A compter du 15/05/2022, la loi n° 2022-172 du 14/02/2022 (articles L. 526-22 à L. 526-31 et R. 526-26 à D. 526-32 du Code de commerce) a créé un nouveau statut de l’entrepreneur individuel, dont l’essentiel réside dans l’instauration de plein droit d’un patrimoine professionnel, distinct du patrimoine personnel, afin de cloisonner les droits de poursuite des créanciers.
L’article II de l’article 6 de cette même loi précise qu’à compter du 15/02/2022 il ne sera plus possible de faire application des dispositions concernant l’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée). Toutefois, les personnes physiques exerçant antérieurement à cette date, une activité professionnelle avec création d’un patrimoine affecté demeurent soumise aux règles de l’EIRL (articles L. 526-5-1 à L. 526-21 et R. 526-3 à R. 526-5 du Code de commerce).
Ainsi, à compter du 15/05/2022, dès lors qu’une personne physique exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes, elle est titulaire, en principe, de deux patrimoines :
Et ceci, même si le début de son activité est antérieur au 15/05/2022.
Textes applicables :
Ce nouveau statut de l’entrepreneur individuel s’applique, sans qu’il soit nécessaire d’effectuer une formalité quelconque à la création, par une personne physique, d’une activité professionnelle, à compter du 15/05/2022.
L’article 19 de la loi du 14/02/2022 précise que pour les entrepreneurs individuels qui ont commencé leur activité professionnelle avant le 15/05/2022, le nouveau statut ne s’appliquera qu’aux créances nées à compter du le 15/05/2022.
Il en résulte donc que les dettes antérieures au 15/05/2022 auront donc un gage sur les deux patrimoines de l’entrepreneur individuel et ceci dans les mêmes conditions qu’antérieurement à la loi du 14/02/2022.
Etant, de plus, précisé que les dispositions modifiant la procédure collective (livre VI du Code de commerce) ne s’appliqueront qu’aux procédures ouvertes à compter du 15/05/2022.
L’article L. 526-22 alinéa 8 du Code de commerce dispose que « dans le cas où un entrepreneur cesse son activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis. Il en est de même en cas de décès de l’entrepreneur individuel, sous réserve des articles L. 631-3 et L. 640-3 » du Code de commerce.
La cessation d’activité intervenue avant l’ouverture de la procédure collective met fin à la séparation des patrimoines (solution qui diffère de l’EIRL).
Il en résulte que si une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte après la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel (constater officiellement), cette procédure ne fera pas la distinction entre les deux patrimoines.
Concernant la cessation d’activité voir l’arrêt de la Cour d’appel de NANCY du 24/01/2024, n° 23/00506. Il semble à la lecture de cet arrêt que la cessation d’activité peut résulter de la constatation du seul fait de l’arrêt d’activité, sans que celle-ci soit officialisée au RC ou au RM.
En cas de décès de l’entrepreneur individuel, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis.
Toutefois, lorsque le décès de l’entrepreneur individuel intervient alors que son patrimoine professionnel est en état de cessation des paiements, ses patrimoines personnel et professionnel ne sont pas réunis : seul le patrimoine professionnel est concerné par la procédure collective dont l’ouverture est sollicitée.
Tout héritier d’un entrepreneur individuel décédée alors que son patrimoine professionnel était en situation de cessation des paiements peut saisir le tribunal d’une demande d’ouverture de procédure collective.
Le ministère public ou tout créancier de l’entrepreneur individuel décédé peut également formuler une telle demande, dans le délai d’un an à compter du décès de l’entrepreneur individuel.
Article L. 526-22 du Code commerce :
« L’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ».
Il ressort de cette définition que la qualité d’entrepreneur individuel requiert la réunion de plusieurs éléments cumulatifs, l’entrepreneur individuel est :
Sont donc exclus de ce statut :
Relèvent, par contre de ce statut :
Voir, éventuellement, la particularité d’un associé de SNC.
Contrairement à l’EIRL il ne peut donc exister qu’un seul patrimoine professionnel, pour l’ensemble des activités professionnelles exercées par l’entrepreneur individuel, y compris s’il s’agit à la fois d’activités commerciales, artisanales, agricoles et libérales. Nous verrons qu’il existe une exception, dans l’hypothèse, de l’ouverture d’une liquidation judiciaire.
Le premier alinéa de l’article L. 526-23 dispose que la séparation des patrimoines » ne s’applique qu’aux créances nées à compter de l’immatriculation au registre dont relève l’entrepreneur individuel pour son activité, lorsque celle-ci est prévue. Lorsqu’il relève de plusieurs registres, la dérogation prend effet à compter de la date d’immatriculation la plus ancienne « .
Lorsque la date d’immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d’activité, la séparation des patrimoines prend effet à compter de la date déclarée du début d’activité (alinéa 2 de l’article L. 526-23).
A défaut d’obligation d’immatriculation, la première utilisation de la dénomination vaut date déclarée de début d’activité pour identifier le premier acte exercé en qualité d’entrepreneur individuel (alinéa 3 de l’article R. 526-27).
Il en résulterait donc qu’un entrepreneur individuel qui n’aurait pas procéder à son immatriculation obligatoire, ou en l’absence d’obligation d’immatriculation n’aurait pas mentionné sur ses actes la mention EI, son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel seraient réunis.
L’article R. 526-27 du Code de commerce, s’agissant de la dénomination professionnelle adoptée par l’entrepreneur individuel, précise qu’il doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI ». Cette dénomination doit figurer sur les documents et correspondances à usage professionnel de l’intéressé.
