En application de l’article L. 624-2 du Code de commerce, le juge-commissaire a, en principe, une compétence exclusive en ce qui concerne le sort des créances déclarées par un créancier dans la procédure collective ouverte à l’encontre de son débiteur.
Ce principe comporte toutefois quelques exceptions et pour lesquelles le juge du fonds devra intervenir.
Une première exception concerne l’existence d’une instance en cours, entre le créancier et le débiteur, engagée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective du débiteur. Dans ce cas le juge contentieux, sous certaines conditions, prendra la place du juge-commissaire, et aura compétence pour arrêter la créance dans la procédure collective du débiteur.
Une deuxième exception concerne, la constatation par le juge-commissaire de l’existence d’une contestation sérieuse concernant le montant ou la réalité de la créance, dans cette hypothèse le juge du contentieux ne disposera que du pouvoir de trancher ladite contestation et ordonnera aux parties de saisir le tribunal compétent.
Ce sont ces deux exceptions que nous allons étudier en détail.
Il nous a paru utile en premier lieu de faire un très bref rappel des conditions et obligations concernant la déclaration de créance, qu’à l’obligation d’effectuer un créancier, pour voir sa créance inscrite au passif de son débiteur.
L’obligation de déclarer sa créance par le créancier ne concerne que les créances dont le fait générateur est né antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.
Pour des explications détaillées, voir l’étude intitulée « FAIT GENERATEUR DE LA CREANCE », ainsi que l’étude intitulée « CREANCES ANTERIEURES SOUMISES A DÉCLARATION – LES EXCEPTIONS ».
Il en résulte que pour les créances dont le fait générateur est postérieur à l’ouverture de la procédure collective, il convient d’appliquer la procédure de droit commun, le juge du fond étant compétent pour trancher un éventuel litige, sans que l’ouverture d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire n’exerce une influence.
Article L. 622-24 du Code de commerce
« A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’État. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l’article L. 622-26, les délais ne courent qu’à compter de la notification de cette décision; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s’il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l’égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement..
La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance.
Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ».
Pour des explications détaillées voir l’étude intitulée « AUTEUR ET DESTINATAIRE DE LA DECLARATION DE CREANCES ».
Dans une première phase les déclarations de créances sont examinées par le mandataire judiciaire (ou le liquidateur judiciaire) en présence du débiteur et des contrôleurs, si le tribunal en a désigné.
Faisant suite à cet examen, le mandataire ou le liquidateur, va éventuellement émettre une contestation de créance.
Pour des explications détaillées voir l’étude « LA VERIFICATION DES CREANCES PAR LE MANDATAIRE ».
Le juge-commissaire ne va intervenir que sur les créances contestées et pour lesquelles le créancier n’a pas donné son accord à la contestation soulevée.
Pour des explications détaillées, voir les études intitulées « EXAMEN PAR LE JUGE-COMMISSAIRE DES CREANCES DECLAREES » et « DECISIONS DU JUGE-COMMISSAIRE EN MATIERE DE CONTESTATION DE CREANCE : INSTANCE EN COURS, INCOMPETENCE, ABSENCE DE POUVOIR JURIDICTIONNEL » et « L’ORDONNANCE DU JUGE-COMMISSAIRE ».
C’est à ce stade qui va intervenir le juge du fonds, en cas de constatation par le juge-commissaire soit de l’existence d’une instance en cours, soit de son absence de pouvoir juridictionnel.
L’article L. 622-22 du Code commerce dispose que :
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3 (cet article concerne la juridiction prud’homale) les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».
Nous allons donc examiner :
Une instance en cours est une instance qui a été introduite par le créancier à l’encontre du débiteur, antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.
La jurisprudence considère que seule une instance devant une juridiction du fond est une instance en cours pouvant donner lieu à fixation de la créance: c’est pour cette raison qu’un pourvoi en cassation n’est pas une instance en cours, ni un référé puisque la décision à intervenir n’aura pas autorité sur le fond, et donc en cas de référé la demande devient irrecevable par l’effet du jugement d’ouverture et de la suspension des poursuites.
L’instance doit être en cours au jour du jugement d’ouverture, ce qui présuppose que le lien d’instance soit effectif, c’est-à-dire que l’affaire ait été placée au rôle de la juridiction.
Est en cours, l’action ayant fait l’objet d’une radiation, cette dernière ne faisant pas obstacle au rétablissement de l’affaire.
L’action doit donc tendre à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement.
