Jean-Claude LEMALLE

Une expérience de juge consulaire
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Annexes au fichier POWERPOINT concernant la "REDACTION D'UN JUGEMENT"

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Table des matières

Annexe 1 : Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 31/05/2018 n° 16/11417 et concernant un jugement du tribunal de Cannes du 28/04/2016 n° 2015F00054 – Exemple d’un arrêt n’utilisant pas « Attendu que »

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le solde de travaux :

En application de l’article 9 du Code de procédure civile :

« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Et l’article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10.2.2016 applicable au litige, énonce que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’

En l’espèce, il résulte des explications des parties et des pièces produites par elles :

  • que José Antonio R. M. exerçant à l’enseigne ENTREPRISE JOSE M. fut contacté par la S.A. ALEXANDRE B. B., dite ABB agissant en qualité de maître de l’ouvrage, pour réaliser des travaux de parement, c’est-à-dire concernant ‘le traitement façade des murs en pierre en F/P à joints secs’ du chantier de construction du parking Saint Nicolas àCannes,
  • qu’il n’a pas signé le marché de travaux HT de 45000€ daté du 15.8.2011 que lui proposait ABB, (pièce 3 de la S.A. ALEXANDRE B. B., dite ABB),
  • qu’il a néanmoins accepté de procéder aux travaux commandés,
  • qu’il a établi deux situations de travaux se référant à ce seul montant HT de travaux de 45000€,
  • que la première, datée du 25.8.2011, établie pour un montant HT de 10.000€, et de 9350€ après déduction d’une retenue de garantie et du compte prorata, soit TTC 11.182,60 €, comporte à la fois la signature de l’entrepreneur et du maître de l’ouvrage, ce qui traduit leur accord sur le montant du marché, (pièce 6 de José Antonio R. M. exerçant à l’enseigne ENTREPRISE JOSE M.),
  • que la seconde datée du 25.9.2011, établie pour un montant HT de 24.987,41€ après déduction d’une retenue de garantie et du compte prorata, soit TTC 29.884,94€, comporte également la signature de l’entrepreneur et du maître de l’ouvrage, (pièce 7 de José Antonio R. M. exerçant à l’enseigne ENTREPRISE JOSE M.),
  • que si le maître de l’ouvrage indique avoir dû faire terminer la tâche confiée à José Antonio R. M. par une autre entreprise : MJP Bâtiment et lui avoir réglé la somme de 16.024,91€, José Antonio R. M. estime que le marché conclu avec le maître de l’ouvrage était en réalité de 80.000€ HT, qu’il n’a pas été réglé de la totalité des travaux réalisés, ce qui justifie sa demande en paiement.

Pour justifier d’une telle demande et donc d’un marché d’un tel montant, il produit la photocopie d’une « Attestation de travaux » établie sur un imprimé Qualibat, datée du 5.11.2011, portant le nom et la signature de son auteur : Ulysse P. et le cachet de « ALEXANDRE B. B. S.A. groupe ABB » à Cannes, attestation faisant notamment état d’une réception des travaux au « 10/2011 », de travaux conformes aux règles de l’art relatifs à un marché d’un montant HT de « quatre-vingt mille euros » (pièce 8).

Alors que José Antonio R. M. présente Ulysse P. comme étant le représentant du maître de l’ouvrage et verse à ce sujet une attestation d’un élu de la mairie de Cannes et la photocopie d’un procès-verbal de chantier, la S.A. ALEXANDRE B. B. établit par les pièces qu’elle produit que cette personne n’avait aucune qualité pour la représenter.

En effet, l’examen des extraits du Registre du Cannes et des sociétés concernant la S.A. ALEXANDRE B. B., dite ABB ayant son siège au Portugal, et la SA ABB CONSTRUCTION, ayant son siège en France, révèle que Ulysse P. était seulement « directeur technique, non administrateur » de cette seconde société.

