Les créances déclarées, dans le délai des deux mois de la parution au BODACC de l’ouverture de la procédure collective, font l’objet d’une vérification par le mandataire judiciaire, en procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire, ou par le liquidateur judiciaire en liquidation judiciaire.
La finalité de cette phase, de l’examen des créances déclarées, étant :
La vérification est un préalable obligatoire à la saisine du juge-commissaire. Ce dernier ne pourrait donc, sans excéder ses pouvoirs, statuer sur une créance qui n’aurait pas été préalablement vérifiée.
La procédure de vérification est obligatoire :
Cette procédure de vérification peut-être supprimée, dans certaines conditions déterminées par la loi et uniquement pour des procédures de liquidation judiciaire.
La procédure de vérification peut s’avérer longue et coûteuse. C’est pourquoi La loi prévoit quelques situations pour lesquelles le mandataire ou le liquidateur judiciaire sont dispensés de cette obligation de vérification des créances déclarées.
En cas de liquidation judiciaire, s’il apparaît que le produit de réalisation de l’actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées, le juge-commissaire peut dispenser le liquidateur judiciaire de vérifier les créances chirographaires (article L. 641-4 alinéa 2 du Code de commerce), à moins que, s’agissant d’une personne morale, il ait lieu de mettre à la charge des dirigeants de droit ou de fait tout ou partie du passif.
L’article R. 641-27 précisant, que c’est au vu d’un état, établi par le liquidateur judiciaire, mentionnant l’évaluation des actifs et du passif privilégié et chirographaire, et après avoir recueilli les observations de ce même liquidateur, que le juge-commissaire décide s’il y a lieu ou non d’engager ou de poursuivre la vérification des créances chirographaires.
Il en résulte, qu’en liquidation judiciaire exclusivement, le liquidateur n’est dispensé de vérifier les seules créances chirographaires, que par une ordonnance rendue par le juge-commissaire.
Il s’agit ici d’une mesure d’administration judiciaire, qui n’est pas susceptible de recours (Cour de cassation, chambre commerciale du 17/09/2013, n° 12-30158).
De même, le juge-commissaire peut, à tout moment, revenir sur la décision de dispense de vérification des créances. Cette dernière n’ayant pas autorité de chose jugée.
L’article L. 644-3 limite la vérification des créances à celles susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions.
La dispense de vérification de la créance n’a nullement pour effet d’entraîner extinction de la créance, laquelle n’est ni admise ni rejetée.
Cependant, les créances salariales doivent, par contre, être obligatoirement vérifiées.
L’article L. 626-27 III dispose qu’« après résolution du plan et ouverture d’une nouvelle procédure par le même jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l’état de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçue ».
Seules les créances inscrites au plan de la première procédure collective, sont donc admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues au titre des dividendes, dans la seconde procédure et ne peuvent donc pas faire l’objet d’une contestation. Les créances contestées de la première procédure, si elles bénéficient d’une dispense de déclaration dans la seconde procédure, ne seront pas admises de plein droit et pourront donc faire l’objet de contestations.
Dans la procédure de sauvegarde accélérée, il existe 2 catégories de créanciers :
Le dépôt de cette liste au greffe du tribunal vaut déclaration au nom des créanciers si ceux-ci n’adressent pas la déclaration de leurs créances dans les conditions prévues aux articles L. 622-24 à L. 622-26.
En conséquence, concernant la créance figurant sur la liste, sans réaction du créancier, elle ne pourra faire l’objet d’une contestation par le mandataire judiciaire. Par contre, si le créancier conteste les mentions figurant sur la liste (montant ou privilège), la déclaration faite par le créancier pourra être contestée par le mandataire judiciaire.
Concernant le créancier ne figurant pas sur la liste établie par le débiteur, devra effectué sa déclaration de créance dans les conditions prévues par les articles L. 622-24 à L. 622-26, laquelle pourra faire l’objet d’une contestation.
Ne concerne que la liste des créances établie par le débiteur et pour lesquelles le créancier n’a pas adressé de déclaration dans les conditions de droit commun.
Les règles relatives aux déclarations des créances posées en matière de sauvegarde accélérée, s’appliquent sans modification dans la sauvegarde financière accélérée, sauf que la liste établie par le débiteur ne concerne que les créanciers financiers.
Dans la procédure de rétablissement professionnel il n’existe pas de procédure de vérification des créances.
Les créances retenues par le juge commis sont celles figurant sur la demande d’ouverture du rétablissement professionnel effectuée par le débiteur. Le débiteur disposant d’un délai de 15 à compter du jugement d’ouverture, pour la compléter ou la modifier.
