Les garanties légales de construction
(garantie de parfait achèvement - garantie de bon fonctionnement - garantie décennale
- 0. – 🎯 Objectif et place des garanties légales
- 1. – 🧱 Architecture générale des garanties légales
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2. – 🛠️ La garantie de parfait achèvement (article 1792-6 alinéa 2 et suivants du Code civil)
- 2.1 – 🎯 Finalité et champ d’application
- 2.2 – ✅ Désordres couverts et exclusions
- 2.3 – ⚖️ Choix entre la garantie de parfait achèvement ou la garantie décennale
- 2.4 – 💶 Choix pour le maître des modalités de réparation : réalisation des reprises ou indemnisation
- 2.5 – ✉️ Mise en œuvre de la garantie : nécessité d’une notification préalable
- 2.6 – 📅 Durée du délai
- 3. – 🔧 La garantie de bon fonctionnement (garantie biennale, article 1792-3)
- 4. – 🚨 Actions possibles en cas de défaillance de l’entrepreneur concernant la garantie de parfait achèvement et de bon fonctionnement
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5. – 🧱 La garantie décennale (articles 1792 à 1792-2 et 1792-4-3 du Code civil)
- 5.1 – 🎯 Domaine : impropriété à destination et atteinte à la solidité
- 5.2 – 🔍 Désordres concernés : désordres initiaux et désordres évolutifs
- 5.3 – 🏗️ Travaux sur ouvrage existant et équipements ajoutés : précisions
- 5.4 – 🛡️ Causes d’exonération
- 5.5 – 📏 Étendue de la garantie
- 5.6 – 💰 Nature de l’indemnisation
- 5.7 – 🕒 Date d’évaluation des dommages
- 5.8 – 🤝 Solidarité entre coauteurs : obligation « in solidum »
- 6. – ⚖️ Articulation entre les garanties légales et la responsabilité de droit commun
-
7. – 🛡️ Rôle des assurances obligatoires et facultatives
- 7.1 – 🧾 L’assurance dommages-ouvrage : une assurance de préfinancement, qui ne joue qu’après la réception
- 7.2 – 🧰 L’assurance de responsabilité décennale du constructeur
- 7.3 – 🔍 Les garanties légales non couvertes par une assurance obligatoire
- 7.4 – 🚧 Les dommages survenant pendant les travaux, avant la réception
- 8. – 📋 Recommandations pratiques pour les juridictions
- 9. – ✅ En résumé
- 10. – 📊 Tableau récapitulatif des principaux régimes
0. – 🎯 Objectif et place des garanties légales
Les garanties légales de construction (garantie de parfait achèvement, garantie de bon fonctionnement dite biennale, garantie décennale) constituent le régime spécifique de responsabilité des constructeurs après la réception. Elles se substituent, en principe, à la responsabilité contractuelle de droit commun et organisent une présomption de responsabilité lourde, étroitement liée à la date de réception de l’ouvrage.
Pour le juge, elles sont au cœur des litiges opposant maîtres d’ouvrage, entreprises et assureurs, en particulier la mise en cause de l’assureur de responsabilité décennale et de l’assureur dommages-ouvrage.
Pour chaque désordre, il est indispensable de déterminer s’il relève de la garantie de parfait achèvement, de la garantie biennale ou de la garantie décennale. Ce classement conditionne toute la suite du raisonnement :
- il détermine la règle juridique applicable ;
- il indique quels constructeurs ou assureurs doivent être assignés ;
- il permet de vérifier si l’action n’est pas forclose.
La bonne qualification du désordre est donc la première étape incontournable dans tout contentieux de construction.
1. – 🧱 Architecture générale des garanties légales
1.1 – 📜 Les principaux textes
Les trois garanties légales trouvent leur source dans le Code civil :
- la garantie de parfait achèvement est définie par l’article 1792-6 alinéa 2 et suivants, qui impose à l’entrepreneur, pendant un an à compter de la réception, de réparer tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit par réserves au procès-verbal de réception, soit par notification écrite pour ceux révélés postérieurement ;
- la garantie de bon fonctionnement (dite biennale) résulte de l’article 1792-3, qui vise « les autres éléments d’équipement de l’ouvrage » et prévoit une garantie minimale de deux ans à compter de la réception ;
- la garantie décennale est organisée autour de l’article 1792, qui fait peser sur tout constructeur une responsabilité de plein droit pour les dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.
Ces textes sont complétés par les dispositions du Code des assurances relatives à l’assurance obligatoire de responsabilité décennale et à l’assurance dommages-ouvrage, qui conditionnent en pratique la prise en charge financière du sinistre.
1.2 – ⚖️ Caractère d’ordre public et lien avec la réception
Le régime des garanties légales, issu de la loi du 4 janvier 1978, est d’ordre public : les parties ne peuvent ni réduire la durée des garanties, ni restreindre leur champ, ni les contourner par des clauses limitatives de responsabilité.
Ainsi, la clause figurant usuellement dans les contrats d’architecte, qui fait obligation aux parties, en cas de différend portant sur le respect de la convention, de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire, n’est pas applicable en cas d’action en réparation de désordres fondée sur l’article 1792 du Code civil (Cour de cassation, chambre civile 3, 23/05/2007, n° 06-15668).
