juge-commissaire 4

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Jean-Claude LEMALLE

Le relevé de forclusion

Date de la dernière modification : 23/08/2025

⚖️Points à retenir
  • Le relevé de forclusion est une seconde chance, mais sous des conditions strictes d'optation.
  • Deux possibilités : soit une omission du créancier dans la liste → relevé alors de plein droit | soit une défaillance non imputable au débiteur → appréciation du juge.
  • Délai de 6 mois, sauf exceptions limitatives.
  • Dépens, en principe, à la charge du créancier.
  • Le relévé n'emporte pas admission de la créance : la déclaration de créance doit être déposée dans le mois, pour être vérifiée.
📝 Check-list pour le juge
  • Recevabilité : la requête a-t-elle été déposée dans le délai de 6 mois ?
  • Motif invoqué : omission dans la liste ou défaillance non imputable ?
  • Preuves apportées : le créancier établit-il sa situation ?
  • Avis du mandataire judiciaire : avis transmis ? omission reconne ?
  • Décision sur les frais : charge normale (créancier ou exception (débiteur) ?
  • Effet limité : rappeler que le relevé autorise seulement la déclaration tardive et non l'admission automatique.
  • Effet temporel : le créancier ne participe qu'aux répartitions postérieures à sa demande.

1. – Les textes applicables.

Article L. 622-26 alinéa 1

 » A défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande « .

Article R. 622-26

 » Lorsque le juge-commissaire a relevé le créancier de sa forclusion après le dépôt de la liste des créances prévu à l’article L. 624-1 et que sa décision est devenue définitive, il statue sur la créance dans les conditions de l’article L. 624-2. Une mention est portée par le greffier sur l’état des créances.

Les frais de l’instance en relevé de forclusion sont supportés par le créancier défaillant. Toutefois, le juge peut décider que les frais seront supportés par le débiteur qui n’a pas mentionné la créance sur la liste prévue par l’article L. 622-6 ou n’a pas porté utilement cette créance à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai prévu par l’article R. 622-24 « .

2. – Une seconde chance pour le créancier retardataire

Le relevé de forclusion permet à un créancier n’ayant pas déclaré sa créance dans le délai légal de solliciter du juge-commissaire l’autorisation de la déclarer tardivement, ce qui lui permettra de déclarer sa créance et de concourir aux distributions.
Cette faculté concerne tous les créanciers, y compris l’État.

3 – Qui peut demander le relevé de forclusion ?

  • Le créancier lui-même ;
  • Son préposé (muni d’une délégation de pouvoir ;
  • Son mandataire (muni d’un pouvoir spécial.

4 – Délai pour agir

Le délai est en principe de 6 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.

SituationPoint de départ du délai
Créancier titulaire d’un contrat ou d’une sûreté publiéeAvis personnel du mandataire judiciaire
Créancier dans l’impossibilité de connaître l’existence de sa créanceDate à laquelle il a pu en avoir connaissance

⚠️ La jurisprudence (Cass. com., 1er oct. 2013, n° 12-20.229) refuse d’appliquer cette exception lorsque le créancier connaissait l’existence de la créance mais pas encore son montant : il doit alors déclarer par estimation (art. L. 622-24 al. 4).

Ce délai peut trouver à s’appliquer :

  • aux indemnités contractuelles qui doivent être déclarées dans un délai particulier, lorsque la résiliation du contrat est intervenue après jugement d’ouverture,
  • aux nullités de la période suspecte obligeant une personne à restituer ce qu’elle a perçu et se retrouvant, de ce fait, créancière, alors qu’elle est au-delà du délai classique de relevé de forclusion,
  • la condamnation à paiement pour nullité de la vente d’un bien antérieure à  l’ouverture de la procédure collective, pour vice caché découvert longtemps après la vente, dont la déclaration était impossible avant la révélation dudit vice

5. – Conditions de fond

Le relevé de forclusion peut être accordé dans deux hypothèses distinctes :

Les deux causes de relevé de forclusion sont autonomes.

5.1 – Omission dans la liste prévue par l’article L. 622-26

  • Le créancier omis est relevé de plein droit. Peu importe même que, en dépit de l’omission du débiteur, le créancier ait connu l’ouverture de la procédure à temps pour déclarer.

  • Aucun lien de causalité entre l’omission et le retard n’est exigé (Cass. com., 12 juill. 2011, n° 10-20.402 ; 16 juin 2021, n° 19-17.186).

  • Toutefois, la Cour de cassation (27 mars 2024, n° 22-21.017) a précisé que si le débiteur a signalé la créance au mandataire judiciaire avant l’expiration du délai de déclaration, même hors liste, cela vaut déclaration pour le compte du créancier. Dans ce cas, il ne peut plus se prévaloir de l’omission : il doit démontrer que sa défaillance n’est pas due à son fait.

5.2 – Défaillance non imputable au créancier

  • Le juge apprécie souverainement les motifs invoqués.

  • Rejet si le créancier connaissait la procédure (avis personnel, BODACC, service contentieux organisé, etc.).

