Jean-Claude LEMALLE

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Le plan de continuation (de sauvegarde ou de redressement d'une personne morale)

Table des matières

0. – Ce qui ne sera pas examiné dans la présente étude

Nous n’aborderons pas, dans cette étude, les plans concernant un plan :

  • en présence de parties affectées (voir LE CORRE chapitre 5114 « règles d’élaboration du plan intéressant les classes de parties affectées»),
  • dans une sauvegarde accélérée,
  • comprenant une restructuration de l’entreprise, applicable uniquement en redressement judiciaire, à savoir (remplacement d’un ou plusieurs dirigeants, incessibilité des titres de capital des dirigeants, éventuellement exercice du droit de vote de ces dirigeants par un mandataire désigné, la cession de ces mêmes titres – articles L. 631-19-1 et R. 631-34-1 et suivants),
  • de continuation d’un entrepreneur individuel.

Ces sujets feront, vraisemblablement, l’objet d’études ultérieures.

1. – Les différences significatives entre un plan de sauvegarde et un plan de redressement

En sauvegarde :

  • Le débiteur par définition n’est pas en état de cessation des paiements, il n’est donc pas dessaisi.
    • L’entreprise en sauvegarde n’est pas à vendre. Seule une cession partielle de l’activité est possible à la demande exclusive du débiteur. Une cession totale n’étant pas envisageable en procédure de sauvegarde (au regard de l’article L. 620-1).
    • Le plan de continuation est proposé que par le débiteur.
  • Le plan de sauvegarde sert à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
  • Impossibilité de neutraliser ou supprimer l’influence des dirigeants.
  • Possibilité d’ouvrir un redressement judiciaire en cas de résolution du plan.

En redressement judiciaire :

  • Le débiteur étant en cessation des paiements, il peut être dessaisi.
    • Dès l’ouverture de la procédure, des tiers peuvent soumettre à l’administrateur des offres de cession totale ou partielle de l’entreprise ;
    • Possibilité de subordonner l’adoption du plan à l’éviction des dirigeants ou à la cession forcée des parts ;
  • Le plan de redressement a pour objectif de permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
  • Application d’un régime dérogatoire des licenciements pour motifs économiques (L. 631-19-III).

2.- Les conséquences de l’absence de présentation d’un projet de plan

2.1 – En sauvegarde

Lorsqu’il n’est pas présenté de projet de plan en temps utile, le tribunal peut être saisi aux fins de clôture de la procédure par le ministère public, par tout créancier ou par les mandataires de justice (article R. 626-18).

2.2 – En redressement judiciaire

Si l’arrêté d’un plan de redressement ne peut être obtenu, le tribunal prononce la liquidation judiciaire et met fin à la période d’observation ainsi qu’à la mission de l’administrateur (L. 631-22).

3. – L’élaboration du projet de plan

3.1 – En préparation du plan l’établissement d’un bilan économique, social et, le cas échéant, environnemental de l’entreprise (article L. 623-1 pour la sauvegarde et L. 631-18 pour le redressement judiciaire)

Aux fins de préparation du plan de continuation, l’administrateur, avec le concours du débiteur et l’assistance éventuelle d’un ou plusieurs experts, est chargé de dresser dans un rapport le bilan économique et social de l’entreprise, lequel a pour finalité de préciser l’origine et la nature des difficultés de l’entreprise.

A noter que ce document déposé au greffe doit être, en particulier, être transmis aux contrôleurs.

En l’absence d’administrateur, il n’est pas dressé de bilan. 

3.2 – La personne désignée par la loi pour élaborer le projet de plan.

La charge d’élaborer un plan de continuation (plan de sauvegarde ou plan de redressement) repose :

  • en sauvegarde, sur le débiteur, avec le concours de l’administrateur judiciaire (L. 626-2 alinéa 1),
  • en redressement judiciaire, sur l’administrateur, avec le concours du débiteur (L. 631-19 alinéa 2) ;
  • en l’absence d’administrateur, sur le débiteur seul (L. 627-3).

