Jean-Claude LEMALLE

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire
Arrêt du 04/04/2024, n° 22-21880 - Disproportion - Conséquence de l'absence de fiche de renseignements : aucune obligation pour la caution de déclarer spontanément l'existence d'engagements antérieurs
Table des matières

1 – La position de la Cour de cassation

Vu les articles L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 :

Aux termes des deux premiers textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour rejeter la demande de la caution au titre de la disproportion et la condamner à paiement, l’arrêt retient que si M. [O] [E] fait état de sept cautionnements antérieurs au 11 avril 2017, date du cautionnement litigieux, qu’il n’a pas déclarés à la société Minoterie Forest pour un montant de 736 220 euros, il était tenu à une obligation déclarative même s’il soutient que certains de ces engagements pour un montant de 145 720 euros avaient été consentis au profit de la société Minoterie Forest qui en était, dès lors, informée.

En statuant ainsi, alors que, n’ayant pas été invitée par le créancier à établir une fiche de renseignements, la caution n’était pas tenue de déclarer spontanément l’existence d’engagements antérieurs, de sorte qu’en l’absence de telles déclarations, l’ensemble de ses biens et revenus, dont elle établissait l’existence, devait être pris en compte pour apprécier l’existence d’une éventuelle disproportion manifeste de l’engagement litigieux, la cour d’appel a violé les textes susvisés “.

2. – Note

Dans cette affaire, aucune fiche de renseignements n’a été dressée par l’établissement prêteur de deniers. Par conséquent, la caution n’avait pas pu déclarer qu’elle s’était déjà engagée pour sept cautionnements antérieurs au 11 avril 2017, date du cautionnement litigieux, pour un montant de 736 220 euros. Se posait donc la question d’une éventuelle obligation déclarative de la caution à ce titre et ce spontanément en l’absence de toute fiche de renseignements à l’initiative de la banque.

Les juges du fond avaient considéré qu’une telle obligation pesait sur la caution. Pourtant, aucun texte ne vient prévoir une telle charge déclarative. Il ne faut pas ici inverser la difficulté puisque c’est à l’établissement bancaire de s’enquérir de la santé financière de son client ou de son garant et non l’inverse.

La Cour de cassation précise ainsi que si le créancier n’a pas invité la caution à remplir une fiche de renseignements, celle-ci n’est pas tenue à déclarer spontanément l’existence d’engagements antérieurs. En l’absence de ladite fiche, tous les biens, revenus et engagements (crédits, cautionnements…) de la caution doivent être pris pour apprécier l’existence d’une éventuelle disproportion de son engagement.

Rappelons que si la caution avait rempli une fiche de renseignements, elle ne pouvait prétendre disposer d’une situation financière moins favorable que celle déclarée (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/03/2017, n° 15-20236), sauf si la déclaration n’était pas signée (Cour de cassation, chambre commerciale du 19/09/2021, n° 20-14660), ou si elle avait été signée après la conclusion du cautionnement (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/03/2024, n° 22-19900) ou si elle comportait une anomalie apparente (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/11/2021, n° 19-18142).

A noter, que cette jurisprudence est applicable à la disproportion applicable aux contrats conclus à compter du 01/01/2022

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