En outre, il ressort de la procédure prud’homale l’ayant opposé à la S.A. ALEXANDRE B. B., dite ABB, l’absence totale de lien de subordination et de relation salariale entre eux et de preuve de ce qu’il avait exercé son activité de développement et de suivi du chantier Saint Nicolas de Cannes dans un lien de subordination avec cette société (jugement du conseil des prud’hommes de Cannes du 15.5.2013, arrêt de la présente cour du 15.4.2014 et arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 17.3.2016, pièces 8, 9 et 10 de la S.A. ALEXANDRE B. B., dite ABB).

En conséquence, il est seulement établi par les pièces produites, notamment par les situations de travaux comportant la signature des deux parties, que le montant du marché était de 45.000 € H.T., soit, avec une TVA au taux de 19,60%, 53.820 € TTC.

La somme totale de 39.337,41€ (9.350 € + 24.987,41 € + 5.000 €) a été réglée par la S.A. ALEXANDRE B. B. à José Antonio R. M..

Pour être réglé du solde de ce marché, soit : 53.820 € – 39.337,41 € = 14.482,59 €, José Antonio R. M. doit prouver qu’il a réalisé l’ensemble des travaux convenus dans les règles de l’art.

Cependant, il ne rapporte pas cette preuve.

En effet, il ne verse aucun procès-verbal de réception, alors qu’en produisant une facture ainsi que les documents attestant de son règlement, le maître de l’ouvrage justifie avoir fait appel à un autre entrepreneur pour terminer les travaux de parement et lui avoir réglé la somme de 16024,91€ TTC (pièce 4).

En conséquence, ne rapportant pas la preuve de la créance qu’il invoque José Antonio R. M. doit être débouté de sa demande en paiement d’un solde de travaux, le jugement déféré étant ici réformé.

Sur les dommages et intérêts réclamés par l’entreprise :

Alors que José Antonio R. M. succombe, qu’il ne prouve pas l’existence d’une attitude fautive de la S.A. ALEXANDRE B. B., dite ABB ayant directement généré un préjudice, c’est avec raison que le premier juge l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour « réticence abusive ».

En outre, sollicitant la confirmation du jugement déféré « dans l’intégralité de ses dispositions », José Antonio R. M. a donc renoncé en appel à cette réclamation.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :

S’il peut être reproché à José Antonio R. M. d’avoir engagé une procédure judiciaire qui n’était pas fondée, pour autant, la S.A. ALEXANDRE B. B. ne démontre pas qu’il en soit résulté pour elle un préjudice spécifique.

La décision déférée doit donc ici être confirmée, mais pour d’autres motifs.

Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile :

Succombant, José Antonio R. M. supportera les dépens de première instance et d’appel.

L’équité ne commande nullement d’allouer aux parties la moindre somme au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

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Annexe 2 : arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 27/09/2018, n° 17/16510 – Un exemple d’exposé des faits

Le 15 juin 2012, M. Christian M. a constitué la SAS Logisdem, au capital de 10 000 € intégralement libéré, dont il était l’unique actionnaire et le dirigeant.

Par acte du 16 juillet 2012, la société Logisdem a acquis au prix de 133 000 € un fonds de commerce d’entreprise de transport et déménagement. L’acquisition a été partiellement financée au moyen d’un prêt de 93 600 € consenti, dans le même acte, par la Banque populaire Côte d’Azur, devenue la Banque populaire Méditerranée (la BPM), au taux de 3,20 % sur 7 ans.

Le prêt est garanti, notamment, par un engagement de caution solidaire souscrit le 4 juillet 2012 par M. M., dans la limite de 23 400 €, et par le cautionnement de la société SOCAMA, laquelle intervient en dernier rang, après épuisement des autres garanties.

Le 4 octobre 2013, M. M. a souscrit un nouvel engagement de caution solidaire, en garantie de toutes les obligations de la société Logisdem envers la BPM, pour une durée de 10 ans, dans la limite de 36 000 €.

La société Logisdem a été mise en redressement et liquidation judiciaires, les 4 juin 2014 et 15 octobre 2015.

La BPM a déclaré au passif une créance de 71 072,01 €, au titre du prêt, et une créance de 31 708,43 €, au titre du solde débiteur d’un compte professionnel.