L’article L. 627-3 précise, qu’en l’absence d’administrateur, le tribunal peut nommer un expert pour assister le débiteur à établir le plan.

3.3 – Le contenu du projet de plan

Le contenu du projet de plan est déterminé par l’article L. 626-2 du Code de commerce (L. 631-19 I pour le RJ). Il s’articule autour de 3 volets :

  • un volet économique sur l’organisation de la poursuite d’activité (mesures de restructuration, ressources financières…),
  • un volet social sur les conditions du maintien de l’emploi
  • et un volet financier qui définit les modalités d’apurement du passif.

Le projet de plan, en procédure de sauvegarde, est déposé par le débiteur au greffe (R. 626-17), avant l’expiration de la période d’observation.

En procédure de redressement judiciaire, il est simplement mentionné, dans le 3ième alinéa de l’article R. 631-35, qu’il appartient à  l’administrateur judiciaire d’effectuer le dépôt du projet de plan au greffe.

3.4 – La consultation des créanciers (articles L. 626-5 à L. 626-8 et R. 626-7 à 626-15)

3.4.1 – Quelles sont les propositions que le débiteur peut soumettre à ses créanciers pour apurer son passif ?

Remarques préliminaires.

Si l’article L. 626-12 précise que la durée du plan fixée par le tribunal ne peut excéder 10 ans, il s’agit de ne pas confondre, cette durée, avec les délais de paiements que les créanciers peuvent accepter, sur proposition du débiteur, comme nous l’analyserons ci-dessous. 

L’article L. 626-5 qui détermine les modalités du règlement des dettes ne pose aucune limite dans le contenu des propositions qui seront soumises aux créanciers, ceux-ci étant libres d’accepter ou refuser ces propositions. Les conditions imposées par ce même article ne concernent, en effet, que les modalités d’acceptation des propositions par le créancier.  

3.4.1.1 – Propositions de règlement

La loi vise trois séries de mesures de paiement :

  • délais de paiement,
  • remises de dettes,
  • conversion de créances en capital.

Le plan peut ainsi prévoir le remboursement :

  • de 100 % sur 10 ans à raison de 10 %, par an,
  • ou de 100 % sur 10 ans, mais en aménageant une progressivité des annuités. 4 % la première année, 6 % pour la seconde, troisième et quatrième année et 14 % pour les années restantes,
3.4.1.2 – Propositions alternatives

Il pratique a utilisé ce cadre légal en soumettant parfois aux créanciers des propositions alternatives, par exemple un plan de remboursement :

  • de 100 % en 10 ans à raison de 10 par an ou 30 % en un an et abandon du solde (article L. 626-19).
3.4.1.3 – Propositions différenciées

Il résulte des termes de l’article L. 626-5 qu’en dépit du principe d’égalité des créanciers, les propositions du débiteur peuvent être différenciées par catégories de créanciers, et ceci dans le respect d’une transparence. L’article R. 626-7II 2° imposant au mandataire judiciaire d’informer le créancier, dans lettre d’envoi des propositions, de l’ensemble des propositions relatives au règlement des dettes.

3.4.2 – La procédure de consultation des créanciers

Les propositions de règlement des dettes sont communiquées par l’administrateur au mandataire judiciaire, aux contrôleurs et au comité social et économique (L. 626-5 alinéa 1). En l’absence d’administrateur, c’est le débiteur qui communique au mandataire judiciaire les propositions de règlement du passif (article L. 627-3 alinéa 2).

Il est précisé que le comité économique et social est informé et consulté (article L. 626-8)

Le mandataire communique par LRAR les propositions pour le règlement des dettes, à chaque créancier qui a déclaré sa créance, dans le délai des 2 mois de la parution au BODACC (créance contestée ou non). Ledit courrier doit inclure, un état de la situation active et passive avec ventilation du passif privilégié et du passif chirographaire, ainsi que l’ensemble des propositions relatives au règlement des dettes et l’indication des garanties offertes.

Des conditions particulières sont prévues en cas de conversion de la créance en titres (article L. 626-5 alinéa 3).

