L’inscription d’une créance sur l’état des créances d’un débiteur, a trois origines possibles :
Il s’agit ici d’une innovation majeure de l’ordonnance du 12/03/2014, applicable aux procédures collectives ouvertes à compter du 01/07/2014.
Article L. 622-24 alinéa 3 du Code de commerce
« Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ».
Il s’agit de faire jouer, principalement, à la liste des créanciers que le débiteur a l’obligation d’établir et de faire parvenir au mandataire ou liquidateur judiciaire, à l’ouverture de la procédure collective (article L. 622-6 2ième alinéa), un effet de reconnaissance de dette, qui vaut déclaration de créance.
Par cette mention sur la liste, le débiteur est présumé avoir agi pour le compte du créancier et avoir déclaré pour son compte la créance.
Si le créancier déclare personnellement sa créance, dans les délais légaux, cette déclaration se substituera à la déclaration de créance par le débiteur, que cette substitution soit favorable ou non au créancier.
Le 4ième alinéa de l’article R. 622-21 précise de plus, que le mandataire ou le liquidateur judiciaire doit, dans l’avertissement de produire dans les délais, aviser le créancier que le débiteur a porté sa créance à sa connaissance. L’avertissement n’est donc pas supprimé au prétexte que la créance a été portée à la connaissance du mandataire par le débiteur.
Rappelons que l’article L. 653-5 7° prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 (dirigeant de droit ou de fait) contre laquelle a été relevé qu’elle a déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée.
Toute déclaration faite par le créancier, dans le délai de 2 mois de l’insertion au BODACC de l’ouverture de la procédure collective, a pour conséquence l’annulation pure et simple de toute déclaration faite par le débiteur, dans la mesure où il s’agit de la même créance (pas toujours facile à constater).
Faut-il en conclure que le débiteur ne peut faire cette déclaration de créance pour le compte du créancier, que par l’intermédiaire de la liste que le débiteur doit remettre au mandataire judiciaire de ses créanciers (article L. 622-6 alinéa 2), dans les 8 jours du jugement d’ouverture (article R. 622-5 alinéa 2).
Cela ne semble pas être le cas, au regard de l’article R. 622-5 alinéa 3, qui indique d’une part qu’il s’agit de « toute déclaration faite par le débiteur » et que d’autre part ladite déclaration peut être faite dans les délais de deux mois de l’insertion au BODACC de l’ouverture de la procédure collective.
Article R. 622-5 alinéa 3 du Code de commerce
« Pour l’application du troisième alinéa de l’article L. 622-24, toute déclaration faite par le débiteur, dans le délai fixé par le premier alinéa de l’article R. 622-24, doit comporter les éléments prévus aux deux premiers alinéas de l’article L. 622-25 et, le cas échéant, ceux prévus par le 2° de l’article R. 622-23. ».
Quelles sont les mentions que le débiteur doit porter à la connaissance du mandataire judiciaire ?
Le deuxième alinéa de l’article R. 622-5 répond à cette question :
« Pour l’application du troisième alinéa de l’article L. 622-24, la déclaration faite par le débiteur, dans le délai fixé par le premier alinéa de l’article R. 622-24, doit comporter les éléments prévus aux deux premiers alinéas de l’article L. 622-25 et, le cas échéant, ceux prévus par le 2° de l’article R. 622-23 ».
Autrement dit, dans le délai de 8 jours à compter de l’ouverture de la procédure (premier alinéa de l’article R. 622-24), le débiteur devra déclarer au mandataire judiciaire, concernant ses créanciers :
Il est à noter que le débiteur n’a aucune justification à produire concernant la créance qu’il déclare pour le compte du créancier. Le mandataire ou le liquidateur judiciaire ne peut donc contester la créance pour absence de justification.
Ainsi, si le mandataire estime non conforme la déclaration faite par le débiteur, il devra considérer que la créance n’a pas été déclarée par le débiteur pour le compte du créancier. Cette position du mandataire judiciaire pourra être contestée, par le jeu d’une demande en relevé de forclusion. Le fait de savoir si la créance a été déclarée pour le compte du créancier relève de l’appréciation du juge-commissaire et non du juge du fond.
Dans cette hypothèse et en l’absence de précision du législateur, le mandataire judiciaire n’aura pas à informer le créancier que sa créance a été portée par le débiteur sur la liste, le créancier devra donc effectuer sa déclaration de créance dans le délai des deux mois.
