Le chapitre III du livre VI du Code de commerce donne au tribunal de commerce ou au tribunal judiciaire la possibilité de prononcer des sanctions civiles (non pécuniaires) à l’encontre d’entrepreneurs individuels personnes physiques ou des dirigeants personnes morales, pour lesquels il est démontré qu’ils ont commis des fautes, dont la liste limitative est précisée par les textes.
Contrairement à la responsabilité pour insuffisance d’actif, un chef d’entreprise peut être condamné aux sanctions professionnelles même en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
En revanche, aucune sanction professionnelle, ne peut être prononcée, en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
Le ministère public, a qualité pour agir. En sa qualité de détenteur de tous les faits concernant la personne du débiteur, il est en première ligne pour agir en sanctions non pécuniaires.
Dans cet objectif, l’article R. 653-1 précise d’ailleurs que les mandataires qui ont connaissance d’un comportement parmi ceux énumérés par les articles L. 653-3 à L. 653-6 et L. 653-8, en informent le procureur de la République et le juge-commissaire.
Le ministère public saisit le tribunal de la procédure par requête. Le président du tribunal, par les soins du greffier, fait convoquer le débiteur par LRAR à comparaître dans le délai qu’il fixe (la requête du ministère public, étant jointe à la convocation).
Lorsqu’il agit, le ministère public se comporte comme une partie ordinaire et doit donc apporter la preuve des faits qu’il allègue. Le principe du contradictoire devant être respecté.
L’article L. 653-7 donne également qualité à agir au mandataire judiciaire (lorsque le débiteur est en redressement judiciaire), ainsi qu’au liquidateur judiciaire (lorsque le débiteur est en liquidation judiciaire).
Ils procèdent alors par assignation.
La procédure doit être communiquée au ministère public, sous peine de nullité du jugement.
Le ministère peut formuler un avis, dans cette hypothèse, le chef d’entreprise doit en avoir communication, avant l’audience devant se prononcer sur la demande de condamnation, sous peine d’annulation de la décision (Cour de cassation, chambre commerciale du 03/12/2013, n° 12-29334).
En cas de carence du mandataire ou du liquidateur judiciaire, les articles L. 653-7 alinéa 2 et R. 653-2 permettent aux créanciers contrôleurs d’exercer l’action en responsabilité. Toutefois cette possibilité nécessite :
que préalablement à la saisine du tribunal, deux contrôleurs au minimum et conjointement, mettent en demeure, par LRAR, le liquidateur d’agir, lequel a deux mois pour réagir, que le tribunal soit saisi, au minimum, par la majorité des contrôleurs.
Il résulte de ces dispositions que les contrôleurs ne pourront agir en responsabilité à l’encontre du débiteur:
si un seul créancier a été désigné contrôleur par le juge-commissaire,
si le liquidateur agit, dans le délai des deux mois.
L’action en faillite personnelle ou interdiction de gérer se prescrit par 3 ans à compter du jugement d’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire.
Il en résulte qu’en cas de conversion d’une procédure de sauvegarde, le délai ne court qu’à compter de la conversion en redressement ou liquidation judiciaire, alors qu’en cas de conversion du redressement en liquidation, c’est l’ouverture du redressement qui fait courir le délai (Cour de cassation, chambre commerciale du 01/11/2014, n° 13-24018).
En cas de sanction de l’inexécution de la condamnation pour insuffisance d’actif, le point de départ de la prescription est décalé à la date à laquelle la décision de condamnation est passée en force de chose jugée (article L. 653-1 II).
La faillite ou l’interdiction de gérer peut être prononcée à l’encontre d’une personne physique exerçant une activité commerciale ou artisanale, ainsi qu’à un agriculteur et à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale.
Tous les entrepreneurs sont susceptibles d’être condamnés à des sanctions professionnelles, quelle que soit la nature de l’activité, y compris les professions libérales, soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (article L. 6531 I 1°), sauf si elles sont soumises à des règles disciplinaires (article L. 653-1 I 5ième alinéa).
