalement dessaisi du pouvoir de fixer la créance.
A noter, qu’en application de l’article R. 622-23 (3°), le créancier dans sa déclaration de créance doit mentionner l’existence d’une instance en cours, avec indication de la juridiction saisie.
L’instance doit être en cours au jour du jugement d’ouverture (voir 3.1.1), contre le débiteur (voir 3.1.2), devant une juridiction de fond ( voir 3.1.3), et doit tendre à la condamnation du débiteur au paiement ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance antérieure (voir 3.1.4).
L’instance en cours suppose que la juridiction soit saisie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation, au plus tard la veille de l’ouverture de la procédure collective (application de l’article 857 du Code de procédure civile).
Si l’assignation est remise au greffe le jour de l’ouverture de la procédure collective, il ne s’agit pas d’une instance en cours. Dans cette hypothèse, le tribunal saisi au fond, ne peut pas fixer la créance, il doit déclarer la demande irrecevable, seul le juge-commissaire ayant qualité pour statuer sur l’admission de la créance.
Est en cours, l’affaire ayant fait l’objet d’une radiation, avant l’ouverture de la procédure collective, la radiation ne faisant pas obstacle au rétablissement de l’affaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/04/2015, n° 14-10172).
Ainsi une opposition à injonction de payer, constitue une procédure en cours que si l’opposition est antérieure au jugement d’ouverture.
La décision arrêtant un plan ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles, de sorte qu’une instance constatée par le juge-commissaire doit se poursuivre dans les conditions prescrites, le tribunal devant se borner à fixer le montant de la créance sans pouvoir condamner le débiteur à payer (Cour de cassation, chambre commerciale du 07/09/2022, n° 20-20404)
Un recours en cassation ne constitue pas une instance en cours.
Une instance n’est plus en cours, lorsque le créancier s’est désisté, et cela même si le jugement d’ouverture est antérieur au désistement.
De même, n’est plus en cours une instance dont les débats ont eu lieu avant le jugement d’ouverture.
Le regime des instances en cours ne s’applique pas aux créances dont le débiteur est bénéficiaire.
Le débiteur doit avoir la situation procédurale de défendeur. Ainsi, il y a instance en cours en présence d’une demande reconventionnelle formée contre le débiteur (demande faite avant l’ouverture de la procédure collective, ce qui semble impossible en procédure orale).
Il y a également instance en cours, en cas d’appel en garantie du débiteur, avant le jugement d’ouverture de la procédure.
L’instance en cours doit se dérouler devant une juridiction au fond (la nature de la juridiction importe peu, la juridiction arbitrale est compétente à la condition que le tribunal arbitral ait été définitivement constitué au jour de l’ouverture de la procédure) et non par exemple devant le juge des référés (Cour de cassation, chambre commerciale du 19/09/2018, n° 17-13210) ou devant le tribunal judiciaire pour une instance de saisie immobilière.
En cas d’instance en cours devant le juge des référés celui-ci doit déclarer la demande irrecevable, la créance ne pouvant être contestée que devant le juge-commissaire, en l’absence d’instance en cours au fond.
Dans l’hypothèse de l’ouverture d’une première procédure collective puis d’une seconde, après résolution du plan, la procédure de contestation de créance concernant la première procédure, toujours en cours au jour de l’ouverture de la deuxième procédure, n’est pas une instance en cours.
L’article L. 626-27 du Code de commerce dispensant le créancier qui a déclaré régulièrement sa créance au passif de la première procédure, d’avoir à la déclarer au passif de la seconde, alors même qu’elle ne serait pas encore admise, la procédure de contestation dans la première procédure doit être déclarée caduque. A noter, qu’ne nouvelle contestation, concernant la créance déclarée à la deuxième procédure peut être soulevée.
L’instance en cours doit concerner une demande de condamnation du débiteur au paiement d’une créance antérieure ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance antérieure (article L. 622-21).
Ainsi, l’action en résolution pour violations contractuelles diverses, autres que le paiement de la créance due, n’est pas arrêtée. Par exemple, l’action en résiliation d’un bail pour non-respect de l’obtention de l’accord du bailleur pour effectuer des travaux n’est pas arrêtée, par l’ouverture de la procédure collective.
Le juge-commissaire fait le constat par voie d’ordonnance, de l’existence d’une instance en cours, après avoir entendu les parties et vérifier que l’instance invoquée peut être qualifiée d’instance au cours.
