Article 1219
« Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
Article 1220
« Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais ».
L’exception d’inexécution est définie classiquement comme le droit, pour une partie, de suspendre l’exécution de ses obligations tant que son cocontractant n’a pas exécuté les siennes.
L’exception d’inexécution s’apparente à un moyen de pression, en ce sens qu’elle permet au créancier, en refusant de fournir sa prestation, de contraindre le débiteur à exécuter ses propres obligations.
Tandis que l’article 1219 pose les conditions d’exercice de l’exception d’inexécution, l’article 1220, et c’est là une nouveauté, permet au créancier de mettre en œuvre cette sanction de façon anticipée.
Aussi, les conditions de l’exception d’inexécution diffèrent, selon que la défaillance du débiteur est avérée ou selon qu’elle est à venir.
L’exception d’inexécution pourra faire d’aménagement contractuel et même faire l’objet d’une exclusion.
La mise en œuvre de l’exception d’inexécution a pour obligation :
L’exception d’inexécution ne se conçoit qu’en présence d’obligations réciproques, ce qui implique que les parties endossent l’une envers l’autre tout à la fois la qualité de créancier et de débiteur.
Bien que l’article 1219 du Code civil n’exige pas expressément que les obligations des parties soient interdépendantes pour que l’exception d’inexécution puisse jouer, il définit néanmoins cette sanction comme « la possibilité offerte à une partie de ne pas exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne », l’exigence d’interdépendance est ici sous-jacente.
Pour être interdépendances, ces obligations doivent se servir mutuellement de cause.
Ainsi, dans le contrat de vente, le prix est stipulé en contrepartie de la remise d’une chose. Les obligations de délivrance de la chose et de paiement du prix sont réciproques et interdépendantes.
L’article 1219 du Code civil prévoit que l’exception d’inexécution ne peut être soulevée par le créancier qu’à la condition qu’il justifie « d’une inexécution suffisamment grave ».
L’examen de la jurisprudence antérieure révèle que, pour apprécier le bien-fondé de l’exercice de l’exception d’inexécution les juridictions cherchaient moins à évaluer la gravité du manquement contractuel en tant que tel qu’à regarder si la riposte du créancier était proportionnelle à l’importance de l’inexécution invoquée.
Le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 précise quant à lui que l’exception d’inexécution « ne peut être opposée comme moyen de pression sur le débiteur que de façon proportionnée».
Ce rapport indique, en outre, que « l’usage de mauvaise foi de l’exception d’inexécution par un créancier face une inexécution insignifiante constituera dès lors un abus ou à tout le moins une faute susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle.»
Au regard de la jurisprudence antérieur à l’application de l’ordonnance du 10 février 2016, il convient de tirer les enseignements suivants :
L’article 1219 du Code civil ne prévoit aucune condition d’exercice de l’exception d’inexécution, ainsi le créancier n’a aucune obligation :
Il appartient au créancier d’apporter la preuve du caractère suffisamment grave de l’inexécution qui justifie l’exception d’inexécution.
Dans l’hypothèse où la suspension de ses propres obligations ne serait pas justifiée, il s’expose à devoir indemniser le débiteur.
Bien que l’article 1219 du Code civil ne subordonne pas l’exercice de l’exception d’inexécution à la mise en demeure du débiteur, elle peut s’avérer utile, d’une part, pour faciliter la preuve de l’inexécution qui, au surplus, peut être constatée par acte d’huissier, d’autre part pour établir la bonne foi du créancier dont la riposte a été exercée avec discernement puisque, offrant la possibilité au débiteur de régulariser sa situation.
L’article 1220 du Code civil prévoit qu’ « une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. »
C’est là une nouveauté de l’ordonnance du 10 février 2016, qui introduit la possibilité pour le créancier d’une obligation, avant tout commencement d’exécution du contrat, de suspendre l’exécution de sa prestation s’il est d’ores et déjà manifeste que le débiteur ne s’exécutera pas.
Outre les conditions propres à l’exception d’inexécution ordinaire que sont les exigences de réciprocité et d’interdépendance des obligations, l’article 1220 pose trois autres conditions que sont :
Pour que le créancier soit fondé à exercer l’exception d’inexécution par anticipation, il doit être en mesure de prouver que le risque de défaillance du débiteur à l’échéance est manifeste.
Autrement dit, la réalisation de ce risque doit être prévisible, sinon hautement probable.
Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.
Ainsi, appartient-il au demandeur de démontrer que, sans l’intervention du Juge, il est un risque dont la probabilité est certaine qu’un dommage irréversible se produise.
La probabilité de cette défaillance doit être suffisamment forte pour justifier l’exercice de l’exception d’inexécution.
L’exercice de l’exception d’inexécution par anticipation est subordonné à l’établissement de la gravité des conséquences susceptibles de résulter de l’inexécution.
L’article 1220 invite le juge à apprécier les conséquences de l’inexécution plutôt que ses causes.
Par gravité des conséquences du manquement, il convient d’envisager le préjudice susceptible d’être causé au créancier du fait de l’inexécution. Ce préjudice peut consister soit en une perte, soit en un gain manqué.
L’article 1220 impose au créancier que cette exception d’inexécution exercée par anticipation « doit être notifiée dans les meilleurs délais » au débiteur.
Il est probable que cette absence de notification expose le créancier à une condamnation au paiement de dommages et intérêts.
L’exercice de l’exception d’inexécution a pour effet de suspendre l’exécution des obligations du créancier, tant que le débiteur n’a pas fourni la prestation à laquelle il s’est engagé.
Aussi, le contrat n’est nullement anéanti, l’exigibilité des obligations du créancier est seulement suspendue temporairement, étant précisé que cette suspension est unilatérale.
Dès lors que le débiteur aura régularisé sa situation, il incombera au créancier de lever la suspension exercée et d’exécuter ses obligations.
En tout état de cause, l’exercice de l’exception d’inexécution n’autorise pas le créancier à rompre le contrat.
Pour sortir de la relation contractuelle, il n’aura d’autre choix que de solliciter la résolution du contrat, selon l’une des modalités énoncées à l’article 1224 du Code civil.
En l’absence de réaction du débiteur, le créancier peut également saisir le juge aux fins de solliciter l’exécution forcée du contrat.
Site « A. Bamdé et J. Bourdoiseau » : l’exception d’inexécution.
DALLOZ – Documentation/Répertoire de droit civil : exception d’inexécution.
LEXIS 360 – Encyclopédies/JCL. Civil Code/Art. 1219 à 1220 : exception d’inexécution.