Ainsi, l’action en résolution pour violations contractuelles diverses, autres que le paiement de la créance due, n’est pas arrêtée. Par exemple, l’action en résiliation d’un bail pour non-respect de l’obtention de l’accord du bailleur pour effectuer des travaux n’est pas arrêtée, par l’ouverture de la procédure collective.
N’est plus en cours l’instance, lorsque le créancier s’est désisté, et cela même si le jugement d’ouverture est antérieur au désistement.
De même, n’est plus en cours l’instance, dès lors que les débats ont eu lieu avant le jugement d’ouverture (Cour de cassation, chambre commerciale du 03/02/2021, n° 19-15885).
L’instance en cours doit être dirigée contre le débiteur. La notion d’instance en cours ne trouve donc pas à s’appliquer concernant les actions introduites par le débiteur.
Toutefois, en présentant une demande reconventionnelle, le créancier défendeur devient demandeur, c’est pourquoi il y a instance en cours en présence d’une demande reconventionnelle formée contre le débiteur., antérieurement à l’ouverture de la procédure collective du débiteur (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/11/2004, n° 02-18675).
L’article L. 622-21 du Code commerce répond à cette question en disposant :
« que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 (concerne les créances postérieures à l’ouverture de la procédure collective) et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ».
Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale du 01/07/2020, n° 19-11658
« Lorsque aucune instance en paiement d’une somme d’argent n’est en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective du débiteur, le créancier ne peut faire constater le principe de sa créance et en faire fixer le montant, autrement qu’en la déclarant et en se soumettant à la procédure normale de vérification du passif. Cette interdiction constitue une fin de non-recevoir qui peut être proposée en tout état de cause et dont le caractère d’ordre public impose également au juge de la relever d’office ».
L’action en paiement d’une créance, antérieure à l’ouverture de la procédure collective d’un débiteur, étant interdite à son encontre, une action diligentée postérieurement à cette date seront donc déclarée irrecevable par le juge du contentieux.
Il s’agit, ici, d’une fin de non-recevoir (article 122 du Code de procédure civile : défaut du droit d’agir), dont la Cour de cassation précise qu’elle est d’ordre public et qu’en conséquence le juge doit la relever d’office.
Rappelons qu’une fin de recevoir peut être proposée à tout moment et non il limine litis.
Examinons quelques cas particuliers.
Dans cette hypothèse la demande est irrecevable (Cour de cassation, chambre commerciale du 12/01/2010, n° 08-19645).
Le tribunal saisi sur opposition à une injonction de payer postérieure au jugement d’ouverture ne peut constater la créance, car ce n’est pas la requête en injonction de payer qui introduit l’instance, mais l’opposition à l’injonction de payer.
L’ouverture de la procédure collective a pour conséquence l’interruption de l’instance en cours.
L’interruption de l’instance emporte par application de l’article 392 alinéa 1 du Code de procédure civile, interruption du délai de péremption de l’instance. Le délai de péremption ne commençant à courir qu’à compter de la reprise d’instance.
L’instance est donc interrompue tant que le créancier n’aura pas déclaré sa créance et qu’il n’aura pas appelé à la cause les organes de la procédure collective.
Toute demande de réouverture des débats, sera irrecevable tant que les créanciers n’auront pas, cumulativement rempli ces deux conditions.
Le demandeur conserve la possibilité de se désister d’instance et non d’action. Dans ce cas, La déclaration de créance, sera traitée initialement par le juge-commissaire, mais pourra revenir devant le juge du fond si le juge-commissaire, en cas de contestation sérieuse, constate son absence de pouvoir juridictionnel.
L’instance sera reprise, à l’initiative du créancier demandeur, devant la juridiction initialement saisie, que par la justification que le créancier a régulièrement déclaré sa créance (article R. 622-20).
En pratique, cette vérification sera effectuée par la production de la copie de la déclaration de créance.
La juridiction saisie doit donc vérifier la régularité de la déclaration, en particulier, si elle a bien été faite dans le délai légal. En effet, cette vérification ne peut pas être faite dans le cadre de la procédure collective puisque le juge-commissaire, en constatant l’instance en cours, s’est dessaisi.
Rappelons d’une part, que le délai de déclaration de la créance est de 2 mois à compter de la parution au BODACC du jugement d’ouverture de la procédure collective et que d’autre part, le créancier, en cas de déclaration de sa déclaration de créance, peut demander à être relevé de la forclusion. Une fois la décision le relevant de forclusion intervenue, le créancier qui aura préalablement au relevé de forclusion ou postérieurement à celui-ci, déclaré sa créance, pourra reprendre l’instance.