Mais, dans la pratique, la situation se présente sous des aspects plus complexes.
En effet, lorsque le mandataire prendra connaissance de la déclaration du débiteur, il n’aura pas les moyens de vérifier l’existence d’un privilège ou d’une sûreté, ou si la créance est assortie de la continuation du cours des intérêts.
Dans ces conditions, le mandataire judiciaire prendra en compte la déclaration du seul montant de la créance faite par le débiteur pour le compte du créancier.
L’omission d’une sûreté, par le débiteur, ne pourra faire l’objet d’une rectification par le créancier que par le dépôt d’une déclaration rectificative. Dans ce cas, si la sûreté est publiée, le délai de déclaration ne courra contre lui qu’à compter de l’avertissement qu’il a l’obligation de recevoir.
Concernant la déclaration faite par le débiteur pour le compte du créancier, la Cour de cassation statue pour la première fois sur cette disposition, ce qui lui permet de préciser la mise en œuvre de cette présomption (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/09/2018,n° 17- 18.516).
La chambre commerciale clarifie le contenu de l’information et les conditions dans lesquelles elle est portée à la connaissance du mandataire judiciaire.
Dans cette affaire, le débiteur est mis en redressement judiciaire et le jugement d’ouverture est publié au BODACC. Le créancier ayant déclaré sa créance au-delà de délai des 2 mois, dépose une requête en relevé de forclusion, laquelle, en première instance et en appel.
Il invoque dans son pourvoi l’article L. 622-24 du code de commerce.
La liste des créances remise, au mandataire judiciaire par le débiteur mentionnait l’identité du créancier, mais sans indiquer aucun montant de créance. Pour le créancier, en jugeant qu’au regard de la liste des créanciers remise par le débiteur au mandataire judiciaire, aucune créance n’avait été déclarée pour son compte, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale. En effet, la créance était citée dans le jugement d’ouverture d’où le grief fait aux juges de ne pas avoir constaté qu’elle avait été au moins partiellement portée à la connaissance du mandataire judiciaire.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Selon l’article L. 622-24, alinéa 3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, les créances portées à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai fixé à l’article R. 622-24 du même code fait présumer de la déclaration de sa créance par son titulaire, mais seulement dans la limite du contenu de l’information fournie au mandataire judiciaire.
En ayant constaté que la liste remise au mandataire judiciaire par le débiteur ne mentionnait que l’identité du créancier, sans indiquer aucun montant de créance et, dès lors qu’il n’était pas allégué que le débiteur avait fourni d’autres informations au mandataire judiciaire, ce qui ne pouvait se déduire des mentions du jugement d’ouverture de la procédure, la cour d’appel a légalement justifié sa décision d’écarter l’existence d’une déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier. … limitée au contenu de l’information fournie au mandataire
La déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier doit comporter certains éléments, à savoir, notamment, le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indications des sommes à échoir et la date de leurs échéances, nature du privilège ou de la sûreté, etc… Il est logique qu’en l’absence de mentions essentielles comme le montant de la créance, la Cour de cassation ait considéré que la déclaration du débiteur effectuée pour le compte du créancier n’existait pas.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu par la chambre commerciale le 08/02/2003 (n° 21-19330) a confirmé, que la liste remise au mandataire judiciaire par le débiteur, qui comporte le nom du créancier et le montant de la créance, vaut déclaration de créance faite pour le compte du créancier. Il en résulte que la présomption de déclaration par le débiteur n’est pas subordonnée à la présence sur la liste des créanciers de l’ensemble des éléments visés aux articles L. 622-25 et R. 622-23 du Code de commerce, la présomption jouant alors dans la limite des éléments portéss à la connaissance du mandataire judiciaire, à défaut de déclaration de créances effectuée par le créancier.
Le 3ième alinéa de l’article L. 622-24, précise que la créance portée, par le débiteur, à la connaissance du mandataire, n’est prise en compte que dans l’hypothèse où le créancier n’effectue pas lui-même sa déclaration de créance, dans le délai des 2 mois.
Ainsi, à la lecture de l’avertissement du mandataire judiciaire qui l’informe du montant déclaré par le débiteur, le créancier, en cas de désaccord, pourra effectuer lui-même sa déclaration de créance, qui aura pour effet d’enlever toute valeur à la mention portée par le débiteur.
