Article L. 332-1 du Code de la consommation.
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
En application de la réforme instituée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15/09/2021, cet article n’est applicable qu’aux cautionnements signés avant le 01/01/2022.
A compter des contrats signés le 01/01/2022, il conviendra de faire application de l’article 2300 du Code civil, que nous examinerons dans le titre 2.
L’article L. 332-1 d’une part, n’oblige pas le créancier professionnel à vérifier que la caution dispose d’une solvabilité suffisante et d’autre part n’impose pas la proportionnalité comme une condition de validité du cautionnement.
Il fait simplement, supporter au créancier professionnel le risque d’avoir accepté de la part de la caution un engagement disproportionné au jour de la signature de l’acte, à la condition que cette disproportion qui a existé lors de la souscription se confirme au jour de l’échéance ou de la demande en paiement de la part du créancier.
Cette disproportion doit donc être vérifiée à deux moments différents :
Puisque la proportionnalité au jour de l’engagement de la caution n’étant pas une condition de validité du cautionnement, la sanction ne peut donc être la nullité.
De même, si la sanction de la disproportion n’est pas la nullité de l’acte, elle n’est pas davantage une résolution, puisque le texte n’impose aucune obligation au créancier au jour de l’engagement de l’acte et que de plus, le contrat de cautionnement est unilatéral.
La disproportion doit donc être considérée comme une déchéance, à savoir la sanction d’un comportement fautif du créancier.
Toutefois, cette sanction n’a pas pour objectif la réparation d’un préjudice, mais la décharge totale de la caution comme le précise l’article L. 332-1 en indiquant « ne peut se prévaloir ».
L’article L. 332-1 précise que la disproportion peut être invoquée par toute personne physique qui s’est portée caution envers un créancier professionnel, quelle que soit la nature de l’obligation principale garantie.
Aucune distinction n’est faite entre cautions averties ou non averties (Cour de cassation, chambre commerciale du 10/07/2012, n° 11-16355 et chambre civile du 30/10/2013, n° 12-14982).
La mesure protectrice que constitue la sanction de la disproportion de l’engagement de la caution est d’ordre public et ne peut faire l’objet d’une renonciation anticipée. Est donc nulle la clause de l’acte de cautionnement aux termes de laquelle la caution reconnaît que son engagement n’est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Contrairement à d’autres dispositions voisines, telle que celle relative à l’exigence de mentions manuscrites particulières, qui ne s’applique qu’aux actes sous signature privée, l’article L. 332-1 du Code de la consommation est muet à cet égard.
En l’absence de distinction, la disproportion s’applique donc au cautionnement passé par acte authentique. De plus, l’article 1317-1 du Code civil ne dispense les actes authentiques que des mentions manuscrites.
Rien ne justifie que la sous-caution soit exclue du bénéfice de l’article L. 332-1. (voir l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 07/07/2016, n° 14/05361).
Il en résulte donc que si la caution est une personne physique et le bénéficiaire du cautionnement un créancier professionnel, l’article L. 332-1 doit s’appliquer.
La question est ici la suivante : un même prêt est cautionné par plusieurs cofidéjusseurs dont l’un remplit les conditions pour bénéficier du principe de proportionnalité et donc pour être déchargé en totalité de sa dette. Le créancier poursuit donc l’autre cofidéjusseur solvable. Ce dernier, invoquant l’article 2310 du Code civil, tente alors d’exercer un recours contre l’autre cofidéjusseur. Ce dernier peut-il alors lui opposer la disproportion de son engagement et faire ainsi échec à la poursuite ?
Dans un arrêt de la chambre civile du 26/09/2018 (n° 17-17903), la Cour de cassation précise :
« Vu l’article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, ensemble les articles 2305 et 2010 du code civil ;
Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d’effet à l’égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ».
Il en résulte donc, que le cofidéjusseur poursuivi par la caution qui a acquitté la dette, pourra invoquer la disproportion de son cautionnement signé avec le créancier du débiteur principal, afin d’être déchargé de son engagement.
