« Il résulte de l’article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce que le jugement d’ouverture n’arrête pas le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous les intérêts de retard et majoration, résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, la déclaration de la créance portant sur les intérêts à échoir. Selon l’article R. 622-23, 2°, cette déclaration doit indiquer les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté, incluant le cas échéant les intérêts majorés.
Si la créance résultant d’une clause de majoration d’intérêt dont l’application résulte du seul fait de l’ouverture d’une procédure collective ne peut être admise, en ce qu’elle aggrave les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires, tel n’est pas le cas de la clause qui sanctionne tout retard de paiement.
Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé ».
La banque a consenti à une société un prêt moyennant un taux contractuel, outre une clause de majoration de 3 points pour toute somme exigible non payée à sa date d’exigibilité.
La société emprunteuse a fait l’objet d’une sauvegarde. A noter qu’au jour de l’ouverture de la procédure le débiteur était à jour du paiement des échéances du prêt.
La banque déclare, à la procédure collective de l’emprunteur, une créance constituée du capital restant dû, au jour de l’ouverture de la sauvegarde plus les intérêts à échoir, jusqu’à parfait paiement, au taux contractuel majoré de 3 points.
Le juge-commissaire rejette la créance en ce qui concerne le taux majoré des intérêts à échoir, ne retenant que le taux contractuel initial, au motif que la clause avait pour conséquence l’aggravation de la dette du débiteur, par le seul effet de l’ouverture d’une sauvegarde.
La Cour d’appel infirme la décision du juge-commissaire, et admet les intérêts à échoir au taux contractuel majoré de 3 points, estimant que la clause n’est applicable que sur les sommes exigibles non payées à leurs dates d’exigibilités.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel.
L’article L. 622-13 du Code de commerce dispose que :
« Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ».
Il résulte de ces textes qu’est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 14/01/2014, n° 12-22909).
En application de l’article L. 622-13 du Code de commerce et de son interprétation, la Cour de cassation dans un arrêt du 22/02/2017, n° 15942, a rendu la décision suivante, qu’il convient rapprocher de l’arrêt relaté ci-dessus et qui peut sembler contradictoire :
« Mais attendu que, saisie d’une demande de fixation d’une créance correspondant au capital prêté dans son intégralité et à échoir, ce dont il résultait que le prêt n’était pas exigible à la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la débitrice et que cette dernière n’était pas défaillante dans l’exécution de ses obligations, la cour d’appel, après avoir relevé que, selon la clause litigieuse, l’indemnité de recouvrement de 5 % était due si la banque se trouvait dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, et également si la banque était tenue de produire à un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l’emprunteur, en a exactement déduit qu’en l’espèce, une telle clause aggravait les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde ;
Que par ce seul motif, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n’est pas fondé ».
Il est de jurisprudence ancienne et constante qu’un prêt accordé par une banque n’est plus un contrat en cours dès lors que la somme prêtée a été débloquée, même si l’échéancier de remboursement continue de courir postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective de l’emprunteur.
La Cour de cassation n’a pas hésité à appliquer l’article L. 622-13 du Code commerce au prêt, alors que celui-ci ne concernait que les contrats en cours, et a donc jugé qu’il y avait lieu de rejeter les intérêts d’une telle clause qui aggravait les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde.
Nonobstant la notion de contrat en cours, la question est donc de déterminer quel est le critère qui justifie qu’une telle clause (majoration du taux contractuel ou indemnité de recouvrement) soit prise en compte dans l’état des créances du débiteur.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22/02/2017, l’indemnité de recouvrement de 5 % était due « si la banque était tenue de produire à un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l’emprunteur », alors que concernant l’affaire traitée par l’arrêt du 07/02/2024, la clause du contrat précisait que la majoration du taux d’intérêt n’était applicable qu’aux sommes exigibles non payées à la date de leurs exigibilités.
Ainsi, dans la première affaire, l’ouverture de la procédure de sauvegarde avait pour conséquence l’application d’une indemnité de recouvrement de 5 %, alors que dans la deuxième affaire ce n’est pas l’ouverture de la procédure qui provoque l’application de la clause, mais le non-paiement à la date d’exigibilité.
En conséquence, dans la première affaire, la clause d’indemnité de recouvrement ne peut être admise en qualité de créance à échoir, car elle n’existe que du fait de l’ouverture de la procédure collective, alors que dans la deuxième affaire la clause n’est applicable qu’au regard du non-paiement des échéances au jour de leurs exigibilités.
Comme nous l’avons souligné ci-dessus, la décision de la Cour de cassation semble fondée sur l’article L. 622-13 du Code de commerce, alors qu’il est de jurisprudence constante qu’un prêt n’est pas un contrat en cours.
La clause doit être admise au passif du débiteur pour les prêts dont la déchéance du terme a été prononcée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, puisque l’application de la clause (majoration du taux ou indemnité de recouvrement) ne résulte pas de l’ouverture de la procédure collective, mais de la déchéance du terme.
Il faut rappeler que l’admission d’une créance n’implique pas son paiement. Ainsi, la clause de majoration ne sera pas applicable tant que le plan de sauvegarde (ou de redressement judiciaire) sera respecté par le débiteur, car l’adoption du plan signifie soit un abandon de créance, soit un report d’exigibilité, y compris pour les échéances de la période d’observation.