Rappelons que l’article R. 123-237 du Code de commerce prévoit que toute personne immatriculée au RCS est tenu également d’indiquer la mention de l’identification RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée.
Contrairement à l’EIRL (article L. 526-13 du Code commerce), la loi et les décrets ne font aucune obligation à l’entrepreneur individuel d’ouvrir un compte bancaire exclusivement dédié à son activité professionnelle.
L’article R. 526-27 du Code de commerce prévoit seulement que « chaque compte bancaire dédié à son activité professionnelle ouvert par l’entrepreneur individuel doit contenir la dénomination dans son intitulé ».
Afin d’effectuer une distinction entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel il paraît difficile à l’entrepreneur individuel de ne pas ouvrir un compte bancaire spécifiquement professionnel, son absence pourrait conduire le tribunal à constater qu’il n’a pas respecté strictement la distinction des patrimoines.
Rappelons que :
Le patrimoine professionnel est défini par 2ième alinéa l’article L. 526-22 du Code de commerce qui dispose que :
« Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel ».
Le critère retenu par la législation est donc l’utilité à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sans toutefois que soit précisé si cette utilité doit être totale ou partielle, ponctuelle ou définitive.
En indiquant que l’entrepreneur doit être titulaire du bien ou du droit, il en découle, logiquement, qu’un bien ou un droit, même utile à l’activité professionnelle, ne pourrait être considéré comme faisant partie du patrimoine professionnel s’il n’est pas la propriété de l’entrepreneur individuel. A titre d’exemple :
Rappelons qu’un bien meuble se trouvant sur les lieux de l’exercice de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel est présumé être sa propriété (voir la procédure de revendication).
L’article R. 526-26 du Code de commerce, précise que « les biens, droits, obligations et sûreté dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l’activité professionnelle, s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité ».
Ce même article en donne une liste non limitative, à savoir :
Concernant les sommes inscrites aux comptes bancaires, la distinction à faire entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel paraît extrêmement fastidieuse, sinon impossible à réaliser (article R. 526-26 I 5°).
En conclusion, le patrimoine professionnel est constitué :
Rappelons, qu’il ne peut exister qu’un seul patrimoine professionnel par entrepreneur individuel et ce, quels que soient le nombre et la diversité des activités professionnelles indépendantes exercées (contrairement à l’EIRL).
Contrairement à l’EIRL, l’entrepreneur individuel n’a aucune déclaration d’affectation à faire, en effet, lorsqu’un bien (ou droit, obligation sûreté) est « utile » à l’activité professionnelle, et qu’il est la propriété de l’entrepreneur individuel, il constitue obligatoirement un bien professionnel.
Concernant la composition du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel, le II de l’article R. 526-26 du Code de commerce précise indique que « lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ».
Le sort des biens à usage mixte (véhicule utilisé à titre personnel et professionnel, par exemple) n’est pas abordé par le législateur. On peut toutefois penser que ceux-ci feront partie du patrimoine professionnel dès lors qu’ils servent, même occasionnellement, à l’activité de l’entrepreneur individuel.
Malgré les précisions données par l’article R. 526-26 du Code de commerce, certaines situations vont faire naître une discussion concernant la notion d’utilité à l’activité professionnelle. Par exemple, un terrain appartenant à l’entrepreneur individuel, qui serait utilisé ponctuellement au stockage de marchandises destinées à être vendues ou transformées dans le cadre de son activité, doit-il constituer un bien entrant dans le patrimoine professionnel ?
La problématique des biens indivis n’est pas abordée par la loi nouvelle. Au contraire du régime de l’EIRL, l’accord des coïndivisaires pour affecter un bien indivis au patrimoine professionnel et leur information préalable concernant les droits des créanciers ne sont pas non plus exigés par le nouveau texte. Rappelons que les créanciers d’un indivisaire ne peuvent pas saisir sa part dans les biens indivis mais ils ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui (article 815-17 du Code civil).
La charge de la preuve concernant l’affectation d’un bien ou d’un droit au patrimoine professionnels incombe à l’entrepreneur individuel (alinéa 8 de l’article L. 526-22 du Code de commerce), en vue de contester toutes mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires.
L’article précise que « la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il a procédé à une mesure d’exécution forcée ou à mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général ».
A cet effet, il convient de rappeler qu’une mesure conservatoire demandée par un créancier professionnel à l’encontre d’un entrepreneur individuel, ne pourra concerner qu’un bien appartenant au patrimoine professionnel de ce même entrepreneur (sauf exceptions).
La limitation du gage des créanciers professionnels au patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel s’appliquera aux créances postérieures au 15/05/2022 et qui seront nées à compter :
Antérieurement à ces dates, aucune différenciation entre créances professionnelles et créances personnelles ne sera effectuée. Les créanciers pouvant exercer leur gage sur l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
L’article L. 526-26 du Code de commerce dispose que le statut de l’entrepreneur individuel « s’entend sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer ».
Il faut en déduire :
Il est constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel (alinéa 2 de l’article L. 526-22 du Code de commerce).
Il ressort des dispositions du 3ième alinéa de l’article L. 526-22 du Code de commerce que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine professionnel.
C’est là la conséquence directe du principe de séparation des patrimoines qui donc limite, en principe, le gage des créanciers professionnels qui ne pourront donc exercer leurs poursuites sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.
Le texte définit les créanciers professionnels dont le droit de poursuite est cantonné au seul patrimoine professionnel, comme ceux « dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice professionnel » de l’activité de l’entrepreneur individuel.
Dans cette optique, l’article L. 526-22 alinéa 5 du Code de commerce précise que « les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l’occasion de son exercice professionnel ».