Afin d’examiner les conséquences de cette situation, prenons un exemple : A, B et C ont chacun signé un engagement de caution solidaire pour un montant de 120.000 euros destiné à couvrir un prêt accordé par la banque Y à X, d’un montant de 100.000 euros.
Faisant suite à la liquidation judiciaire de X, la banque Y poursuit A en paiement, pour la totalité de la somme due, à savoir 90.000 euros.
A assigne B en justice afin de récupérer la part de la dette lui étant imputable, à savoir 1/3 soit 30.000 euros. B justifie que son engagement de caution était disproportionné au jour de son engagement au bénéfice de la banque Y (nous supposons qu’au jour de sa mise en cause B ne disposait pas d’un patrimoine pouvant faire face au paiement de la dette), dans ce cas A ne peut exercer de recours personnel contre la caution déchargée en raison de la disproportion.
A et C devront donc se répartir la charge de la dette, à savoir 45.000 euros chacun.
De plus, A ne peut demander au tribunal de faire application de l’article 2314 du Code civil à l’encontre de la banque Y, en invoquant la perte d’un droit ou d’un avantage préférentiel (Cour de cassation, chambre mixte du 27/02/2015, n° 13-13709 voir également LEXIS 360 La semaine juridique entreprise et affaires n° 26 du 25/06/2015).
Dans un arrêt de la chambre commerciale du 30/10/2012 (n° 11-23519), la Cour de cassation a précisé que « l’aval, en ce qu’il garantit le paiement d’un titre dont la régularité n’est pas contestée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l’avaliste n’est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ni pour violation de l’article L. 341-4 du Code de la consommation (aujourd’hui article L. 332-14) ».
Il en résulte que l’aval porté sur un billet à ordre irrégulier peut constituer un cautionnement et qu’en conséquence le droit du cautionnement trouve à s’appliquer dans toutes ses dispositions, notamment celles concernant la disproportion (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/06/2012, n° 11-19627).
L’article L. 312-1 précise que sont concernés par la disproportion « les créanciers professionnels ».
Cette catégorie comprend évidemment les établissements de crédit, dont il convient d’y inclure les sociétés de caution mutuelle, ainsi que les sociétés d’assurance agréées pour l’activité de cautionnement.
Mais la Cour de cassation donne une définition plus large du créancier professionnel en précisant qu’il s’agit de celui « dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si elle n’est pas principale » et ceci même pour une aide isolée et exceptionnelle.
Ont été considérés comme créanciers professionnels :
La mesure de la disproportion doit être prise à deux moments différents, puisqu’il faut que l’engagement ait été manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution au moment où il a été pris et que le patrimoine de la caution ne lui permette toujours pas de faire face à son engagement au moment où elle est appelée.
Pour l’appréciation du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution au jour où il est souscrit, doivent être pris en compte non seulement les revenus de la caution, mais aussi tous autres biens formant son patrimoine, notamment ses immeubles. L’un et l’autre texte se réfèrent expressément à la disproportion par rapport aux « biens et revenus » de la caution.
Dès lors que le patrimoine de la caution couvre le montant de ses engagements, ceux-ci sont jugés non disproportionnés.
Tous les biens formant le patrimoine de la caution doivent être pris en compte, y compris le logement de la famille.
Doivent aussi être pris en compte les parts sociales ou actions détenues par la caution dans la société débitrice et son compte courant d’associé.
La Cour de cassation s’est clairement prononcée pour la prise en compte du logement principal, en précisant que l’insaisissabilité d’un bien ne modifiant pas la consistance du patrimoine de la caution pouvant être pris en compte, l’insaisissabilité était donc sans influence sur l’appréciation de la proportionnalité du cautionnement (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/01/2017, n° 15-12723).
Après quelques hésitations la chambre civile et commerciale de la Cour de cassation sont aujourd’hui d’accord sur la non-prise en compte pour l’appréciation de la disproportion d’un cautionnement du succès de l’opération garantie (Cour de cassation, chambre commerciale du 22/09/2015, n° 14-22913 et Cour de cassation, chambre civile du 14/10/2015, n° 14-22087).
