L’article L.441-10 du code de commerce fait obligation à tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur de communiquer à tout acheteur de produits ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle, qui en fait la demande ses conditions générales de ventes et ses conditions de règlement. Ces dernières doivent obligatoirement fixer les modalités de calcul et les conditions dans lesquelles des pénalités de retard de paiement sont appliquées.
On sait que la date d’échéance doit obligatoirement figurer sur la facture, en application de l’article L.441-9, alinéa 5 du code de commerce. Lorsque le débiteur ne respecte pas la date de règlement convenue par les parties, les pénalités de retard de l’article L.441-10 du code de commerce sont exigibles à compter du jour suivant la date de règlement figurant sur la facture, sans qu’un rappel soit nécessaire.
Pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2009, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite « de modernisation de l’économie » (LME) a fixé autoritairement les délais de paiement maximaux interentreprises et sensiblement augmenté le taux des pénalités de retard de paiement. Le II de l’article L. 441-6 du code de commerce dispose en effet que « sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal (au lieu d’une fois et demie), ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.
A compter du 1er janvier 2009, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Des accords professionnels peuvent déroger à ces délais, dans des conditions toutefois limitées.
Selon une réponse ministérielle récente, le contrat reconductible entraîne la conclusion d’un nouveau contrat et ce dernier est régi par les lois sous l’empire desquelles il a été formé. Ainsi, un contrat tacitement reconduit depuis le 1er janvier 2009 est soumis aux délais de paiement en vigueur en 2009. (Rép. Le Fur n° 43861, JO 7 juillet 2009, AN quest. p. 6910)
Ces pénalités deviennent un enjeu important dans les débats judiciaires et il convient d’en connaître précisément le régime juridique. L’analyse des dispositions législatives, de la jurisprudence des cours d’appel et d’un récent arrêt de la Cour de cassation permet de proposer les réponses suivantes aux principales questions posées au juge à ce sujet.
La réponse à cette question vient d’être donnée par la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre commerciale du 03/2009, n° 07-16527) :
« Attendu que les dispositions de la loi du 15 mai 2001 modifiant l’article L. 441-6 du code de commerce, qui répondent à des
considérations d’ordre public particulièrement impérieuses, sont applicables, dès la date d’entrée en vigueur de ce texte, aux contrats en cours ; que les pénalités de retard pour non paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats ».
Bien que sanctionné par une amende pénale de 15.000 euros, le non respect de l’obligation légale de mentionner les modalités de calcul
et les conditions d’application des pénalités de retard de paiement dans les conditions de règlement ne prive pas donc pas le créancier de la possibilité d’exiger le paiement des pénalités de retard de ses débiteurs récalcitrants.
Les dispositions de l’article L.441-10 du code de commerce relatives aux pénalités de retard de paiement s’appliquent ainsi :
En prévoyant que les pénalités sont « exigibles » sans qu’un rappel soit nécessaire, l’article L.441-10 du code de commerce ne fait pas juridiquement obligation au créancier d’en exiger le paiement. Bien qu’elles répondent à des « considérations d’ordre public impérieux », si le créancier n’en demande pas le versement, le juge ne peut, d’office, condamner un débiteur à payer des pénalités de retard de paiement, qu’elles soient ou non prévues au contrat.
Il n’en va pas de même des intérêts moratoires dus en application de l’article 1231-6 du code civil. La Cour de cassation considère que ces intérêts sont dus même si le créancier ne les a pas expressément réclamés dans la lettre de mise en demeure, dans son assignation ou par un chef spécial de ses conclusions (Cour de cassation, chambre commerciale du 25/05/1982, n° 80-10108 et chambre sociale du 28/01/2004, n° 01-46447). En l’absence de toute demande du créancier sur les pénalités et intérêts de retard de paiement, le juge doit donc lui allouer d’office les intérêts de l’article 1231-6 du code civil, à compter de la mise en demeure ou, à défaut, de l’assignation.
Remarque : Avant l’entrée en vigueur de la loi dite LME du 4 août 2008, le fait, pour un fournisseur, de ne pas réclamer le paiement des pénalités de retard à l’un de ses clients pouvait être constitutif d’une pratique discriminatoire. En effet, lorsqu’ils répondaient à des critères identiques, deux clients, placés entre eux dans une situation de concurrence, devaient être traités de la même façon. A défaut, le fournisseur risquait d’engager sa responsabilité civile, en application de l’article L.442-6-I-1° ancien du code de commerce. Mais cette disposition a été supprimée par l’article 93 de la LME.
Les intérêts moratoires de l’article 1231-6 du code civil ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice causé par le retard de paiement du débiteur. Les pénalités de retard de paiement ont le même objet. Le créancier ne peut donc prétendre au cumul, sur la même période, des pénalités de retard, prévues ou non au contrat, et des intérêts moratoires au taux légal (Cour de cassation, chambre commerciale du 24/04/2024, n° 24275).
Lorsqu’elles ne sont pas prévues par le contrat, les pénalités de retard allouées au créancier qui en demande le paiement sont déterminées par application du taux « par défaut » prévu par l’article L.441-10 du code de commerce : il s’agit du taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré :
Dans cette hypothèse, le juge n’a, évidemment, aucun pouvoir de modération
Si les parties ont prévu des pénalités de retard de paiement dans leur convention, elles ont érigé en clause pénale une obligation qui leur était faite par la loi.
Dans ce cas, le juge peut faire application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, qui l’autorise, quand il statue au fond, à réviser, même d’office, le montant des pénalités si leur montant apparaît manifestement excessif ou dérisoire. Ce pouvoir de révision du juge est cependant encadré par la loi puisque, en cas de pénalités manifestement dérisoires ou excessives, le juge n’a guère d’autre choix que d’appliquer le taux par défaut : BCE + 7 ou 10 points, selon que le contrat aura été conclu avant ou à partir du 1er janvier 2009.
Bien que calculées par application d’un taux d’intérêt à la somme due en principal, les pénalités de l’article L.441-10 du code de commerce ne sont pas des intérêts moratoires mais des indemnités. Les dispositions de l’article 1343-2 du code civil relatives à l’anatocisme ne leur sont donc pas applicables et le créancier ne peut exiger leur capitalisation de droit, à compter de sa demande.
Toutefois, la convention des parties peut prévoir que les pénalités de retard se capitalisent.