Le Code de commerce ne donne pas une définition juridique du fonds de commerce.
En pratique, il est admis que le fonds de commerce désigne l’ensemble des éléments mobiliers (matériel, outillage, marchandises) et incorporels (droit au bail, nom commercial, enseigne, droit de propriété industrielle ; etc…) qu’un commerçant rassemble et organise en vue de la recherche et de l’exploitation d’une clientèle, et qui constitue une entité distincte des éléments qui la composent.
Le 2ième alinéa de l’article L. 642-1 précise quant à lui, que la cession d’entreprise « peut être totale ou partielle, dans ce dernier cas, elle porte sur un ensemble d’éléments d’exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activités ».
Suivant les circonstances, la cession d’un fonds de commerce peut relever soit du processus :
Dans une première approche, l’on pourrait dire qu’un fonds de commerce en activité (ou en liquidation avec poursuite d’activité) avec des salariés (encore que l’existence de salariés ne soit pas un critère) et des contrats…, doit être cédé dans les formes de la cession d’entreprise (articles L. 642-1 à L. 642-25), alors qu’un fonds de commerce fermé, qui se réduit, le plus souvent, à un droit au bail et du matériel, donc typiquement en liquidation sans poursuite d’activité, sera cédé sous la forme de la cession d’actif (article L. 642-19).
Rappelons que la cession totale de l’entreprise est exclue en cas de sauvegarde, il est toutefois prévu qu’à la demande du débiteur, le tribunal peut ordonner la cession partielle de l’activité (1ier alinéa de l’article L. 622-10).
Concernant une entreprise en redressement judiciaire, l’article L. 631-21-1 prévoit la possibilité pour le tribunal de prononcer la cession totale ou partielle de l’entreprise, l’article L. 631-22 1ier alinéa précisant toutefois que le tribunal ne peut ordonner la cession totale ou partielle de l’entreprise que si le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles de permettre le redressement de l’entreprise ou en l’absence de tels plans.
En redressement judiciaire, le tribunal ne peut donc examiner les offres de reprise dans le cadre d’un plan de cession qu’après avoir rejeté le plan de redressement (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/11/2014, n° 13-21712).
Ce même article, L. 631-22 précise que dans l’hypothèse où la cession de l’entreprise peut être envisagée en redressement judiciaire,, il convient de faire application des mêmes dispositions que celles applicables à la cession d’une entreprise en liquidation judiciaire.
En conclusion, les modalités d’un plan de cession d’une entreprise (dans lequel le fonds de commerce est inclus), sont, pratiquement, identiques que le débiteur soit en redressement où en liquidation judiciaire, il s’agit donc dans les deux cas de traiter la liquidation des actifs de l’entreprise.
En redressement judiciaire, la cession d’un fonds de commerce (compris dans le plan de cession) ne pose aucune difficulté concernant les modalités d’application, puisque l’article L. 631-22 nous impose de faire application des articles L. 642-1 à L. 642-17, à savoir les modalités de « la cession de l’entreprise ».
Par contre, la cession d’un fonds de commerce d’un débiteur en liquidation, soulève quelques interrogations concernant les textes applicables.
En effet, il convient de considérer deux situations possibles :
Le fonds de commerce, dans cette hypothèse, est inclus dans le patrimoine de l’entreprise, lequel fera l’objet d’une cession, dont les modalités relèvent des articles L. 642-1 à L. 642-17.
Comme en cas de redressement judiciaire, la cession de l’entreprise relève alors de la compétence du tribunal de commerce.
Concernant les modalités de cette cession, se reporter à l’étude détaillée intitulée « LE PLAN DE CESSION », et en particulier le chapitre traitant de la cession de la cession forcée des contrats.
Il nous a paru intéressant de relever à ce stade de l’étude d’une part les principales dispositions communes, et d’autres les différences entre la cession d’une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire.
Article L. 642-2 V
« L’offre ne peut être ni modifiée, sauf dans un sens favorable aux objectifs mentionnés au premier alinéa de l’article L. 642-1 (à savoir, maintien de l’activité, de l’emploi et apurement du passif) ni retirée. Elle lie son auteur jusqu’à la décision arrêtant le plan ».
Si des modifications sont possibles, l’article R. 642-1 précise qu’elles sont alors communiquées par le liquidateur ou l’administrateur s’il en a été désigné, au débiteur, au représentant des salariés et aux contrôleurs.