La déclaration faite par le créancier auprès du mandataire judiciaire n’a aucune valeur juridique.
Si aucun texte n’impose directement un délai, au mandataire ou au liquidateur judiciaire pour procéder à la vérification des créances, le premier alinéa de l’article L. 624-1 oblige le mandataire ou le liquidateur d’établir, dans un délai fixé par le tribunal dans le jugement d’ouverture de la procédure collective (concernant le tribunal de commerce de CANNES, ce délai est, je croîs de 18 mois), la liste des créances déclarées, après avoir sollicité les observations du débiteur.
Cette liste est déposée au greffe du tribunal, qui doit la transmettre sans délai au juge-commissaire (article R. 624-2 alinéa 1).
Il en résulte donc, que dans ce délai de 18 mois (délai imposé par le tribunal de commerce de CANNES), le mandataire ou le liquidateur judiciaire doivent avoir terminé la phase complète de vérification des créances qui leur incombe, c’est-à-dire avoir procédé au dépôt de l’état des créances.
Il convient de noter qu’en ce qui concerne la sauvegarde et le redressement judiciaire, il n’est pas envisagé que le tribunal, puisse proroger le délai imposé par celui-ci.
A titre de sanction, l’article L. 624-1 alinéa 3 indique que le mandataire judiciaire faute de remplir sa mission de vérification des créances dans le délai imparti par le tribunal, ne percevra pas les honoraires pour la vérification et la contestation des créances.
En application de l’article R. 622-21, le mandataire ou liquidateur judiciaire, dans le délai de 15 jours à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective, doit avertir les créanciers connus, par lettre simple, d’avoir à leur déclarer leurs créances dans le délai des deux mois, de la parution au BODACC dudit jugement d’ouverture.
De plus, le mandataire ou le liquidateur judiciaire doivent préciser, le cas échéant, que la créance a été portée par le débiteur sur la liste prévue par l’article L. 622-6. En d’autres termes, le créancier doit être informé que la créance a été déclarée pour son compte par le débiteur.
En effectuant cette mention, il convient donc de constater que le mandataire ou le liquidateur judiciaire a reconnu la régularité de la déclaration faite par le débiteur, pour le compte du créancier.
Il convient de noter que le mandataire ou liquidateur judiciaire n’a aucune obligation de préciser la façon dont le créancier a été porté sur la liste.
Après l’expiration des délais de déclaration des créances, le mandataire ou le liquidateur judiciaire entreprennent la vérification des créances.
Pour effectuer cette vérification, le mandataire ou le liquidateur judiciaire ont l’obligation de convoquer le débiteur, et éventuellement les contrôleurs désignés, afin que celui-ci formule ses observations sur les créances déclarées (article R. 624-1).
Cette vérification a pour finalité, l’émission, le cas échéant, par le mandataire ou le liquidateur judiciaire, d’un courrier de contestation à destination du créancier,
En cas de décès du débiteur, les héritiers doivent être appelés à la vérification des créances (voir Services des Domaines, en cas de succession vacante).
Il appartient donc au mandataire ou liquidateur judiciaire de prouver qu’il a convoqué le débiteur afin de formuler ses observations, ainsi d’ailleurs que les contrôleurs.
Si, après convocation du mandataire ou liquidateur judiciaire, le débiteur participe à la vérification des créances, il peut formuler ses contestations :
Le législateur ne prévoit aucun formalisme concernant cette formulation par le débiteur de ses contestations, dans le délai de 30 jours.
Il en découle que seules, les observations formulées dans les délais invoqués ci-dessus, sont recevables, le débiteur n’ayant plus la possibilité de soulever des contestations ultérieurement, devant le juge-commissaire ou la Cour d’appel.
Il s’agit ici, du débiteur qui fait défaut à la première convocation du mandataire judiciaire.
Après un premier examen, en l’absence du débiteur, des créances déclarées, le mandataire ou le liquidateur judiciaire fait parvenir au débiteur, une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, qui comporte les propositions d’admission, de rejet ou de renvoi de la déclaration de créance.
Le débiteur dispose d’un délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre recommandé avec demande d’avis de réception qui lui a été adressée par le mandataire judiciaire, pour formuler ses contestations.
L’analyse de ces textes, nous amène à formuler deux observations :
L’ordonnance du 12/03/2014 a enfermé le débiteur dans un délai précis, pour formuler ses observations à destination du mandataire ou du liquidateur judiciaire.
