L'intervention volontaire ou forcée
- L’intervenant doit être un tiers, avoir un intérêt à agir et l’intervention doit être connexe au litige
- L’intervention peut être volontaire ou forcée
- L’intervention volontaire peut être accessoire ou principale
- Le juge peut admettre, rejeter ou disjoindre l’intervention
Introduction – Textes applicables
📘 L’intervention est définie par l’article 66 du Code de procédure civile, puis détaillée par les articles 325 à 333.
L’article 63 qualifie l’intervention de demande incidente ; l’article 66 en fixe la notion ; les articles 325 à 333 en organisent les conditions de recevabilité, la compétence, la forme et les effets, ainsi que la distinction entre intervention volontaire (articles 328 à 330) et intervention forcée (articles 331 à 333).
1. – Définition
L’intervention est une demande incidente (article 63), comme la demande reconventionnelle et la demande additionnelle.
Les parties à l’instance sont, en principe, déterminées par l’acte introductif.
Toutefois, un tiers peut devenir partie en cours d’instance :
lorsque la demande émane du tiers, l’intervention est dite volontaire ;
lorsque le tiers est mis en cause par une partie, l’intervention est dite forcée (article 66).
2. – Règles communes à toutes les interventions
2.1 – L’intérêt à agir
🔎 Comme toute demande en justice, l’intervention suppose un intérêt légitime, personnel, né et actuel.
Toutefois, lorsque l’intervention est volontaire accessoire, l’article 330, alinéa 2, assouplit l’exigence : il suffit que l’intervenant justifie d’un intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir une partie.
Cet intérêt peut être indirect ou éventuel, dès lors qu’il est sérieux et suffisamment probable ; il doit être juridique et personnel, et non un simple intérêt de fait.
Les juges vérifient concrètement le risque de préjudice que l’issue du litige principal ferait peser sur la situation de l’intervenant (recours interne, garantie, responsabilité en chaîne, atteinte à un plafond, etc.).
✅ Exemples d’interventions admises :
assureur de responsabilité qui vient soutenir son assuré pour limiter le quantum (éviter un recours interne ou préserver un plafond),
caution qui intervient pour contester le principe ou le montant de la dette afin de réduire un recours futur.
❌ Exemples d’interventions non retenues :
témoin, expert ou intéressé seulement moralement,
concurrent économique qui souhaite influencer sans incidence juridique sur ses droits,
association sans habilitation légale ou statutaire pertinente pour le litige.
2.2 – Qualité de tiers de l’intervenant
👤 Est une intervention toute demande qui tend à faire entrer un tiers dans le procès en cours entre les parties initiales (article 66).
Le Code ne définit pas la notion de tiers. Par tiers, il faut entendre toute personne qui n’a pas la qualité de partie à l’instance (ni demandeur, ni défendeur, ni intervenant).
La présence d’un avocat, d’un mandataire ou d’un représentant légal n’y change rien : ils agissent pour le compte d’une partie, et ne deviennent parties qu’en étant appelés en la cause.
2.3 – Connexité de l’intervention
🔗 Selon l’article 325, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
Ce lien est naturel lorsque l’intervenant appuie une partie ou lorsqu’il est appelé pour rendre le jugement commun (assureur de responsabilité venant contester le quantum).
En cas de prétentions propres, la connexité doit être caractérisée et son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.
2.4 – Compétence du tribunal
2.4.1 – Compétence d’attribution
⚖️ La juridiction saisie ne peut connaître de l’intervention que si son objet relève de sa compétence matérielle.
Exemple : saisi d’une intervention forcée contre une mutuelle, le tribunal de commerce, constatant son incompétence matérielle, se déclare incompétent, disjoint l’intervention et renvoie au tribunal judiciaire compétent.
Cette exigence ne pose guère de difficulté pour une intervention accessoire ou une déclaration de jugement commun, qui n’introduisent pas d’objet autonome.
2.4.2 – Compétence territoriale
⚖️ La juridiction compétente pour la demande originaire demeure compétente pour l’intervention, même si, prise isolément, celle-ci relèverait d’un autre ressort.
Intervention forcée : la clause attributive de compétence est inopposable (article 333).