De plus le 3ième et 4ième alinéas de l’article R. 642-1 précise que, concernant l’audience :
« A peine d’irrecevabilité, aucune modification ne peut être apportée à une offre moins de deux jours ouvrés avant la date fixée pour l’audience d’examen des offres par le tribunal. Lorsque le tribunal décide de ne pas faire application du premier alinéa de l’article L. 642-2 (il s’agit ici de la poursuite d’activité en liquidation judiciaire), il fixe la date de l’audience d’examen des offres ; d’autres offres de reprise peuvent parvenir au liquidateur ou à l’administrateur, s’il en a été désigné, au plus tard huit jours avant cette date.
En cas de renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, le tribunal peut fixer un nouveau délai pour la présentation de nouvelles offres ou l’amélioration des offres préalablement déposées ».
Autrement dit, une offre ne peut donc être modifiée que dans un sens favorable et à la condition que cette modification intervienne 2 jours ouvrés avant la date fixée pour l’audience d’examen des offres.
De plus, en précisant que le tribunal peut renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, afin d’obtenir, éventuellement, des offres nouvelles ou l’amélioration des offres préalablement déposées, il convient d’en déduire que cette interdiction de modification de l’offre s’applique jusqu’au jour de l’audience d’examen des offres.
Article R. 642-40
« En application de l’article L. 642-22-1, la publicité des cessions d’entreprises et des réalisations d’actifs est faite par les mandataires de justice au moyen d’un service informatique accessible par l’internet.
Toute cession d’entreprise fait l’objet d’une publicité par voie de presse. Son étendue est définie par le juge-commissaire. Le juge-commissaire détermine s’il y a lieu d’effectuer une publicité par voie de presse pour les actifs de faible valeur.
Le liquidateur, ou l’administrateur lorsqu’il en a été désigné, communique au greffe les caractéristiques essentielles de l’entreprise ou de la ou des branches d’activité susceptibles d’être cédées. Tout intéressé peut prendre connaissance de ces informations au greffe ».
Le tribunal doit s’assurer que les démarches effectuées ont permis une publicité suffisante de la préparation de la cession.
Le liquidateur ou l’administrateur, s’il a été désigné, informe le débiteur, le représentant des salariés et les contrôleurs du contenu des offres qu’il a reçues. Il les dépose également au greffe, ce qui permet à toute personne intéressée d’en prendre connaissance et aux candidats d’améliorer leur offre (article L. 642-2 IV), sans les conditions fixées par les textes.
En redressement judiciaire (L. 631-21-1 et L. 631-22) le tribunal est saisi par l’administrateur si celui-ci a été nommé. A défaut de désignation, lorsque le tribunal estime que la cession totale ou partielle de l’entreprise doit être prononcée, il désigne un administrateur, aux fins de procéder à tous les actes nécessaires à la préparation de cette cession et, le cas échéant, à sa réalisation.
L’article R. 631-42 précisant que « lorsque la cession totale ou partielle de l’entreprise a été ordonnée par le tribunal en application de l’article L. 631-22, le mandataire judiciaire reçoit le prix de cession nonobstant la passation des actes par l’administrateur ».
En liquidation judiciaire, le tribunal n’a d’obligation de désigner un administrateur que lorsque le chiffre d’affaires est supérieur à 3.000.000 d’euros ou le nombre de salariés supérieur à 20 (articles L. 641-10 et R. 621-11).
Le tribunal est saisi par le liquidateur ou l’administrateur si celui-ci a été nommé.
En l’absence d’administrateur, le liquidateur administre l’entreprise, il prépare le plan de cession, passe les actes nécessaires à sa réalisation, en reçoit et en distribue le prix.
En présence d’un administrateur, celui-ci exerce les prérogatives conférées au liquidateur.
En redressement judiciaire, le délai des offres est fixé par l’administrateur (article R. 631-39).
En liquidation judiciaire (article L. 641-10) le délai des offres est fixé par le tribunal (article L. 642-2 alinéa 1).
Ministère public : peut interjeter appel. Son appel pourra être justifié par le fait qu’une offre meilleure que celle retenue a été présentée.
Cessionnaire : uniquement si le jugement lui impose des charges non souscrites.
Cocontractant cédé : appel limité à la partie du jugement emportant cession de son contrat.