Il en résulte donc que l’entrepreneur individuel disposera de 2 actifs, un actif professionnel et un actif personnel et de 2 passifs, un passif professionnel et un passif personnel. En principe, seul l’actif professionnel répondra des dettes professionnelles et l’actif personnel des dettes personnelles.
La séparation entre les patrimoines professionnel et personnel n’est toutefois pas absolue, elle souffre d’un certain nombre de dérogations, à savoir :
L’article L. 526-22 alinéa 4 du Code de commerce autorise l’entrepreneur individuel, nonobstant le principe de séparation des patrimoines, à consentir à ses créanciers professionnels des sûretés réelles (hypothèque, gage, nantissement) sur des biens relevant de son patrimoine personnel.
Par exemple, il peut constituer une hypothèque sur un bien immobilier personnel en garantie d’un prêt contracté auprès d’un établissement de crédit aux fins de financer son activité professionnelle.
Cette faculté n’est prévue par la loi qu’au bénéfice des créanciers professionnels. Il est donc interdit à l’entrepreneur individuel de constituer une sûreté réelle sur un bien relevant de son patrimoine professionnel aux fins de garantir une dette personnelle.
L’alinéa 3 de ce même article précise, en revanche, que « la distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal ».
Autrement dit, si l’entrepreneur individuel peut consentir une sûreté réelle sur un bien appartenant au patrimoine personnel, pour une dette professionnelle, il ne peut, en revanche, se porter caution sur l’ensemble de son patrimoine.
Le 1ier alinéa de l’article L. 526-25 dispose que :
« L’entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la dérogation prévue au quatrième alinéa de l’article L. 526-22, pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret ».
Cette renonciation qui ne concerne que le créancier professionnel (alinéa 4 de l’article L. 526-22 du Code de commerce) doit :
Le 2ième alinéa de l’article L. 526-25 du Code de commerce dispose que « cette renonciation ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation. Si l’entrepreneur individuel fait précéder sa signature de la mention manuscrite énoncée par décret et uniquement de celle-ci, le délai de réflexion est réduit à trois jours francs ».
Il est donc indispensable pour le créancier professionnel de s’assurer que l’entrepreneur individuel a bien réceptionné sa demande de renonciation à la séparation des patrimoines, car c’est cette date de réception qui fait courir le délai de 3 ou 7 jours.
A défaut du respect de ces délais (3 et 7 jours), la renonciation doit être considérée comme nulle.
Voir ci-dessous les mentions complémentaires, à ajouter à l’acte de renonciation, pour ramener le délai de réflexion de 7 à 3 jours.
L’article D. 526-28 du Code de commerce précise les mentions, obligatoires, devant figurer dans l’acte de renonciation. Il nous a semblé utile de les reproduire, au regard de la nullité de l’acte, à défaut, du respect de ces mentions.
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1o En ce qui concerne l’entrepreneur individuel renonçant à la protection de son patrimoine personnel :
2° En ce qui concerne le bénéficiaire de la renonciation :
II. Concernant l’engagement au titre duquel la renonciation est sollicitée:
1o La date de l’engagement;
2o L’objet de l’engagement;
3o La date d’échéance de l’engagement, c’est-à-dire la date contractuelle prévue pour le remboursement total des sommes dues au titre de l’engagement, étant précisé que celle-ci peut être prorogée soit par un accord des parties soit par une décision judiciaire;
4o Le montant de l’engagement ou les éléments permettant de le déterminer; ces éléments, une fois spécifiés dans l’acte de renonciation fixent définitivement le plafond pour lequel une même renonciation vaut;
5o La date de demande de la renonciation.
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L’article D. 526-28 du Code de commerce précise que :
L’article D. 526-29 du Code de commerce prévoit que « si le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, il remet gratuitement un exemplaire du modèle type à l’entrepreneur individuel qui en fait la demande ».
Lorsque l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation entendent réduire le délai de réflexion au terme duquel la renonciation intervient, l’acte de renonciation porte, de la main de l’entrepreneur individuel, la mention manuscrite suivante :
« Je déclare par la présente renoncer au bénéfice du délai de réflexion de sept jours francs, fixé conformément aux dispositions de l’article L. 526-25 du code de commerce. En conséquence, ledit délai est réduit à trois jours francs ».
A défaut de ces mentions l’acte de renonciation est nul.
L’article L. 526-24 du Code de commerce dispose que :
« Le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale. Le droit de gage de l’administration fiscale porte également sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel pour les impositions mentionnées au III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales ».
Ainsi, la dissociation des patrimoines ne sera pas opposable à l’administration fiscale et aux organismes de sécurité sociale en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales.
Concernant l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et la taxe foncière afférente aux immeubles utiles à l’activité professionnelle, le III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales dispose que :
« Le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle dont est redevable la personne physique exerçant une activité professionnelle en tant qu’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal peut être recherché sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel. Le présent III n’est pas applicable au recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux lorsque l’entrepreneur individuel a opté pour l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 1655 sexies du code général des impôts ».
Pour ce qui est des créances sociales, le droit de gage des organismes de recouvrement porte également sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel (article L. 133-4-7 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale), pour le recouvrement des impositions et contributions suivantes : impôt sur le revenu dû par les travailleurs indépendants soumis à un régime micro (article L. 613-7 du Code de sécurité sociale), contributions sociales sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement (article L. 136-3 du Code de sécurité sociale) et contribution au remboursement de la dette sociale.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, pour les entrepreneurs individuels dont l’activité a débuté avant le 15/05/2022, ne sont concernées par la séparation des patrimoines que les créances nées à compter du 15/05/2022.