A noter que l’article L. 626-5 prévoit que la consultation des créanciers par le mandataire judiciaire peut être collective, à savoir par l’organisation d’une réunion (article R. 626-8). Cette procédure n’étant que très rarement utilisée, nous n’en examinerons pas les modalités.

A l’issue de la consultation, le mandataire judiciaire dresse un état des réponses qu’il adresse au débiteur, à l’administrateur et aux contrôleurs (article L. 626-7).

3.4.2.1 – Dispense de consultation

L’article L. 626-5 alinéa 4 précise que le mandataire judiciaire n’est pas tenu de consulter les créanciers pour lesquels le projet de plan prévoit un paiement intégral en numéraire dès l’arrêté du plan ou dès l’admission de leurs créances.

Une cour d’appel admet ainsi qu’il n’y a pas place à consultation des créanciers, dès lors qu’on prévoit un paiement en un seul dividende un mois après l’adoption du plan (Cour d’appel de LYON 13/05/2015, n° 15/00926).

De même, les créanciers antérieurs, bénéficiaires du privilège de new money (L. 611-11) n’ont pas à être consultés puisqu’ils sont payés hors plan

3.5 – Concernant les dispositions particulières de remise de dettes par les créanciers publics

Concernant les conditions des remises de dettes consenties par les créanciers publics, se reporter aux articles L. 626-6 et D. 626-9 à D. 626-15.

3.6 – Les règles propres aux personnes morales

3.6.1 Le remplacement d’un ou plusieurs dirigeants (exclusivement en redressement judiciaire)

Possibilité de subordonner l’adoption du plan de redressement au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants (voir les articles L. 631-19-1 et R. 631-34-1).

3.6.2 – L’incessibilité ou la cession forcée des parts ou actions (exclusivement en redressement judiciaire)

Possibilités de prononcer l’incessibilité ou la cession des parts détenue par les dirigeants en redressement judiciaire (voir les articles L. 631-19-1 et R. 631-34-1).

Concernant l’incessibilité des parts sociales, prévue par l’article L. 631-19-1, il convient de préciser que cette possibilité n’est possible qu’à la condition qu’au préalable le redressement judiciaire soit subordonné au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants de l’entreprise et ceci à la demande du ministère public.

3.6.3 – La modification du capital ou des statuts

Possibilité de prévoir une modification du capital ou des statuts (voir les articles L. 626-3 et R. 626-1 à R. 626-3

3.6.4 – La reconstitution des fonds propres

L’article L. 223-42 (pour les SARL) et L. 225-248 (pour les SA) énoncent que les dispositions de droit commun relatives à la reconstitution des capitaux propres ne sont pas applicables aux sociétés en sauvegarde ou en redressement ou en cours d’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement. Ces sociétés n’ont donc pas l’obligation de reconstituer leurs capitaux propres, sous peine de dissolution.

Toutefois, si le tribunal fait de la modification de capital social une condition de l’adoption de plan, celui-ci sera rejeté si la reconstitution des capitaux propres n’est pas votée (voir les articles L. 626-3 et R. 626-1 à R. 626-3 pour la sauvegarde et L. 631-9-1 pour le R.J).

4. – L’arrêté du plan de continuation

Le tribunal ne peut statuer que si le délai de réponse de 30 jours, dont bénéficient les créanciers, est expiré.

4.1 – Les critères d’arrêté du plan de continuation

L’article L. 626-1 dispose que le plan de sauvegarde sera arrêté « lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée ».

Il n’est donné aucun critère concernant le plan de redressement si ce n’est qu’une procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif (L. 631-1).

La Cour de cassation a précisé que la cessation d’activité d’une personne physique ne fait pas obstacle à l’adoption d’un plan de redressement ayant pour seul objet l’apurement de son passif (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/05/2017, n° 15-25046).

4.2 – L’audience d’examen du plan : convocations et audition des personnes présentes

L’article L. 626-9 dispose que « après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs ainsi que les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le tribunal statue au vu des documents prévus à l’article L. 626-8 (projet de plan), après avoir recueilli l’avis du ministère public ».

