Article L. 622-24 :
« A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans les délais fixés par décret en Conseil d’Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l’article L. 622-26, les délais ne courent qu’à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s’il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l’égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement ».
Nous verrons qu’il existe une exception, concernant le délai de déclaration de créances, qui s’applique à l’indemnité de résiliation d’un contrat antérieur l’ouverture de la procédure collective et pour lequel sa résiliation et prononcée pendant la période d’observation.
Précisons que, si le juge-commissaire n’a pas le pouvoir de statuer sur une créance née régulièrement après l’ouverture de la procédure collective, il est toutefois compétent pour délimiter de la nature antérieure ou postérieure d’une créance (Cour de cassation chambre commerciale du 28/04/2004 n° 01-01649).
Il apparaît nécessaire d’apporter quelques précisions concernant la notion de « créance née antérieurement au jugement d’ouverture » ou comme l’indiquait la législation antérieure à la loi de sauvegarde « dont l’origine » est antérieure à l’ouverture de la procédure collective.
Rappelons à titre préliminaire, que le fait générateur d’une créance est totalement indépendant de son exigibilité.
L’étude du fait générateur d’une créance nous oblige à faire une distinction entre :
Dans le contrat de vente, l’obligation essentielle du vendeur est la délivrance de la chose. Pour l’acheteur, son obligation est de payer le prix, en contrepartie de la délivrance de ladite chose.
Le fait générateur pour l’acheteur de son obligation de payer est donc constitué par la délivrance de la chose. La « délivrance » étant l’opération juridique par laquelle, indépendamment de l’opération purement matérielle, une personne transfère un bien ou un droit à une autre (voir l’article 1605 pour un bien immeuble et l’article 1606 pour un bien meuble).
Quelques exemples de délivrance :
Il en résulte, que la créance du prix de vente est, une créance antérieure au jugement d’ouverture que si la délivrance intervient avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.
La notion délivrance de la chose doit donc être examinée au regard de l’accord des parties (Cour de cassation chambre commerciale du 03/04/2001 n° 98-14049).
Notons que :
Concernant le contrat de vente notons également :
En l’état actuel de la jurisprudence, le fait générateur d’un contrat de prêt se situe au jour de la date de conclusion du contrat ou de l’acceptation de l’offre préalable, s’il s’agit d’un prêt consenti par un établissement de crédit.
En présence d’une ouverture de crédit, qui s’analyse en un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client de la banque, seule la fraction de l’ouverture de crédit utilisée avant le jugement d’ouverture est une créance antérieure.
L’obligation essentielle du bailleur, est de procurer au locataire la jouissance du bien loué.
C’est donc la jouissance qui constitue le fait générateur du loyer. Elle se renouvelle dans le temps et a pour la durée le temps du bail.
En conséquence, la créance de loyers due pour la période de jouissance postérieure à l’ouverture du redressement judiciaire, constitue une créance née régulièrement après ce jugement, qui n’a pas à être déclarée au titre des créances antérieures et donc à être comprise dans un plan de sauvegarde ou redressement.
Elle constitue par contre une créance postérieure, éventuellement prioritaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 12/01/2010, n° 08-21456).
En présence d’un bail conclu avant le jugement d’ouverture, il est donc possible d’être titulaire, à la fois, d’une créance antérieure et d’une créance postérieure au jugement d’ouverture.
Le loyer « à cheval » sur une période antérieure et postérieure au jugement d’ouverture, doit donc être fractionné en deux créances distinctes, l’une antérieure, l’autre postérieure.
Si la dette de loyer est exigible avant jugement d’ouverture, mais qu’elle correspond à une période de jouissance postérieure au jugement d’ouverture, elle constitue une dette postérieure (Cour de cassation, chambre commerciale du 28/05/2002, n° 99-19766).
Les accessoires d’une créance de loyers auront la même nature.
Dans un contrat portant sur une prestation de service à exécution successive, si la prestation est fournie avant le jugement d’ouverture, elle fait naître une créance antérieure. Si elle est fournie après le jugement d’ouverture, elle fait naître une créance postérieure.
Par exemple, la créance d’honoraires d’un commissaire aux comptes, prend naissance, au fur et à mesure des prestations accomplies (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/10/2001, n° 98-22493). Cette solution est également applicable à un expert-comptable.
Concernant l’agent immobilier, la Cour de cassation a jugé que la créance naissait de la conclusion du mandat et non dans la vente (Cour de cassation, chambre commerciale du 17/02/1998, n° 95-15409).
Le fait générateur d’une créance née de l’exécution incomplète ou défectueuse d’un contrat, trouve son origine dans l’exécution dudit contrat. La créance résultant de malfaçons à son origine non dans le contrat, mais dans l’exécution de la prestation (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2017, n° 16-14634).
Il en résulte que la mauvaise exécution d’un contrat, antérieure au jugement d’ouverture, donnera lieu à une créance antérieure au jugement d’ouverture, devant donc être déclarée au passif (Cour de cassation, chambre commerciale du 30/03/2011, n° 09-11805).
Il conviendra donc de rechercher la date à laquelle a été réalisée la prestation arguée de malfaçons.
