Jean-Claude LEMALLE

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Examen de la poursuite de la période d'observation dans les deux mois du jugement d'ouverture du redressement judiciaire (application de l'article L. 631-15)

Table des matières

1 – Les articles applicables

Article L. 631-15 du Code de commerce

I. — Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l’année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation.

Le tribunal se prononce au vu d’un rapport, établi par l’administrateur ou, lorsqu’il n’en a pas été désigné, par le débiteur.
II. — A tout moment de la période d’observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office, peut ordonner la cessation partielle de l’activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique», et avoir recueilli l’avis du ministère public. 
Lorsque le tribunal prononce la liquidation, il met fin à la période d’observation et, sous réserve des dispositions de l’article L. 641-10, à la mission de l’administrateur “.

Article R. 631-23 du Code de commerce

Aux fins de prononcé de la cessation partielle de l’activité en application du II de l’article L. 631-15, le tribunal est saisi par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues aux articles R. 631-3 ou R. 631-4.

Le jugement qui ordonne la cessation partielle de l’activité est communiqué aux personnes citées à l’article R. 621-7 et mentionné aux registres  ou répertoires prévus aux quatre premiers alinéas de l’article R. 621-8 “.

Article R. 631-24 du Code de commerce

Aux fins de prononcé de la liquidation judiciaire, le tribunal est saisi par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues aux articles R. 631-3 ou R. 631-4.

 Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire est notifié au débiteur dans les huit jours de son prononcé. Lorsque le débiteur n’est pas demandeur, le jugement lui est signifié dans le même délai.
Ce jugement est, en outre, signifié à la diligence du greffier, dans le même délai, aux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l’exception du ministère public.
 Il est communiqué aux personnes citées à l’article R. 621-7 et fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 621-8 “.
 

2. – Première hypothèse : le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation

Le débiteur est convoqué à une audience aux fins d’examiner s’il dispose des capacités financières nécessaire pour faire face aux charges de la période d’observation.

Il ne s’agit donc pas, à ce stade,  de porter une appréciation sur les possibilités d’établir un plan de redressement, mais de constater que le débiteur ne créera pas de dettes nouvelles pendant la période d’observation.

Le tribunal se prononce, soit au vu d’un rapport établi par l’administrateur, soit si un administrateur n’a pas été désigné, au vu d’un rapport établi par le débiteur.

A noter qu’en pratique, le mandataire judiciaire a l’habitude d’établir un rapport au regard des renseignements qu’il possède.

La loi, comme le décret ne donne aucune précision concernant les convocations à cette audience.

Certains tribunaux fixent la date de cette audience dans le jugement d’ouverture du redressement judiciaire.

3. – Deuxième hypothèse : le tribunal constate l’impossibilité de poursuivre la période d’observation

Le tribunal ne doit se prononcer que sur l’impossibilité manifeste de redressement, l’état de cessation des paiements étant déjà été constaté lors de l’ouverture de la procédure, et ce même si le redressement judiciaire a été prononcé en application de l’article L. 622-10 qui dispose que :

” A la demande du débiteur ou, à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire ou du ministère public, lorsqu’aucun plan n’a été adopté conformément aux dispositions de l’article L. 626-30-2 et, le cas échéant, de l’article L. 626-32 par les classes mentionnées à la section 3 du chapitre VI du présent titre, il décide également la conversion en redressement judiciaire si l’adoption d’un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements

Le tribunal ne peut statuer sur l’ouverture de la liquidation judiciaire d’un débiteur qu’après avoir entendu ou dûment appelé celui-ci à cette fin.

Trois situations possibles :

    • au jour de l’audience de l’examen des deux mois, le tribunal constate que le débiteur ne dispose pas de capacités de financement suffisantes et que le redressement est manifestement impossible,
    • la demande de liquidation judiciaire est formulée par l’administrateur oule mandataire judiciaire,
    • le ministère public est à l’origine de la demande de liquidation judiciaire.

3.1 – Au jour de l’audience de l’examen des deux mois, le tribunal constate que le débiteur ne dispose pas de capacités de financement suffisantes et que le redressement est manifestement impossible.