Autorisée par une ordonnance d’un juge de l’exécution, la BPM a fait inscrire une hypothèque provisoire sur un immeuble appartenant à M. M. puis l’a fait assigner en exécution de ses obligations de caution, le 22 avril 2015.

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Annexe 3 : jugement du tribunal de commerce de CANNES du 28/06/2018 – Un exemple d’exposé des faits et de la procédure

FAITS et PROCEDURE

Madame Line KONAN, exerçant en qualité d’avocat individuel, inscrite au Barreau de Grasse, a donné le 14/11/2017 son accord à la SAS ECOSTAFF, pour l’acquisition d’un outil de dictée numérique, par la signature d’une proposition commerciale.

A cette même date Maître Line KONAN a signé avec BNP PARIBAS LEASE GROUP un contrat de location, au titre du financement de cet outil.

Le 02/02/2018, Maître Line KONAN faisait parvenir à la SAS ECOSTAFF, un courrier ainsi libellé :

« Lors de la venue de vos commerciaux à mon cabinet 520 avenue Janvier Passero 06210 MANDELIEU, j’ai souscrit un contrat de fournitures d’une solution DICTA PLUS dictant et secrétaire.

Je ne suis pas satisfaite de cette solution tant d’un point de vue de son efficacité, de sa vitesse que de son ergonomie.

En conséquence je vous notifie l’exercice de mon droit de rétractation concernant la commande de la solution DICTAPLUS, dictant et secrétaire souscrite en mon cabinet 520 avenue Janvier Passero 06210 MANDELIEU.

Je n’ai jamais reçu notification de mon droit de rétractation ou d’un bordereau de rétractation au sens des articles L. 221-1 et suivants du Code de la Consommation.

Ces dispositions sont en effet applicables à nos relations conformément aux dispositions de l’article L. 221-3 du Code de la Consommation.

J’emploie moins de 5 salariés et j’exploite un cabinet d’avocats non spécialisés en matière d’informatique.

Je me tiens à votre disposition pour la restitution du matériel, la suppression/modification des logiciels ainsi que pour faire le point sur la facturation au titre des prestations déjà réalisées au titre du contrat… ».

A défaut d’accord concernant la rétractation, par acte d’huissier en date du 4 Avril 2018, Mme Line KONAN  a fait assigner la SAS ECOSTAFF et SA BNP PARIBAS LEASE GROUP, d’avoir à comparaître le 26 Avril 2018 par devant les Magistrats composant le Tribunal de Commerce de Cannes, aux fins de venir entendre :

Vu l’article L221-3 du Code de la consommation,

Vu les contrats conclus,

  • Déclarer les demandes recevables et bien fondées ;
  • Dire et juger qu’en l’état de la rétractation, le contrat conclu de vente et de location financière sont résiliés rétroactivement au jour de leur conclusion ;
  • Dire et juger que BNP PARIBAS LEASE GROUP remboursera les loyers échus et encaissés ;
  • Dire et juger qu’aucun loyer n’est plus dû à BNP PARIBAS LEASE GROUP ;
  • Constater que Madame Line KONAN a fait offre de restitution rejetée par te fournisseur ;
  • Donner acte à Madame Line KONAN de son accord pour restituer les biens et logiciels fournis ;
  • Ordonner l’exécution provisoire ;
  • Condamner solidairement la société ECOSTAFF et BNP PARIBAS LEASE GROUP au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens.

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Annexe 4 : arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 28/09/2017, n° 15/13103  – Un exemple d’arrêt rédigé en application de l’article 455 du CPC.

Les faits

Mme Vanessa V. exerce la profession de podologue et pédicure médicale.

Par acte sous seing privé du 2 mai 2005, Mme Vanessa V. et la SAS Centre de Repos et de Convalescence Saint Basile, établissement sis à Mougins, ont conclu un contrat d’exercice libéral à durée indéterminée.

Aux termes de ce contrat, la SAS Saint Basile a donné le droit à Mme Vanessa V. d’exercer son activité au sein de la clinique pour les patients hospitalisés, à leur demande ou celle d’un praticien.