Lorsque le juge-commissaire constate l’existence d’une instance en cours, même à tort, il ne peut plus se prononcer sur l’admission de la créance, il est dessaisi (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/11/2014, n° 13-24007 et du 29/06/2022, n° 21-10981). La décision prise à l’issue de cette discussion a autorité de la chose jugée, conformément à l’article 480 du Code de procédure civile, et est donc susceptible de recours, lequel est déterminé en fonction du montant de la demande.
Le greffier doit notifier aux parties l’ordonnance statuant sur l’existence d’une instance en cours.
Aucun fait, aucun motif, ne redonne le pouvoir au juge-commissaire d’être ressaisi au titre de la déclaration de créance.
La demande initiale du créancier étant une demande de condamnation, celle-ci se modifie automatiquement en demande de fixation de créance, lors de la reprise de l’instance.
L’instance interrompue en application de l’article L. 622-22 est reprise à l’initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l’instance (article R. 622-20 alinéa 1) :
A la reprise de l’instance le juge du fond devra alors :
S’agissant de la créance des dépens (Cour de cassation, chambre civile 3 du 07/10/2009, n° 08-12920 – Cour de cassation, chambre civile 3 du 08/07/2021, n° 19-18437), d’indemnité procédurale « article 700 du Code de procédure civile » et de dommages et intérêts pour procédure abusive, il est désormais de jurisprudence constante que le fait générateur de ces créances est le jugement de condamnation. Ces créances ne sont donc pas à déclarer au passif, dans le cadre d’une instance en cours, elles constituent des créances postérieures payable hors plan, en sauvegarde ou en redressement judiciaire.
En cas d’absence de mise en cause des organes de la procédure collective ou de la déclaration de créance, il faut considérer que cette instance se trouve interrompue jusqu’à la clôture de la procédure (avis de la Cour de cassation du 08/06/2009 n° 0900002).
Dans le cas où l’instance en cours n’a pas été signalée par le débiteur au mandataire ou liquidateur judiciaire et que la déclaration n’a fait l’objet d’aucune contestation, l’inscription sur la liste des créances signée par le juge-commissaire a l’autorité de la chose jugée.
Il y a instance en cours, l’assignation ayant été enrôlée avant l’ouverture de la procédure collective. La procédure ne pourra tendre qu’à la constatation de la créance (et non à sa fixation).
A noter que le tribunal pourra se prononcer sur la caractère privilégié de la créance.
Si l’ouverture de la procédure collective intervient après l’ouverture des débats (la plaidoirie devant le tribunal de commerce), l’instance n’est pas interrompue conformément aux dispositions de l’article 371 du code de procédure civile. Il n’y a plus matière à instance en cours et un jugement de condamnation pourra être prononcé par la juridiction saisie. Cette décision ne sera pas non avenue (Cour de cassation, chambre commerciale du 03/04/2019, n° 17-27529), toutefois, la condamnation du débiteur à paiement ne pourra pas être exécutée par le créancier.
Lorsqu’un jugement ou un arrêt définitif intervient dans le cadre de l’instance, qualifiée d’instance en cours par le juge-commissaire, comment est-elle répercutée dans le dossier de procédure collective ?
Deux possibilités coexistent pour mettre à jour l’état des créances
A la lecture de ces deux textes il semble que la première disposition concerne spécifiquement les instances en cours, car celle-ci est reprise dans le deuxième alinéa de l’article R. 622-20du tribunal de commerce qui traite exclusivement des instances en cours.
Aucune disposition de la loi n’impose au créancier bénéficiaire d’une décision passée en force de chose jugée rendue après reprise d’une instance en cours, de faire porter sa créance par le greffier sur l’état des créances, dans un certain délai, à peine de forclusion (Cour de cassation, chambre commerciale du 21/02/2006, n° 04-20135)
Attendu qu’aux termes de l’article L. 624-2 du Code de commerce « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission » ;
Attendu qu’en application de ces dispositions, l’instance en cours enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l’admission ou du rejet de la créance ;
Attendu que l’instance en cours s’entend d’une créance engagée à l’encontre du débiteur avant l’ouverture de la procédure, devant le tribunal du fond, pour obtenir une décision sur l’existence et le montant de la créance ;
Attendu qu’en l’espèce, il convient de constater qu’une instance a été engagée par la SAS MATERIAUX MODERNE à l’encontre de la SARL PLOMBERIE MOUGINOISE, en date du 01/04/2021, soit antérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, devant le tribunal judiciaire de GRASSE, aux fins notamment de la voir condamner à lui payer la somme de 7.626,61 euros au titre d’une facture du 10/05/2020 ;
Attendu qu’en application de l’article L. 624-2 du Code commerce, le juge-commissaire est dessaisi du présent litige, il appartiendra à la juridiction saisie de fixer la créance à la procédure de redressement judiciaire de la SARL PLOMBERIE MOUGINOISE ;
Attendu qu’en application de l’article R. 624-8, mention de la présente décision sera portée sur la liste des créances…
PAR CES MOTIFS
Le juge-commissaire…
…CONSTATE qu’une instance est en cours, concernant la déclaration de créance effectuée par la SAS MATERIAUX MODERNE dans la procédure de redressement judiciaire de la SARL PLOMBERIE MOUGINOISE, devant le tribunal judiciaire de GRASSE ;
DIT que le greffe devra faire mention de la présente décision sur la liste des créances mentionnée au premier alinéa de l’article R. 624-2 du Code de commerce.