Les créances dont le fait générateur est antérieur au 15/05/2022, conservent la possibilité d’être recouvrées sur l’ensemble des patrimoines de l’entrepreneur individuel.
L’article L. 526-22 alinéa 6 du Code de commerce dispose que « seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel ».
Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées en dehors du cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine personnel.
Il en résulte que les biens relevant du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont hors de portée de ses créanciers personnels dont le gage est limité aux seuls biens qui ne sont pas utiles à l’activité professionnelle.
Le législateur a prévu deux dérogations à ce principe.
Rappelons, que le créancier personnel contrairement au créancier professionnel ne peut :
Pratiquement, dans l’hypothèse où la réalisation de l’actif relevant du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ne permettrait pas de désintéresser totalement ses créanciers personnels, le droit de gage de ces derniers pourra s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.
L’article L. 526-22 alinéa 6 du Code de commerce prévoit que les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.
Il en résulte que dans l’hypothèse où une sûreté serait constituée sur un bien devenu utile à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel en garantie d’une dette personnelle, le bénéficiaire de la sûreté sera autorisé à saisir le bien grevé, nonobstant le principe de séparation des patrimoines.
Le nouveau régime de l’entrepreneur individuel n’étant applicable aux créances, qu’à compter du 15/05/2022, les créances antérieures, à cette date, auront donc pour gage, l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
Les dispositions concernant la prévention s’appliquent à l’entrepreneur individuel, mais uniquement en ce qu’elles concernent que son patrimoine professionnel (Article L. 611-17).
L’entrepreneur individuel peut également faire l’objet d’une convocation par le président du tribunal de commerce, il peut solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc.
Pour ces différentes mesures, la restriction liée à la nature du patrimoine en difficulté apparait surtout signifier qu’elles ne peuvent être mises en œuvre en l’absence d’un risque affectant le patrimoine professionnel. Mais on peut penser que la situation de son patrimoine personnel ne sera pas indifférente à l’appréciation globale de la solvabilité de l’entrepreneur individuel.
Les créanciers pouvant être concernés par la procédure de conciliation ne sont pas uniquement ceux « dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel » par l’entrepreneur individuel, ou les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales ou le Trésor public, dont il est redevable, car la porosité entre patrimoines professionnel et personnel conduit à prendre en considération, le cas échéant, tous les créanciers pouvant agir sur le patrimoine professionnel, y compris, en théorie et en cas d’insuffisance du patrimoine personnel, dans la limite du « montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos », et les créanciers dont le patrimoine personnel constitue le gage de principe (en particulier les créanciers personnels dont la créance a pris naissance avant le 15/02/2022).
L’article L. 611-7 alinéa 5 dispose que » au cours de la procédure, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci (procédure de conciliation) de faire application de l’article 1343-5 du code civil à l’égard d’un créancier qui l’a mis en demeure ou poursuivi, ou qui n’a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de la créance. Dans ce dernier cas, le juge peut, nonobstant les termes du premier alinéa de ce même article, reporter ou échelonner le règlement des créances non échues, dans la limite de la durée de la mission du conciliateur…« , ne peut trouver à s’appliquer à un patrimoine non éligible à la procédure.
Noter que le V de l’article L. 681-2, qui affirme la compétence du tribunal de la procédure collective pour connaitre des contestations relatives à la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel ne s’applique pas à la procédure de conciliation.
Aux termes du nouvel article L. 681-1 du Code de commerce, quel que soit le patrimoine concerné (professionnel ou personnel) par la défaillance d’un entrepreneur individuel, seul le tribunal de la procédure collective est compétent pour l’appréciation des difficultés de l’entrepreneur individuel (procédure collective ou surendettement).
Il en résulte que l’entrepreneur individuel en difficulté, ne peut s’adresser qu’au tribunal de commerce ou au tribunal judiciaire, pour examiner sa situation financière concernant aussi bien son patrimoine professionnel que son patrimoine personnel. Comme nous l’examinerons ci-dessous, le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire pourra, dans certaines conditions et avec l’accord du débiteur, transmettre le dossier ou une partie du dossier à la commission de surendettement, qui traitera les difficultés concernant le patrimoine personnel.
La commission de surendettement est donc incompétente pour traiter directement les difficultés d’un entrepreneur individuel, concernant son patrimoine personnel.
L’article R. 681-1 du Code commerce précise que, lors de la demande d’ouverture soit d’une procédure collective, soit d’une procédure de surendettement, l’entrepreneur individuel devra :
L’entrepreneur individuel pourra solliciter, dans sa demande d’ouverture, le bénéfice des mesures de traitement de surendettement. Rappelons, que la procédure de surendettement ne peut être ouverte qu’avec l’accord du débiteur, accord qui peut d’ailleurs être recueilli lors de l’audience au cours de laquelle il est statué sur l’ouverture de la procédure collective (article R. 681-2 du Code de commerce).
L’article R. 681-3 du Code de commerce, précise que le tribunal devra apprécier « dans un même jugement » si les conditions d’ouverture d’une procédure collective et d’une procédure de surendettement sont « alternativement ou cumulativement » réunies.
Les différentes décisions que le tribunal devra prendre à l’examen de la situation des patrimoines professionnel et personnel, seront examinées ci-dessous.
Le tribunal devra donc motiver avec précision son jugement quant à l’existence des conditions d’ouverture d’une procédure collective et/ou d’une procédure de surendettement.
Cette procédure est également applicable au rétablissement professionnel, dans le respect des règles propres à cette procédure (article L. 681-1 du Code de commerce).