En contrepartie des diverses prestations et fournitures dont l’établissement la faisait bénéficier, Mme Vanessa V. s’est engagée à participer aux frais mensuels représentant 15 % nets des honoraires réalisés au titre de l’exercice de sa profession dans cet établissement.

Suivant avenant du 1er janvier 2008, conclu pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, la SAS Saint Basile a accepté de permettre à Mme Vanessa V. de « recevoir ses patients externes (non hospitalisés dans les établissements du Groupe A. Tzanck à Mougins) le jeudi après-midi de 12 heures à 17 heures dans ses locaux de rééducation cardiaque situés au rez-de-jardin de Plein Ciel. »

Après un échange de lettres recommandées manifestant une mésentente entre la direction de la clinique et la praticienne, la SAS Saint Basile a, par courrier recommandé du 11 mars 2013, indiqué à Mme Vanessa V. qu’à l’issue d’un préavis de six mois, prévu à l’article 19 du contrat d’exercice, leur collaboration cesserait.

Mme Vanessa V. a contesté cette rupture contractuelle, et une tentative de conciliation a eu lieu le 12 septembre 2013, qui n’a pas abouti.

Par acte du 3 février 2014 , Mme Vanessa V. a fait assigner la SAS Saint Basile devant le tribunal de commerce de Cannes aux fins de voir dire abusive la rupture du contrat d’exercice à l’initiative de l’établissement.

La procédure

La Cour d’appel reproduit ici le jugement du tribunal de commerce de Cannes du 11/06/2015.

Les prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 27 avril 2017, auxquelles il convient de se référer par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :

  • reprise de l’ensemble des prétentions.

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 11 mai 2017, auxquelles il y a également lieu de se reporter en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Saint Basile demande à la cour de :

  • reprise de l’ensemble des prétentions.

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Annexe 5 : arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 13/09/2018, n° 16/11579 (un exemple de nullité d’un jugement pour absence de motivation)

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur la nullité du jugement :

Les appelants soutiennent que le jugement est nul faute de motivation et faute de toute réponse apportée aux moyens qu’ils avaient soulevés devant les premiers juges.

En application des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, à peine de nullité.

Le jugement déféré, après avoir rappelé la chronologie des actes sur lesquels est fondée la demande de la banque, s’est borné à énoncer « la demande est régulière et bien fondée » sans répondre aux moyens de la débitrice principale relatifs à la déchéance du terme et au TEG, ni aux moyens des cautions relatifs notamment à la disproportion de leurs engagements et au défaut d’information annuelle des cautions. Une telle formule ne peut caractériser la motivation exigée par le texte précité et contrairement à ce que soutient la banque, ne comporte aucune analyse, même implicite, des moyens des appelants.

Le jugement déféré est par conséquent annulé.

En application de l’article 562 du code de procédure civile et de l’effet dévolutif de l’appel, la cour est saisie de l’entier litige et doit statuer au fond.

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Annexe 6 : Cour de cassation, chambre commerciale du 03/05/2018, n° 16-23627

Attendu, selon l’arrêt attaqué tel que rectifié, que M. et Mme Z… ont confié à la B… E… (la société) divers travaux d’aménagement de leur domicile ; qu’invoquant l’inachèvement des travaux ainsi que des désordres affectant les prestations réalisées, ils ont assigné cette société ainsi que le gérant de celle-ci, M. Y…, afin d’obtenir leur condamnation solidaire à leur payer des dommages-intérêts ; que la société a été mise sous sauvegarde, Mme X… étant désignée mandataire judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu que pour condamner M. Y… à payer à M. et Mme Z… la somme de 45 899,14 euros, outre intérêts, l’arrêt rectifié retient qu’il a attendu le 8 novembre 2013 pour déposer au greffe du tribunal de commerce les comptes annuels de sa société, relatifs aux années 2011 et 2012 et ce, en violation des dispositions de l’article L. 232-21 du code de commerce, l’inobservation de ces dispositions étant pénalement sanctionnée par l’article R. 247-3 du même code ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute intentionnelle d’une particulière gravité, détachable des fonctions de gérant, seule de nature à engager la responsabilité personnelle du gérant d’une société à responsabilité limitée à l’égard des tiers, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. Y… à payer à M. et Mme Z… une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rectifié retient qu’il a délibérément entretenu une confusion entre son adresse personnelle et celle du siège social de la société ;