Intervention volontaire : la compétence territoriale suit celle du principal ; une clause attributive éventuelle ne produit effet que si la partie bénéficiaire l’invoque in limine litis (articles 48 et 74).
2.5 – Moment de l’intervention
⏰ L’intervention suppose une instance déjà ouverte et non éteinte.
Elle peut intervenir à tout stade, sous réserve que :
le tiers soit appelé en temps utile pour présenter sa défense (article 331, alinéa 3),
le contradictoire soit respecté (articles 15 et 16).
À défaut, le juge peut disjoindre l’intervention (article 326), renvoyer l’affaire pour permettre la réponse, ou sanctionner une atteinte aux droits de la défense.
En matière commerciale, l’intervention peut être formée y compris en référé.
2.6 – Forme de l’acte d’intervention
📄 La forme varie :
Volontaire : par conclusions écrites ou orales devant les juridictions à procédure orale (article 68, alinéa 1).
Forcée : obligatoirement par assignation (article 68, alinéa 2). L’assignation vaut conclusions et communication aux autres parties.
2.7 – Effets de l’intervention
🎯 L’intervention étend l’instance à un tiers qui devient partie ; le juge doit statuer, à peine de déni de justice.
Pour éviter un retard excessif, l’article 326 autorise la disjonction : le juge peut statuer d’abord sur le principal et réserver l’intervention pour une décision séparée.
3. – L’intervention volontaire
3.1 – Règles communes
🎓 Par l’intervention volontaire, un tiers prend l’initiative de participer à une instance. La décision à venir ne produirait pas d’effet obligatoire à son égard, mais pourrait lui être opposée et lui causer un préjudice.
Exemple : un assureur a intérêt à intervenir dans le procès de son assuré.
Deux formes :
intervention volontaire accessoire,
intervention volontaire principale.
3.2 – Intervention volontaire accessoire
3.2.1 – Recevabilité
L’intervenant accessoire n’élève pas de prétention propre ; il appuie la position d’une partie.
L’article 330, alinéa 2, exige seulement un intérêt « pour la conservation de ses droits ».
La connexité est implicite et la compétence suit celle du litige principal.
Forme : conclusions (procédure écrite) ou oralement devant le tribunal de commerce. L’acte vaut conclusions et doit être communiqué (article 69).
3.2.2 – Régime
L’intervenant devient partie et subit l’autorité de la chose jugée.
Il ne peut être condamné à l’égard de l’adversaire ni obtenir de condamnation à son profit : il ne fait que prêter sa voix.
Son intervention dépend de l’instance principale : si celle-ci s’éteint, son intervention aussi.
L’article 330, alinéa 3, permet son désistement unilatéral.
3.3 – Intervention volontaire principale
3.3.1 – Définition
Aux termes de l’article 329, alinéa 1, elle est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de l’intervenant.
Exemple : la caution personne physique qui intervient pour faire constater l’inopposabilité de son engagement disproportionné et obtenir sa décharge.
3.3.2 – Recevabilité
Elle suppose capacité, intérêt et qualité, ainsi qu’un lien suffisant avec les prétentions originaires (article 325).
Particularité : elle survit à l’extinction de l’instance principale, dès lors qu’elle porte sur un droit propre.
3.3.3 – Effets
L’intervenant principal agit comme demandeur : il peut obtenir une condamnation, mais s’expose aux demandes reconventionnelles.
La décision lui est opposable comme s’il avait agi par une action autonome.
3.4 – Rôle du juge
🎓 Le juge statue par décision motivée (admission ou irrecevabilité).
Il contrôle :
le lien suffisant,
l’intérêt à agir,
le respect du contradictoire,
la compétence,
la forme.
L’opposition d’une partie ne suffit pas à écarter l’intervention : le juge tranche.
Il peut rejeter d’office si une condition fait défaut.
Formules utiles :
« Déclare recevable l’intervention volontaire à titre accessoire de X ; joint l’intervention à l’instance. »
« Déclare irrecevable l’intervention volontaire de X, faute de lien suffisant (article 325). »
4. – L’intervention forcée
4.1 – Recevabilité
📘 Organisée par l’article 331, l’intervention forcée vise à rendre le jugement commun ou à rechercher une condamnation (appel en garantie).