Une déclaration de créance est régulière lorsque :
Rappelons que :
Le juge-commissaire traite alors de la régularité de la déclaration de créance, qui relève de son pouvoir juridictionnel. L’absence de régularité de la créance déclarée doit donner lieu à une déclaration d’irrecevabilité plutôt qu’à une décision de rejet qui touche le fond du droit.
Il s’agit ici de l’hypothèse dans lesquelle la difficulté doit être tranchée par une juridiction arbitrale (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/06/2004, n° 02-13940) ou un tribunal administratif. Par exemple, un problème de bail commercial, qui relève de la compétence du tribunal judiciaire.
Quelle procédure suivre, il y a 2 façons de lire les textes :
Quelle que soit la solution choisie par le juge-commissaire, comme pour l’hypothèse de l’absence de pouvoir, devra renvoyer, par une ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin
Rappelons que le régime procédural des contestations de créance ne s’applique pas aux créances publiques : créances fiscales, et de sécurité sociale. La créance authentifiée par un titre exécutoire (avis de recouvrement ou rôle pour la créance fiscale, contrainte pour la créance de sécurité sociale) doit être admise. La contestation éventuelle doit être engagée selon les modalités des textes spéciaux (LPF ou Code de la sécurité sociale). Le juge-commissaire se contente, soit d’admettre la créance, en absence de contestation, soit de constater l’existence de la réclamation ou de l’opposition, dans le cas contraire (pour une créance fiscale : Cour de cassation, chambre commerciale du 03/02/2021, n° 19-20.683 – Pour une créance de sécurité sociale : Cour de cassation, chambre commerciale du 11/12/2019, n° 18-18.489).
Attendu qu’aux termes de l’article L. 624-2 du Code de commerce « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission » ;
Attendu que Monsieur Thierry ALLARD, commissaire aux comptes a déclaré sa créance, en date du 10/05/2019, pour un montant de 16.528,72 euros ;
Attendu que le mandataire judiciaire a contesté la créance, le 15/06/2019, au motif que Monsieur Thierry ALLARD ne prouvait ni l’accord tarifaire dans le cadre de ses interventions, ni la nature des diligences accomplies par lui ;
Attendu que Monsieur Thierry ALLARD confirme sa déclaration de créance, faisant valoir que son intervention avait été acceptée par une lettre de mission signée le 14/01/2017 ;
Attendu qu’il n’est pas contestable que la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES s’est engagée à rémunérer les interventions de Monsieur Thierry ALLARD, en sa qualité de commissaire aux comptes et que le litige porte sur les prestations facturées ;
Attendu que l’article L. 823-18 du Code de commerce dispose que « la chambre régionale de discipline et, en appel le Haut Conseil du commissariat aux comptes sont compétents pour connaître de tout litige tenant à la rémunération des commissaires aux comptes » ;
Attendu que le tribunal de commerce étant incompétent en matière de litige concernant le montant de la rémunération d’un commissaire aux comptes, il en résulte que le juge-commissaire désigné par cette même juridiction est donc également incompétent ;
Attendu qu’en application de l’article R. 624-5 du Code de commerce, il appartient à la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES, de saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à peine de forclusion de sa contestation, à moins d’appel ;
Attendu que le tribunal se réserve la faculté de statuer sur la créance déclarée dans l’hypothèse où la juridiction ne serait pas saisie ou saisie hors du délai imparti.