Les textes ne prennent en compte que l’ouverture d’une procédure sur demande de l’entrepreneur individuel, en passant sous silence, la demande d’ouverture d’une procédure collective, d’un entrepreneur individuel, par assignation d’un créancier.
Sauf, si le débiteur présent à l’audience est en mesure de produire, rapidement, au tribunal l’ensemble des pièces et renseignements nécessaires pour effectuer une répartition entre le patrimoine professionnel et le patrimoine privé, le tribunal ne pourra se prononcer sur la constatation du surendettement de l’entrepreneur individuel.
La charge de la preuve appartenant au créancier, demandeur, le tribunal à défaut de disposer des éléments, ne pourra se prononcer que sur l’état de cessation des paiements et ne pourra donc ouvrir, éventuellement, qu’une procédure collective ne concernant que le patrimoine professionnel (cas n° 1) tout en constatant dans son jugement cet état des faits.
Si le tribunal constate, après avoir ouvert une procédure collective et avoir saisi la commission de surendettement, que les conditions n’étaient pas remplies pour une telle procédure (en particulier certains créanciers professionnels disposent d’un droit de gage sur le patrimoine personnel), quel est la procédure à adopter ?
Le tribunal peut-il alors faire application du 3ième alinéa de l’article L. 621-2 du Code de commerce, et prononcer la confusion du patrimoine professionnel et personnel (voir arrêt de la Cour d’appel de REIMS du 19/09/2023, n° 23/00471) ?
Dans cette hypothèse, il semble à la lecture de l’article R. 621-8-1 alinéa 1 du Code de commerce, que les patrimoines professionnel et personnel soient réunis, dans une même procédure !
Le nouveau titre VIII bis du livre VI du code de commerce (Dispositions particulières à l’entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section III du chapitre VI du titre II du livre V) a prévu une articulation des procédures du droit des entreprises en difficulté et du droit du surendettement, dont le décret est venu préciser les modalités. Au regard des nouveaux articles L. 681-2 et L. 681-3 du code de commerce, quatre situations peuvent se présenter au tribunal.
Le tribunal étant amené à juger si l’entrepreneur individuel pourrait bénéficier des mesures de traitement des situations de surendettement, il paraît utile de reproduire ici l’article L. 711-1 modifié du Code de la consommation, qui en fixe les conditions :
« Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.
La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.
L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement ».
Remarques concernant l’article L. 711-1 du Code de la consommation
A la lecture des articles L. 681-1 et R. 681-3 il convient de constater que le législateur n’a pas voulu faire de distinction entre une déclaration de cessation des paiements et une déclaration de surendettement, en obligeant le débiteur à fournir les renseignements sur les deux patrimoines dans sa déclaration au greffe.
De plus, l’article L. 681-1 précise, sans contestation possible que le tribunal a l’obligation d’apprécier à la fois les conditions d’ouverture d’une procédure de procédure collective et du surendettement.
Cette obligation n’est pas en contradiction avec l’objectif du législateur de protéger l’entrepreneur individuel, sur son patrimoine personnel, des conséquences des difficultés ayant pour origines l’activité professionnelle, car :
De mon opinion, le tribunal doit, en cas de déclaration de cessation des paiements ou d’assignation, se prononcer sur chaque patrimoine et ceci même si les demandes se limitent à un seul patrimoine. Il paraît difficile d’envisager que le tribunal n’examine que le patrimoine professionnel, alors que l’entrepreneur individuel est en état de surendettement et n’a pas respecté la séparation des patrimoines.
Lorsque les conditions d’ouverture d’une procédure collective en fonction de la situation du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont les seules à être réunies, le tribunal ouvre une sauvegarde, un redressement ou une liquidation judiciaire dont les effets sont en principe limités au seul patrimoine professionnel. Autrement dit, concernant le patrimoine personnel, soit les conditions de surendettement ne sont pas remplies, soit le tribunal ne dispose pas des éléments permettant de constater un surendettement.
Le tribunal devra porter une attention toute particulière sur :
En application de l’article L. 661-1 du Code de commerce seuls, le débiteur, le créancier poursuivant et le ministère public pourront faire appel du jugement.
Il est à noter que dans cette hypothèse l’article ne pose aucune condition concernant le respect par l’entrepreneur individuel de la séparation des patrimoines. Il appartient simplement au tribunal de constater d’une part, si les conditions d’ouverture d’une procédure collective sont réunies et d’autre part, si la situation de surendettement peut être constatées à l’aide des éléments dont dispose le tribunal.
Concernant l’état de cessation des paiements, la loi à ajouter la phrase suivante à l’article L. 631-1 » cette condition (à savoir le calcul de l’état de cessation des paiements) s’apprécie, s’il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l’activité ou les activités professionnelles « . Le calcul de l’état de cessation des paiements ne doit donc, en théorie, comprendre que l’actif professionnel disponible comparé au passif professionnel exigible.
En cas de déclaration de cessation des paiements le tribunal devrait disposer des éléments nécessaires pour prendre une décision adaptée, concernant le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, car l’entrepreneur individuel dans sa déclaration doit :
En cas d’assignation par un créancier, la situation est plus complexe, sauf si l’entrepreneur individuel produit tous les éléments nécessaires.
Les principales conséquences de l’ouverture d’une procédure collective ne concernant que le patrimoine professionnel :
Le tribunal peut-il modifier sa décision d’origine :
Le créancier professionnel pourra librement se faire payer sur le patrimoine personnel, qui n’est pas soumis à la procédure collective. Toutefois, la dissociation du patrimoine individuel ne lui étant pas opposable, il pourra se faire également payer sur le patrimoine professionnel, mais exclusivement par la procédure de la déclaration de créance.