Les articles R. 626-17 pour la sauvegarde, et R. 631-9 pour le RJ précisent que le débiteur, les représentants du personnel ou à défaut les salariés élus et les contrôleurs sont convoqués par LRAR. Le ministère public ainsi que l’administrateur et le mandataire judiciaire sont simplement avisés de la date d’audience.

En pratique, le président d’audience organisera les débats, dans l’ordre suivant :

  • L’administrateur, s’il a été désigné, qui relate l’origine des difficultés, les décisions prises pendant la période d’observation, le déroulement de cette même période, l’absence de dette nouvelle et détaille les propositions de règlement du passif, en donnant son avis. En l’absence d’administrateur, c’est au débiteur d’effectuer cette intervention.
  • Le mandataire judiciaire, qui dépose un rapport détaillant les réponses des créanciers et donne son avis.
  • Le débiteur, en présence d’un administrateur qui, si nécessaire, complète les interventions de l’administrateur et du mandataire judiciaire.
  • Les contrôleurs qui donnent leur avis.
  • Le représentant du comité économique et social qui donne son avis.
  • Si le juge-commissaire est présent à l’audience, il procédera à la lecture de son rapport. En son absence, cette tâche incombera au président de l’audience.
  • Le ministère public s’il est présent, donne son avis. En son absence, le président d’audience donnera lecture de l’avis du ministère public.

Il est à noter que, lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d’un débiteur qui emploie un nombre de salariés supérieur à 20 ou qui justifie d’un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 3.000.000 d’euros, les débats doivent avoir lieu en présence du ministère public.

Le président ou les assesseurs, avec l’autorisation du président, peuvent solliciter des participants des éclaircissements sur des points nécessitant des précisions supplémentaires.

Le président d’audience prendra soin de faire noter, par le greffe, un résumé de ces interventions.

Il est à noter qu’aucun participant ne doit s’exprimer après le ministère, sauf si ce dernier l’autorise.

4.3 – Le tribunal peut-il modifier les modalités de paiement proposées aux créanciers ?

4.3.1 – Accord du débiteur au cours de l’audience examinant le projet de plan de continuation d’en améliorer les modalités

Au cours de l’audience examinant le projet de plan de continuation, le débiteur, probablement à la demande du tribunal, peut accepter une modification du plan favorable aux créanciers (délais plus courts, remises moins importantes, etc..).

4.3.2 – Possibilité pour le tribunal d’imposer une réduction des délais et remises

Conformément à l’article L. 626-18 alinéa 1, le tribunal a la faculté de réduire les délais et remises mentionnés dans le projet de plan. Dans ce cas, le débiteur peut interjeter appel et contester la décision.

Le tribunal doit justifier sa décision dans le jugement, en tenant compte, par exemple, du prévisionnel présenté ou de la cession d’un bien.

Bien que le tribunal puisse imposer une réduction des délais et des remises, conformément à l’article L. 626-10 alinéa 3, il ne peut pas imposer aux parties responsables de l’exécution du plan des obligations autres que celles auxquelles elles ont consenti, que ce soit dans le projet de plan ou au cours des débats.

4.4 – La prise en compte dans le jugement arrêtant le plan des réponses fournies par les créanciers aux propositions de plan

Cette rédaction de la partie du jugement nécessite un examen détaillé de l’article L. 626-18, qu’il convient de diviser en paragraphes pour mieux en comprendre la situation précise des deux catégories principales de créanciers à savoir :

  • ceux qui ont accepté de faire des concessions,
  • et ceux qui n’acceptent pas de faire des concessions.

 

« Paragraphe 1

Le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 626-5 et à l’article L. 626-6 (concerne les administrations fiscales et sociales). Ces délais et remises peuvent, le cas échéant, être réduits par le tribunal.

Paragraphe 2

(Concerne les créanciers qui ont accepté la conversion de leur créance en titres. Voir article L. 626-3 et R. 626-1 à R. 626-3 – LE CORRE paragraphe 511-23).