PAR CES MOTIFS
Le juge-commissaire…
…SE DECLARE incompétent et dit que la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES devra saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à peine de forclusion de sa contestation, à moins d’appel ;
SE RESERVE la faculté de statuer sur la créance déclarée dans l’hypothèse où la juridiction ne serait pas saisie ou saisie hors du délai imparti.
NOTE IMPORTANTE
Soulignons toutefois que la Cour de cassation ne semble pas admettre que le juge-commissaire puisse être à nouveau saisi, car elle considère, au contraire, qu’il est dessaisi et ne peut plus statuer sur la demande d’admission.
Nous maintenons notre position, car dans l’hypothèse où le débiteur ne saisirait pas la juridiction compétente, le créancier ne pourra pas être admis sur l’état des créances.
La réforme issue de l’ordonnance du n° 2014-326 du 12 mars 2014 et de son décret d’application a consacré la solution prétorienne dégagée par la Cour de cassation, considérant que le juge-commissaire est dans une situation analogue à celle du juge des référés et que son office juridictionnel s’arrête donc à l’évidence.
Il en résulte que même si la discussion relève de la compétence d’attribution du tribunal de la procédure (ou plus rarement, d’un autre tribunal, en vertu d’une clause attributive de compétence Cour de cassation, chambre commerciale du 01/07/2020, n° 18-25522), toute discussion, sur le fond de la créance déclarée, ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.
Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’un problème de compétence d’attribution (article 33 du Code de procédure civile), mais d’une absence de pouvoir juridictionnel, comme en matière de référé.
Ainsi le juge-commissaire ne peut pas statuer :
Ces contestations sur le fond de la créance déclarée, relèvent de la compétence de la formation collégiale contentieuse du même tribunal que celui du juge-commissaire (sauf clause attributive de compétence).
Certaines décisions semblent élargir les prérogatives du juge-commissaire par rapport à celles du juge des référés : c’est ainsi qu’il a été admis que le juge-commissaire puisse réduire, lors de l’admission au passif de la créance, la clause majorant le taux des intérêts contractuels, en cas de défaillance de l’emprunteur, cette clause s’analysant en une clause pénale (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2016, n° 14-18998).
En présence d’une contestation le juge-commissaire à l’obligation, en tout premier lieu, de déterminer si celle-ci est retenue comme étant sérieuse. Il devra bien évidemment, dans son ordonnance, motiver sa décision, qu’il reconnaisse ou non le caractère sérieux de la contestation.
La Cour de cassation demande aux juridictions au fond à « se prononcer au préalable sur le caractère sérieux de la contestation ainsi que son incidence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée. » (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2017, n° 16-16414 – 21/11/2018, n° 17-18978).
Le juge-commissaire pourra écarter la contestation formulée si elle est dépourvue de caractère sérieux ou si elle est manifestement empreinte d’un caractère dilatoire, il lui appartiendra alors de statuer sur la ou les demandes qui lui sont présentées (Cour de cassation, chambre commerciale du 26/10/2022, n° 21-16489).
Un exemple de contestation juger non sérieuse : le débiteur ne produit pas les justificatifs demandés par le créancier. En l’espèce, il s’agit d’une contestations concernant des cotisations à la caisse de retraite, pour laquelle le débiteur ne produit pas les justificatifs nécessaires au calcul des cotisations (Cour de cassation, chambre commerciale du 26/10/2022, n° 21-16489).
Si le juge-commissaire retient en revanche l’existence d’une contestation sérieuse susceptible d’avoir une incidence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée, le juge-commissaire doit relever d’office cette fin de non-recevoir, et rédiger une ordonnance qui devra :
Il convient de noter que le juge-commissaire peut constater son absence de pouvoir juridictionnel que sur une partie de la déclaration de créance et en conséquence préciser la nature précise de la contestation que le tribunal compétent devra trancher (Cour de cassation, chambre commerciale du 29/03/2023, n° 21-20452).
Si le juge-commissaire retient l’existence d’une contestation sérieuse, en application de l’article R. 624-5 du code de commerce, il doit désigner la partie, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire (ou liquidateur) qui devra saisir le juge compétent, dans le délai d’un mois, à peine de forclusion.
