La compétence des tribunaux de commerce est, principalement, définie par l’article L.721-3 du code de commerce, qui précise qu’ils connaissent :
1° – des « contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux »,
2° – des « contestations relatives aux sociétés commerciales »,
3° – des « contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ».
Il apparaît donc nécessaire, en premier lieu, de définir qui a la qualité de commerçant, puis les litiges visés par cet article.
La qualification de commerçant est définie par l’article L.121-1 du Code de commerce qui dispose que : « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».
Est donc qualifiée de commerçant une personne qui par profession se livre habituellement à des actes de commerce, la jurisprudence y ajoutant que l’acte de commerce doit être réalisé à titre personnel.
Ces critères légaux et jurisprudentiels sont les seuls exigés.
L’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés est donc impuissante à elle seule pour conférer la qualité de commerçant à une personne physique.
Si, pour avoir la qualité de commerçant, il faut accomplir des actes de commerce, il convient de définir quels sont les actes qu’il convient de définir, comme étant des actes de commerce.
L’article L.110-1 du code de commerce donne une liste d’activité réputée commerciale, à savoir :
A la liste de l’article L.110-1 du Code de commerce, il faut ajouter celle de l’article L.110-2, qui vise les activités maritimes et les inclut dans la commercialité (construction, achats pour reventes, expéditions, affrètements, assurances…). Toutefois le patron pêcheur qui exerce à titre individuel, sur un navire d’une longueur inférieure ou égale à 12 mètres ou effectuant des sorties de moins de 24 heures, n’exerce pas une activité commerciale (loi n° 97-1051 du 18/11/1997, article 14, modifié par l’ordonnance n° 2005-554 du 26/05/2005).
La liste des articles L.110-1 et L110-2 du Code de commerce n’est d’ailleurs pas exhaustive. La jurisprudence reconnaît le caractère commercial à certaines activités que les textes ne visent pas :
La juridiction des tribunaux de commerce s’étend aux héritiers du commerçant lorsque le droit litigieux a été recueilli dans la succession du commerçant.
On admet la compétence des tribunaux de commerce à l’égard des personnes qui, sans avoir encore la qualité de commerçant, sont sur le point de l’acquérir. Lorsqu’une telle personne accomplit un acte pour les besoins de son futur commerce, elle est soumise aux règles commerciales. La solution est admise pour l’achat d’un fonds de commerce et même pour la promesse d’achat. Elle doit être étendue à tous les actes qui préparent la création d’un futur commerce lorsqu’ils sont indispensables à son exercice.
La qualification de commerçant, pour une personne physique, suppose :
L’absence d’immatriculation au registre de commerce et des sociétés n’empêche pas une personne d’être qualifiée de commerçante, si elle remplit les critères de l’article L. 121-1 du code de commerce.
Les actes de commerce doivent être accomplis au nom et pour le compte de leur auteur.
Le conjoint commerçant n’est réputé lui-même commerçant que s’il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux (article L. 121-3 du code de commerce).
Les dirigeants des sociétés commerciales, en tant qu’organes de la société, n’agissent pas en leur nom personnel mais au nom et pour le compte de la société qu’il représente. Ils ne sont pas commerçants.
N’est pas commerçant :
Est commerçant :
A compter du 01/01/2022, les « contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux » relèvent de la compétence des tribunaux de commerce.
Cette nouvelle compétence concerne les dossiers en cours à cette date (article 114 VIII de la loi n° 2016-1547 du 18/11/2016)
La Cour de cassation a décidé qu’en raison de leur objet non commercial, les sociétés d’assurances mutuelles échappent à la compétence des tribunaux de commerce.
La loi de 1901 écarte en principe l’association de la vie des affaires, celle-ci se caractérisant par son but non lucratif.
Dans ces conditions, l’association n’exerçant aucune activité commerciale ne relève pas de la compétence des juridictions commerciales.
Il en résulte, qu’il peut être démontré que l’association exerce une activité commerciale, en réalisant des bénéfices ou profiter d’économie, elle relève alors du tribunal de commerce.
Celui qui n’accomplit pas d’actes de commerce en son nom et pour son compte personnel, bien qu’agissant à titre professionnel, n’a pas la qualité de commerçant (Cour de cassation chambre commerciale du 24/10/1995 n° 93-21866). Ainsi contrairement au courtier ou au commissionnaire, l’agent commercial n’a pas la qualité de commerçant.
Définition de courtier : professionnel dont le rôle est de mettre en relation deux ou plusieurs cherchant à réaliser des opérations telles que la vente ou l’achat de marchandises, ou la conclusion d’un contrat d’assurance (il n’est pas partie au contrat).
Définition de l’agent commercial : personne physique qui agit comme un simple mandataire indépendant, il n’a pas de clientèle propre et réalise des actes juridiques pour le compte de commerçants ou pour d’autres mandataires commerciaux (il agit pour le compte d’un tiers dont l’identité est connue).
Définition de commissionnaire : le commissionnaire est un intermédiaire de commerce qui agit en son nom mais pour le compte d’un commettant dans les limites du mandat qui lui est conféré et pour les opérations qui lui sont confiées (article 132-1 du code de commerce).
La loi du 22/03/2012 (n° 2012-387) donne une définition des professions libérales :
« Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant ».
Si la personne physique entre dans cette définition, elle sera qualifiée de libérale et relèvera en conséquence du tribunal de grande instance, y compris en ce qui concerne les procédures collectives.
S’il réalise des actes de commerce à titre personnel et professionnel, dans des conditions autres qu’accessoire, il pourra être qualifié de commerçant :
Article L. 221-1 du code de commerce :
« Les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant… ».
Article L. 222-1 du code de commerce :« Les associés commandités ont le statut des associés en nom collectifs ».