La réception constitue le point de départ des trois garanties :
- elle ouvre l’année de parfait achèvement ;
- elle fait courir le délai biennal de bon fonctionnement ;
- elle déclenche le délai décennal, qui est un délai d’épreuve de dix ans.
La date de la réception, qu’elle soit expresse, tacite ou judiciaire, conditionne l’application des garanties légales.
1.3 – 🔗 Points communs à ces trois garanties légales
1.3.1 – ⏱️ Il s’agit de délais de forclusion et non de prescription
Qu’il s’agisse de la garantie de parfait achèvement, de la garantie biennale de bon fonctionnement ou de la garantie décennale, la jurisprudence constante considère que les délais prévus à l’article 1792-6 du Code civil et aux textes voisins constituent des délais de forclusion et non des délais de prescription.
La distinction entre les deux régimes est essentielle. Le délai de prescription peut faire l’objet d’une suspension ou d’une interruption, tandis que le délai de forclusion constitue un délai butoir, en principe insusceptible de suspension ou d’interruption. Son expiration doit être relevée d’office par le juge, en raison de son caractère d’ordre public, et les parties ne peuvent pas convenir d’un aménagement contractuel permettant de modifier ou d’étendre la durée du délai.
Toutefois, et par exception, la forclusion peut être interrompue dans les hypothèses limitativement prévues par le Code civil. La Cour de cassation admet que l’interruption produit effet :
- par une assignation en justice, y compris par la voie du référé, dès lors qu’elle tend à faire reconnaître les droits du maître d’ouvrage (article 2241 du Code civil) ;
- par une mesure conservatoire ou par un acte d’exécution forcée (article 2244 du Code civil).
Ces causes d’interruption demeurent d’interprétation stricte. Elles constituent les seules exceptions permettant d’empêcher l’acquisition du délai de forclusion attaché aux garanties légales en matière de construction.
1.3.2 – 👤 Que faut-il entendre par maître d’ouvrage
Dans un arrêt du 16 novembre 2022 (n° 21-23505), la Cour de cassation a jugé que :
« l’usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n’en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d’usufruitier, l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance ».
Cette décision, largement commentée, retient une conception strictement propriétaire du titulaire de l’action en garantie décennale. Elle conduit à exclure l’usufruitier, même lorsqu’il a lui-même ordonné et financé les travaux, du bénéfice de cette garantie.
La même logique devrait s’appliquer, selon toute vraisemblance, à la garantie de parfait achèvement et à la garantie biennale, puisque ces deux régimes sont également attachés à l’ouvrage lui-même et non à la qualité de simple utilisateur.
La question pratique qui en découle est celle de la souscription de l’assurance décennale : seul le propriétaire maître d’ouvrage est en principe tenu d’y souscrire, à l’exclusion de l’usufruitier, même si celui-ci a effectivement piloté le chantier.
La Cour de cassation admet toutefois que l’usufruitier puisse engager la responsabilité de l’entrepreneur sur le fondement du droit commun, conformément à l’article 1231-1 du Code civil, dès lors qu’il justifie d’un préjudice propre.
L’action en garantie décennale demeure en revanche réservée au nu-propriétaire, qui est seul titulaire du droit réel attaché à l’ouvrage.
1.3.3 – 👷 Personnes tenues aux garanties légales
Les garanties légales de parfait achèvement, de bon fonctionnement et de responsabilité décennale pèsent exclusivement sur l’entrepreneur, entendu comme celui qui exécute matériellement les travaux. Il peut s’agir d’un artisan, d’une entreprise générale ou de toute personne ayant participé directement à la réalisation de l’ouvrage.
Ces garanties ne s’appliquent pas :
- à l’architecte ou au maître d’œuvre, dont la responsabilité relève d’autres fondements juridiques ;
- au vendeur d’immeuble à construire, qui n’est pas tenu de ces garanties vis-à-vis de l’acquéreur.
En pratique, il est fréquent qu’un seul entrepreneur prenne en charge l’ensemble du chantier, en exécutant lui-même plusieurs corps d’état ou en sous-traitant une partie des travaux. Dans cette hypothèse, cet entrepreneur unique demeure entièrement responsable, au regard des garanties légales, de l’ensemble de l’ouvrage livré au maître d’ouvrage. La sous-traitance éventuelle ne modifie pas ce régime : seul l’entrepreneur principal, signataire du marché, est tenu envers le maître d’ouvrage.
Il appartient donc au juge d’identifier avec précision l’auteur effectif des travaux et de vérifier que le défendeur est bien l’entrepreneur contractuellement engagé. Une mauvaise identification conduit au rejet de l’action.
1.3.4 – 🔁 Transferts des garanties en cas de cession
Les garanties légales attachées à un ouvrage (garantie de parfait achèvement, garantie biennale et responsabilité décennale) sont transmises de plein droit aux propriétaires successifs de l’immeuble. Il s’agit d’un effet réel attaché à la construction elle-même : l’action en garantie appartient à tout propriétaire dont le bien est affecté par un désordre relevant de l’une de ces garanties, même s’il n’était pas le maître d’ouvrage initial.