Qu’en statuant ainsi, par voie de simple affirmation et sans aucune analyse, même sommaire, des éléments de preuve soumis à son appréciation, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu que pour condamner M. Y… à payer à M. et Mme Z… une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rectifié retient que la tardiveté avec laquelle il a déposé au greffe du tribunal de commerce les comptes de sa société n’a pas permis à M. et Mme Z… d’être utilement éclairés sur l’état de la trésorerie de la société avec laquelle ils s’apprêtaient à contracter, et que la confusion qu’il a entretenue entre son adresse personnelle et celle du siège social de la société n’a pu que compliquer les démarches de ses interlocuteurs ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le lien de causalité entre les fautes imputées à M. Y… et le préjudice d’un montant de 45 899,14 euros correspondant au coût de la reprise des travaux réalisés par la société, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l’article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société et de M. Y… et Mme X…, ès qualités, tendant à ce qu’il soit procédé à la compensation entre le montant éventuel de la condamnation mise à la charge de la société et/ou de M. Y… et la somme résultant des ventes aux enchères des deux véhicules saisis par M. et Mme Z… et appartenant à M. Y…, l’arrêt rectifié retient que la réalité de la vente n’est pas établie ;

Qu’en statuant ainsi, alors que M. Y… produisait un acte le convoquant à l’hôtel des ventes de Nice le 5 septembre 2014, en vue de la vente de ses véhicules qui avaient été immobilisés et saisis le 9 juillet 2014, et que M. et Mme Z… ne contestaient pas dans leurs écritures avoir perçu le produit de la vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il fixe le montant de la créance de M. et Mme Z… au passif de la procédure collective de la D… C… à la somme de 45 899,14 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2013, l’arrêt rendu le 7 janvier 2016, rectifié par arrêt du 16 juin 2016, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne M. et Mme Z… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Y…, la société C… E… , et Mme X…, en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société, la somme globale de 3 000 euros ;

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Annexe 7 : Cour de cassation, chambre civile du 17/02/2004, n° 02-10755 (exemple de motivation avec des considérations générales)

Vu l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que M. X…, de nationalité marocaine, et Mme Y…, de nationalité française, mariés le 11 janvier 1986, ont divorcé par jugement du 8 mars 1991 après enregistrement de la déclaration acquisitive de la nationalité française souscrite par M. X… le 7 mars 1990 sur le fondement de l’article 37-1 du Code de la nationalité française ; que, par actes des 6 février et 5 mars 1998, le procureur près le tribunal de grande instance de Nantes a assigné M. X… et Mme Y… en annulation de leur mariage pour bigamie et pour faire constater, en conséquence, la caducité de la déclaration de nationalité ;

Attendu que pour débouter le ministère public de sa demande en nullité du mariage, la cour d’appel retient qu’il résulte des pièces versées aux débats que M. X… s’est marié au Maroc le 22 août 1981 avec Mme Z…, de nationalité marocaine, mais qu’il établit que le mariage a été dissous par divorce en février 1983 selon la loi marocaine ; qu’elle ajoute que la décision de divorce doit être reconnue de plein droit en France ;

Attendu qu’en statuant ainsi, par des considérations générales qui ne permettent pas à la Cour de Cassation d’exercer son contrôle sur la régularité internationale de la décision marocaine, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

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Annexe 8 : arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 15/12/2016, n° 14/12661 (exemple plus complet de raisonnement juridique)

Prémisses majeures du raisonnement, qui comprend ici la relation des faits et les moyens et prétentions des parties.