A défaut de déclaration faite par le créancier dans le délai de 2 mois, c’est la déclaration faite par le débiteur qui sera mentionnée sur l’état des créances.
Le juge-commissaire, peut-il relever de la forclusion, lorsque le créancier aura effectué sa déclaration de créance au-delà, en dehors du délai de 2 mois, pour remplacer la déclaration faite par le débiteur ?
Le créancier ayant été d’une part avisé par le mandataire judiciaire et d’autre part porté sur la liste établie par le débiteur, il semble difficile qu’il remplisse les conditions imposées par le premier alinéa de l’article L. 622-26.
Comme le précise l’article R. 622-21, le mandataire judiciaire ne prendra en compte que la mention que le débiteur aura portée sur la liste prévue par l’article L. 622-6, qu’il doit remettre au mandataire judiciaire dans les 8 jours qui suivent le jugement d’ouverture.
Il paraît difficile d’admettre que le débiteur puisse contester la créance qu’il a lui-même déclarée. Faut-il admettre la possibilité d’une erreur ?
Par contre, rien n’interdira au mandataire judiciaire de contester ladite créance, au titre de son droit propre de contestation.
L’article L. 622-24 alinéa 2 dispose que :
« Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance ».
Il en résulte donc, qu’une personne sans pouvoir, peut effectuer une déclaration de créances pour le compte du créancier, et que celle-ci sera donc recevable si le créancier ratifie ladite déclaration, jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance, y compris devant la Cour d’appel (ratification = manifestation unilatérale de volonté par laquelle une personne approuve un acte accompli par elle par une personne sans pouvoir).
Il est bien entendu obligatoire, que cette déclaration de créance faite sans pouvoir, s’effectue dans les délais légaux de la déclaration de créance.
Il est à noter que cette obligation de ratification n’existe pas en ce qui concerne la déclaration faite par le débiteur pour le compte du créancier.
Ainsi, si une contestation est émise sur le fait que la créance a été déclarée sans pouvoir, il suffira au créancier de ratifier, et cela jusque devant la Cour d’appel.
Il est donc probable qu’il n’existera plus de décision d’irrecevabilité de déclaration de créances, pour défaut de pouvoir.
Aucune forme particulière n’étant prévue pour cette ratification, celle-ci peut donc être implicite. Ainsi, le débiteur, qui dans ses conclusions, au jour de l’audience, a demandé l’admission de sa créance, a nécessairement ratifié la déclaration de créance faite en son nom (Cour de cassation, chambre commerciale du 29/09/2021, n° 20-12291– du 17/11/2021, n° 20-16660 et 20-17166)
La déclaration de créance, d’une personne morale, doit émaner des organes habilités par la loi pour la représenter (même si la désignation n’a pas été publiée – Cour de cassation chambre commerciale du 12/07/2004 n° 03-14557) c’est-à-dire pour une société, suivant sa forme, à savoir :
S’agissant de la SAS, seul le président a le pouvoir légal d’agir en justice et donc de déclarer une créance. Le directeur général ou le directeur général délégué ne disposent de ce pouvoir que dans l’hypothèse de dispositions statutaires l’indiquant (article L. 227-6 du code de commerce – Cour de cassation chambre commerciale du 14/12/2010 n° 09-71712).
Si la qualité d’administrateur d’une société anonyme ne confère pas le pouvoir de représenter la société en justice (Cour de cassation chambre commerciale du 3/10/2006 n° 05-13244), le conseil d’administration a le pouvoir de nommer un préposé de la société pour déclarer les créances avec ou sans faculté de délégation (Cour de cassation chambre commerciale du 28/09/2004 n° 03-12023).
Il est à noter que le représentant d’une personne morale n’est tenu par aucun texte de préciser sur la déclaration de créance son identité et sa qualité (Cour de cassation chambre commerciale du 13/11/2002 n° 99-21871).
Le fait que le débiteur ne conteste pas devoir la somme déclarée n’autorise pas le juge-commissaire à admettre la créance au passif, dès lors qu’une contestation porte sur le pouvoir de déclarer la créance (Cour de cassation chambre commerciale du 30/10/2010 n° 10-10415).