Cette transmission bénéficie :
- à l’acquéreur d’un immeuble vendu après réception ;
- à l’acquéreur d’un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement ;
- à tout sous-acquéreur, quel que soit le nombre de reventes intervenues.
L’acquéreur peut donc exercer l’action directement contre l’entrepreneur (ou l’ensemble des constructeurs légalement responsables), sans avoir à actionner d’abord son vendeur, sauf clause particulière de garantie d’éviction ou de responsabilité contractuelle du vendeur.
La jurisprudence rappelle que la date de réception demeure le point de départ des différents délais de forclusion, y compris pour l’acquéreur qui n’était pas partie au contrat initial. Il ne peut donc pas prétendre à un nouveau délai du seul fait de la vente.
La cession du bien immobilier emporte également la transmission de l’action en réparation, même lorsque l’acquéreur ne rapporte pas la preuve d’une stipulation expresse dans l’acte de vente, dès lors que les désordres affectent directement la chose vendue.
2. – 🛠️ La garantie de parfait achèvement (article 1792-6 alinéa 2 et suivants du Code civil)
2.1 – 🎯 Finalité et champ d’application
L’article 1792-6 alinéa 2 dispose que « la garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître d’ouvrage ».
Cette garantie vise donc tous les désordres, quelles que soient leur gravité et leur nature (défauts d’aspect, malfaçons mineures, non-conformités).
2.2 – ✅ Désordres couverts et exclusions
Sont couverts :
- les désordres apparents, dès lors qu’ils ont été réservés au procès-verbal ;
- les désordres découverts après la réception, signalés par notification écrite (courrier recommandé, parfois courriel conservant une trace fiable).
En revanche, sont exclus :
- les désordres dus à l’usure normale, au défaut d’entretien ou à une utilisation anormale ;
- les désordres purement esthétiques ou de convenance non signalés, qui peuvent être regardés comme acceptés avec la réception.
La jurisprudence rappelle que des désordres apparents au jour de la réception, mais non réservés, ne peuvent plus être rattrapés par la garantie de parfait achèvement. Ils sont réputés couverts par la réception, sauf hypothèse de manœuvre dolosive.
2.3 – ⚖️ Choix entre la garantie de parfait achèvement ou la garantie décennale
Lorsqu’un désordre apparaît dans l’année suivant la réception, et qu’il affecte la solidité de l’ouvrage ou le rend impropre à sa destination, il relève par nature de la garantie décennale. Pour autant, dès lors qu’il se manifeste dans la première année et qu’il fait l’objet d’une notification à l’entrepreneur dans ce délai, ce même désordre relève également de la garantie de parfait achèvement, au sens de l’article 1792-6 du Code civil.
Se pose alors une question pratique importante : le maître d’ouvrage doit-il se placer sur le terrain de la garantie de parfait achèvement ou sur celui de la garantie décennale ?
Dans un arrêt de principe du 4 février 1987, la Cour de cassation a précisé que :
« les dispositions de l’article 1792-6 du Code civil ne sont pas exclusives de l’application des dispositions des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du même code ».
Cet arrêt consacre le principe d’autonomie des deux régimes : un désordre décennal apparu dans l’année peut être réparé, au choix du maître d’ouvrage, soit sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, soit sur le fondement de la garantie décennale.
L’intérêt du choix n’est pas négligeable :
- la garantie de parfait achèvement impose à l’entrepreneur d’exécuter lui-même les travaux de reprise, dans les conditions prévues au marché ;
- la garantie décennale, au contraire, met en jeu la responsabilité du constructeur et permet de mobiliser directement l’assureur de responsabilité décennale, ouvrant droit à une indemnisation qui n’est plus limitée au seul coût des travaux initialement prévus.
En pratique, un désordre suffisamment grave apparu dans l’année doit donc être notifié à l’entrepreneur dans le délai d’un an, afin de préserver la garantie de parfait achèvement, tout en permettant au maître d’ouvrage de solliciter, s’il le préfère, l’application de la garantie décennale.
2.4 – 💶 Choix pour le maître des modalités de réparation : réalisation des reprises ou indemnisation
La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 30/06/2009 (n° 08-18.410), que l’entrepreneur ne peut imposer au maître d’ouvrage sa propre intervention pour la réalisation des reprises, dès lors que ce dernier préfère solliciter des dommages-intérêts correspondant au coût des travaux confiés à une autre entreprise.
Cette solution consacre l’autonomie du régime contractuel de droit commun : la garantie de parfait achèvement n’est pas exclusive de la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle.
Le maître d’ouvrage peut ainsi obtenir la réparation intégrale de son préjudice, incluant le coût des travaux de reprise, les frais annexes et les éventuels préjudices de jouissance, sans être tenu d’accepter l’intervention de l’entrepreneur défaillant.