Cette règle fondamentale a été rappelée par un courrier du 13 octobre 2020 de M. François MOLINS, procureur général près la Cour de cassation, auprès du président de la Conférence générale des juges consulaires de France, relevant que « cette obligation ne semble pas être respectée dans certaines ordonnances ». Il l’invitait dès lors à se « saisir de cette difficulté pour » lui « permettre le cas échéant de proposer un modèle d’ordonnance aux juges commissaires qui tienne compte de cette modification législative. »
Pour définir la partie sur laquelle repose la charge de la saisine, le juge-commissaire doit s’interroger sur l’auteur intellectuel de la contestation. Comme l’indique le professeur LE CORRE, contrairement à la pratique, le créancier devrait assez rarement être désigné par le juge-commissaire.
Le procureur près la Cour de cassation rappelle dans son courrier du 13 octobre 2020 que « selon la doctrine autorisée la jurisprudence peut se résumer ainsi : la charge de la saisine pèse sur celui qui soulève la contestation, un peu comme la charge de la preuve peut peser sur celui qui allègue un fait que ce soit en demande ou en défense ».
Par exemple :
Il incombera au juge-commissaire, lors des débats, d’interroger qui du débiteur ou du mandataire judiciaire (ou du liquidateur), a été l’auteur intellectuel de la contestation, à l’effet de désigner, de manière appropriée, qui devra saisir la juridiction compétente.
L’ordonnance du juge-commissaire qui ne respecte pas les dispositions de l’article R. 624-5 du code de commerce et qui ne désigne pas la partie devant saisir le juge du fond « est entachée d’une erreur de droit qui ne peut être réparée en application de l’article 462 du code de procédure civile » (rectification d’erreur matérielle) « et, faute d’avoir fait l’objet d’une voie de recours, est irrévocable » (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/03/2020, n° 18-23586).
En tout état de cause, la Cour de cassation n’exerce pas de contrôle sur la désignation par la juridiction de celui sur lequel repose la charge de la saisine.
A défaut d’appel, et ceci constitue un piège redoutable, si le juge-commissaire invite toutes les parties ou à tort une partie qui n’a pas d’intérêt à saisir le juge compétent, la forclusion est néanmoins applicable à celle qui avait intérêt à le saisir et qui ne l’a pas fait dans le délai d’un mois (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/05/2018, n° 16-27243 2ième moyen).
Toutefois, cette forclusion n’aura pas lieu si « tant dans l’ordonnance que dans la lettre de notification de cette dernière » il n’est fait aucunement référence aux dispositions de l’article R. 624-5 ainsi qu’à toute indication relative « au délai d’un mois imparti pour saisir la juridiction compétente et à la forclusion encourue en cas d’absence de diligence dans ce délai » (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/11/2016, n° 15-13273).
L’instance introduite devant la juridiction compétente pour trancher la contestation s’inscrit dans la vérification du passif à laquelle le débiteur est personnellement partie, au titre d’un droit propre, ainsi n’étant pas dessaisi il peut donc être désigné pour saisir la juridiction compétente (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/03/2022, n° 20-21712).
Pour la Cour de cassation, tout autre partie que celle désignée par le juge-commissaire, est recevable à saisir la juridiction compétente. Aussi seule l’absence de saisie dans les délais imparties, de la juridiction compétente, par l’une des parties peut entrainer la forclusion prévue à l’article R. 624-5 du Code de commerce, pour la partie désignée (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/03/2022, n° 20-21712).
Il est essentiel de noter que le juge-commissaire, qui constate l’existence d’une contestation sérieuse et renvoie les parties à mieux se pourvoir, « reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l’admettant ou en la rejetant » (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/03/2020, n° 18-23586).
Les pouvoirs de la juridiction, saisie pour statuer sur la contestation sérieuse, se limitent à trancher les contestations soulevées et sur lesquelles le juge-commissaire s’est déclaré incompétent, et ne dispose donc pas du pouvoir de fixer la créance, s’agissant d’une compétence exclusive du juge-commissaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/03/2023, n° 21-18737) et ceci, même si le juge-commissaire n’a pas prononcé de sursis à statuer (Cour de cassation, chambre commerciale du 19/12/2018, n° 17-15883).
Dans cette même logique, cette même juridiction ne dispose pas du pouvoir de juger de la régularité de la déclaration de créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/10/2022, n° 21-15026)
L’absence de saisine du tribunal de la procédure dans le délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis engendrera la forclusion de la demande qui a été déclarée sérieusement contestable.
Cette forclusion préjudiciera à la partie que le juge-commissaire aura conviée à agir (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2016, n° 14-18998).
Elle conduira à vider le sursis à statuer par le rejet de la créance si la forclusion atteint le créancier ou au contraire à l’admettre si la forclusion atteint la demande reconventionnelle ou le moyen opposé à la demande d’admission émis par le débiteur ou selon le cas, le mandataire judiciaire ou le liquidateur.
