Jean-Claude LEMALLE

Une expérience de juge consulaire
Print Friendly, PDF & Email
4.9.2. - Modifications du livre VI du Code de commerce concernant les entreprises en difficultés (Ordonnance n° 2021-1193 du 15/09/2021 et décret n° 2021-1218 du 23/09/2021)

Table des matières

1. – Remarques préliminaires

Dans un souci de clarté, les nouvelles dispositions concernant les « classes de parties affectées » seront traitées séparément.

2. – Prévention

♦  Information du président du tribunal du tribunal par le commissaire aux comptes dès le début de la procédure d’alerte (nouvel article L. 611-2-2 et modification article R. 611-2).

♦  Obtention, par le président du tribunal, des informations prévue par l’article L. 611-2 dès la convocation du chef d’entreprise c’est-à-dire sans attendre l’entretien ou le procès-verbal de carence.

→  L’article R. 611-12 prévoit que cette demande d’information doit être adressée dans les 3 mois à compter de la date d’envoi de la convocation.

3. – Conciliation

♦  Le débiteur peut demander au président du tribunal de faire application de l’article 1343-5 du Code civil, relatif au délai de grâce, à l’égard d’un créancier qui n’accepte pas « dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de la créance » pendant la durée de la procédure et ceci même en l’absence de mise en demeure ou de poursuite (article L. 611-7 alinéa 7).

→  Concernant les créances non échues le juge ne peut reporter ou échelonner les créances non échues que dans la limite de la durée de la mission du conciliateur.

Note : Comme précédemment ce délai peut-être accordé à un débiteur poursuivi ou mis en demeure par un créancier.

♦  Par modification de l’article L. 611-10-2 il est précisé que la caution bénéficie des délais de paiement accordés par le président à un débiteur mis en demeure pendant la période de l’accord de conciliation (il s’agit bien évidemment d’une mise en demeure formulée par un créancier hors accord).

♦  Insertion d’un nouvel article L. 611-10-4 qui dispose que « la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences ».

Cet article met un terme à jurisprudence qui estimait que l’échec d’une conciliation entrainait la caducité de l’intégralité de l’accord.

4. – Sauvegarde exclusivement

La prolongation exceptionnelle, au-delà des 12 mois, est supprimée (modification de l’article L. 621-3).

5. – Sauvegarde et Redressement judiciaire

5.1 – De l’ouverture de la procédure

Le renouvellement de la période d’observation de 6 mois doit être « spécialement motivé » (modification de l’article L. 621-3 et L. 631-7).

Note : La motivation devrait porter d’une part sur l’absence de création de dettes nouvelles et la possibilité pour le débiteur de proposer un projet de plan de sauvegarde ou de redressement.

5.2 – De l’entreprise au cours de la période d’observation

♦  L’ordonnance étend la liste des actes de la période d’observation pouvant être autorisés par le juge-commissaire (modification de l’article L. 622-7) :

→  En y ajoutant le paiement du transporteur exerçant l’action directe fondée sur l’article L. 132-8 du Code de commerce (action en paiement contre l’expéditeur et le destinataire).

→  En précisant que l’autorisation d’une sûreté réelle conventionnelle (gage, nantissement, hypothèque) ne peut concerner qu’une créance postérieure à l’ouverture de la procédure.

♦  Un nouvel article R. 622-5-1 oblige le débiteur à porter à la connaissance du mandataire judiciaire l’identité des personnes physiques qui se sont portées cautions de ses engagements (ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie).

Le mandataire judiciaire les informe, alors, de la possibilité qui leur est offerte de solliciter le bénéfice des dispositions de la procédure de surendettement.

♦  Un nouvel article L. 622-34 précise que les cautions (ou les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie) peuvent procéder à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel (même avant paiement).

Note : Dans ce cas, il conviendra de constater une double déclaration pour une même créance.

5.3 – De la vérification et de l’admission des créances
 

♦  La modification de l’article L. 624-2 précise qu’avant d’admettre ou de rejeter la créance, le juge-commissaire doit en premier lieu en examiner la recevabilité. Contrairement à la jurisprudence actuelle le législateur précise ainsi, par cette modification, qu’une créance irrecevable n’est pas une créance rejetée. 

♦  L’ajout d’un alinéa à l’article L. 624-3-1 précise, que les cautions (ou personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie), ne pourront plus se voir opposer l’état des créances lorsque la décision d’admission la décision du juge-commissaire ne leur a pas été notifiée.

De plus, l’article R. 624-8 modifié précise que cette inopposabilité joue tant que la décision d’admission de l’ordonnance du juge-commissaire ne leur a pas été signifiée et non notifiée. Il précise encore qu’à leur égard, le délai d’un mois prévu, pour présenter une réclamation, court à compter de cette signification.

5.4 – Du jugement arrêtant le plan et de l’exécution du plan

♦  Le projet de plan et le plan doivent mentionner les engagements d’effectuer des apports de trésorerie pris pour l’exécution du plan (modification des articles L. 626-2 et L. 626-10 alinéa 1). Les créances résultant des apports en trésorerie bénéficient du privilège de l’article L. 622-17 (modification de l’article L. 626-10 alinéa 5).

♦  Concernant les associés ou actionnaires, les augmentations de capital en numéraire ou par incorporation des comptes courants ne bénéficient pas d’un privilège de l’article L. 622-17. Mais les créances résultant des nouveaux apports en compte courant, pendant la période d’observation ou pour lesquels ils se sont engagés dans le projet de plan bénéficient du privilège (article L. 626-10 alinéa 5).