2.5 – ✉️ Mise en œuvre de la garantie : nécessité d’une notification préalable
La Cour de cassation exige que les désordres révélés après la réception soient préalablement notifiés à l’entrepreneur dans l’année de parfait achèvement. Une assignation en justice ne suffit pas à suppléer cette notification lorsqu’elle n’a pas été adressée dans le délai d’un an (Cour de cassation, chambre civile 3, 13/07/2023, n° 22-17010).
En pratique, le juge doit vérifier :
- si le désordre figure parmi les réserves au procès-verbal ;
- ou, à défaut, si le maître de l’ouvrage établit une notification écrite adressée au constructeur dans le délai d’un an.
À défaut, la demande fondée sur la garantie de parfait achèvement est irrecevable ou mal fondée ; le maître de l’ouvrage devra éventuellement se placer sur un autre fondement (responsabilité contractuelle ou garantie décennale si les conditions sont remplies).
2.6 – 📅 Durée du délai
La garantie est ouverte pendant un an à compter de la réception.
Le non-respect du délai d’un an pour le signalement des désordres fait obstacle à la mobilisation de la garantie, même si l’action en justice est intentée ultérieurement. Ce délai d’un an constitue un délai butoir pour la dénonciation des désordres.
En revanche, une fois les désordres correctement signalés dans l’année, l’action en justice en réparation se prescrit, en principe, par le délai de droit commun de cinq ans à compter de ce signalement, sous réserve des causes d’interruption ou de suspension résultant notamment d’une procédure judiciaire ou d’une mesure d’instruction.
3. – 🔧 La garantie de bon fonctionnement (garantie biennale, article 1792-3)
3.1 – 📜 Texte, durée et finalité
L’article 1792-3 du Code civil dispose que « les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception ». Comme le précise le texte, il s’agit d’une véritable garantie et non d’une responsabilité fondée sur la faute.
Cette garantie couvre, pendant deux ans à compter de la réception :
- les éléments d’équipement adjoints à l’ouvrage lors de sa construction ;
- dissociables de l’ouvrage, c’est-à-dire pouvant être déposés ou remplacés sans détériorer le gros œuvre ;
- et qui sont destinés à fonctionner, au sens mécanique ou technique du terme (volets roulants, chaudières, pompes à chaleur, systèmes de ventilation, appareillages électriques, domotique, dispositifs de sécurité, et ainsi de suite).
3.2 – ⚙️ Notion d’élément d’équipement et articulation avec les articles 1792-2 et 1792-7
La qualification juridique de l’élément d’équipement est déterminante :
- les éléments d’équipement indissociables (par exemple certains planchers chauffants incorporés au gros œuvre) relèvent du régime décennal, en tant qu’éléments faisant indissociablement corps avec l’ouvrage ;
- les éléments d’équipement dissociables relevant de la vie courante sont soumis à la garantie biennale ;
- les éléments dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage (par exemple un réseau informatique très spécialisé) sont exclus de ces garanties légales et relèvent de l’article 1792-7.
La Cour de cassation a ainsi jugé, à propos d’un réseau informatique, que les éléments d’équipement dont la fonction est exclusivement professionnelle ne sont pas couverts par les articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4, mais seulement par la responsabilité de droit commun.
3.3 – ⚡ Désordres couverts
La garantie biennale vise le bon fonctionnement de l’élément d’équipement. Sont donc compris :
- les pannes récurrentes ou le non-fonctionnement total ;
- les dysfonctionnements graves empêchant l’usage normal de l’équipement (par exemple absence de chauffage, ventilation inopérante, fermeture défectueuse de menuiseries).
En revanche, ne sont pas en principe couverts :
- les désordres purement esthétiques sans incidence sur le fonctionnement ;
- les défauts résultant d’un défaut d’entretien ou d’une utilisation manifestement anormale.
Le maître de l’ouvrage n’a pas à prouver une faute ; la responsabilité de l’entrepreneur est de plein droit dès lors que l’équipement ne fonctionne pas conformément à sa destination durant le délai de deux ans.
3.4 – 📅 Délai
Le délai de garantie de bon fonctionnement est de deux ans à compter de la réception. Passé ce délai, l’action fondée sur la garantie de bon fonctionnement est irrecevable, quand bien même le désordre persisterait ou s’aggraverait.
Le juge doit donc vérifier :
- la date de réception ;
- la date d’apparition du désordre ;
- la date de l’assignation ;
- et refuser la qualification biennale lorsque le délai de deux ans est expiré.
3.5 – 🔎 Charge de la preuve
Le maître de l’ouvrage doit seulement :
- démontrer l’existence de l’élément d’équipement ;
- établir le défaut de fonctionnement dans les deux années suivant la réception.
Il n’a pas à établir la cause précise du désordre, ni l’existence d’une faute ; le seul dysfonctionnement de l’élément d’équipement suffit à engager la responsabilité de l’entrepreneur.
L’entrepreneur ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère (faute de la victime, force majeure, fait d’un tiers), appréciée restrictivement.
4. – 🚨 Actions possibles en cas de défaillance de l’entrepreneur concernant la garantie de parfait achèvement et de bon fonctionnement
Aucun délai légal précis d’exécution n’est fixé pour les réparations dues au titre des garanties de parfait achèvement ou biennale.