Le créancier personnel qui voudrait se faire payer sur le patrimoine professionnel, devra passer par la procédure de la déclaration de créance.
Lorsque l’entrepreneur individuel cumule les difficultés au sein de ses deux patrimoines et que les conditions d’ouverture d’une procédure collective (en fonction de la situation de son patrimoine professionnel) ainsi que celles justifiant du surendettement (en fonction du patrimoine personnel) sont réunies à la date du jugement d’ouverture, par principe, l’entrepreneur en difficulté fait l’objet d’une procédure collective pour le tout, laquelle vise à la fois le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel.
A noter que dans cette hypothèse le patrimoine personnel sera traité suivant les disposition concernant les procédures collectives et non suivant les règles du surendettement.
Pour autant, il ne faut pas voir dans ce traitement la réunion des patrimoines. En effet, la séparation patrimoniale dont bénéficie l’entrepreneur individuel est maintenue. Ce qui, probablement aura, pour conséquence l’établissement de deux états de créances, avec mention des créanciers possédant un gage dans les deux patrimoines.
Dans ce sens, le III de l’article L. 681-2 du Code de commerce précise que « les droits de chaque créancier sur le patrimoine professionnel, le patrimoine personnel ou tout ou partie de ces patrimoines sont déterminés » conformément aux articles L. 526-22 et suivants du Code de commerce. Dès lors, le tribunal traite, dans un même jugement, des dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable sur ses patrimoines professionnel et personnel, en fonction du droit de gage de chaque créancier, sauf dérogations contraires.
Il semble que dans conditions aucune modification ne sera portée à l’insaisissabilité de la résidence principale, qui ne pourra donc être saisie par un créancier professionnel, sauf exceptions (voir ci-dessous).
Cette procédure ne sera pas applicable si deux conditions sont remplies cumulativement :
Comme pour le premier cas, le débiteur, le créancier poursuivant et le ministère public pourront faire appel du jugement.
Il semble que pourrait être considéré comme le non respect de la séparation des patrimoines :
Il s’agit essentiellement de constater l’existence :
Il semble qu’il s’agisse ici de la procédure qui sera la plus souvent appliquée, dans l’hypothèse où le tribunal constatera à la fois un état de cessation des paiements et un surendettement.
Les règles de la procédure collective s’appliqueront aux deux patrimoines (règles de l’interdiction des paiements, revendication, continuation des travaux en cours…).
Toutefois, le liquidateur judiciaire ne pourra distribuer les produits des ventes indifféremment entre les créanciers professionnels et les créanciers personnels, il devra respecter les gages de chacun.
L’inventaire doit faire la distinction entre l’actif professionnel et l’actif personnel.
Le déroulement et la finalité de cette procédure » bipatrimoniale » dépend de l’interprétation donnée à l’alinéa 3 du III de l’article L. 681-2 qui dispose que :
« Le tribunal traite, dans un même jugement, des dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable sur ses patrimoines professionnel et personnel, en fonction du droit de gage de chaque créancier, sauf dispositions contraires « .
Qu’entend le législateur par traitement des dettes, s’agit-il du traitement des dettes dans le cadre d’un plan, ou par la clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif ou extinction du passif.
Au regard de l’imprécision du texte, diverses questions se posent, ainsi le tribunal peut-il :
Dans la logique de la distinction des patrimoines professionnel et personnel, il apparait tout à cohérent d’adapter pour chaque patrimoine la solution de redressement ou d’apurement la mieux correspondre à la situation financière de chaque patrimoine..
De plus, il est probable que le tribunal ne disposera pas, au jour de l’ouverture de la procédure collective, des éléments lui permettant de se faire une opinion concernant le respect de la séparation des patrimoines. Faut-il alors faire application de l’article L. 621-2 alinéa 3, qui prévoit que la procédure peut être étendue aux autres patrimoines du débiteur, en cas de manquement grave ? Que devient alors la procédure de surendettement ?
Il s’agit ici d’un entrepreneur individuel, pour lequel les conditions d’ouverture d’une procédure collective et d’une procédure de surendettement sont réunies, mais qui :
Lorsque ces conditions sont réunies, le tribunal qui ouvre la procédure collective de l’entrepreneur individuel saisit, avec l’accord du débiteur, la commission de surendettement aux fins de traitements des dettes dont ce dernier est redevable sur son patrimoine personnel.
L’accord du débiteur, requis pour saisir la commission de surendettement, peut être recueilli lors de l’audience au cours de laquelle le tribunal examine la demande d’ouverture (article R. 681-2 du Code de commerce). Afin d’éviter toute incertitude ou contentieux, l’accord du débiteur devrait être mentionné clairement dans le jugement d’ouverture ou de renvoi.
A noter, qu’à défaut d’accord de l’entrepreneur individuel, concernant le surendettement, le tribunal ne fera application que des règles de la procédure collective sur le patrimoine professionnel, aucune procédure (surendettement) ne sera donc ouverte.
L’entrepreneur individuel sera ainsi soumis à 2 procédures parallèles, le tribunal et la commission de surendettement s’informant réciproquement de l’évolution de chacune d’entre elles (article R. 681-7 du Code de commerce).
A cet effet l’article L. 681-2 IV dispose que » le tribunal exerce les fonctions du juge du contentieux de la protection, qu’il peut déléguer en tout ou partie au juge-commissaire « . Il semblerait donc que le tribunal de commerce serait compétent pout traiter les contestations concernant le surendettement.
Rappelons :
Pour toutes ces raisons, il est donc probable, que le tribunal sera amené à ouvrir des procédures couvrant à la fois les patrimoines professionnel et personnel (2ième cas).