Doit donc être pris en compte pour l’appréciation de la proportionnalité du cautionnement les revenus que percevait déjà antérieurement la caution de la société cautionnée et qu’elle a vocation à continuer à percevoir, y compris ceux de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/09/2018, n° 16-25185).
La disproportion doit être appréciée, au regard de l’engagement de chacune des cautions. S’agissant des cautions solidaires la disproportion se calcule donc sur la totalité de la dette.
Dans un arrêt du 02/02/2022, la chambre civile 1 de la Cour de cassation (n° 20-22938) prend position concernant le cas de deux époux mariés sous le régime de la communauté qui se portent cautions d’une même créance en donnant leur accord exprès au consentement de l’autre. Dans ce cas l’assiette de la disproportion s’apprécie sur la somme des deux engagements.
Si le cautionnement a été souscrit par les deux époux, dans un même acte, la Cour de cassation estime que la proportionnalité doit s’apprécier non pas individuellement, mais au regard du patrimoine du ménage. De plus, la Cour de cassation estime que l’article 1415 du Code civil n’a pas vocation à s’appliquer dans cette situation (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/02/2013, n° 11-18644).
Si l’ensemble du patrimoine des deux époux, biens communs et biens propres, se trouve certes engagé par le double cautionnement, il reste que, si un seul est poursuivi, seuls ses biens propres et les biens communs, ainsi que son passif, devraient être pris en considération.
Si un seul des époux communs en biens s’est obligé comme caution avec un simple accord de son conjoint qui n’est pas caution, il résulte de l’article 1415 que le gage du créancier s’étend aux biens communs, qui doivent donc logiquement être pris en compte, outre les biens propres de l’époux caution, pour l’appréciation de la proportionnalité de son engagement.
Dans un arrêt du 22/02/2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 15-14915) inclus dans cette hypothèse les salaires de l’époux non tenu en qualité de caution.
La Cour de cassation a finalement jugé que l’article 1415 est sans incidence à cet égard et que les biens communs doivent être pris en compte, outre les biens propres et les revenus de l’époux caution, pour l’appréciation de la proportionnalité de son engagement, quand bien même ces biens échappent au droit de poursuite du créancier (Cour de cassation, chambre commerciale du 06/06/2018, n° 16-26182).
Si l’un des époux, séparé de biens, s’est porté caution, la proportionnalité de son engagement sera appréciée au regard de son seul patrimoine personnel, comprenant, le cas échéant, la moitié des biens indivis, puisque le créancier est en droit, le cas échéant, d’en demander le partage (Cour de cassation, chambre commerciale du 24/05/2018, n° 16-23036) (Cour de cassation, chambre civile 1 du 19/01/2021, n° 20-20467).
Corrélativement, si les deux époux séparés de biens se sont portés caution de la même dette, la proportionnalité doit aussi s’apprécier séparément pour chacun d’eux.
Ces solutions trouvent également à s’appliquer dans le régime de la participation aux acquêts, au PACS et au concubinage.
Pour apprécier la disproportion d’un engagement, la jurisprudence tient très compte de l’ensemble des obligations ou engagements incombant au débiteur au jour du cautionnement contesté, pour autant qu’ils aient été portés à la connaissance du créancier : charges de famille, crédits en cours, cautionnements précédemment souscrits.
Il en résulte que si la caution a rempli une fiche de renseignements au moyen d’un document signé, il ne pourra par la suite produire une charge qui ne serait pas mentionnée sur ladite fiche, pour invoquer une éventuelle disproportion. Nous examinerons en détail cette situation dans le paragraphe traitant de la charge de la preuve.
A contrario, en l’absence de demande d’information de la part du créancier sur la situation patrimoniale de la caution, celle-ci pourra prendre en compte tout le passif et les charges, pour les déduire des revenus et du patrimoine.