Paragraphe 3

(Concerne les créances, dont les délais de paiement étaient avant l’ouverture de la procédure supérieurs à la durée du plan. Maintien des délais. LE CORRE paragraphe 522-17).

Paragraphe 4

Dans les autres cas, le tribunal impose des délais uniformes de paiement, sous réserve du cinquième alinéa du présent article. Le premier paiement ne peut intervenir au-delà d’un délai d’un an. Le montant de chacune des annuités prévues par le plan, à compter de la troisième, ne peut être inférieur à 5 % de chacune des créances admises, et, à compter de la sixième année, à 10 %, sauf dans le cas d’une exploitation agricole ».

Paragraphe 5

(Concerne les créances dont le principal reste à échoir en totalité au jour du premier paiement prévu par le plan. LE CORRE paragraphe 522-19)

Paragraphe 6

Les délais de paiement imposés en application des quatrième et cinquième alinéas ne peuvent excéder la durée du plan.

Paragraphe 7

(Concerne une situation particulière concernant le crédit-bail. Voir ci-dessous)

4.4.1 – La situation du créancier qui accepte de faire des concessions

Le sort de ces créanciers est traité par le 1ier alinéa de l’article L. 626-18 « le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 626-5 ».

Rappelons que les créanciers qui ne répondent pas dans les 30 jours suivant la réception de la lettre de consultation du mandataire judiciaire sont considérés comme ayant accepté les délais et remises (article L. 626-5 alinéa 2, 2ième phrase).

Il est à noter que l’article L. 626-5, qui concerne les propositions de règlement des dettes, ne limite nullement le délai de paiement des créances à une durée de 10 ans (Cour d’appel de CHAMBERY du 06/07/2012 12/00968).

Cette limitation à 10 ans, comme nous l’examinerons ci-dessous, ne concerne que les créanciers qui ont refusé les propositions de plan, en application des paragraphes 4 et 6 de l’article L. 626-18. 

Comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus, il s’agit de ne pas confondre délais de paiement et durée du plan.

A cet effet d’ailleurs l’article L. 626-27 alinéa 1 précise que « lorsque le commissaire à l’exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d’un mandataire ad hoc de procéder à ce recouvrement ».

4.4.2 – La situation du créancier qui refuse les propositions d’apurement du passif

Le sort de ces créanciers est traité par le 4ième alinéa de l’article L. 626-18 qui précise que « dans les autres cas (c’est-à-dire pour les débiteurs qui refusent les délais et remises), le tribunal impose des délais uniformes de paiement… Le premier paiement ne peut intervenir au-delà d’un délai d’un an. Le montant de chacune des annuités prévues par le plan, à compter de la troisième, ne peut être inférieur à 5 % de chacune des créances admises, et, à compter de la sixième année, à 10 %, sauf dans le cas d’une exploitation agricole ».

En précisant « dans les autres cas », cela signifie que ce paragraphe ne concerne pas les créanciers :

  • qui ont accepté les propositions de règlement de leurs créances (paragraphe 1),
  • qui ont consenti à la conversion de leurs créances en titres (paragraphe 2),
  • qui avaient obtenus avant le début de la procédure, des délais plus longs que la durée du plan (paragraphe 3).

Les limitations imposées par le paragraphe 4 de l’article L. 626-18 ne trouvent donc à s’appliquer qu’aux créanciers qui ont refusé les propositions formulées par le mandataire judiciaire.

Notons également que, pour ces créanciers, le tribunal ne peut imposer aucune remise.

4.5 – Examen de quelques cas particuliers concernant la situation du créancier

4.5.1 – Le cas du créancier qui n’apporte aucune réponse à la consultation, qui ne comporte aucune proposition alternative, dans le délai de 30 jours

Le défaut de réponse, dans le délai de 30 jours de la réception de la consultation du mandataire judiciaire, vaut acceptation des délais et remises (L. 626-5 alinéa 2).

Cette disposition est applicable aux administrations financières et aux organismes de sécurité sociale, sauf en ce qui concerne les remises (L. 626-5 alinéa 2).