Le législateur n’envisageant pas le cas du créancier personnel disposant d’un gage sur le patrimoine professionnel, comment sera traitée cette dette entre le tribunal de commerce et la commission de surendettement ?
Dans cette hypothèse, l’entrepreneur individuel doit-il faire sa demande au tribunal de commerce ? Même question, si l’entrepreneur individuel est en plan ?
A ces deux questions la réponse ne peut être que positive, encore faut-il savoir comment les traiter d’un point de vue pratique.
Si seules les conditions du surendettement sont réunies, le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire renvoie l’affaire, avec l’accord du débiteur, devant la commission de surendettement.
Comme précédemment, à défaut d’accord de l’entrepreneur individuel, aucune procédure de surendettement ne sera ouverte.
Si la commission constate au cours de la procédure de surendettement que les conditions d’ouverture d’une procédure collective sont remplies, elle invitera le débiteur à demander l’ouverture d’une telle procédure. Si le débiteur effectue cette démarche, le tribunal ouvrira alors une procédure collective pour les patrimoines professionnel et personnel, et la commission sera dessaisie, sauf si l’entrepreneur individuel à respecter strictement la séparation des patrimoines et que le gage des créanciers professionnels ne porte pas sur le patrimoine personnel.
L’état de cessation devra s’apprécier, pour un entrepreneur individuel, qu’au regard du seul patrimoine professionnel (2ième alinéa de l’article L. 631-1 du Code de commerce).
Cette modification de la constatation de l’état de cessation des paiements, qui paraît logique, soulève toutefois quelques difficultés. Faut-il inclure dans le passif professionnel :
Réciproquement faut-il déduire du passif professionnel les dettes pour lesquelles le créancier bénéficie d’un gage sur le patrimoine personnel, et pour lequel ledit patrimoine peut faire face.
Le V de l’article L. 681-2 du Code de commerce dispose que le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire « connaît des contestations relatives à la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel que s’élèvent à l’occasion de la procédure ouverte ». la commission de surendettement étant, sur ce point, tenue à l’écart.
le créancier qui n’est pas partie au jugement et peut contester la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel (10 jours à compter de la notification qui lui a été faite ou de la publication du jugement au BODACC – article R. 681-6 du Code de commerce) par déclaration au greffe :
De plus, concernant le cas n° 3, le IV de l’article L. 681-2 du Code de commerce, dispose que « Le tribunal exerce les fonctions du juge des contentieux de la protection, qu’il peut déléguer en tout ou partie au juge-commissaire ».
Le VI de l’article L. 681-2 dispose que :
« Le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, jusqu’à la clôture de la procédure ou, le cas échéant, jusqu’à la fin des opérations du plan, interdiction pour tout débiteur entrepreneur individuel, sous réserve du versement de ses revenus, de modifier son patrimoine professionnel, lorsqu’il en résulterait une diminution de l’actif de ce patrimoine.
Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public dans le délai de trois ans à compter de sa date ».
En indiquant que l’entrepreneur individuel ne pourra modifier son patrimoine professionnel jusqu’à la fin des opérations du plan, faut-il en déduire concernant une cession partielle d’actif ?
VII de l’article L. 681-2 du Code de commerce :
« Lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, l’entrepreneur individuel peut exercer une nouvelle activité professionnelle. Un nouveau patrimoine professionnel est alors constitué. Ce patrimoine professionnel n’est pas concerné par la procédure ouverte.
Le débiteur ne peut constituer plus de deux patrimoines distincts de son patrimoine personnel.
La faculté d’exercer une nouvelle activité professionnelle dans les conditions prévues au premier alinéa du présent VII ne s’applique pas au débiteur qui, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, a fait l’objet, depuis moins de cinq ans, d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou d’une décision de clôture d’une procédure de rétablissement professionnel.
En cas de scission du patrimoine professionnel prévue au présent VII, le jugement de liquidation judiciaire emporte interdiction de toute opération entraînant une diminution de l’actif du patrimoine faisant l’objet de la procédure au profit de toute autre activité exercée par le débiteur ».
Il s’agit d’une exception au principe qu’un entrepreneur individuel selon lequel il ne peut disposer que d’un seul patrimoine professionnel.
En effet, en cas de prononcé de la liquidation judiciaire d’un entrepreneur individuel, celui-ci pourra immédiatement reprendre une nouvelle activité professionnelle individuelle, ce qui aura pour conséquence, à compter du début de cette nouvelle activité, la création d’un nouveau patrimoine professionnel.
A noter, que ledit article précise, que ce second patrimoine professionnel ne pourra pas être constitué par une partie du patrimoine professionnel compris dans la procédure de liquidation ,judiciaire.
Le nouvel article L. 642-22 du Code de commerce a été entièrement réécrit, il précise que :
« I. — Le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d’une succession ouverte après l’ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l’indivision pouvant en résulter.
II. — Sur la demande du débiteur et avec l’autorisation du juge-commissaire ou du tribunal, le liquidateur peut réaliser des biens ou droits composant un autre patrimoine de l’entrepreneur ou insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de celui-ci, lorsque cette cession facilite la réalisation des actifs du patrimoine saisi par l’effet de l’ouverture de la liquidation judiciaire.
III. — La contrepartie de la valeur de ces biens ou droits s’y substitue dans le patrimoine dont ils sont issus ».
L’article L. 645-1 du Code commerce précise d’une part, que lorsque le débiteur est titulaire de plusieurs patrimoines, le seuil de 15.000 euros est déterminé en prenant en compte l’ensemble de ses patrimoines et d’autre part qu’un rétablissement professionnel ne pourra être ouvert en cas d’instance prud’homale en cours impliquant le débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines.