L’entrepreneur doit intervenir dans un délai raisonnable, adapté au type de désordre (article 1792-6 alinéa 3 du Code civil).
En cas de défaillance, le maître de l’ouvrage doit :
- Mettre en demeure l’entrepreneur ;
- Saisir le juge pour exécution forcée, éventuellement avec autorisation de faire exécuter les travaux par un tiers aux frais de l’entrepreneur (article 1792-6 alinéa 4 du Code civil), il est à noter que cette disposition n’est prévue que pour la garantie de parfait achèvement ;
- Agir en responsabilité contractuelle pour obtenir des dommages-intérêts.
Aucune assurance obligatoire ne couvre ces obligations pendant les deux premières années (parfait achèvement et bon fonctionnement). Seules des assurances facultatives de responsabilité civile professionnelle peuvent intervenir.
5. – 🧱 La garantie décennale (articles 1792 à 1792-2 et 1792-4-3 du Code civil)
5.1 – 🎯 Domaine : impropriété à destination et atteinte à la solidité
L’article 1792 pose une responsabilité de plein droit du constructeur pour les dommages qui :
- compromettent la solidité de l’ouvrage, y compris le vice du sol ;
- ou le rendent impropre à sa destination, y compris lorsque les désordres affectent des éléments d’équipement faisant indissociablement corps avec l’ouvrage.
Un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil n’est pas nécessairement un bâtiment (caveau funéraire, dalle de béton sous une piscine, centrale de climatisation de grande ampleur, construction d’un court de tennis, véranda, terrasse).
De même, la notion de destination s’apprécie de manière concrète, en tenant compte de l’usage contractuellement prévu (habitation, local professionnel, établissement recevant du public, entrepôt, et ainsi de suite). La jurisprudence insiste sur le fait que l’atteinte à la destination doit être envisagée à l’échelle de l’ouvrage dans son ensemble, et non seulement au regard de l’élément isolé affecté.
Par exemple, un enduit de façade ne constitue un ouvrage que lorsqu’il a une fonction d’étanchéité.
Un élément est considéré comme formant indissociablement corps avec l’ouvrage « lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage » (article 1792-2 alinéa 2 du Code civil).
5.2 – 🔍 Désordres concernés : désordres initiaux et désordres évolutifs
Relèvent de la garantie décennale :
- les désordres structurels affectant le gros œuvre (fondations, structure porteuse, clos et couvert) ;
- les désordres d’équipement graves compromettant la destination (par exemple défaut d’étanchéité généralisé, défaut majeur d’isolation entraînant une inhabitabilité, dysfonctionnement global de réseaux techniques indispensables).
Les désordres évolutifs, qui se manifestent de manière progressive après la réception (infiltrations récurrentes, affaissements de dallage, déformation de charpente), relèvent également de la garantie décennale dès lors que :
- leur origine se situe dans la conception ou l’exécution antérieures à la réception ;
- et que, dans le délai de dix ans, ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination.
Le point de départ du délai décennal reste la réception ; l’évolution ultérieure du désordre n’a pas pour effet de décaler ce point de départ, mais elle peut aggraver l’atteinte jusqu’au seuil de la décennale.
5.3 – 🏗️ Travaux sur ouvrage existant et équipements ajoutés : précisions
Les litiges relatifs aux travaux sur ouvrages existants ont donné lieu à une jurisprudence abondante. L’enjeu est de déterminer si les travaux réalisés constituent un ouvrage au sens de l’article 1792, ou de simples éléments d’équipement ou de réparation.
5.3.1 – 🔄 Travaux de reprise et de rénovation
Les travaux de réhabilitation ou de rénovation de grande ampleur sont assimilés à des travaux de construction d’un ouvrage, pourvu qu’ils aient donné lieu à l’utilisation de techniques de construction (Cour de cassation, chambre civile 3, 13/12/2011, n° 11-10014).
Mais des travaux de reprise consistant dans la pose d’un radiateur supplémentaire et l’équipement de l’ensemble des radiateurs de robinets thermostatiques ne relèvent pas des garanties légales.
5.3.2 – 🧩 Travaux d’adjonction d’éléments d’équipement dissociables
Dans un arrêt du 21/03/2024 (n° 22-18694), la Cour de cassation, par un revirement de sa jurisprudence, a jugé que :
si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs.
Pour le juge, ce revirement impose une vigilance particulière :
- lorsque l’on se trouve en présence d’un simple remplacement de chaudière, de menuiseries, de dispositifs techniques dans un bâtiment déjà existant ;
- lorsque la demande est dirigée contre l’assureur de responsabilité décennale au titre de ces équipements ajoutés.
Il convient alors de vérifier si les travaux ne consistent pas en une simple adjonction dissociable, exclue du champ des garanties légales de construction.
Ainsi, l’installation d’une climatisation dans un hôtel, avec pose des compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisation d’air dans et à travers les murs du bâtiment, peut être assimilée à la construction d’un ouvrage lorsque l’ampleur technique justifie cette qualification.
En revanche, lorsque les travaux sont d’une importance technique limitée, l’installation d’une climatisation n’est pas assimilable à des travaux de construction d’un ouvrage.