Le délai de 30 jours ne commence à courir que si le courrier expédié par le mandataire judiciaire comporte les documents exigés par l’article R. 626-7 (Cour de cassation, chambre commerciale du 14/11/2019, n° 18-20408)

Dans l’hypothèse d’une proposition alternative, le mandataire judiciaire devra spécifier, avec précision, dans son courrier quelle proposition sera retenue, en cas de défaut de réponse.

4.5.2 – Le cas du créancier qui n’apporte aucune réponse à la consultation, qui comporte des propositions alternatives, dans le délai de 30 jours

Si la lettre de consultation ne précise pas à quoi sera tenu le créancier, à défaut de réponse dans les 30 jours, il conviendra de considérer que le défaut de réponse ne vaut pas acceptation. 

4.5.3 – Le cas du créancier qui émet une contre-proposition

Le créancier, qui émet une contre-proposition, refuse la proposition de règlement du passif, puisqu’il n’appartient pas au créancier de formuler des propositions.

4.5.4 – Le cas du créancier non consulté

Il se peut que le créancier ne soit pas connu au jour de la consultation et qu’il n’ait pas adressé sa déclaration de créance à cette date. Le créancier non consulté sera au rang des « autres créanciers » visés par l’article L. 626-18 paragraphe 4.

4.5.5 – Les exceptions à l’imposition de délais et remises (article L. 626-20)

Certaines créances ne peuvent faire l’objet de remises ou de délais qui n’auraient pas été consentis par le créancier :

  • Certaines créances salariales (créances superprivilégiées et simplement privilégiées). Cette impossibilité d’imposer des délais et remises s’applique dans l’hypothèse où l’AGS est subrogée dans les droits des salariés. Mais l’accord d’un moratoire est toujours possible.
  • Les créances garanties par le privilège de conciliation (article L. 611-11).

4.5.6 – Le sort des petites créances (article L. 626-20)

Il s’agit des créances dont le montant est inférieur à 500 euros (article R. 626-34), qui seront payées au moment de l’arrêté du plan, et ce, dans la limite de 5 % du passif estimé.

4.5.7 – Les créances dont les délais de paiement avant l’ouverture de la procédure sont supérieurs à la durée du plan (cas rare).

Pour les créanciers, qui n’ont pas accepté les remises et délais proposés par le mandataire judiciaire et lorsque les délais de paiement stipulés par les parties avant l’ouverture de la procédure sont supérieurs à la durée du plan, le tribunal ordonne le maintien de ces délais (article L. 626-18 alinéa 3).

4.5.8 – Le cas de la créance bancaire constituée par un prêt à plus d’un an

Il s’agit ici de la créance d’un prêt à plus d’un an et dont la déchéance du terme n’a pas été prononcée.

Dans cette hypothèse, la banque doit déclarer :

  • les échéances impayées,
  • les échéances à échoir,
  • et les intérêts calculés au taux conventionnel.

Un prêt n’étant pas un contrat en cours, le débiteur ne peut payer, les échéances du prêt pendant la période d’observation.

Concernant les modalités de remboursement de cette créance particulière, retenons, pour simplifier deux possibilités :

  • le plan reprend l’échéancier initial et concernant les échéances suspendues pendant la période d’observation, le plan peut prévoit soit un paiement en fin d’échéancier, soit un étalement du montant de cette créance sur la durée du plan. A noter que ladite créance comprend également les intérêts échus, sauf si le banquier accepte de ne pas les décompter.
  • Le plan peut prévoir que les créances à échoir seront soumises à l’échéancier du plan. Dans ce cas, la base de calcul des dividendes versés comprendra :
    • les sommes échues et le capital restant dû au jour du jugement,
    • les intérêts au taux contractuel sur cette assiette, sur la période d’observation, prolongée le cas échéant de l’année de carence entre le jugement adoptant le plan et le premier remboursement,
    • les intérêts au taux du contrat sur la durée du plan.

Remarques :

  • Il est donc possible, concernant cette créance, que l’échéancier contractuel soit plus long que l’échéancier du plan ;
  • Si la déchéance du terme est acquise au jour de l’ouverture de la procédure collective, cette créance sera traitée comme les autres, sauf en ce qui concerne le calcul des intérêts.