  1. a) La relation des faits

Attendu que la société Sodimed exerce une activité de distribution d’alliages et d’attachement dentaires ainsi que, à titre accessoire, une activité de négoce de métaux précieux ; 

Qu’elle est titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la banque HSBC France, agence d’Aix-Marseille Ouest, sous le numéro 300056 00969 09690001 439 82 ; 

Que le 28 mars 2013, elle a conclu avec son banquier un contrat “Elys PC Package Intégral“, puis souscrit au service Transfert de Fichiers, permettant de transférer en temps réel vers la banque, via Internet, des fichiers de remise de virements domestiques et de virements internationaux ; 

Que la mise en œuvre de ce service était accompagnée d’un dispositif de sécurité reposant, pour ce qui est notamment de la création d’un nouveau bénéficiaire, sur une triple sécurité, à savoir la saisie, par l’utilisateur, de son identifiant, de sa réponse mémorable et du mot de passe à usage unique généré par un terminal dédié, le boîtier Digipass ; 

Que par lettre du 17 décembre 2013, la société Sodimed a contesté 12 virements effectués le 22 novembre 2013 pour un montant total de 243.951 euros, effectués, selon elle, sans son consentement préalable ; 

Que par lettre du même jour, la banque HSBC a répondu qu’elle ne pouvait être tenue pour responsable d’une fraude totalement indépendante des systèmes de sécurité de l’application Elys PC ; 

Qu’après avoir vainement mis en demeure, le 18 décembre 2013, la banque de l’indemniser à hauteur des virements litigieux, la société Sodimed a, par acte du 4 février 2012, fait assigner à bref délai la banque HSBC devant le tribunal de commerce de Salon-de-Provence, qui a rendu le jugement entrepris ; 

  1. b) Les moyens et prétentions du demandeur, au regard des faits et des textes applicables (principalement articles L. 133-6, L. 133-23 alinéa 2 et 133-18 du code monétaire et financier)

Attendu que la société Sodimed, appelante, fait valoir que tant au regard de l’article 1937 du code civil, régissant le dépôt, qu’au regard des dispositions du code monétaire et financier et notamment de son article L 133-6, le banquier qui exécute un virement sans avoir reçu l’ordre provenant de son client est tenu de lui restituer les fonds ; 

Qu’elle note qu’en application de l’article L 133-23, alinéa 2, du code monétaire et financier, l’utilisation du dispositif de sécurité mis en place ne suffit pas à prouver que les virements ont été autorisés ou qu’elle a manqué intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations ; 

Qu’elle réaffirme qu’elle n’a jamais consenti à l’exécution des virements litigieux, qui ne correspondent pas, eu égard à leur montant et à leurs destinataires, à sa pratique, qu’elle n’a commis aucune faute ou négligence grave, ayant, en particulier, averti la banque dès qu’elle a constaté une anomalie, et qu’en conséquence, la banque était tenue de les lui rembourser sans délai, en application de l’article L 133-18 du code monétaire et financier ; 

Qu’elle estime par ailleurs que la banque aurait commis une faute, en ne lui recommandant pas de prévoir un plafond journalier d’autorisation de virements, et en n’empêchant pas l’exécution de ces douze virements, effectués dans un laps de temps très court d’une quarantaine de minutes au profit de comptes ouverts auprès de banques domiciliées en Chine, en Autriche et en Hongrie ; 

Qu’elle sollicite, en conséquence la condamnation de la banque HSBC à lui verser la somme de 197.267,50 euros correspondant au montant des virements effectués, déduction faite d’une somme totale de 49.683,50 euros dont la banque HSBC a pu obtenir le retour auprès des banques bénéficiaires et qui a été re-créditée sur son compte ; 

  1. c) Les moyens et prétentions du défendeur

Qu’en réponse, la banque HSBC soutient que le consentement de la société Sodimed aux virements litigieux a été formalisé conformément aux stipulations contractuelles, ainsi que le tribunal l’a retenu ; 