Débiteur : l’ouverture de l’appel ne s’étend pas aux associés de la personne morale débitrice.
Administrateur judiciaire : il n’a pas qualité pour interjeter appel d’un jugement arrêtant le plan de cession.
Institutions représentatives du personnel ou le représentant des salariés : pas de possibilité de faire appel.
Candidat repreneur évincé : le candidat repreneur évincé n’étant pas une partie, n’a pas qualité pour faire appel (Cour de cassation, chambre commerciale du 10/03/2009, n° 07-20719).
Créanciers : les créanciers en tant que tels, n’étant pas partie, ne peuvent faire appel.
Caution : une caution n’a pas qualité pour faire appel du plan de cession.
L’article L. 661-7 alinéa 1 ferme la tierce opposition contre les jugements arrêtant le plan de cession.
A la lecture des textes, il apparaît que le législateur a entendu soumettre la cession du fonds de commerce d’un débiteur en liquidation judiciaire, qui ne poursuit pas son activité, à la procédure de la cession des actifs du débiteur et plus particulièrement à l’article L. 642-19 qui dispose que :
« Le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu’il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu’elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci. Lorsque la vente a lieu aux enchères publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, au second alinéa de l’article L. 322-2 ou aux articles L. 322-4 ou L. 322-7.
Le juge-commissaire peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu’il a fixées ont été respectées ».
Il convient de noter que le juge-commissaire, saisi de la demande par le liquidateur, statue sur la vente après avoir recueilli les observations des contrôleurs et entendu ou dûment appelé le débiteur (article R. 642-37-2).
Cette classification de la cession de fonds de commerce, dans la section de la cession d’un élément isolé de l’actif d’un débiteur en liquidation judiciaire découle :
Concernant la vente d’un bien meuble isolé, se reporter à l’étude intitulée « les modalités de réalisation des actifs d’un débiteur en liquidation judiciaire : immeubles et autres biens ».
La vente de gré à gré du fonds de commerce, en dehors du plan de cession, ne permet pas le jeu des dispositions régissant la cession judiciaire des contrats. L’article L. 642-7 est inapplicables aux cessions d’actifs isolés (Cour de cassation, chambre commerciale du 28/06/2017, n° 15-17394).
Le droit commun de la cession de contrat doit, en conséquence, être respecté. La cession du contrat ne pourra intervenir qu’avec l’accord du cocontractant cédé (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/05/2003, n° 00-13397).
L’article L. 1224-1 du Code du travail est applicable à tout transfert d’une entité économique conservant son identité et dont l’activité est poursuivie et reprise, même en l’absence de lien de droit entre les employeurs successifs.
Contrairement à la situation du repreneur, en plan de cession, qui peut limiter le nombre de salariés repris (article L. 642-2 et L. 642-5).
La jurisprudence, de manière constante, affirme que les clauses contractuelles restreignant la cession du bail commercial restent applicables en cas de cession isolée des actifs (Cour de cassation, chambre commerciale du 19/042023, n° 21-20655).
Le liquidateur, autorisé à procéder à la cession du fonds de commerce par le juge-commissaire, doit donc impérativement tenir compte de ces dernières. Ainsi, doit être respecté, la clause imposant que l’acte de cession revête la forme authentique (Cour de cassation, chambre civile 1 du 17/06/2014, n° 13-15.119) ou la clause imposant que le bailleur concoure à l’acte de cession.
Tel est également le cas de la clause dite de garantie inversée en vertu de laquelle le cessionnaire s’engage à régler les arriérés locatifs du cédant et ce, même si l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession ne l’a pas reproduite (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2011, n° 10-23.539).
Toutefois, et ce par exception au principe du respect des clauses du bail, la clause de garantie solidaire du cédant à l’égard du cessionnaire n’est pas applicable dans le cadre de la cession isolée des actifs du débiteur. Elle est en effet réputée non écrite en vertu des dispositions de l’article L. 641-12, alinéa 5 du Code de commerce.
Par contre, le plan de cession emporte l’inapplicabilité des clauses limitant ou aménageant le droit de cession du bail commercial, qu’il soit inclus ou non dans le fonds de commerce.
Le recours devant le tribunal est irrecevable à l’encontre de l’ordonnance du juge-commissaire qui ordonne la vente de biens du débiteur en liquidation judiciaire (article R. 642-37-3 alinéa 2). Seul l’appel est possible.