Il est à noter que la Cour de cassation considère que toutes les créances déclarées à la procédure collective doivent être soumises au plan de continuation de l’entreprise (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/05/2022, n° 19-25796). Il n’en résulte qu’aucune de ces créances ne peut être déclarée hors plan.

4.6 – Montant du passif à retenir

A la lecture des articles L. 626-10 alinéa 1, de l’article L. 626-21 alinéas 1 et 3, et de la jurisprudence, il faut prendre en compte tout le passif déclaré, y compris donc le passif contesté (Cour de cassation, chambre commerciale du 20/03/2019, n° 17-27527). 

Conscient que cette solution pouvait empêcher l’établissement d’un plan, le législateur a introduit un alinéa 2 à l’article L. 626-10 qui dispose que :

« Lorsque les engagements pour le règlement du passif peuvent être établis sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, ils portent sur les créances déclarées admises ou non contestées, ainsi que sur les créances identifiables, notamment celles dont le délai de déclaration n’est pas expiré ».

La rédaction de ce texte suscite certaines difficultés de mise en œuvre, en particulier en ce qui concerne, la notion de « créances identifiables ». On pourrait comprendre qu’il s’agit ici d’un passif vraisemblable, établi notamment à partir des informations comptables, attesté par un professionnel du chiffre.

4.7 – Désignation des personnes tenues d’exécuter le plan

L’article L. 626-10 précise que le plan désigne les personnes tenues d’exécuter le plan et mentionne également les engagements qui ont été souscrits par elles.

4.8 – La possibilité de prononcer l’inaliénabilité de certains biens (article L. 626-14)

Dans le jugement arrêtant le plan ou le modifiant, le tribunal peut décider que les biens qu’il estime indispensables à la continuation de l’entreprise ne pourront être aliénés, pour une durée qu’il fixe, sans son autorisation. La durée de l’inaliénabilité ne peut excéder celle du plan.

L’inaliénabilité est publiée à la diligence du commissaire à l’exécution du plan, qui la fait inscrire aux registres publics sur lesquels les biens déclarés inaliénables sont inscrits et en particulier pour les commerçants sur le « registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes » (article R. 626-25).

Lorsque le tribunal est saisi d’une demande d’autorisation d’aliéner un bien rendu inaliénable, il statue, à peine de nullité, après avoir recueilli l’avis du ministère public.

Tout acte passé en violation des dispositions de l’article L. 626-14 du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans le délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.

4.9 – Le contenu du « par ces motifs » du jugement arrêtant le plan de continuation

Après avoir justifié sa décision dans les « attendu », le jugement décide, au minimum, dans le « par ces motifs » :

  • Les modalités de règlement du passif, au regard des réponses apportées à la consultation (voir paragraphe 5.1 ci-dessous).
  • La nomination l’administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire à l’exécution du plan (L. 626-25).
  • La désignation les personnes tenues d’exécuter le plan.
  • La fixation de la durée du plan.
  • L’inaliénabilité temporaire de certains biens.
  • Le maintien le juge-commissaire en fonction jusqu’à jour où le compte rendu de fin de mission de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, et du commissaire à l’exécution du plan, a été approuvé (R. 621-25).
  • Le maintien du mandataire judiciaire jusqu’à la fin de la procédure de vérification des créances.
  • La fin de la mission de l’administrateur judiciaire (sauf mission particulière).

4.10 – Le régime des licenciements

4.10.1 – Le régime des licenciements en procédure de sauvegarde

Ce sont les règles de droit commun qui s’appliquent à la procédure de licenciement. Il s’agit nécessairement de licenciements pour cause économique.

Si le projet prévoit une cession, le régime des licenciements organisé dans le cadre de la liquidation judiciaire prend le relais (voir article L. 642-5 alinéa 5).