Il convient de préciser que l’article R. 622-20 prévoit que le créancier peut également à défaut de déclaration de créance produire « tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l’article L. 624-1 (liste établie par le mandataire judiciaire comportant la liste des créances déclarées)».
Si le créancier ne déclare pas régulièrement sa créance, il ne peut reprendre l’instance aux fins de faire fixer ses droits. La juridiction saisie à tort de la reprise d’instance devra se borner à constater que les conditions de la reprise d’instance ne sont pas réunies, sans pouvoir rejeter la créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/12/2020, n° 19-15727), ni déclarer la demande irrecevable (Cour de cassation, chambre commerciale du 20/10/2021, n° 20-13829).
La reprise de l’instance suppose que le créancier mette en cause, c’est-à-dire assigne en intervention forcée, le mandataire judiciaire pendant la période d’observation du redressement judiciaire ou de la sauvegarde, le liquidateur en liquidation judiciaire.
Après arrêté du plan, la mise en cause du commissaire à l’exécution du plan s’impose, ainsi que le mandataire judiciaire s’il est toujours en fonction, concernant la vérification des créances.
La mise en cause de l’administrateur judiciaire ne s’impose que si celui-ci a une mission d’assister le débiteur dans la procédure de sauvegarde. En redressement judiciaire, l’administrateur est mis en cause, quelle que soit sa mission (article R. 622-20).
L’assignation en intervention forcée ne s’impose, que si le mandataire de justice, n’intervient pas volontairement.
Il convient de constater que l’action initiale qui concernait un créancier et un débiteur, devient au minimum tripartite, par l’appel en cause des organes de la procédure, ce qui peut avoir des conséquences, en particulier en cas d’appel.
En pratique, il est fréquent que le mandataire ou liquidateur mis en cause, soit non comparant, au regard des frais engagés par cette procédure, ce qui n’empêchera pas le tribunal de rendre sa décision, en constatant simplement qu’il a bien été assigné.
La décision aura pour seul objet de fixer définitivement la créance et non d’emporter condamnation du débiteur à paiement. La décision ne constitue pas un titre exécutoire.
La juridiction saisie ne peut fixer la créance au-delà de ce que le créancier a déclaré au passif. Elle ne peut notamment assortir la fixation de la créance d’intérêts au taux légal, le jugement d’ouverture du redressement judiciaire arrêtant définitivement le cours des intérêts des créances nées antérieurement à ce jugement, sauf en ce qui concerne les créances d’un contrat de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à 1 an (article L. 622-28).
La juridiction saisie ne peut que fixer la créance à un montant inférieur à la déclaration de créance, dès lors qu’il n’y a pas discussion sur la créance elle-même (Cour de cassation, chambre commerciale du 30/09/2008, n° 07-14474).
S’agissant de la créance des dépens (Cour de cassation, chambre civile 3 du 07/10/2009, n° 08-12920 – Cour de cassation, chambre civile 3 du 08/07/2021, n° 19-18437), de l’article 700 du Code de procédure civile et de dommages et intérêts pour procédure abusive, il est désormais de jurisprudence constante que le fait générateur de ces créances est le jugement de condamnation. Ces créances ne sont donc pas à déclarer au passif, dans le cadre d’une instance en cours, elles constituent des créances postérieures payables hors plan, en sauvegarde ou en redressement judiciaire.
La créance ainsi admise a vocation à intégrer la procédure collective. C’est le mandataire judiciaire – ou liquidateur (organe seul compétent) qui en demandera l’inscription sur l’état des créances par le greffe du tribunal de la procédure collective (R. 622-20).
L’interruption de l’instance dure pendant toute la durée de la procédure collective. A la clôture de celle-ci, l’interruption d’instance cesse et la prescription commence alors son cours pour une durée complète.
Dans le cas où l’instance en cours n’a pas été signalée par le débiteur au mandataire ou au liquidateur judiciaire et que la déclaration n’a fait l’objet d’aucune contestation, l’inscription sur la liste des créances signée par le juge-commissaire a l’autorité de la chose jugée.
La décision rendue sans reprise régulière de l’instance, c’est-à-dire sans vérification que la déclaration de créance a bien été régulièrement effectuée, est nulle et non avenue (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/12/2021, n° 20-18940).
