En matière d’obligation d’information, l’ordonnance du 15/09/2021 simplifie considérablement le droit applicable, en unifiant et regroupant les textes antérieurs au sein d’une seule et même disposition, le nouvel article 2302 dans le Code civil, et en abrogeant toutes les anciennes dispositions applicables à savoir :
Les dispositions transitoires de l’ordonnance prévoient expressément que l’article 2302 du Code civil est applicable dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance, soit le 01/01/2022, y compris aux cautionnements et aux sûretés réelles pour autrui constitués antérieurement.
Ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier.
« Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l’information.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».
Nouvel article 2302 du Code civil.
« Le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
Le créancier professionnel est tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution personne physique le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.
Le présent article est également applicable au cautionnement souscrit par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise ».
A compter du 01/01/2022, et ceux y compris pour les contrats en cours, l’obligation d’information pèse sur tous les créanciers et non pas exclusivement sur les établissements de crédit ou les sociétés de financement comme l’indiquait l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier.
La Cour de cassation a défini le créancier professionnel comme étant « celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ».
Ainsi, un fournisseur que fait signer une caution à un tiers, pour garantir le paiement d’un de ses clients, doit être qualifié de créancier professionnel (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/12/2017, n° 16-14707).
Concernant l’obligation garantie, l’article 2302 du Code civil ne fait plus mention de « concours financier à une entreprise », mais précise simplement que l’information concerne « l’obligation garantie ». Il semble donc dans ces conditions, qu’un crédit-bailleur a donc une obligation d’information annuelle, à destination du tiers caution d’un contrat de crédit-bail et ce à compter du 01/01/2022.
Demeurent exclus de l’information annuelle les cautionnements souscrits au profit d’un créancier non professionnel.
L’article 2302 du Code civil rappelle que l’information annuelle de la caution est faite aux frais du créancier professionnel (elle ne peut donc être facturée).
Cette obligation bénéficie à toutes cautions personnes physiques.
Elle bénéfice, également, à toutes cautions personnes morales, mais d’une part, comme précédemment, ne concerne que les établissements de crédit ou les sociétés de financement, et non les créanciers professionnels et d’autre part, comme l’ajoute l’ordonnance du 15/09/2021, n’est applicable qu’au concours financier accordé à une entreprise.
En précisant, contrairement à l’information donnée aux personnes physiques, qu’il s’agit ici d’un concours financier, il semble donc que le crédit-bailleur n’ait aucune obligation d’information au bénéfice d’une caution personne morale.
Le nouvel article 2325 du Code civil précise que l’ensemble des dispositions de l’article 2302 du même code sont applicables au tiers qui a constitué une sûreté réelle conventionnelle pour autrui.
Comme précédemment l’information doit être faite avant le 31 mars de chaque année.
A noter que :
L’article 2302 du Code civil précise, sans modification par rapport à l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier, que l’information de la caution concerne « le montant du principal de la dette, intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie ».
Concernant le découvert bancaire, l’information annuelle de la caution doit comprendre, le cas échéant le montant de l’autorisation autorisée, le solde du compte arrêté au 31 décembre de l’année précédente et de taux de l’intérêt applicable à cette date (Cour de cassation, chambre commerciale du 10/01/2012, n° 10-25586).
Comme précédemment, l’article 2302 dispose que « le créancier professionnel est tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution personne physique le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée ».
Cette information s’impose également pour la caution personne morale, si le créancier est un établissement de crédit ou une société de financement et s’agissant d’un cautionnement garantissant un concours financier accordé à une entreprise.
Article 2304 du Code civil.
« Dans le mois qui en suit la réception, la caution communique à ses frais à la sous-caution personne physique les informations qu’elle a reçues en application des articles 2302 et 2303 ».
La caution n’a donc une obligation d’information à l’égard de la sous-caution, en l’absence d’avoir été informé par le créancier professionnel.
Il convient de noter que le texte ne prévoit aucune sanction à l’encontre de la caution qui ne respecterait pas cette information de la sous-caution.
En cas de non-respect de l’obligation d’information de la caution l’article 2302 du Code civil dispose que le créancier professionnel sera déchu « de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information ».
La nouveauté au regard de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier, concerne la déchéance également des pénalités échues, sans qu’il soit possible de déterminer à quoi cela correspond.
A noter que si la caution a été mise en demeure (l’assignation en justice valant mise en demeure), les intérêts seront décomptés au taux légal, au lieu du taux conventionnel, à compter de cette date (application de l’article 1344-1 du Code civil).
Le créancier professionnel devra refaire les calculs du montant dû par la caution en tenant compte des éléments suivants :
Montant du capital dû :
Montant des intérêts dus :
En cas d’absence d’information après la première année de la signature de l’acte de caution, la déchéance des intérêts conventionnels s’applique à compter du 31 mars de l’année suivante. (Cour de cassation, chambre commerciale du 06/06/1995, n° 93-15242
La Cour de cassation dans un arrêt du 25/05/1993 (n° 91-15183) précise « que la déchéance des intérêts encourue en cas de manquement à cette obligation s’applique même lorsque ceux-ci ont été inscrits en compte courant ».
La déchéance peut donc atteindre les intérêts qui ont été capitalisés et donc compris dans le solde du compte bancaire. Cette disposition n’a jamais été remise en cause et a toujours été appliquée, en cas de non-respect par la banque de l’information annuelle de la caution d’un découvert bancaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 10/01/2012, n° 10-25586).
Comme précédemment l’article 2302 du Code civil dispose que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette ».