4.10.2 – Le régime des licenciements en procédure de redressement judiciaire

Si des licenciements pour motifs économiques sont envisagés dans le cadre d’un plan de redressement, le tribunal doit en être informé. Le plan doit préciser les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d’un mois de l’arrêté du plan. L’article R. 631-36 précisant que le jugement arrêtant le plan doit préciser le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées.

L’administrateur judiciaire doit procéder aux licenciements, dans le respect de l’obligation de convocation à l’entretien préalable. Puis, l’administrateur notifiera, par lettre recommandée avec avis de réception, leur licenciement aux intéressés, dans le mois du jugement arrêtant le plan (Article L. 631-19 III alinéa 2).

4.11 – La continuation des contrats en cours

Le plan de continuation (de sauvegarde ou de redressement) n’exerce aucune incidence sur la continuation des contrats en cours. Un contrat résilié en période d’observation le restera, inversement, un contrat continué en période d’observation ne sera pas résilié du seul fait de l’arrêté du plan. Le droit commun devra être appliqué.

5 – Le rejet du plan de continuation

5.1 – Concernant le plan de sauvegarde

En cas de rejet d’un plan de sauvegarde, 2 solutions possibles.

5.1.1 – Conversion de la sauvegarde en redressement ou liquidation judiciaire

L’article L. 622-10 alinéa 2 précise qu’à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d’office, le tribunal convertit la procédure en redressement judiciaire, si constatation d’un état de cessation des paiements, ou prononce la liquidation judiciaire, s’il existe en plus l’impossibilité manifeste d’envisager un redressement.

De plus, l’article L. 622-10 alinéa 3 dispose, qu’à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire ou du ministère public, le tribunal décide la conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire si l’adoption d’un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduisait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements.

Dans cette seconde hypothèse, le tribunal statue

  • après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique et avoir recueilli l’avis du ministère public,
  • et en motivant sa décision, en particulier concernant la probabilité de la cessation des paiements à bref délai.

5.1.2 – Clôture de la procédure de sauvegarde

L’article R. 626-22 précise que, si cette probabilité de la cessation de paiement ne peut être constatée, le tribunal se saisit d’office aux fins de clôture de la procédure

Le tribunal statue dans les mêmes conditions qu’un arrêté de plan. Il semble que cette éventualité puisse être formalisée lors de la convocation pour l’arrêté du plan.

5.2 – Concernant le plan de redressement

En redressement judiciaire, la situation est différente, car le tribunal a constaté à l’ouverture de la procédure que le débiteur était en état en cessation des paiements.

Dans un arrêt du 25/06/1991, la Cour de cassation (N° 90-14404) que le tribunal, après avoir écarté le plan proposé, peut prononcer la liquidation judiciaire sans avoir à rechercher si un plan de cession était possible.

6. – Plan de continuation en concurrence avec un plan de cession

En application de l’article L. 631-22, le tribunal ne peut examiner les offres de reprise dans le cadre d’un plan de cession qu’après avoir rejeté, par une décision motivée, le plan de redressement (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/11/2014, n° 13-21.712).

7. – Le plan de continuation comportant la cession d’une ou plusieurs branches d’activité

Comme le précise l’article L. 626-1 alinéa 2, le plan de continuation peut prévoir la cession d’une ou plusieurs activités.

L’alinéa 4 précise que, dans ce cas, il est fait application des dispositions qui gouvernent la cession d’entreprise dans la liquidation judiciaire, le mandataire exerçant les missions incombant normalement au liquidateur.

L’article L. 626-23 dispose que le prix versé au titre de la cession partielle est remis au débiteur, sauf si le bien est grevé d’une sûreté réelle spéciale ou d’une hypothèque

8. – La reprise interne

Dans l’hypothèse d’un débiteur personne morale, des changements internes à sa personne (changement d’associés ou d’actionnaires, de dirigeants…) sont possibles.

Le plan peut alors consister en une reprise interne de l’entité débitrice par un tiers qui en acquiert le contrôle et prend l’engagement d’en assurer le sauvetage.

Si les associés et dirigeants ne sont plus les mêmes, pour le tribunal l’entité juridique n’est pas modifiée, le débiteur reste toujours la personne morale.

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