Doivent en particulier être pris en compte les autres cautionnements souscrits avant la date de celui qui est prétendument disproportionné, mais non ceux postérieurs.
Il se peut, par conséquent, que l’engagement litigieux n’apparaisse pas disproportionné, mais qu’un autre, pris ultérieurement le soit.
A noter, que doit être exclu du décompte un cautionnement antérieur s’il a été dans l’intervalle, rétroactivement annulé (Cour de cassation, chambre commerciale du 21/11/2018, n° 16-25128)., mais non si un engagement antérieur a été précédemment déclaré disproportionné (Cour de cassation, chambre commerciale du 29/09/2015, n° 13-24568).
Il appartient à la caution qui oppose au créancier le caractère disproportionné de son engagement, au jour de la signature de l’acte, de le prouver.
Il en résulte que la carence de la caution, qui ne fournit aucun justificatif de sa situation dispense le créancier professionnel d’avoir à faire la preuve que la caution est en mesure de faire face à ses obligations.
Il convient de rappeler qu’aucune disposition légale n’impose à l’établissement créancier l’obligation de faire remplir une fiche de renseignement et qu’en son absence la disproportion de l’engagement peut être prouvée par tous moyens.
Si le créancier a certes le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de la caution qui lui est présentée, il est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies, qu’il n’est pas tenu de vérifier, en l’absence d’anomalies apparentes. Ainsi, si la caution a fourni des renseignements au moyen d’un document qu’elle a signé, même si elle ne l’a pas elle-même établi, et si lesdites informations s’avèrent inexactes, le créancier a pu légitimement se fier aux informations données, qu’il n’est pas tenu de vérifier, et considérer que le cautionnement n’était pas disproportionné (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/07/2018, n° 17-13128 – Cour de cassation, chambre commerciale du 24/03/2021, n° 19-21254) .
Ainsi, si la caution a surévalué certains biens, elle doit en assumer les conséquences, à moins que cette surévaluation soit constitutive d’une anomalie apparente (une banque avait accordé 2 prêts pour l’acquisition d’un bien et elle ne pouvait pas ignorer que sa valeur avait été surévaluée – Cour d’appel de Grenoble du 22/01/2019 n° 17/00817).
N’est pas apparente, la simple mention de la valeur d’un actif sans précision sur sa consistance (Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 13/06/2019, n° 18/13128).
A été jugée constitutive d’une anomalie apparente une fiche de renseignements manifestement incomplète, ne mentionnant ni les revenus de la caution et de son conjoint, ni un autre engagement de caution souscrit au profit du même créancier (Cour d’appel de Versailles du 12/03/2019, n° 17/07881).
Si le créancier soutient que les informations fournies par la caution sont incomplètes et ne donnent pas une image exacte de la situation patrimoniale de la caution, c’est à lui qu’il appartient d’en apporter la preuve.
En l’absence de demande d’information de la part de la banque sur la situation patrimoniale de la caution, celle-ci aura toujours la charge de la preuve que sa situation financière au jour de la signature de l’acte de cautionnement était manifestement disproportionnée, au regard de son engagement de caution.
Il convient de rappeler qu’aucun texte n’oblige le créancier à s’enquérir de la situation financière de la caution au jour de la signature de l’acte, celui-ci prenant alors le risque de se voir opposer ultérieurement l’application de l’article L. 332-1 (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/09/2017, n° 15-20294).
Rappelons également que si le créancier conteste les renseignements produits par la caution sur sa situation financière au jour de la signature de l’acte de cautionnement, il lui appartient d’apporter la preuve de ses dires.
Comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 28/02/2018 (n° 16-24841, en matière de patrimoine pour qu’un cautionnement soit reconnu disproportionné il suffit que la caution dispose d’un patrimoine lui permettant d’honorer son engagement, peu importe ce qui lui reste ensuite. En d’autres termes, la seule exigence c’est que le cautionnement n’excède pas la valeur du patrimoine de la caution, quand bien même il l’absorberait en grande partie.