Le cocontractant du débiteur ne pourra compenser cette créance de dommages et intérêts qu’en la déclarant au passif (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/03/2012, n° 11-10147). Un maître d’ouvrage qui refuse de payer la situation d’une entreprise de bâtiment, pour malfaçons, ne pourra effectuer une compensation entre le montant dû et le dommage causé, que s’il a effectué une déclaration de créance.
La solution est identique, concernant la qualification de dette antérieure et postérieure, pour le retard dans l’exécution. Si le retard dans l’exécution est antérieur au jugement d’ouverture, la créance est antérieure, si le retard a lieu après le jugement d’ouverture, la créance à une nature postérieure.
Le fait générateur de la créance de garantie est la conclusion de la vente et non l’apparition du vice caché, ce qui oblige le cocontractant à déclarer au passif sa créance de garantie, pour pouvoir éventuellement la mettre en œuvre après le jugement d’ouverture. Il en est de même de la créance de garantie née d’un défaut de conformité de la chose vendue, qui a son origine dans la conclusion de vente, non dans l’apparition du dommage.
La jurisprudence oblige un créancier titulaire d’une créance de garantie à déclarer celle-ci au passif, alors même que la garantie n’est pas activée.
Cour de cassation chambre commerciale du 18/02/2003, n° 00-13257 :
La créance de restitution née de l’annulation d’un contrat passé avant jugement d’ouverture est une créance postérieure si l’annulation intervient après le jugement d’ouverture, même en cas d’appel (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/12/2014, n° 12-27739).
La créance de restitution née de la résiliation d’un contrat conclu avant le jugement d’ouverture est une créance postérieure, dès lors que la résiliation intervient après ledit jugement (Cour de cassation, chambre commerciale du 22/05/2007, n° 06-13978).
Toutefois cette créance, comme la précédente ne pourra bénéficier du traitement préférentiel réservé aux créances postérieures (Cour de cassation, chambre commerciale du 16/12/2014, n° 13-24623).
Les instances en cours au moment de l’ouverture d’une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, dont celles de la condamnation à l’article 700 et aux dépens (Cour de cassation, chambre civile 3 du 08/07/2021, n° 19-18437)
Dans l’hypothèse d’un jugement de condamnation postérieur à l’ouverture de la procédure collective, ces condamnations constituent des créances postérieures payables dès la signification du jugement.
Il semblerait que la condamnation à l’article 700 du CPC, pour une assignation postérieure à l’ouverture de la procédure collective (en cas d’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire) consitue est une créance postérieure, celle-ci ayant pris naissance par le jugement qui la prononce.
Si l’astreinte a été prononcée à l’occasion d’une condamnation antérieure au jugement d’ouverture, c’est une créance antérieure, même si elle est liquidée après le jugement d’ouverture. Elle fait donc partie du plan de sauvegarde ou de redressement, si elle est déclarée et admise.
Si l’astreinte a été prononcée après le jugement d’ouverture, elle fait naître une créance postérieure, qui ne pourra bénéficier d’un traitement préférentiel.
En matière de responsabilité délictuelle, il est jugé que seul importe la date de la faute ou du fait dommageable (Cour de cassation, chambre commerciale du 16/03/2010, n° 09-13937).
En ce qui concerne les créances fiscales, les textes sont multiples et le fait générateur de la créance d’impôt est différent presque pour chacun des impôts. Il est donc impossible d’en faire une liste exhaustive.
La TVA assise sur des prestations de services a pour fait générateur l’exécution de la prestation, celle assise sur les ventes, la date de livraison.
Le fait générateur de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est l’exercice d’une activité imposable au 1ier janvier de l’année d’imposition.
Le fait générateur de l’impôt sur le revenu résulte de l’expiration de l’année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus (Cour de cassation, chambre commerciale du 14/01/2004, n° 01-03663).
En cas de vérification fiscale, le fait générateur du montant redressé, est constitué par le fait générateur de l’impôt redressé. Exemple : le redressement fiscal du 14/12/2018, concernant une TVA de janvier 2015, le fait générateur sera fixé à janvier 2015.
Les cotisations URSSAF ont pour fait générateur l’accomplissement du travail sur la rémunération duquel elles sont calculées, alors pourtant que leur calcul intervient postérieurement et que leur exigibilité est postérieure.
Si les cotisations se rapportent pour partie à une période de travail antérieure au jugement d’ouverture et pour partie à une période postérieure audit jugement, il convient de scinder en deux fractions la créance de cotisations (voir pour la créance de régularisation).
En ce qui concerne les cotisations de retraite, le fait générateur de la cotisation d’assurance est l’exercice de l’activité au premier jour du trimestre civil.
♦ Dalloz – Documentation/Encyclopédie/Entreprises en difficulté : situation des créanciers.
♦ LexisNexis – Encyclopédies/Jurisclasseur/ Procédures collectives : Fascicule 2352 – déclaration et admission des créances
♦ Droit et pratiques des procédures collectives – Pierre-Michel LE CORRE – Editions 2023/2024 – Titre 441 : Règles générales reletives au fait générateur de la créance – Titre 442 : Fait générateur d’une créance d’origine contractuelle ou d’une mission confiée à un professionnel – Titre 443 – Fait générateur de la créance d’origine extra-contractuelle.
♦ Site Philippe Pernaud-Orliac – Déclaration de créance