Autrement dit, tous les paiements faits par le débiteur alors que la banque ne respecte pas son obligation d’information s’imputent, dans les rapports avec la caution, sur le principal de l’obligation, et le créancier est déchu de la totalité des intérêts échus.
Dans cette situation qui se présente, le plus souvent, dans le cas de l’annulation des intérêts capitalisés dans un compte courant bancaire, le tribunal doit constater que le demandeur n’est pas en mesure de prouver le montant de sa créance et donc de la débouter de l’ensemble de sa demande en condamnation de la caution.
Cette position a été confirmée par différentes Cour d’appel :
Cour d’appel de PARIS du 06/01/2021 :
« Alors que la société Crédit du Nord réclame une somme de 9 580,54 euros à la caution au titre du solde débiteur du compte courant de la société IFOPI arrêté au 18 mai 2017, date du jugement prononçant le redressement judiciaire,… et qu’elle ne verse pas aux débats les relevés du compte ni le listing mentionnant les éventuels agios prélevés pour l’année 2013, force est de constater que la banque ne justifie pas suffisamment de la persistance d’une créance à son profit à l’encontre de M. Aa A, caution, alors qu’elle a été déchue envers la caution de la totalité de son droit aux intérêts conventionnels pour la facilité de trésorerie accordée à la société IFOPI.
Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu’il a condamné M. Aa A à lui payer la somme de 9 580,54 euros en sa qualité de caution, au titre du solde débiteur du compte courant et la société Crédit du Nord est déboutée de sa demande en paiement à ce titre ».
La preuve de l’obligation annuelle d’information soulève un contentieux abondant, que les nouvelles dispositions ne règlent pas. En, effet, pour des raisons de coût, les établissements de crédit adressent souvent les lettres d’information annuelles par courrier simple, ce qui pose la difficulté de la preuve de l’envoi.
Le juge doit en premier lieu vérifier que la lettre comporte les informations imposées par l’article 2302 du Code civil, à savoir le montant restant dû au 31 décembre de l’année précédente au titre :
S’il s’agit d’un découvert, le créancier professionnel doit mentionner :
La Cour de cassation considère, que lorsque le compte bancaire n’est pas clôturé, il est impossible d’en extraire les intérêts. Par contre, sa position est différente si le compte a été clôturé, la banque à compter de cette date a l’obligation, dans sa lettre d’information, de faire la distinction entre le capital (le montant dû au jour de la clôture du compte) et les intérêts applicables à ce capital.
Il appartient au juge de contrôler que la lettre a bien été expédiée entre le 1er janvier et le 31 mars de l’année suivante.
Des différents arrêts récents de la Cour de cassation, il convient d’en tirer les conclusions suivantes :
S’agissant d’un fait juridique, cette preuve peut être rapportée par tout moyen et qu’il appartient au juge du fond d’en apprécier souverainement l’existence.
Cas où la preuve n’est pas rapportée :
Cas où la preuve est rapportée :
La preuve de l’envoi de la lettre d’information pourrait, il me semble, être prouvée par le créancier, si celui-ci l’envoi par e-mail, pour lequel il pourrait d’ailleurs obtenir un reçu (aucune jurisprudence à ce jour).
Une clause de l’acte de cautionnement ne peut prévoir que la preuve de l’obligation d’information sera rapportée par la seule production d’un listing informatique. En effet, ladite clause, permet au créancier de rapporter irréfragablement la preuve de l’exécution de son obligation d’information annuelle à l’égard de la caution par des documents qu’elle a élaborés unilatéralement (Cour de cassation, chambre commerciale du 19/01/2022, n° 20-13719).
La prétention de la caution fondée sur le non-respect de l’information annuelle, tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre, constitue un moyen de défense au fond (articles 64 et 71 du Code de procédure civile), sur lequel la prescription est sans incidence (Cour de cassation, chambre commerciale du 06/06/2018, n° 17-10103).
Il semble préférable, non pas de rouvrir les débats, afin que la banque produise un nouveau décompte du montant dû, mais de prononcer une condamnation à l’encontre de la caution, en indiquant avec précision les corrections que doit effectuer le créancier professionnel.
Si nous reprenons notre exemple ci-dessus, la formulation pourrait être la suivante :
« Condamne Monsieur X… en sa qualité de caution, à payer à la banque Z.., au titre du prêt d’un montant d’origine de 100.000 euros, la somme de 70.304,21 euros ;
Dit que ladite somme produira intérêts au taux légal à compter du 17/07/2017 »
A défaut d’avoir connaissance du tableau d’amortissement la condamnation pourrait rédigée ainsi :
« Condamne Monsieur X… en sa qualité de caution, à payer à la Banque Z… au titre du prêt d’un montant de 100.000 euros, la somme de 72.714,86 euros, auquel il conviendra d’y déduire les intérêts du tableau d’amortissement pour la période d’avril 2015 à mars 2016 ;
Dit que la créance ainsi calculée produira intérêt au taux légal à compter du 17/07/2017 »
Cette méthode est approuvée par la Cour de cassation, par un arrêt de la chambre commerciale du 10/10/2019, n° 18-19211 :
« Et attendu, en second lieu, qu’ayant fixé toutes les modalités de calcul de la somme mise à la charge de la caution, elle n’a pas méconnu son office en n’effectuant pas le calcul nécessaire à la détermination du montant de la condamnation ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ».
Aucune disposition n’indiquant que l’article 2302 du Code civil est d’ordre public, il semble donc que le tribunal ne puisse soulever d’office l’absence de justification de l’information annuelle de la caution.
Rappelons que, en soulevant d’office un moyen, le tribunal a l’obligation de reconvoquer les parties afin qu’ils présentent leurs observations, afin de respecter le principe du contradictoire.