Mais, si des délais s’imposent au débiteur, le mandataire ou le liquidateur judiciaire ne sont pas concernés par ces dispositions. Il est donc important d’identifier l’auteur de la contestation.
La question se pose de savoir si le juge-commissaire pourrait d’office soulever l’irrecevabilité de la contestation de créance émise par le débiteur hors délai et ceci au regard des mentions portées dans la liste des créances. Personnellement, je pense qu’il s’agit ici de disposition d’ordre public, que le débiteur à l’obligation de respecter et le mandataire ou le liquidateur judiciaire d’appliquer.
Article L. 622-27 du code de commerce :
« S’il y a discussion sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L. 625-1 (il s’agit ici des créances résultant du contrat de travail), le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ».
Notons en premier lieu que la contestation peut émaner du mandataire ou du liquidateur judiciaire seul et du débiteur.
Le mandataire ou le liquidateur judiciaire ne peut, de sa propre autorité, décider d’exclure les contestations de créances émanant du débiteur.
Rappelons également que pour formuler ses constatations le débiteur est enfermé dans des délais que nous avons examinés ci-dessus.
Pour valoir contestation au sens de la loi, la lettre doit préciser :
De manière générale, la Cour de cassation exige que la proposition de rejet d’une créance par le mandataire judiciaire soit explicite et permette au créancier d’en saisir le sens et la portée pour produire ses effets juridiques, de sorte que le créancier puisse être en mesure de faire connaître ses explications sur les points contestés, faute de quoi, même si l’avis de discussion comporte toutes les mentions légales, il ne saurait faire courir le délai de réponse de 30 jours et exclure le créancier du débat portant sur la contestation de sa créance.
Ne peut être considérée comme une contestation, la lettre émanant du mandataire judiciaire qui n’est pas suffisamment explicite, pour mettre en mesure le créancier de répondre.
Le mandataire peut se contenter de viser le courrier du débiteur, contestant la créance pour des motifs précis, dès lors que ce courrier est annexé à la lettre recommandée envoyée par le mandataire de justice et que le courrier de contestation contienne une proposition de rejet ou d’admission susceptible d’être analysée par le juge-commissaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/03/2008, n° 07-11189).
La jurisprudence considère que la lettre par laquelle le mandataire demande des justificatifs ne peut être considérée comme une lettre de contestation, en l’absence de proposition d’admission ou de rejet (Cour de cassation, chambre commerciale du 16/03/2010, n° 08-17316).
Une créance fiscale ne peut être contestée que dans les conditions fixées par le LIVRE DES PROCEDURES FISCALES (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/04/2018, n° 16-23019)
Le défaut de réponse à la contestation de la déclaration de créance, dans le délai de 30 jours par le créancier, a pour conséquence deux types de sanction :
Il convient, toutefois, de soulever les points suivants.
Le délai de réponse court à partir du lendemain de la réception du courrier de contestation. La preuve de la réception du courrier de contestation incombe au mandataire de justice.
Si le créancier ne retire pas la lettre recommandée qui lui est adressée, il est considéré comme n’ayant pas reçu le courrier de contestation, ce qui empêche le cours du délai de 30 jours et rend donc recevable l’appel sur l’ordonnance du juge-commissaire qui confirme la proposition de rejet du mandataire de justice (Cour de cassation chambre commerciale du 05/11/2003 du 01-00881).
L’article L. 622-27 du Code de commerce précise que le délai de 30 jours n’est pas applicable s’il s’agit d’une contestation portant sur la régularité de la déclaration de créance et non sur une contestation de la créance elle-même (défaut de pouvoir par exemple).
La Cour de cassation a jugé que les créanciers qui n’avaient pas répondu au courrier de contestation n’étaient pas privés du droit d’interjeter appel, car cette privation n’existe que lorsque la discussion porte exclusivement sur le fond de la créance déclarée (Cour de cassation, chambre commerciale du 28/06/2017, n° 16-12382).
Voir l’arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale du 05/09/2018, n° 17-14960
Cour de cassation, chambre commerciale du 03/02/2021, n° 19-20683
ALLOZ – Documentation/Répertoire de droit commercial/Entreprise en difficulté/Situation des créanciers : procédure de vérification
LEXIS 360 Entreprise : Encyclopédies/Jurisclasseur procédures collectives/Fascicule 2352 Déclaration et admission des créances : vérification des créances par le mandataire judiciaire.
Site Philippe Pernaud-Orliac – Vérification des créances.
Droit et pratique des procédures collectives – Pierre-Michel LE CORRE (éditions 2021/2022) – Titre 670 : vérification des créances déclarées.