A défaut de convocation du débiteur en vue du prononcé de la liquidation judiciaire, le tribunal ne peut au cours de cette audience convertir le redressement en liquidation judiciaire.

Le tribunal exerçant son pouvoir de se saisir d’office, il convient alors de faire application de l’article R. 631-3, comme l’exige l’article R. 631-24.

Le tribunal doit alors convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à comparaître dans le délai qu’il fixe. A la convocation est jointe une note dans laquelle sont exposés les faits de nature à motiver l’exercice par le tribunal de son pouvoir d’office.

Le greffier adresse copie de cette note au ministère public.
 
Dans un arrêt du 24/05/2018, n° 16-27296, la chambre commerciale de la Cour de cassation précisait, concernant la simple mention de la liquidation judiciaire l’administrateur dans son rapport :
 
” Attendu que pour écarter le moyen de nullité de l’acte introductif d’instance et par conséquent du jugement du tribunal de commerce de Rouen du 5 avril 2011 invoqué par la société, l’arrêt retient qu’au terme de son rapport en vue de l’audience du 5 avril 2011, l’administrateur judiciaire de la société “demand(ait) au tribunal de prononcer la liquidation judiciaire à l’issue de la période d’observation, devant l’impossibilité du redressement et devant l’importance des dettes relevant des dispositions de l’article L. 622-17”, que le jugement se référait à cette demande et qu’il est ainsi établi que le tribunal de commerce n’a pas exercé d’office le pouvoir qui était le sien de prononcer la liquidation judiciaire de la société mais a été saisi à cette fin par une demande de l’administrateur judiciaire, ce qui exclut l’application des dispositions de l’article R. 631-3 du code de commerce ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la mention évoquant la liquidation faite par l’administrateur judiciaire dans son rapport ne constituait pas une demande de conversion du redressement en liquidation, de sorte que le tribunal s’était saisi d’office sans respecter les formes prévues par l’article R. 631-3 du code de commerce, la cour d’appel a violé les textes susvisés “.

De même dans un arrêt du 26/06/2019, n° 17-27498 la Cour de cassation confirme que l’inscription dans le jugement d’ouverture de la procédure collective d’une convocation pour examen des deux mois, avec mention que la liquidation judiciaire pourra être prononcée ne constitue pas une convocation régulière :

” Attendu que pour prononcer la liquidation judiciaire de la société, l’arrêt retient que la saisine du tribunal était régulière, la société ayant été convoquée à l’audience du 15 septembre 2016 par le renvoi opéré par le dispositif du jugement du 2 juin 2016 et informée de son objet par la mention de l’article L. 631-15 du code de commerce qui s’y trouvait, de sorte qu’en dépit de l’annulation du jugement faute d’avis du juge-commissaire, la cour d’appel doit statuer au fond ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la mention, dans le jugement de renvoi du 2 juin 2016, du rappel de l’affaire à une audience ultérieure et l’indication, dans ce jugement, que le tribunal pourrait, au cours de cette nouvelle audience, statuer sur la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ne constituaient pas une convocation régulière de la société débitrice, laquelle avait conclu, à titre principal, à l’annulation du jugement de conversion pour ce motif, la cour d’appel a violé les textes susvisés “.

3.2 – La demande de liquidation judiciaire est formulée par l’administrateur ou le mandataire judiciaire

Si, le mandataire ou le liquidateur judiciaire saisissent le tribunal par requête pour convertir le redressement en liquidation judiciaire et en informe le débiteur, aucune convocation dans les conditions de l’article R. 631-3 ne s’impose (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/01/2023, n° 21-16806).

Il convient en effet de considérer que le débiteur ayant une connaissance précise du motif de sa convocation, il dispose du délai nécessaire pour préparer sa défense, le contradictoire étant alors respecté.

3.3 – La demande de liquidation judiciaire est formulée par le ministère public

Il convient alors de faire application de l’article R. 631-4 qui dispose que :

Lorsque le ministère public demande l’ouverture de la procédure par requête, celle-ci indique les faits de nature à motiver cette demande. Le président du tribunal, par les soins du greffier, fait convoquer le débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception» à comparaître dans le délai qu’il fixe.

 A cette convocation est jointe la requête du ministère public “. 
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