Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Jean-Claude LEMALLE

Audience de règlement amiable

(Applicable aux tribunaux de commerce)

1. – Textes applicables

Par un décret n° 2024-673 du 03/07/2024, la possibilité de recourir à une audience de règlement amiable a été étendue aux tribunaux de commerce. En conséquence, le décret :

  • a modifié les articles 836-2, 860-2,
  • a ajouté un nouvel article 873-2,
  • a rendu applicable aux tribunaux de commerce les articles 774-1 à 774-4 du Code civil qui réglemente l’audience de règlement amiable.

Par un nouveau décret n° 2025-660 du 18/07/2025, le législateur a recodifié les règles relatives aux modes amiables de résolution des litiges dans le livre V du Code de procédure civile, intitulé LA RESOLUTION AMIABLE DES DIFFERENDS. Le fonctionnement de l’audience de règlement amiable étant reprise dans les articles 1532 à 1532-3. Il en résulte que les articles 774-1 à 774-4 du Code civil et les articles 836-2, 860-2 et 873-2 du Code commerce ont été supprimés.

2. – La finalité de l’ARA

L’article 1532-1 alinéa 1 du Code de procédure civil dispose que : « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige « .

3. – L’orientation en ARA

3.1 – La décision d’orientation en ARA (article 1532 du Code de procédure civile)

La convocation à une audience de règlement amiable est faite à la demande de l’une des parties ou d’office par le juge après avoir recueilli leur avis.

Rappelons que seul le juge saisi du litige ou chargé de l’instruction de l’affaire et le juge des référés (voir la circulaire du 19/07/2025) peuvent, à tout moment de la procédure, décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable à une date déterminée.

Le juge peut donc imposer cette audience aux parties, sa seule obligation étant de recueillir leur avis et non leur accord.

Cette décision de convoquer les parties à une ARA, prise par le juge, est une mesure d’administration judiciaire. Elle n’opère aucun dessaisissement de la juridiction saisie, mais provoque l’interruption de l’instance.

Lorsqu’il ordonne une ARA, le juge pourra, en outre, prévoir un renvoi à une audience postérieure à la tenue de l’ARA.

3.2 – La restriction dans la désignation du juge en charge de l’ARA

En raison de l’impératif d’impartialité, le juge chargé de la tenue de l’ARA ne pourra être un juge qui siège dans la formation de jugement.

3.3 – La date de l’ARA

Il peut paraitre utile que le juge qui décide de convoquer en ARA  vérifie que la date de fixation de l’audience convienne aux avocats et aux parties.

De même, en début d’année judiciaire, le tribunal pourrait prévoir des audiences de règlement amiable, avec désignation des juges y étant affectés.

4. – Le déroulement de l’ARA

4.1 – L’office du juge chargé de l’ARA

A la lecture de l’article 1532 du Code de procédure civile si, la mission du juge chargé de tenir l’ARA est l’écoute des parties, en mêlant les techniques de conciliation et de médiation, il doit également s’assurer que chaque partie a bien la compréhension des principes juridiques applicables au litige.

Cette possibilité d’aborder les principes juridiques applicables au litige, doit permettre au juge d’amener les parties à confronter leur position au regard du texte applicable. Toutefois, la prudence s’impose, le juge ne doit pas procéder à un « pré-jugement ». 

Les autres alinéas de ce même article précise que le juge :

  • peut prendre connaissance des conclusions et des pièces échangées par les parties,
  • procéder aux constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu’il estime nécessaires, en se transportant si besoin sur les lieux,
  • détermine les conditions dans lesquelles l’audience se tient, il peut décider d’entendre les parties séparément. 

Les parties ont la possibilité de parvenir à un accord qui n’est pas nécessairement conforme à la solution qui aurait résulté de la stricte application des règles de droit, sous réserve du respect des dispositions d’ordre public.

4.3 – Convocation (article 1532-2 du Code de procédure civile) et rôle des parties

Aucun formalisme particulier n’encadre la décision d’orientation en ARA, l’article 1532-2 du Code procédure civile précisant simplement que les parties sont convoquées à l’audience de règlement amiable par tous moyens.

Les parties doivent comparaître en personne  et être assistées de leur avocat respectif lorsque la procédure exige une représentation obligatoire.

Dans les autres cas, elles peuvent être assistées selon les règles applicables devant la juridiction saisie

Les parties peuvent proposer des solutions au litige au cours de l’audience de règlement amiable ou encore fournir au juge en charge de l’ARA un éclairage technique.