Une mise en cause aux seules fins de renseignements est irrecevable.
Exemple : appel en intervention forcée du mandataire judiciaire lorsqu’un débiteur en procédure collective est poursuivi pour une créance antérieure.
4.2 – Pouvoir d’initiative du juge
📘 Selon l’article 332, le juge peut inviter les parties à mettre en cause « tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige ».
Il ne s’agit pas d’un ordre : l’initiative d’introduire le tiers appartient aux parties.
L’absence d’exécution de l’invitation n’emporte pas, à elle seule, irrégularité de la décision, sauf atteinte caractérisée aux droits de la défense.
4.3 – Effets
📘 Conformément à l’article 68, alinéa 2, l’intervention forcée doit être introduite par assignation ; l’acte doit être suffisamment précis pour permettre au tiers de comprendre à quel titre et sur quel fondement il est appelé, et d’assurer utilement sa défense.
Le tiers devient partie, en position de défendeur à l’égard de celui qui l’appelle, lequel a la position de demandeur vis-à-vis de lui.
En cas d’appel en garantie, le lien procédural naît entre l’appelant et l’appelé, sans créer de rapport direct avec le demandeur à l’action principale.
L’intervenant forcé dispose de toutes les prérogatives procédurales d’une partie et conduit librement sa défense.
4.4 – Rôle du juge
📘 Le juge contrôle :
la régularité de l’introduction par assignation,
la précision du titre et du fondement pour permettre la défense utile,
le lien suffisant,
le contradictoire,
la compétence. Si l’objet de l’intervention ne relève pas de sa compétence d’attribution, il se déclare incompétent, disjoint et renvoie à la juridiction compétente.
Pour éviter un retard excessif, il peut disjoindre l’intervention et poursuivre le jugement du principal.
L’opposition d’une partie n’empêche pas la mise en cause : elle alimente le débat (utilité, lien, régularité), le juge décidant ensuite d’admettre ou de rejeter.
Formules utiles :
« Dit recevable l’intervention forcée de X » ;
« Se déclare incompétent ratione materiae pour connaître de l’intervention dirigée contre [Mutuelle X] » ;
« Déclare irrecevable l’intervention forcée, l’assignation ne permettant pas au tiers de connaître le titre et le fondement de l’appel en cause. »
5. – Tableau comparatif
| 📋 Points de comparaison | Volontaire accessoire | Volontaire principale | Forcée |
|---|---|---|---|
| Définition | Soutien à une partie déjà en cause, sans prétention propre. | Pretention autonome du tiers, rattachée au litige principal. | Tiers appelé en cause par une partie, pour rendre le jugement commun ou rechercher sa condamnation. |
| Intérêt à agir | Intérêt pour la conservation de ses droits (article 330, alinéa 2). | Intérêt légitime, personnel, né et actuel. | Intérêt du demandeur à l’intervention (garantie, jugement commun, condamnation). |
| Lien suffisant | Supposé du fait du soutien. | Doit être caractérisé (article 325). | Doit être caractérisé (article 325). |
| Forme | Conclusions écrites ou orales (article 68, alinéa 1). | Idem : conclusions écrites ou orales selon la juridiction. | Assignation obligatoire (article 68, alinéa 2). |
| Effets | Devient partie mais ne peut obtenir ni subir de condamnation ; autorité de chose jugée dans la limite du litige assisté. | Devient partie à part entière ; peut obtenir une condamnation ou subir une demande reconventionnelle. | Devient partie en qualité de défendeur vis-à-vis de celui qui l’appelle ; peut se défendre librement. |
| Sort si le principal s’éteint | Disparaît avec la demande principale. | Survit si elle porte sur un droit propre. | Suit le sort de la procédure principale, sauf disjonction par le juge. |
| Pouvoirs du juge | Vérifie l’intérêt et le lien suffisant ; peut disjoindre. | Vérifie l’intérêt, le lien suffisant et la compétence ; peut disjoindre. | Vérifie l’assignation, le lien suffisant, le contradictoire et la compétence ; peut disjoindre. |