La loi prévoit dans certains cas que la forme choisie par les fondateurs de l’entreprise sociétaire confère la qualité de commerçant à la structure juridique, sans que l’activité exercée puisse avoir un impact.
Ainsi relèvent de la juridiction commerciale, soit par leur forme, soit par leur objet :
Ne relèvent pas de la compétence des tribunaux de commerce :
Le terme « engagement », figurant dans l’article L. 721-3 1°, ne comprend pas que les actes juridiques, principalement les relations contractuelles, mais également les rapports extracontractuels, qu’ils soient délictuels, quasi-délictuels ou quasi-contractuels. Ainsi, les tribunaux de commerce sont compétents :
Toutefois, deux limitations doivent être apportées à la compétence des tribunaux de commerce, dont l’une est d’ailleurs incertaine :
Dès lors que la contestation est relative à une société commerciale (par l’objet ou par la forme), les tribunaux de commerce sont compétents :
Les tribunaux de commerce peuvent, également, statuer sur des contestations entre les associés d’une société commerciale, ils connaissent aussi des différends entre la société et ses associés. Ils sont encore compétents à l’égard des héritiers d’un associé, assignés en cette qualité.
On peut soutenir qu’ils peuvent désormais statuer sur une demande dont l’objet est l’existence même de la qualité d’associés, car un tel litige est relatif au pacte social.
L’article L.721-3 2° s’applique aux litiges où est en cause l’existence ou l’application du pacte social tels les différents relatifs à la constitution, au fonctionnement ou à la dissolution d’une société commerciale.
La juridiction consulaire peut ainsi connaître de la demande, par exemples :
La Cour de cassation a jugé qu’en principe la cession de droits sociaux est de nature civile, et ne ressortit donc pas de la compétence des tribunaux de commerce, car le litige concerne le contrat de cession, et n’est pas rattaché au pacte social.
Toutefois, dans certaines hypothèses, un tel acte peut relever de la connaissance de la juridiction commerciale. Il en est ainsi quand la cession porte sur la totalité des parts ou actions d’une société commerciale, car la cession cache alors une vente de fonds de commerce.
L’article L.721-3 3° du Code de commerce attribue à la justice consulaire, compétence pour connaître des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Cette compétence concerne certains actes qui sont de nature commerciale, même lorsqu’ils sont accomplis par des non-commerçants.
Entre dans cette catégorie :
Article 721-4 du code de commerce :
« Le tribunal de commerce connaît des billets à ordre portant en même temps des signatures de commerçants et de non-commerçants.
Toutefois, il est tenu de renvoyer au tribunal de grande instance s’il en est requis par le défendeur lorsque les billets à ordre ne portent que des signatures de non-commerçants et n’ont pas pour occasion des opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage ».
Si le tribunal de commerce est compétent en ce qui concerne les billets à ordre, portant en même temps des signatures de commerçants et de non-commerçants, il est tenu de renvoyer au TGI si :
Cette compétence n’est pas exclusive.
Article L. 721-5 du code de commerce
« Par dérogation au 2° de l’article L. 721-3 et sous réserve des compétences des juridictions disciplinaires et nonobstant toute disposition contraire, les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître des actions en justice dans lesquelles l’une des parties est une société constituée conformément à la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi que des contestations survenant entre associés d’une telle société.
Néanmoins, les associés peuvent convenir, dans les statuts, de soumettre à des arbitres les contestations qui surviendraient entre eux pour raison de leur société ».
Ainsi, litiges opposants une SEL (société d’exercice libéral), à un tiers, ainsi que les contestations survenant entre associés de telles sociétés sont la compétence des TGI.
Pour les litiges entre associés, une clause compromissoire peut figurer dans les statuts.
La principale extension de la compétence des tribunaux de commerce a pour objet la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires.
L’article L. 621-2 du Code de commerce attribue compétence aux tribunaux de commerce pour connaître des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et liquidation judiciaire des entreprises commerciales et également artisanales, qu’elles soient exploitées par des personnes physiques ou sous forme sociale.
Cette compétence commerciale s’applique encore à toute extension de la procédure ouverte devant le tribunal de commerce à d’autres personnes, même non commerçantes.
On pourrait encore citer divers textes.
La compétence des tribunaux de commerce est ainsi très restreinte, en matière de propriété intellectuelle ou même mobilière.
La compétence des tribunaux de commerce est ainsi restreinte en matière de propriété intellectuelle, en faveur du TGI, dont la compétence est ici exclusive (COJ, article L.311-2)
Le tribunal est également incompétent pour connaître des marques de fabrique, de commerce, ou de service, ainsi que des « actions mettant en jeu à la fois une question de marque et une question de dessin et de modèle de concurrence déloyale connexes (Code de la propriété intellectuelle, article L 716-3)
Le tribunal de commerce est incompétent en matière d’obtentions végétales (Code de la propriété intellectuelle article L.623-31) et d’appellations d’origine (Code de consommation article L.115-10)
Les litiges relatifs aux accidents du travail sont également soustraits à la compétence des tribunaux de commerce, Ils relèvent du contentieux de l’incapacité (Code de la sécurité sociale article L. 143-2)
Le tribunal de commerce est également incompétent pour connaître des difficultés d’exécution de ses décisions (CPC, article 877), seul le Juge de l’exécution intervient (Code de l’organisation judiciaire article L. 213-6).
Voir toutefois l’article L. 131-3 du code des procédures d’exécution, qui précise concernant l’astreinte :
« L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir ».
DALLOZ – Encyclopédies/Répertoire de droit commercial : Compétence commerciale – Commerçant.
DALLOZ – Droit et pratique de la procédure civile : Rubrique 235-20
Site A. Bamdé et J. Bourdoiseau: compétence du tribunal de commerce