L’article L. 645-11 du Code commerce ajoute deux nouveaux paragraphes ainsi libellés :
« Ne peuvent être effacées les dettes grevant un patrimoine dont la situation n’est pas irrémédiablement compromise.
Aucune dette ne peut être effacée lorsqu’il apparaît que le montant du passif total est disproportionné au regard de la valeur de l’actif, biens insaisissables de droit non compris ».
Depuis le 01/10/2021, la seule condition interdisant au tribunal d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’encontre d’un entrepreneur individuel, était qu’il possédait un bien immobilier.
L’article L. 641-2 du Code de commerce précise aujourd’hui que cette condition ne concerne pas la résidence principale.
Ainsi, les seuls débiteurs personnes physiques non éligibles à la liquidation judiciaire simplifiée seront ceux dont l’actif comprend un ou des biens immobiliers autres que la résidence principale.
Nouvel alinéa à l’article L. 651-2, ainsi rédigé :
« Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l’égard d’un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section III du chapitre VI du titre II du livre V du présent code, le tribunal peut également, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine personnel.
L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ».
La loi du 14/02/2022 adapte également les textes aménageant des sanctions professionnelles à l’entrepreneur individuel. Ainsi, l’article L. 653-3 3° sanctionne, l’entrepreneur individuel, de la faillite personnelle le fait d’ « avoir fait des biens ou du crédit de l’entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l’intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnes ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant ».
1ière phase – L’entrepreneur individuel est-il en cessation d’activité :
2ième phase – Examen de la situation du débiteur au regard de chaque patrimoine.
1ier cas : l’entrepreneur individuel est en état de cessation des paiements et en surendettement :
2ième cas – L’entrepreneur individuel est uniquement en état de cassation des paiements : ouverture d’une procédure collective ne concernant que le patrimoine professionnel.
3ième cas – L’entrepreneur individuel est uniquement en état de surendettement : transmission du dossier à la commission de surendettement, si accord de l’entrepreneur individuel.
Rappelons, que l’article L. 526-1 du Code de commerce a rendu insaisissable, sans aucune formalité à accomplir, la résidence principale d’un débiteur personne physique, pour la partie non utilisée pour un usage professionnel, pour les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur.
Que de même, l’alinéa 2 de ce même article dispose qu’un débiteur personne physique peut déclarer, par publication au fichier immobilier, insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas utilisé pour un usage professionnel et ceci pour les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.
La réforme du statut de l’entrepreneur individuel n’a pas modifiée ces dispositions (alinéa 4 de l’article L. 526-22 du Code de commerce).
On peut toutefois préciser que :
Questions :
La transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ne constituant pas l’objet de la présente étude, nous nous contenterons de quelques remarques générales et de la reproduction des deux articles du Code de commerce qui traitent de cette nouvelle disposition.
Il est reconnu à l’entrepreneur la faculté de céder ou de donner l’intégralité de son patrimoine professionnel sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.
Contrairement à la cession d’un fonds de commerce, qui ne porte que sur un actif composé de divers biens et droits, le transfert de patrimoine professionnel peut aussi porter sur des dettes professionnelles.
Ce n’est d’ailleurs que si le transfert porte sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel que les règles propres à la transmission universelles peuvent jouer.
A cet égard, selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, la transmission universelle obéira à des règles différentes.
La transmission universelle à titre onéreux devrait ainsi être soumise au régime de la vente, tandis que la transmission universelle à titre gratuit devrait être soumise au régime des donations.
Quant à la transmission du patrimoine au profit d’une société, elle devrait être régie par les règles de l’apport.
Article L. 526-27 du Code de commerce :
« L’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. Le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés.
Le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué. Il peut être consenti à titre onéreux ou gratuit. Lorsque le bénéficiaire est une société, le transfert des droits, biens et obligations peut revêtir la forme d’un apport.
Sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats.
Dans le cas où le cédant s’est obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel, l’inexécution de cette obligation engage sa responsabilité sur l’ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert.
Le transfert de propriété ainsi opéré n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité, dans des conditions prévues par décret ».
Article L. 526-28 du Code de commerce
« Les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel, dans un délai fixé par décret..
L’opposition formée par un créancier n’a pas pour effet d’interdire le transfert du patrimoine professionnel.
La décision de justice statuant sur l’opposition soit rejette celle-ci, soit ordonne le remboursement des créances ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes.
Lorsque la décision de justice lui ordonne le remboursement des créances, l’entrepreneur individuel auteur du transfert est tenu de remplir son engagement dans les conditions prévues à l’article 2284 du code civil, sans préjudice de l’article L. 526-1 du présent code ».
Normalement, l’entrepreneur individuel est soumis de plein droit à l’impôt sur le revenu.
A compter du 15/05/2022, l’article 13 de la loi de finances pour 2022 offre à l’entrepreneur individuel le droit d’opter pour l’IS à condition qu’il relève d’un régime réel d’imposition.
Le décret n° 2022-933 du 27/06/2022 en précise les conditions et les modalités de renonciation.
S’agissant ici de questions fiscales qui nécessiteraient un développement particulier, qui n’est l’objet de la présente étude, nous nous contenterons d’effectuer deux observations.
Dans cette hypothèse, le régime social de l’entrepreneur individuel est aménagé, permettant de bénéficier du régime social des travailleurs non-salariés. Seront soumis aux cotisations sociales :
Il convient de rappeler, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, que le créancier personnel ne pourra pas en cas d’insuffisance du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel, exercer un droit de gage sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice, si l’entrepreneur individuel à opter pour le régime fiscal de l’IS..