La faillite ou l’interdiction de gérer concerne les personnes physiques, dirigeant de droit ou de fait de personnes morales de droit privé.
Les textes visent les dirigeants de droit titulaires des pouvoirs de décision : gérants, président du conseil d’administration, directeurs généraux, administrateurs.
Le dirigeant de complaisance (prête-nom, homme de paille) n’échappe pas à sa responsabilité sous prétexte qu’il n’assurait pas lui-même la gestion effective de la société, celle-ci étant assurée par un dirigeant de fait.
De même, le fait d’être dirigeant bénévole ne l’exonère pas de sa responsabilité.
En revanche, les membres du conseil de surveillance ne disposant pas de pouvoir de gestion, ne sont pas visés par les textes, sauf s’il est démontré leur qualité de dirigeant de fait.
La faillite ou l’interdiction de gérer peut être prononcée à l’encontre des représentants permanents de la personne morale. Il s’agit des personnes physiques désignées par la personne morale dirigeante aux fins de la représenter dans l’organe de direction de la société débitrice.
Les textes sanctionnent également le dirigeant de fait de la personne morale.
La qualification de la direction de fait se définit comme l’accomplissement d’actes positifs de gestion ou de direction accomplis en toute indépendance (Cour de cassation, chambre commerciale du 20/04/2017, n° 15-10425).
Un autre critère est celui de l’immixtion dans la gestion de la société (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/03/2017, n° 15-17936).
Il est nécessaire pour le mandataire ou le liquidateur (ou le ministère public) d’apporter la preuve de la qualité de dirigeant de fait de la personne qu’il assigne en responsabilité.
De leur côté, les juges du fond doivent constater des faits de nature à caractériser la gestion de fait.
Dès lors que ces éléments sont apportés, toute personne peut être qualifiée de dirigeant de fait.
Pour que la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer soit prononcée, il est nécessaire que les faits soient antérieurs au jugement d’ouverture (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/12/2012, n° 11-22436).
En cas de liquidation judiciaire pour cause de résolution du plan, le juge peut retenir des faits postérieurs à la décision arrêtant le plan et antérieurs à celle prononçant la résolution et la liquidation judiciaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 16/09/2014, n° 1318503).
Même, si à ce jour, aucune jurisprudence n’a pris position, la faute peut-être antérieure à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, convertie en redressement judiciaire. L’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne pouvant exonérer un dirigeant d’une faute commise antérieurement.
Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi,
Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds,
Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale,
Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers,
Avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement,
Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables, avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée.
Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements,
Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif,
Sous le couvert de l’activité ou du patrimoine visés par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité,
Avoir fait des biens ou du crédit de l’entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l’intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant,
Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel,
Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement,
Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale, Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
L’article L. 653-8 précise que le tribunal peut prononcer à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale.
Pour les faits énumérer ci-dessus, le tribunal a donc le choix de prononcer soit la faillite personnelle, soit l’interdiction de gérer.
Au regard des demandes, le tribunal n’a pas à justifier son choix.
L’article L. 653-8, ajoute deux situations qui ne peuvent avoir pour conséquences que l’interdiction de gérer, à savoir toute personne :
qui, de mauvaise foi, n’aura pas remis au mandataire judiciaire, à l’administrateur ou au liquidateur les renseignements qu’il est tenu de lui communiquer en application de l’article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d’ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l’obligation d’information prévue par le second alinéa de l’article 622-22.
qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Il s’agit :
de la liste des créanciers avec le montant de la dette (dans les 8 jours du jugement d’ouverture), des principaux contrats en cours, et des instances en cours.
A noter que pour qu’ils constituent une faute, ces faits doivent avoir été accomplis de mauvaise foi, ce que le juge doit motiver dans sa condamnation.
En cas d’instance en cours, le débiteur doit informer le créancier, partie à l’instance, de l’ouverture de la procédure collective, dans le délai de 10 jours de celle-ci.
