Jean-Claude LEMALLE

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

La procédure accélérée au fond
(nouvel article 481-1 du Code de procédure civile)

Table des matières

1. – Cette nouvelle procédure remplace celle prévue par l’ancien article 492-1 du Code de procédure civile

La « procédure accélérée au fond » a pour objectif de supprimer les procédures désignées précédemment sous l’appellation « en la forme des référés » ou par des appellations proches (par exemple : comme en matière de référé).

Cette procédure prévue par l’article 492-1 du Code de procédure civile (aujourd’hui abrogé) consistait, principalement, non pas en un référé donnant lieu à une décision provisoire, mais en certaines matières désignées par la loi, en une véritable procédure au fond permettant d’obtenir une décision définitive.

A compter du 01/01/2020 (décret no 2019-1419 du 20/12/2019) cette procédure spéciale disparait, le législateur indiquant soit que ces décisions seront rendues en référé classique, soit qu’elles seront rendues suivant la nouvelle procédure accélérée au fond.

2. – Le domaine d’application de la procédure accélérée au fond

Cette procédure accélérée au fond, ne peut trouver à s’appliquer que dans l’hypothèse où un texte le prévoit et non à l’initiative du demandeur pour n’importe quel litige.

Concernant le tribunal de commerce, les procédures anciennement désignées comme étant « en la forme des référés » et qui sont transformées en « procédure accélérées au fond » sont, principalement les suivantes :

221-5, désignation d’un commissaire aux comptes (SARL),
223-11, désignation d’un expert pour l’évaluation des parts sociales,
225-164-1, désignation d’un commissaire aux comptes (SA),
227-1, désignation d’un commissaire aux comptes (SAS),
611-35, concerne la conciliation (cas du débiteur mis en demeure),
692-9, application d’une disposition concernant les procédures d’insolvabilité de l’Union Européenne,
814-105, désignation d’un liquidateur dans une liquidation amiable,
823-5, récusation d’un commissaire aux comptes.

Certaines procédures qui précédemment devaient se dérouler « en la forme des référés » deviennent à compter du 01/01/2020 des procédures de référé classique. Concernant la compétence des tribunaux de commerce, relevons les procédures suivantes  :

223-30, désignation d’un expert chargé d’évaluer une opération de gestion (pour une SARL),
225-163, désignation d’un expert chargé d’évaluer une opération de gestion (SA)

Il faut noter que de nombreux codes sont touchés par le décret (en tout et pour tout neuf codes : les codes de procédure civile, de commerce, de l’expropriation pour cause d’utilité publique, des procédures civiles d’exécution, de la santé publique, de la sécurité sociale, du travail, de l’urbanisme et le code rural et de la pêche).

Les modifications consistent, pour les procédures qui n’ont pas été intégrées au domaine du référé, des requêtes ou de la procédure contentieuse ordinaire, à substituer aux termes « en la forme des référés » les mots « selon la procédure accélérée au fond » et, par voie de conséquence, à substituer au terme « ordonnance » les mots « jugement » ou « décision ».

3. – Le déroulement de la procédure

Article 481-1 du Code de procédure civile

« A moins qu’il en soit disposé autrement, lorsqu’il est prévu par la loi ou le règlement qu’il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes:

 1o La demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet;

 2o Le juge est saisi par la remise d’une copie de l’assignation au greffe avant la date fixée pour l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie;

 3o Le jour de l’audience, le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. La procédure est orale;

 4o Le juge a la faculté de renvoyer l’affaire devant la formation collégiale, à une audience dont il fixe la date, qui statuera selon la procédure accélérée au fond;

 5o A titre exceptionnel, en cas d’urgence manifeste à raison notamment d’un délai imposé par la loi ou le règlement, le président du tribunal, statuant sur requête, peut autoriser à assigner à une heure qu’il indique, même les jours fériés ou chômés;

 6o Le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6;

 7o La décision du juge peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande.

 Le délai d’appel ou d’opposition est de quinze jours ».

En ce qui concerne l’introduction de l’instance, il est prévu que la demande doit être portée par voie d’assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet. Il s’agit donc d’une procédure contradictoire dont il est précisé qu’elle est orale.

Le juge doit être saisi par la remise d’une copie de l’assignation au greffe avant la date fixée pour l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance, ou, à défaut, à la requête d’une partie.

Le jour de l’audience, le juge doit s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. Il a en outre la faculté de renvoyer l’affaire devant la formation collégiale, à une audience dont il fixe la date, qui statuera selon la procédure accélérée au fond.

À titre exceptionnel, en cas d’urgence manifeste à raison notamment d’un délai imposé par la loi ou le règlement, le président du tribunal, statuant sur requête, peut autoriser à assigner à une heure qu’il indique, même les jours fériés ou chômés.

4. – Devant qui doit se dérouler la procédure accélérée au fond ?

La Cour de cassation dans un avis du 14/09/2022 n° 15011 B, semble répondre à cette question en formulant l’avis suivant :

« …Le président du tribunal judiciaire, est compétent pour connaître des demandes formées en application de l’article 17 de l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945. Il statue selon la procédure accélérée au fond prévue à l’article 481-1 du code de procédure civile... »

De plus, dans l’examen de la demande d’avis, la Cour de cassation précise que l’article 17 de l’ordonnance du 21 avril 1945, qui attribue compétence au président du tribunal judiciaire, ou en matière commerciale devant le tribunal judiciaire ou le tribunal de commerce au choix du demandeur, n’a été modifié ni par l’ordonnance du 17 juillet 2019, ni par le décret du 20 décembre 2019 et n’est visé par aucun de ces textes.

De plus, l’article 876-1 du Code de procédure civile dispose que « dans les cas prévus par la loi ou le règlement, le président du tribunal de commerce statue selon la procédure accélérée au fond ». Etant précisé que le président du tribunal de commerce peut déléguer à un ou plusieurs membres du tribunal tout ou partie des pouvoirs qui lui sont dévolus (article 878 du Code de procédure civile. 

Comme en matière de référé, la procédure accélérée au fond, doit donc se dérouler devant le président du tribunal, ou le juge délégué et ce comme en 

5. – Jugement exécutoire de plein droit – Conséquences

Une fois rendu, le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile.

Le renvoi de l’article 481-1 du Code de procédure civile aux articles 514-1 à 514-6 du même code emporte un certain nombre de conséquences, concernant l’exécution provisoire de droit :

  • le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit de sa décision, en tout ou en partie, « s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire »,
  • la procédure accélérée au fond ne fait pas partie des procédures pour lesquelles est exclu le pouvoir pour le juge d’écarter l’exécution provisoire de droit,
  • le juge statue d’office, ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée,
  • le juge peut subordonner le rejet d’une demande tendant à voir écarter l’exécution provisoire de droit à la constitution d’une garantie

5. – Voies de recours

La décision du juge peut être frappée d’appel à moins qu’elle ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande.

Le délai d’appel  est de quinze jours. À la lecture de ces nouvelles dispositions, il apparaît que le régime de la procédure accélérée au fond emprunte largement à celui du référé, ce qui montre, comme son (nouveau) nom l’indique, que la célérité est toujours l’objectif premier de cette voie procédurale.

 

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