♦  Il est possible d’établir un projet de plan sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, portant sur un montant de passif. En ce cas le passif à prendre en compte correspond aux créances déclarées admises ou non contestées et aux créances identifiables, notamment celles dont le délai de déclaration n’est pas expiré (modification article L. 626-10 alinéa 2).

♦  L’annuité du plan doit être au moins de 10 % à partir de la 6ième année (modification article L. 626-18).

♦  Le tribunal ne peut pas imposer de remise ou de délais aux apports effectués pendant la période d’observation ou pendant l’exécution du plan. Sauf acceptation par le créancier (modification article L. 626-20).

♦  Lorsque la modification substantielle porte sur les modalités d’apurement du passif, les créanciers sont consultés et disposent d’un délai de 21 jours, au lieu de 15 pour faire valoir leurs observations. Le défaut de réponse à la proposition vaut acceptation, sauf s’il s’agit de remises de dettes ou de conversion en titres (modification article L. 626-26 et R. 626-45).

♦  Les apports d’argent frais dans le cadre de la modification du plan bénéficient des mêmes privilèges que ceux effectués pendant la période d’observation ou pendant l’exécution du plan (modification de l’article L. 626-26).

6. – Sauvegarde accélérée

♦  Il est à noter que le chapitre VIII du titre II du livre VI qui traite de la sauvegarde accélérée a été totalement réécrit (article L. 628-1 à L. 628-8).

♦  La sauvegarde accélérée est étendue à toutes les entreprises dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable (article L. 628-1 alinéa 4), suppression de toutes notions de seuils.

♦  La durée de la procédure est désormais de 2 mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal peut proroger ce délai sans que la durée totale de la procédure ne puisse excéder 4 mois maximum (article L. 628-8).

♦  La constitution de classes de parties affectées reste obligatoire(article L. 628-4).

7. – Sauvegarde financière accélérée

L’article 38 de l’ordonnance abroge la sauvegarde financière accélérée.

8. – Redressement judiciaire

♦  La suppression du dernier alinéa de l’article L. 631-14 permet aux cautions, personnes physiques :

→  D’une part, de voir inopposables les créances non déclarées régulièrement dans les délais pendant l’exécution du plan et après son exécution lorsque les engagements du plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, alors que précédemment cette disposition n’était applicable qu’en procédure de sauvegarde.

→  D’autre part, de se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus, alors que précédemment cette disposition. 

Il est à noter que la modification de l’article L. 622-26 2ième alinéa, confirme que les créances non déclarées régulièrement sont inopposables à la caution après exécution du plan lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le plan ont été tenus, alors que précédemment cette inopposabilité n’était applicable que pendant l’exécution du plan.

♦  L’abrogation de l’ancien article L. 631-20 permet aux cautions, personnes physiques, de se prévaloir des dispositions du plan de redressement accordé au débiteur principal, cette possibilité, avant l’ordonnance, ne bénéficiait qu’à la caution, personne physique d’un débiteur principal en sauvegarde.

9. – Liquidation judiciaire

♦  L’article L. 642-12 relatif au transfert de la charge des sûretés réelles (gage, nantissement, hypothèque) garantissant le remboursement d’un crédit au cessionnaire est modifié en son 4ième alinéa :

→  D’une part, il est expressément exigé du créancier qu’il ait régulièrement déclaré ses créances dans les délais pour bénéficier du transfert des sûretés et donc pour percevoir les échéances restant dues à compter du transfert de la propriété du bien sur lequel porte la sûreté.

→  D’autre part, il est expressément indiqué que le débiteur est libéré des échéances que le cessionnaire doit acquitter.

Note : il s’agit ici de sûretés réelles et non de sûretés personnelles (caution).

♦  Les autres modifications traitent essentiellement de la répartition de l’actif distribuable, que nous ne reproduirons pas ici (en particulier article L. 643-8).  

10. – Liquidation judiciaire simplifiée

Lorsque le débiteur est une personne physique, peu importe le chiffre d’affaires ou le nombre de salariés, la seule condition pour ouvrir la procédure est qu’il ne possède pas de bien immobilier (modification de l’article L. 641-2).

En conséquence, à compter du 01/10/2021 :

→  Pour un débiteur, personne morale, l’ouverture d’une liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire si l’actif ne comprend pas de bien immobilier et si le nombre de salariés est égal ou inférieur à 5 et le chiffre d’affaires est égal ou inférieur à sont égaux ou inférieurs à 750.000.

→  Pour un débiteur physique, la seule condition requise est l’absence de bien immobilier.

11. – Rétablissement professionnel

♦  La valeur de la résidence de l’entrepreneur personne physique, qui est insaisissable, ne doit pas être prise en compte pour déterminer le montant de l’actif pour ouvrir la procédure de rétablissement professionnel (modification de l’article L. 645-1).

♦  La valeur de réalisation de l’actif doit être inférieur à 15.000 euros au lieu de 5.000 euros avant le 01/10/2021 (modification de l’article R. 645-1). 

12. – Voies de recours

L’article L. 661-7 est modifié en indiquant que la tierce opposition ne peut être exercée à l’encontre de la décision de l’administrateur concernant la répartition en classes affectées.

13. – Entrée en vigueur

♦  L’ordonnance du 15/09/2021 entre en vigueur le 01/10/2021 et n’est pas applicable aux procédures en cours à cette date.

♦  Toutefois, le privilège d’argent frais dans le cadre de la modification du plan est applicable en cas de modification d’un plan de sauvegarde ou de redressement  d’une procédure ouverte antérieurement au 01/10/2021.

@media print { @page { margin: 5mm !important; } }