5.4 – 🛡️ Causes d’exonération
Les causes d’exonération de la responsabilité du constructeur sont d’interprétation stricte. Elles ne peuvent être retenues que dans trois hypothèses particulières, appréciées souverainement par les juges du fond.
5.4.1 – ✅ Acceptation délibérée des risques par le maître d’ouvrage
L’entrepreneur peut être exonéré de sa responsabilité lorsque le maître d’ouvrage a clairement accepté, en parfaite connaissance de cause, de supporter les risques inhérents à la solution retenue.
La Cour de cassation exige que le maître d’ouvrage ait été explicitement informé du danger et qu’il ait néanmoins maintenu sa décision (Cour de cassation, chambre civile 3, 11/12/2007, n° 06-21908).
L’acceptation des risques ne peut donc être ni présumée, ni déduite de la seule présence du maître d’ouvrage sur le chantier.
5.4.2 – 🧑🔧 Immixtion fautive du maître d’ouvrage
L’entrepreneur peut également être exonéré lorsque les dommages résultent de l’immixtion fautive du maître d’ouvrage.
Selon la Cour de cassation, cette immixtion n’est caractérisée que si deux conditions strictes sont réunies :
- l’intervention émane d’une personne notoirement compétente ;
- et cette intervention constitue la cause directe du dommage.
(Cour de cassation, chambre civile 3, 21/01/2015, n° 13-25.268).
Une simple présence sur le chantier, un conseil isolé ou une demande esthétique ne suffisent pas à caractériser une immixtion fautive.
5.4.3 – 🌩️ Force majeure
Enfin, la force majeure constitue une cause d’exonération totale lorsque l’entrepreneur établit l’existence d’un évènement extérieur, imprévisible et irrésistible rendant impossible l’exécution de ses obligations.
Ce cas reste exceptionnel en matière de construction, la jurisprudence exigeant une démonstration particulièrement rigoureuse.
5.5 – 📏 Étendue de la garantie
Le principe de la réparation intégrale impose « de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n’avait pas eu lieu » (Cour de cassation, chambre civile 3, 27/03/2012, n° 11-11798).
L’indemnisation ne concerne pas exclusivement les dommages matériels affectant l’ouvrage ou l’un de ses éléments d’équipement. Au titre de la garantie décennale, le constructeur est en effet tenu de prendre en charge la réparation des dommages matériels ou immatériels consécutifs aux désordres relevant des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du Code civil (Cour de cassation, chambre civile 3, 13/07/2022, n° 21-13567).
Ainsi pourront être indemnisés :
- les dommages causés aux biens meubles garnissant l’ouvrage qui s’est effondré ;
- les troubles de jouissance tels que l’impossibilité d’exercer une activité en raison des défauts d’isolation phonique ;
- un préjudice économique de jouissance ;
- les pertes d’exploitation lorsque le désordre est à l’origine de la fermeture prolongée de l’établissement.
5.6 – 💰 Nature de l’indemnisation
La Cour de cassation a jugé qu’il convient de confier à la victime le soin d’identifier la modalité de réparation qui lui paraît la mieux adaptée au contexte (Cour de cassation, chambre civile 3, 16/01/2025, n° 23-17.265).
Sur cette base jurisprudentielle bien établie, dans la plupart des cas, la réparation s’effectuera vraisemblablement par équivalent, soit que le maître de l’ouvrage préfère solliciter un autre constructeur aux fins de réalisation des travaux de reprise, soit que l’indemnité versée intègre une compensation au titre des dommages matériels ou immatériels consécutifs aux désordres affectant l’ouvrage.
L’indemnité versée au maître de l’ouvrage à l’issue d’une action en garantie fondée sur les articles 1792, 1792-2 ou 1792-3 du Code civil n’est pas destinée à la reprise de la construction, mais a vocation à compenser les préjudices subis par le demandeur à raison des désordres affectant l’ouvrage.
5.7 – 🕒 Date d’évaluation des dommages
Selon la jurisprudence, le préjudice doit être apprécié à la date où le juge statue (Cour de cassation, chambre civile 3, 25/06/1997, n° 95-20840).
5.8 – 🤝 Solidarité entre coauteurs : obligation « in solidum »
La Cour de cassation rappelle que « chacun des responsables d’un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu’il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux, et qui n’affecte pas l’étendue de leurs obligations envers la partie lésée ».
Il en résulte que même si l’expert avait retenu à l’encontre de l’un des acteurs d’un chantier « une responsabilité à hauteur de 5 % s’agissant du non-respect des règles parasismiques », la cour d’appel ne pouvait condamner ce dernier à indemniser l’acquéreur de l’ouvrage à hauteur de 5 % du montant total de reprise du désordre et des préjudices accessoires.
En effet, il « avait contribué à la réalisation d’un même dommage tenant au non-respect des règles parasismiques, ce dont il résultait (qu’il) devait être condamné, avec son assureur, à le réparer dans sa totalité » (Cour de cassation, chambre civile 3, 11/07/2024, n° 23-11675).
Dans cette espèce, si celui pour lequel la Cour d’appel a retenu une responsabilité pour 5 % est assigné pour la totalité au titre du « in solidum », il pourra se retourner contre l’autre entrepreneur à hauteur de 95 %.