Il en est de même lorsque la décision intervient alors que les assignations en intervention forcée des organes de la procédure n’ont pas été effectuées, y compris pour l’administrateur (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/09/2020, n° 18-25365).
Cependant, le tribunal qui a rendu le jugement nul et non avenu n’est pas dessaisi. L’instance interrompue peut donc reprendre devant lui après mise en cause régulière des organes de la procédure collective.
Comme pour le juge des référés, le juge-commissaire, en dehors d’examiner la régularité de la déclaration de créance (délai, pouvoir qualité), ne dispose pas d’un pouvoir juridictionnel, lorsque la contestation de créance par le débiteur (ou le mandataire judiciaire) concerne le fond de la créance déclarée.
Dans ce cas, il doit rendre une ordonnance dans les conditions fixées par l’article R. 624-5, qui dispose que :
« Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ».
Il convient de noter, que si le juge-commissaire invite toutes les parties, et non l’une d’entre elles en particulier, à saisir la juridiction compétente, il commet une erreur de droit et non une erreur matérielle. A défaut d’un recours contre l’ordonnance litigieuse, celle-ci devient, en dépit de l’erreur de droit dont elle est entachée, irrévocable.
Si le juge est saisi dans le délai imparti par le juge-commissaire, l’assignation est alors recevable, le juge du fond rendra sa décision, en prenant en compte les remarques suivantes :
Dans cette même logique, la juridiction de fonds ne dispose pas du pouvoir de juger de la régularité de la déclaration de créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/10/2022, n° 15026).
Dans un arrêt du 05/10/2022 (n° 20-22409), la Cour de cassation a jugé que :
« si l’indivisibilité de la procédure introduite devant la juridiction compétente par l’une des parties à la procédure de vérification des créances sur l’invitation du juge-commissaire impose à la partie qui saisit le juge compétent de mettre en cause les deux autres parties à cette procédure devant ce juge, cette partie, dès lors qu’elle a saisi la juridiction compétente dans le délai de l’article R. 624-5, n’est pas forclose, ayant la faculté d’appeler les parties omises après l’expiration de ce délai. C’est donc en vain qu’est invoquée par la troisième branche, l’inopposabilité de la créance contre un arrêt qui ne pouvait se prononcer que sur la forclusion du créancier ».
En présence d’une clause contractuelle d’attribution territoriale, le tribunal après examen de la régularité de ladite clause se déclarera incompétent au profit du tribunal compétent.
Il en est de même en cas de clause d’arbitrage.
Le juge du fond, n’est saisi qu’au regard de l’ordonnance du juge-commissaire qui a constaté son absence de pouvoir juridictionnel pour trancher une contestation sérieuse.
Le juge-commissaire va donc surseoir à statuer dans l’attente du retour de la décision du juge compétent. En effet, il n’a pas vidé sa saisine puisqu’il n’a renvoyé à mieux se pourvoir que sur la contestation, et qu’il ne s’agit pas d’une incompétence mais d’une absence de pouvoir pour trancher une contestation sérieuse.
Cela a pour conséquence qu’il n’appartient pas au juge du fond, compétent sur la contestation, de fixer la créance mais de statuer sur la seule contestation.
Exemple : dans l’arrêt du 2 mars 2022 (n° 20-21712), il ne statuera que sur la contestation portant sur le taux effectif global, sans fixer la créance si le reste n’est pas contesté et surtout sans faire droit à une demande supplémentaire de dommages-intérêts.
D’où l’importance :
Il convient en premier de vérifier d’une part, la date de notification de la décision du juge-commissaire qui constitue le point de départ du titulaire du droit d’agir devant la juridiction de droit commun et d’autre part la régularité de cette notification.
Dans un arrêt du 02/11/2016 (n° 15-13273), la Cour de cassation précise que l’ordonnance ou la notification qu’en l’absence de toute référence à l’article R. 624-5 et à l’indication relative au délai d’un mois imparti pour saisir la juridiction compétente et à la forclusion encourue en cas d’absence de diligence dans ce délai, celui-ci n’a pas commencé à courir.
Ces points vérifiés, si l’assignation est formulée hors le délai de 30 jours de la notification de l’ordonnance du juge-commissaire, elle me semble est irrecevable .