  • La jurisprudence est stricte : éloignement géographique, restructurations internes, ou multiplicité de débiteurs ne suffisent pas.

  • Admission possible si le créancier a donné mandat à un tiers qui a failli.

  • Plus de souplesse envers les petits créanciers sans service contentieux.

6. – Procédure

  • La demande peut être formée par requête au greffe (Cass. com., 28 janv. 2014, n° 12-27.728).

  • Transmission possible par télécopie.

  • L’instance est contentieuse : respect du contradictoire.

  • Convocation obligatoire du créancier, du débiteur (même en liquidation), et des organes de la procédure.

7. – Frais de l’instance

Article R. 622-25 alinéa 2

 » Les frais de l’instance en relevé de forclusion sont supportés par le créancier défaillant. Toutefois, le juge peut décider que les frais seront supportés par le débiteur qui n’a pas mentionné la créance sur la liste prévue par l’article L. 622-6 (à remettre dans les 8 jours de l’ouverture de la procédure) ou n’a pas porté utilement cette créance à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai prévu par l’article R. 622-24 (2 mois à compter de la parution au BODACC) « .

Notons que le juge-commissaire peut, mais n’a aucune obligation de faire supporter les frais de l’instance lorsque le débiteur n’a pas mentionné la créance sur la liste, dans le cas contraire le juge-commissaire doit obligatoirement faire supporter ces frais au créancier.

8. Effet du relevé de forclusion

  • Il autorise uniquement la déclaration tardive de la créance (délai réduit à un mois, art. L. 622-24 al. 1).

  • Il ne vaut pas admission de la créance : celle-ci sera examinée ensuite selon la procédure de droit commun.

  • Le créancier relevé ne participe qu’aux distributions postérieures à sa demande.

9. – Exemples de rédaction d’ordonnances

9.1 – Acceptation du relevé de forclusion

SUR CE,

Attendu qu’aux termes de l’article L. 622-26 alinéa 1er du Code de commerce :

« A défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande  » ;

Attendu que la requête en relevé de forclusion présentée par la SAS X… a été déposée au greffe dans le délai de six mois suivant la publication du jugement d’ouverture au BODACC du redressement judiciaire de la SARL Y…, et qu’elle est, dès lors, recevable ;

Attendu que Maître Z…, mandataire judiciaire de la SARL Y… confirme que le débiteur n’a pas remis la liste des créanciers prévue par l’article L. 622-6, alinéa 2, du Code de commerce ;

Attendu qu’il résulte d’une jurisprudence constante que lorsqu’un débiteur s’est abstenu d’établir la liste ci-dessus mentionnée ou que, l’ayant établie, il a omis d’y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n’est pas tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance ;

Attendu qu’il convient dès lors de relever la SAS X… de la forclusion encourue et de l’autoriser à procéder à la déclaration de sa créance dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance

Attendu qu’en application de l’article R. 622-25 alinéa 2 du Code de commerce, il y a lieu de mettre les dépens à la charge du débiteur.

PAR CES MOTIFS

DECLARE RECEVABLE la requête en relevé de forclusion déposée par la SAS X…;

RELEVE de la forclusion la SAS X…;

AUTORISE la SAS X… à procéder à la déclaration de créance entre les mains de Maître Z…, mandataire judiciaire du redressement de la SARL Y…, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;

CONDAMNE la SARL Y… aux dépens.

9.2 – Rejet de la demande

SUR CE

Attendu qu’aux termes de l’article L. 622-26, alinéa 1er, du Code de commerce :

« À défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes, à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande. »

Attendu que la requête en relevé de forclusion présentée par la SAS X… a été déposée au greffe dans le délai de six mois suivant la publication au BODACC du jugement d’ouverture au redressement judiciaire de la SARL Y…, et qu’elle est, dès lors, recevable ;

Attendu que Maître Z…, mandataire judiciaire, indique ne pas avoir adressé d’avis individuel à la SAS X… ; que toutefois la publication au BODACC en date du [date] faisait courir le délai légal de déclaration des créances ;

Attendu que la SAS X… se borne à invoquer l’absence d’avis du mandataire judiciaire, sans démontrer que sa défaillance n’est pas due à son fait ;

Attendu qu’il appartient à tout créancier, même en l’absence d’avis personnel, de se tenir informé de la situation de son débiteur par la consultation des publications légales et d’effectuer en temps utile sa déclaration de créance ;

Attendu qu’en conséquence, la SAS X… ne justifie pas des conditions exigées par l’article L. 622-26 précité pour obtenir le relevé de la forclusion encourue ;

Attendu qu’en application de l’article R. 622-25 du Code de commerce, les dépens afférents aux instances de relevé de forclusion sont, sauf décision contraire, à la charge du créancier demandeur, et qu’il n’y a pas lieu d’y déroger en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE RECEVABLE la requête en relevé de forclusion déposée par la SAS X… ;

REJETTE la demande de relevé de forclusion formée par la SAS X… ;

CONDAMNE la SAS X… aux dépens, conformément à l’article R. 622-25 du Code de commerce.

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