Il est donc important, dans le jugement, de fixer la part de responsabilité de chacun, afin de permettre les recours entre coresponsables.
6. – ⚖️ Articulation entre les garanties légales et la responsabilité de droit commun
Les garanties légales ont vocation à couvrir, après réception, l’essentiel du contentieux des désordres de construction. La jurisprudence admet rarement que le maître de l’ouvrage puisse se soustraire à ce régime pour agir sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun lorsque le désordre relève objectivement d’une garantie légale.
Ainsi :
- un désordre relevant manifestement de la garantie décennale ne peut pas être poursuivi utilement sur le fondement de la responsabilité contractuelle, afin de contourner le délai d’épreuve de dix ans ;
- un désordre entrant dans le champ de la garantie biennale ne peut pas être requalifié en responsabilité de droit commun pour échapper au délai de deux ans.
En revanche, restent soumis à la responsabilité contractuelle :
- les désordres purement esthétiques ou de faible gravité, qui ne relèvent ni de la décennale ni de la biennale ;
- les éléments d’équipement à usage exclusivement professionnel, visés par l’article 1792-7 ;
- les équipements ajoutés ou remplacés sur un ouvrage existant, désormais exclus de la décennale et de la biennale.
Dans ces hypothèses, on parle parfois de dommages intermédiaires : désordres apparus après la réception, mais ne répondant pas aux critères de gravité ou de qualification exigés par les garanties légales, ou expressément exclus de leur champ. Ils demeurent alors régis par le droit commun du contrat (article 1231-1 du Code civil), avec un délai de prescription de cinq ans.
7. – 🛡️ Rôle des assurances obligatoires et facultatives
L’articulation entre les garanties légales et les assurances est essentielle pour le juge consulaire, car les assureurs ne sont pas mobilisables de la même manière selon la nature du désordre et selon le moment où il est apparu.
7.1 – 🧾 L’assurance dommages-ouvrage : une assurance de préfinancement, qui ne joue qu’après la réception
L’assurance dommages-ouvrage ne couvre jamais les désordres survenant avant la réception. Avant cette date, l’ouvrage reste sous la responsabilité de l’entrepreneur, et tout désordre relève exclusivement de sa responsabilité contractuelle.
À partir de la réception, la dommages-ouvrage remplit une mission bien particulière :
- elle préfinance les réparations lorsque les désordres présentent une gravité décennale (solidité ou impropriété à destination) ;
- elle indemnise rapidement le maître de l’ouvrage, sans attendre qu’un juge détermine la responsabilité des intervenants ;
- elle exerce ensuite un recours contre les responsables, en général contre l’assureur décennal du constructeur.
La dommages-ouvrage ne couvre ni la garantie de parfait achèvement, ni la garantie biennale, ni les simples défauts esthétiques.
7.2 – 🧰 L’assurance de responsabilité décennale du constructeur
Cette assurance obligatoire couvre les condamnations prononcées sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.
Elle s’applique uniquement aux désordres :
- compromettant la solidité de l’ouvrage ;
- ou le rendant impropre à sa destination.
Elle prend effet à partir de la réception et pour une durée de dix ans.
7.3 – 🔍 Les garanties légales non couvertes par une assurance obligatoire
7.3.1 – Garantie de parfait achèvement (un an)
Aucune assurance obligatoire ne couvre ces désordres.
L’entrepreneur répond uniquement sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.
Certaines polices professionnelles prévoient toutefois une garantie contractuelle spécifique, mais elle n’est pas systématique.
7.3.2 – Garantie biennale de bon fonctionnement (deux ans)
Il n’existe pas davantage d’assurance obligatoire.
Cependant, de nombreux contrats de responsabilité civile professionnelle incluent une garantie « bon fonctionnement » couvrant les équipements dissociables (interphones, radiateurs, motorisations, volets roulants, et ainsi de suite).
7.4 – 🚧 Les dommages survenant pendant les travaux, avant la réception
Avant la réception, l’ouvrage reste sous la garde juridique de l’entrepreneur.
En conséquence, tout désordre ou incident survenant en cours de chantier relève exclusivement de la responsabilité contractuelle ou délictuelle de l’entrepreneur, selon qu’il s’agit :
- d’un dommage causé à l’ouvrage lui-même (responsabilité contractuelle) ;
- ou d’un dommage causé à un tiers (responsabilité délictuelle).
Dans cette période, aucune garantie légale de construction ne s’applique, puisque celles-ci ne prennent effet qu’à compter de la réception.
7.4.1 – Assurance mobilisable : la responsabilité civile professionnelle de l’entrepreneur
Pour les incidents survenant avant la réception, l’assurance mobilisable est uniquement l’assurance de responsabilité civile professionnelle de l’entrepreneur (parfois appelée « responsabilité civile exploitation » ou « responsabilité civile travaux »).
Cette assurance couvre notamment :
- les dégâts causés aux tiers pendant le chantier ;
- les dommages matériels accidentels causés par les ouvriers ;
- les impacts involontaires sur un bâtiment voisin ;
- les bris, chocs, écoulements d’eau ou dégradations provoquées par l’exécution des travaux.