Le juge de l’ARA ne dispose pas du pouvoir juridictionnel d’ordonner une mesure d’instruction, mais rien ne semble interdire que les parties puissent convenir de recourir à un technicien qu’elles choisissent d’un commun accord et dont elles déterminent ensemble la mission et le mode de rémunération.

4.4 – La confidentialité

L’audience de règlement amiable se tient dans un cadre confidentiel, qui interdit l’utilisation des données recueillies lors de l’audience dans le cadre d’une instance contentieuse.

Le principe de confidentialité n’est toutefois pas d’ordre public : il peut être levé par l’accord des parties.

4.5 – Le rôle du greffe

Les parties et, le cas échéant, leurs avocats sont convoqués à l’ARA par le greffe.

L’audience est tenue en chambre du conseil, hors la présence du greffe.

La présence du greffe n’est requise qu’à l’issue de l’audience, si les parties demandent au juge chargé de l’ARA de constater leur accord.

Le procès-verbal est dressé par le juge assisté du greffier. Ce dernier signe également le procès-verbal.

5 – L’issue de l’ARA

A l’issue de l’ARA le juge chargé de l’ARA informe le juge saisi du litige qu’il est mis fin à l’ARA.

5.1 – En cas d’accord

Les parties libres de formaliser ou non un éventuel accord total ou partiel.

5.1.1 – Formalisation de l’accord lors de l’ARA

Si elles choisissent de formaliser l’accord lors de l’ARA, celui-ci peut prendre la forme d’un procès-verbal signé par le juge chargé de tenir l’ARA, le greffier et les parties.

A l’issue de L’ARA, des extraits du procès-verbal dressé par le juge chargé de l’audience pourra être délivrés aux parties sur leur demande. Ces extraits valant titre exécutoire (article 1542 du Code de procédure civile).

L’article 1532-3 du Code de procédure civile précise que ce procès-verbal est transmis au juge saisi du litige.

5.1.2 — Accord obtenu après la fin de l’ARA ou formalisant cet accord après la fin de l’ARA.

Les parties qui parviennent à un accord après la fin de l’ARA (seules, le cas échéant assistées de leurs avocats, ou dans le cadre d’une médiation ou d’une conciliation) ou qui choisissent de formaliser leur accord après la fin de l’ARA peuvent le soumettre à l’homologation du juge saisi du litige dans les conditions des articles 1543 à 1545-1. 

5.2 – En cas d’échec de l’ARA

Le juge peut mettre fin à l’ARA à tout moment s’il estime que les conditions d’une négociation ne sont plus réunies. Il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, non motivée et non susceptible de recours.

6. – La fin de l’instance devant le juge saisi du litige

Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge en charge de l’ARA de mettre fin à l’instance : cela relève exclusivement du juge saisi du litige.

L’instance étant interrompue par la décision de convocation en ARA, les parties doivent préalablement accomplir un acte de reprise d’instance par dépôt de conclusions en ce sens.

A défaut, le juge, informé par le juge chargé de l’ARA de la fin de l’ARA, convoquera les parties à une audience (de mise en état ou de jugement) :

Il convient de rappeler que le juge peut anticiper cette convocation dès le stade de la décision de convocation à l’ARA.

Il revient alors au juge saisi du litige de vider sa saisine et de mettre fin à l’instance.

Plusieurs hypothèses sont envisageables :

  • Si les parties décident de formaliser leur accord total dans un procès-verbal dressé à l’issue de l’ARA, le juge saisi du litige pourra constater le désistement des parties (tacite ou explicite), et l’extinction de l’instance dont il est saisi par l’effet de l’accord des parties.
  • A défaut de signature d’un procès-verbal d’accord total et sans porter atteinte au principe de confidentialité, le juge saisi sera simplement informé qu’il est mis fin à l’ARA, afin qu’il puisse en tirer les conséquences sur la procédure dont il est saisi lors d’une nouvelle audience.
    • le juge saisi du litige pourra ainsi constater le désistement des parties ou radier l’affaire si les parties ne se présentent pas ou si les parties le lui demandent,
    • en l’absence d’accord, le dossier reprend un circuit normal. En cas d’accord partiel, il appartient aux parties de tirer les conséquences de l’accord intervenu entre elles sur le périmètre du litige. Le juge sera saisi des prétentions résiduelles des parties, formalisées par de nouvelles conclusions ou oralement à l’audience.
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