Nous avons maintenu ce paragraphe, malgré les modifications apportées par l’ordonnance du 12 mars 2014 et le décret du 30 juin 2014, qui autorise une personne habilitée à représenter une personne morale à ratifier une déclaration faite en son nom, par une personne ne disposant pas de pouvoir.
Examinons quelques que cas particuliers.
S’il s’agit d’une collectivité territoriale, il résulte de l’article L. 2343-1, alinéa 1er, du code général des collectivités territoriales, que seul le comptable de la commune, qui tient de la loi le pouvoir de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues, peut les déclarer au passif du débiteur (Cour de cassation chambre commerciale du 23/10/2007 n° 06-19069).
Pour les impôts, le comptable public territorialement compétent est habilité à produire la déclaration de créance au nom du Trésor public.
L’article 410 de l’annexe II du code général des impôts prévoit que chaque fonctionnaire des impôts peut déléguer sa signature aux agents placés sous sa responsabilité, qui dispose donc du pouvoir d’effectuer la déclaration de créance (il s’agit ici d’une délégation de signature et non de pouvoir – Cour de cassation chambre commerciale du 25/06/2002 n° 00-20162).
Le directeur général de l’URSSAF tire des articles L. 122-1 et R. 122-3 du code de la sécurité sociale le pouvoir de décider des actions en justice à engager à l’égard des cotisants et de déléguer l’exercice de ses actions à un agent, sans qu’il soit besoin d’une autorisation du conseil d’administration de cet organisme.
Le président doit être muni d’un pouvoir spécial, sauf indication spécifique dans les statuts (Cour de cassation chambre civile 1 du 19/11/2002 n° 00-18946).
S’il ne dispose pas de ce pouvoir, il ne peut donc le déléguer à un autre membre de l’association.
La 3ième chambre civile de la Cour de cassation, reconnaît au syndic de copropriété le pouvoir de déclarer une créance du syndicat (cour de cassation chambre commerciale du 19/05/2004 n° 02-14805).
L’article L. 622-24 dispose que la déclaration de créance peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.
Si elle n’émane pas de ses représentants légaux, la déclaration peut être effectuée par tout préposé titulaire d’une délégation de pouvoirs lui permettant d’accomplir un tel acte.
S’agissant d’un mandataire, qui déclare la créance d’un tiers, il doit si, il n’est pas avocat, être munie d’un pouvoir spécial donné par écrit (mandat ad litem des articles 416 et 853 du code de procédure civile).
Un pool bancaire n’ayant pas la personnalité morale, la Cour de cassation exige du « chef de file » du pool qu’il dispose d’un mandat écrit donné par chacune des autres banques (Cour de cassation assemblée plénière du 26/01/2001 n° 99-15153).
En dehors de ces quelques remarques, il ne nous est pas apparu utile de détailler les différentes contestations concernant la délégation de pouvoir ou le pouvoir spécial, prenant en compte le fait que le créancier pourra toujours ratifier une déclaration de créances qui n’aurait pas été faite par une personne disposant d’un pouvoir.
Les créances doivent être déclarées selon le cas au mandataire ou au liquidateur qui ont seuls la qualité pour recevoir les déclarations.
A noter que la désignation par le tribunal de deux mandataires en précisant la mission plus particulièrement confiée à chacun d’eux, l’un d’eux pouvant être chargé plus spécialement de la vérification des créances est sans incidence sur la fonction dont est légalement investi cet organe de la procédure. Il suffit pour être régulière que la déclaration de créance litigieuse ait été adressée dans le délai légal à l’un des mandataires (Cour de cassation chambre commerciale du 24/04/2007, n° 05-20280).
L’envoi de la déclaration de créance au cabinet secondaire du mandataire de justice est valable, même si l’avis d’avoir à déclarer la créance ne fait apparaître que l’adresse du cabinet principal du mandataire judiciaire.
En revanche, une créance déclarée auprès d’une autorité incompétente n’interrompt pas le délai de déclaration.
♦ Dalloz – Documentation/Encyclopédie/Entreprises en difficulté : Situation des créanciers : auteur de la déclaration.
♦ LexisNexis – Encyclopédies/Jurisclasseur/Procédures collectives : Fascicule 2352 : déclaration et admission des créances
♦ Site PERNAUD – Déclaration de créance
♦ Droit et pratique des procédures collectives – Pierre-Michel LE CORRE – Editions 2021/2022) – Chapitre 662 : auteur de la déclaration de créance.