7.4.2 – Exemple concret : dégâts causés chez un voisin
Si, pendant les travaux :
- une pelleteuse endommage le mur mitoyen ;
- un échafaudage tombe sur la propriété voisine ;
- un ouvrier perce une canalisation appartenant à un tiers ;
- une infiltration provenant du chantier atteint l’appartement adjacent,
alors :
- la responsabilité de l’entrepreneur est directement engagée, même sans faute prouvée si le dommage résulte d’une mauvaise exécution ;
- l’assurance de responsabilité civile professionnelle de l’entrepreneur doit être mobilisée ;
- la dommages-ouvrage et l’assurance décennale n’interviennent jamais dans un tel cas.
7.4.3 – Différence fondamentale avec la période postérieure à la réception
Avant réception : responsabilité contractuelle ou délictuelle de l’entrepreneur → assurance de responsabilité civile professionnelle.
Après réception : désordre de nature décennale → dommages-ouvrage (préfinancement), puis assureur de responsabilité décennale (responsabilité).
Cette distinction est essentielle dans les contentieux portés devant les juges consulaires : la date du dommage et la date de réception conditionnent entièrement la détermination de l’assureur compétent.
8. – 📋 Recommandations pratiques pour les juridictions
8.1 – Première étape : vérifier la réception et sa date
En présence d’un désordre de construction, la première question doit être :
- y a-t-il eu réception, à quelle date et sous quelle forme (expresse, tacite ou judiciaire) ?
Sans réception, les garanties légales ne sont pas ouvertes ; le litige relève alors du régime contractuel antérieur à la réception et de la responsabilité de résultat de l’entrepreneur, telle que rappelée par la jurisprudence récente.
8.2 – Deuxième étape : qualifier le désordre
La seconde étape consiste à qualifier le désordre :
- désordre apparent ou caché au jour de la réception ;
- désordre réservé ou non ;
- désordre affectant le gros œuvre, un élément d’équipement indissociable, un élément d’équipement dissociable, un équipement à usage exclusivement professionnel, ou un équipement ajouté sur existant.
Cette qualification permet d’orienter le raisonnement vers :
- la garantie de parfait achèvement ;
- la garantie biennale ;
- la garantie décennale ;
- ou, à défaut, la responsabilité contractuelle de droit commun.
8.3 – Troisième étape : vérifier les délais
La troisième étape consiste à vérifier les délais :
- un an pour la notification des désordres au titre de la garantie de parfait achèvement ;
- deux ans pour agir au titre de la garantie de bon fonctionnement ;
- dix ans pour agir sur le fondement de la garantie décennale.
Un désordre peut relever matériellement d’une garantie, mais l’action peut être irrecevable pour cause de forclusion. Le juge doit donc articuler la qualification du désordre et le contrôle des délais.
8.4 – Quatrième étape : identifier les personnes tenues et leurs assureurs
La quatrième étape consiste à déterminer :
- le ou les constructeurs concernés (entrepreneur, groupement, architecte, maître d’œuvre, contrôleur technique) ;
- leurs assureurs respectifs (responsabilité décennale, responsabilité civile, dommages-ouvrage) ;
- la nature de la garantie mobilisable pour chacun.
Cette identification est essentielle pour éviter des décisions incomplètes ou inopposables à certains intervenants clés.
9. – ✅ En résumé
La réception marque la frontière entre la phase contractuelle de l’exécution des travaux et le régime des garanties légales.
Pendant l’année de parfait achèvement, l’entrepreneur est tenu de réparer tous les désordres signalés, à condition qu’ils aient été réservés ou notifiés dans le délai.
Pendant les deux années suivant la réception, les éléments d’équipement dissociables sont couverts par la garantie de bon fonctionnement, dès lors qu’ils ne relèvent pas d’un usage exclusivement professionnel.
Pendant dix ans, les désordres graves compromettant la solidité de l’ouvrage ou l’empêchant de remplir sa destination engagent la responsabilité décennale de plein droit des constructeurs.
Pour le juge consulaire, le traitement d’un litige de construction suppose donc un enchaînement rigoureux :
- vérifier la réception ;
- qualifier le désordre ;
- rattacher ce désordre à la bonne garantie ;
- contrôler les délais ;
- identifier les bons défendeurs et leurs assureurs.
10. – 📊 Tableau récapitulatif des principaux régimes
| Garantie / régime | Fondement juridique | Objet / désordres couverts | Durée et point de départ | Assurance mobilisable | Points de vigilance pour le juge |
|---|---|---|---|---|---|
| Garantie de parfait achèvement | Article 1792-6 du Code civil |
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| Garantie de bon fonctionnement | Article 1792-3 du Code civil |
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| Garantie décennale | Articles 1792, 1792-2, 1792-4-1 à 1792-4-3 du Code civil |
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| Responsabilité de droit commun après réception | Article 1231-1 du Code civil Article 1792-7 du Code civil |
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| Responsabilité pendant les travaux (avant réception) | Responsabilité contractuelle et délictuelle |
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