D’une part, la date de cessation des paiements à prendre en considération est celle fixée par le jugement d’ouverture, peu importe qu’elle soit qualifiée de provisoire (article R. 653-1 alinéa 2). Un éventuel état de cessation des paiements antérieur, non confirmé par un jugement, ne peut servir de base à une demande de sanction.
Autrement dit, même si des faits démontrent que la date de cessation des paiements est antérieure à la date retenue par le tribunal, l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
D’autre part, pour que la faute soit retenue, il appartient au demandeur de démontrer que le débiteur a commis sciemment cette omission, le juge ayant l’obligation de motiver sa décision.
La faillite personnelle a pour conséquence :
Seule la sanction n° 1 est applicable au débiteur frappé d’une interdiction de gérer.
De plus le tribunal, en application de l’article L. 653-8 peut limiter l’interdiction de gérer à une seule catégorie d’activité (à défaut de précision toutes les activités sont concernées (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/02/2014, n° 12-21069).
L’article L. 653-8 dispose que l’interdiction de gérer peut être limitée à une seule activité, activité commerciale par exemple.
La durée de la faillite personnelle ou de l’interdiction de gérer ne peut être supérieure à 15 ans.
Le tribunal peut ordonner l’exécution provisoire des condamnations à la faillite personnelle ou à l’interdiction de gérer, alors que l’article R. 661-1 dispose que ces jugements ne sont pas exécutoires, de plein droit à titre provisoire.
La condamnation ainsi que son quantum est une faculté et le tribunal peut toujours substituer à la faillite personnelle une interdiction de gérer.
Ainsi, lorsque les faits sont démontrés, le tribunal a, finalement (sauf pour les faits prévus spécifiquement pour l’interdiction de gérer) entre 3 solutions :
prononcer une faillite personnelle,
prononcer une interdiction de gérer, qui peut-être (ou non) limitée selon l’activité concernée,
ou ne pas prononcer de sanction,
La loi ne donnant qu’une simple faculté au tribunal (Cour de cassation, chambre commerciale du 23/05/2000, n° 97-20835).
Le juge doit motiver d’une part les faits relevés et d’autre part le quantum de la sanction.
Une seule faute, sauf s’il est d’une gravité extrême qui nécessite une motivation, ne peut avoir pour conséquence une faillite personnelle ou une interdiction de gérer sur une période 15 ans.
L’interdiction de gérer est le diminutif de la faillite personnelle. Cette sanction atténuée peut être substituée à la faillite personnelle dans les cas légaux. Elle est en revanche parfois seule encourue à l’exclusion de la faillite, nous l’avons indiqué précédemment.
La faillite et l’interdiction de gérer cessent de plein droit au terme fixé, sans qu’il y ait lieu au prononcé d’un jugement.
Le jugement de clôture pour extinction du passif, y compris après exécution d’une condamnation prononcée à son encontre en application de l’article L. 651-2, rétablit le débiteur personne physique ou les dirigeants de la personne morale dans tous leurs droits. Il les dispense ou relève de toutes les déchéances, interdictions et incapacité d’exercer une fonction publique élective.
Les alinéas 3 et 4 de l’article L. 65311 prévoient la possibilité pour la personne condamnée de demander à être relevée de sa sanction.
La demande est adressée par requête à la juridiction qui a prononcé la sanction, auquel doivent être joints tous les documents justificatifs.
En cas de faillite personnelle le demandeur doit justifier d’une contribution suffisante au passif.
En cas d’interdiction de gérer, il doit présenter toutes les garanties démontrant sa capacité à diriger ou contrôler une entreprise.
La juridiction statue après avoir entendu le demandeur et recueilli l’avis du ministère public.
DALLOZ – Documentation/Encyclopédie/Répertoire de droit commercial : Entreprise en difficulté : responsabilités et sanctions.
LEXIS 360 Entreprise – Jurisclasseur Procédures collectives : Fascicule 2905 : Sanctions patrimoniales – Responsabilités pour insuffisance d’actif. – Fascicule 2910 : Sanctions professionnelles – Faillite personnelle et autres mesures