Qu’elle fait valoir que l’article IV du contrat prévoit que “L’utilisateur assure seul la conservation de l’identifiant, de la réponse mémorable et de son digipass. Le client accepte donc expressément que la banque soit dégagée de toute responsabilité en cas d’usage frauduleux de ceux-ci avant demande de blocage” ; qu’elle en déduit que le contrat déroge expressément aux dispositions des articles L 133-19, L 133-20 et L 133-23, alinéa 2, du code monétaire et financier ; 

Qu’elle considère que le dispositif qu’elle a mis en place est particulièrement sécurisé, puisqu’il nécessite la saisie de trois informations différentes, dont un code à usage unique généré par un terminal se trouvant physiquement chez le client, de sorte que l’obligation prévue à l’article L 133-15 du code monétaire et financier est parfaitement respectée ; 

Qu’elle fait valoir qu’en application de l’article L 133-16, alinéa 2, du code monétaire et financier, le payeur utilise l’instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation ;

1ier argument : engagement d’installer un anti-virus

Qu’elle note qu’en application de l’article III du contrat Elys PC, la société Sodimed s’est notamment engagée à installer les outils de sécurité informatique requis, qui comprennent un anti-virus mis à jour et un firewall exploité ;

Qu’elle soutient que la société Sodimed n’établirait aucunement avoir installé sur son système informatique les outils de sécurité prévus contractuellement, caractérisant ainsi une négligence grave et manifeste ;

Qu’elle ajoute avoir régulièrement alerté la société Sodimed sur la possibilité et l’opportunité d’installer le logiciel Trusteer, ce que cette dernière n’a pas cru devoir faire, n’y ayant pourvu que postérieurement aux virements litigieux ; 

2ième argument : négligence de la part du comptable de Sodimed

Qu’elle estime qu’une seconde négligence a été commise par la Sodimed en ouvrant une pièce jointe intitulée “avis de paiement“, jointe à un courriel ne correspondant à aucune pratique habituelle de la banque, alors par ailleurs qu’elle indique alerter régulièrement l’ensemble de ses clients sur de faux courriels en circulation ;

Qu’à tout le moins, la société Sodimed aurait dû réagir après avoir constaté qu’elle ne pouvait pas ouvrir la pièce jointe ; 

Prémisse mineure – Analyse des faits au regard du contrat et des textes

1) Reprise des textes applicables et leurs applications

Attendu, selon l’article L 133-23 du code monétaire et financier, que lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre ; 

Que l’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière ; 

Attendu qu’il est constant que le dispositif Elys PC auquel a souscrit la société Sodimed et au moyen duquel ont été réalisées les opérations litigieuses, constitue un instrument de paiement au sens de l’article L 133-4, c, du code monétaire et financier, et que celui-ci était doté d’un dispositif de sécurité personnalisé au sens de l’article L 133-4, a, dudit code ; 

Qu’il n’est pas sérieusement contesté que la société Sodimed a été victime d’une fraude consistant dans l’envoi d’un courrier électronique paraissant provenir de la banque HSBC, auquel était attachée une pièce jointe sur laquelle sa comptable a cliqué, permettant ainsi aux fraudeurs de prendre la maîtrise du système et de déjouer le système de sécurité mis en place ; 

2) Rejet du premier moyen soulevé par la banque : le consentement donné aux opérations

Que c’est, dès lors, de manière inopérante que la banque HSBC prétend que le consentement aux opérations aurait été donné en conformité avec les stipulations du contrat, et que la société Sodimed devrait en assumer les conséquences pour avoir contractuellement accepté que la banque soit dégagée de toute responsabilité en cas d’usage frauduleux de l’identifiant, de la réponse mémorable et du digipass de ceux-ci avant demande de blocage, ces éléments n’apparaissant pas avoir été utilisés et la banque n’en rapportant pas la preuve ; 

Attendu que la société Sodimed contestant avoir autorisé les 12 virements litigieux exécutés le 22 novembre 2013 pour un montant total de 243.951 euros, il incombe à la banque HSBC de prouver que la société Sodimed n’aurait pas satisfait par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière, étant observé qu’il n’est pas soutenu que la société aurait agi intentionnellement ; 