La Cour de cassation a eu l’occasion de juger que n’encourt pas la forclusion prévue par l’article R. 624-5 du code de commerce la partie qui, à la suite de la décision par laquelle le juge-commissaire a constaté que la contestation ne relevait pas de ses pouvoirs juridictionnels, a saisi, dans le délai prévu par ce texte, un tribunal territorialement incompétent (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/10/2016, n° 15-10039).
L’ordonnance du juge-commissaire relevant l’existence d’une contestation sérieuse, invitant la partie qu’il désigne, dans le délai d’un mois, à peine de forclusion, à saisir la juridiction compétente et en même temps, ordonnant le sursis à statuer, n’est pas une simple décision de sursis à statuer, dont le régime est fixé par l’article 380 du Code de procédure civile.
En effet, le juge-commissaire ne se contente pas de surseoir à statuer. Le recours classique en matière de vérification des créances (appel ou pourvoi en cassation déterminée en fonction du montant de la demande) est dès lors applicable. La Cour de cassation a opéré en la matière un revirement de jurisprudence qui résulte indirectement d’un arrêt du 27/11/2019 (pourvoi n° 18-18150). Elle a en effet admis qu’un arrêt de la cour d’appel statuant avec les pouvoirs du juge-commissaire pour se prononcer sur la contestation de la créance, peut être déféré devant elle.
Attendu que l’article L. 624-2 du Code de commerce dispose qu’ « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission » ;
Attendu que de plus, l’article R. 624-5 précise que « lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte » ;
Attendu que la SARL PLOMBERIE DU LITTORAL a effectué, en date du XX/XX/XXXX une déclaration de créance, auprès du mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la SAS LES MAISONS DE DEMAIN, pour un montant de 94.000 euros correspondant à des travaux exécutés sur le chantier L’AVANT DERNIERE DEMEURE et correspondant au devis établi en date du XX/XX/XXXX et accepté par la SAS LES MAISONS DE DEMAIN ;
Attendu que la SAS LES MAISONS DE DEMAIN conteste la créance déclarée par la SARL PLOMBERIE, faisant valoir que d’une part les travaux ne sont pas intégralement terminés et que d’autre part il existe des malfaçons ;
Attendu que dans son courrier de contestation, le mandataire judiciaire propose de fixer en conséquence la facture à un montant de 45.000 euros ;
Attendu que la SAS LES MAISONS DE DEMAIN justifie sa contestation par la production d’un constat d’huissier faisant apparaître que le chantier n’est pas terminé, en particulier en ce qui concerne l’installation des appareils de la salle de bains, et la mise en marche du chauffage central ;
Attendu que de plus, la SAS LES MAISONS DE DEMAIN, produit une ordonnance de référé, rendue en date du XX/XX/XXXX par le tribunal de céans, ordonnant une expertise judiciaire, afin de chiffrer les travaux restant à effectuer, ainsi que de constater l’existence de malfaçons et le coût de la mise en conformité suivant le devis
Attendu qu’en présence d’une contestation sérieuse, et le juge-commissaire ne disposant pas du pouvoir juridictionnel de la trancher, il convient de faire application de l’article R. 624-5 et d’inviter la SAS LES MAISONS DE DEMAIN à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Attendu qu’en conséquence, il sera prononcé un sursis à statuer sur l’admission de la créance dans l’attente de la décision qui sera rendue par la juridiction compétente ;
– Au regard de l’article R. 624-5 du Code de commerce à défaut pour la SAS LES MAISONS DE DEMAIN de saisir la juridiction compétente, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, à peine de forclusion de sa contestation, à moins d’appel ;
– Au regard du prononcé d’un sursis à statuer, il convient de réserver les dépens, ainsi que l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge-commissaire…
… CONSTATE l’existence de contestation sérieuse dont il ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de trancher ;
DIT que la SAS LES MAISONS DE DEMAIN devra saisir la juridiction compétente dans le délai de d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à moins d’appel ;
ORDONNE le sursis à statuer jusqu’au jour de la décision définitive du tribunal compétent saisi, ou si celui-ci n’est saisi au-delà d’un délai d’un mois de la notification de la présente ordonnance.
En cas d’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, celui-ci désigne la partie qui doit saisir le tribunal compétent à peine de forclusion de sa demande et prononce un sursis à statuer. 0