Voir toutefois l’arrêt de la Cour d’appel de METZ, en date du 08/12/2022 (n° 22/00319) qui a jugé que :
« Selon les dispositions de l’article R. 624-5 du code de commerce applicable aux décisions du juge-commissaire, lorsque ce dernier ne conserve pas sa compétence pour statuer sur une contestation de créance, il doit désigner la partie qui doit saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification.
A défaut de saisine de la juridiction au fond, la partie désignée est forclose soit à faire valoir sa créance, soit à la contester en fonction de la partie qui devait saisir la juridiction au fond et le juge-commissaire statue alors sur la créance en tenant compte de cette forclusion.
Aussi, le délai de forclusion de l’article R 624-5 du code de commerce ne concerne que l’admission ou pas de la créance devant le juge-commissaire et ne s’applique pas devant la juridiction saisie pour voir trancher le principe d’une créance à laquelle s’applique le cas échéant les délais de forclusion de droit commun.
En conséquence, l’action de Mme [S] devant le juge du fond compétent n’est pas concernée par la forclusion de l’article R. 624-5 du code de commerce et le juge de la mise en état ne pouvait pas déclarer irrecevable comme forclose cette action sur ce fondement.
Dès lors il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de déclarer recevable l’action de Mme [S] ».
L’arrêt de la Cour d’appel de ROUEN du 27/01/2022 (n° 21/00808), confirme l’irrecevabilité avec une motivation intéressante concernant d’une part l’application de la notion de fin de non-recevoir et d’autre part la date à prendre en compte concernant faite par la partie désigner par le juge-commissaire :
« Sur l’irrecevabilité des demandes de la SCI Tim Joh Vic et de la société Mandateam ès qualités, à raison de la tardiveté de la saisine du tribunal de grande instance par la SCI Tim Joh Vic
La société Bail Actéa Immobilier soutient que la société Tim Joh Vic et la SCP Mandateam ès-qualités sont irrecevables en leurs demandes dans la mesure où le tribunal de grande instance d’Evreux devait être saisi dans le délai d’un mois de la notification de l’ordonnance du juge-commissaire du 31 janvier 2019, intervenue le 5 février 2019.
Elle fait valoir que même si la société Tim Joh Vic a fait délivrer son assignation les 25 et 26 février 2019, elle ne l’a déposée au greffe que le 4 avril 2019, soit plus d’un mois après le délai imparti par l’article R 624-5 du code de commerce et ce alors que seule la remise au greffe de l’assignation saisit la juridiction.
La société Tim Joh Vic et la SCP Mandateam font valoir en réplique que non seulement l’intimée n’est plus recevable à soulever ce moyen qui devait être soulevé in limine litis mais qu’en outre celui-ci est mal fondé, le tribunal étant réputé être saisi à la date de la délivrance de l’assignation, pourvu qu’elle soit déposée au greffe.
Le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes des sociétés Tim Joh Vic et Mandateam constitue une fin de non-recevoir et non une exception de procédure soumise à l’article 74 du code de procédure civile. Or aux termes de l’article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
Il s’ensuit que la société Bail Actéa Immobilier est recevable à invoquer le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes formées par les sociétés Tim Joh Vic et Ab.
L’article R. 624-5 du code de commerce dispose que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ».
Selon l’article 857 du code de procédure civile, le tribunal est saisi par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. Cette remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d’instruire l’affaire, ou, à défaut, à la requête d’une partie.
En l’espèce, l’ordonnance du juge-commissaire du 31 janvier 2019 a été notifiée le 5 février 2019 à la société Tim Joh Vic qui selon exploit d’huissier de justice délivré les 25 et 26 février 2019 a fait assigner la société Nord Europe Lease et la SCP Diesbeck-Zolotarenko devant le tribunal de grande instance d’Evreux.
L’assignation litigieuse a été remise au greffe et enrôlée le 4 avril 2019. Or il résulte de la combinaison des textes précités, que le tribunal est réputé saisi par la remise au greffe de l’assignation.
Si l’assignation a bien été délivrée dans le mois de la notification de la décision du juge commissaire, la copie de cette assignation n’a été déposée au greffe du tribunal que postérieurement au délai de forclusion prévu à l’article R. 624-5 du code de commerce.
Il en résulte que le tribunal qui n’est saisi que par la remise au greffe de l’assignation et non par la délivrance de l’assignation aux parties, l’a été postérieurement au délai d’un mois de la notification de l’ordonnance du juge commissaire.
Il convient donc de déclarer la société Tim Joh Vic et la société Mandateam en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tim Joh Vic, irrecevables en leurs demandes ».