3) Rejet du deuxième moyen soulevé par la banque : l’absence de moyen de protection informatique mis en place par Sodimed

Que c’est, tout d’abord, en vain que la banque HSBC soutient que la société Sodimed aurait commis une négligence grave en ne se dotant prétendument pas d’un anti-virus ou d’un firewall propres à éviter les intrusions frauduleuses à l’intérieur du système, et en n’installant pas le logiciel Trusteer ; 

Que, d’une part, la société Sodimed justifie avoir installé un firewall (Nesdaq) et un anti-virus (Kaspersky), étant observé que les dispositions contractuelles invoquées par la banque, formulées en termes généraux, ne définissaient aucun seuil d’exigence particulier en la matière ; 

4) Au niveau des faits la banque était consciente des failles possible

s de son dispositif

Que, d’autre part, la banque, qui était consciente d’une faille possible des sécurités dont bénéficiait le dispositif Elys PC, puisqu’elle préconisait la mise en place d’une sécurité complémentaire avec l’installation du logiciel Trusteer, ne pouvait se contenter d’une telle recommandation, ayant la maîtrise du système et étant seule à même d’apprécier sa vulnérabilité et la nécessité que des correctifs soient mis en œuvre ; qu’au regard de l’article L 133-15 du code monétaire et financier, le prestataire qui délivre un instrument de paiement, doit en effet s’assurer que les dispositifs personnalisés de cet instrument ne sont pas accessibles à d’autres personnes que l’utilisateur autorisé ;

Qu’il incombait donc à la banque, si véritablement l’installation de ce logiciel conditionnait l’inviolabilité du système, d’en suspendre l’utilisation aussi longtemps que ce correctif n’avait pas été apporté ;

Que par suite, en ne déférant pas aux simples recommandations formulées par la banque à cet égard, la société Sodimed n’a pas commis de négligence grave au sens de l’article L 133-19 du code monétaire et financier ; 

5) Il est difficile pour le comptable de la société Sodimed de s’apercevoir du caractère frauduleux du message et qu’il n’a donc commis aucune faute, ni négligence.

Qu’en second lieu, le fait, pour la comptable de la société, d’avoir cliqué sur une pièce jointe accompagnant un courriel paraissant provenir de la banque, même s’il constitue un acte volontaire qu’un utilisateur alerté sur les risques de fraude aurait pu éviter de commettre, ne constitue pas pour autant une négligence grave au sens du texte susvisé, la banque n’alléguant ni ne démontrant que la comptable aurait, en particulier, communiqué des informations à cette occasion ou validé quelque requête que ce soit ; 

Que si, le message litigieux ayant été détruit, il est difficile d’apprécier l’apparence d’authenticité que ce courriel pouvait présenter et le risque de confusion qu’il présentait, le fait que ce message ait été détruit ne présente en soi aucun caractère fautif, ce qu’au demeurant la banque ne soutient pas ; 

Que, pareillement, en n’alertant pas la banque au moment de la réception du message litigieux, alors qu’il n’est pas allégué ni démontré qu’un indice d’une intrusion malveillante aurait été décelable immédiatement, la société Sodimed ne s’est pas rendue l’auteur d’une négligence grave ; 

Qu’il y a lieu, au contraire, de constater que la société Sodimed a alerté la banque dès le lendemain, après avoir constaté qu’il lui était impossible d’accéder à ses comptes sur le site HSBC, ce qui, au demeurant, a permis à la banque de récupérer une partie des fonds transférés auprès de certaines des banques bénéficiaires ;

Que, ce faisant, la société Sodimed s’est conformée tant à l’article XV du contrat qu’à l’article L 133-24 du code monétaire et financier ; 

Conclusion

Qu’en conséquence, et sans qu’il soit nécessaire d’établir à l’encontre de la banque une quelconque faute ni de statuer sur le partage de responsabilité qu’elle sollicite à titre subsidiaire, il convient, en application de l’article L 133-18 du code monétaire et financier, de condamner la banque à rembourser la totalité des virements non autorisés litigieux, sous déduction de ceux ayant déjà donné lieu à restitution ; 

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