En matière de revenu la notion de disproportion est plus difficile à définir : à partir de quel seuil le montant du revenu doit-il être considéré comme disproportionné ?
En premier lieu il convient de rappeler que la caution n’est pas un emprunteur et, qu’en conséquence, contrôler la disproportion ce n’est pas calculer un taux d’endettement.
Il en résulte, que ne peut être retenue comme disproportionné une charge mensuelle de remboursement de la dette envers le créancier d’un pourcentage supérieur à 33 % des revenus mensuels de la caution, usage bancaire en matière de taux d’endettement des particuliers.
Récemment la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 9 Octobre 2019, n°18-16798, que la disproportion du cautionnement s’apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face à son propre engagement, avec ses biens et revenus, et non à l’obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci.
Cela signifie qu’en principe il convient de déduire l’actif du montant de l’engagement, puis de vérifier si, au regard de la capacité de remboursement, le reliquat est remboursable.
Si l’on suit le raisonnement de la Cour de cassation, la durée maximum de remboursement de ce reliquat doit être de deux années. En effet, en cas de poursuite une juridiction ne peut accorder un délai au-delà de deux ans.
Si par exemple un prêt de 100.000 € sur 15 ans est cautionné, avec des mensualités de 620 € par mois.
La caution gagne 1.500 € par mois, et a un patrimoine de 20.000 €. Cela signifie qu’au moment de l’engagement la caution doit rembourser 80.000 €
L’acte de cautionnement est manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution, dans la mesure où le reliquat ne peut être remboursé sur deux années, la caution ne disposant que d’un revenu total de 36.000 euros..
Quelle serait la situation de la caution si elle disposait d’un revenu mensuel de 5.000 euros. Dans cette hypothèse elle doit rembourser sur 2 ans, une mensualité d’environ 3.333,33 euros (80.000/24), pour un revenu mensuel de 5.000 euros. Il serait alors possible, dans ces conditions, de considérer que le cautionnement n’est pas manifestement disproportionné, à la condition que le reliquat, soit 1.700,00 mensuel, permette de faire face aux dépenses normales du foyer (loyer, remboursement d’autres crédits à la consommation, nourriture ….).
Dans cette hypothèse le taux d’endettement de 33 % ne pourrait être retenu comme justificatif d’une disproportion.
Ce mode de calcul, qui semble être imposé par la Cour de cassation, n’est pas toujours le raisonnement suivi par les juridictions du fond. Celles-ci prennent effectivement en compte le reliquat, et raisonnent à partir de la durée du crédit.
Ainsi dans le premier cas, l’engagement de la caution serait égal à 80.000 euros remboursables en 15 ans, pour une mensualité de 620 euros. Par ce mode de calcul, le tribunal pourrait considérer que l’engagement n’est pas manifestement disproportionné.
Le caractère disproportionné de l’engagement de la caution doit être apprécié à deux moments distincts : il ne suffit pas que son montant soit manifestement supérieur à ses revenus et à son patrimoine à la date où elle l’a souscrit ; il faut encore qu’elle demeure dans l’incapacité d’y faire face à la date où l’exécution en est requise par le créancier.
Comme le précise l’article L. 332-1 la caution est déchargée « à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Elle n’est pas déchargée, en d’autres termes, si, dans l’intervalle, elle est revenue à meilleure fortune. C’est en cela que l’exigence de proportionnalité se distingue d’une condition de validité du cautionnement et que la sanction ne peut en être la nullité.
Aucune protection particulière de la caution n’est prévue dans l’hypothèse inverse, dans laquelle elle a souscrit un cautionnement non disproportionné, mais se trouve dans l’incapacité d’y faire face au moment où elle est appelée.
Le retour à meilleure peut s’analyser soit par une augmentation du patrimoine de la caution au regard des revenus postérieurs plus importants, soit par une diminution des engagements au regard du remboursement partiel des dettes garanties.
Il s’agit ici d’analyser avec précision la possibilité pour la caution de faire face à ses obligations. L’expression « manifestement » n’a donc plus sa place.
En ne mentionnant que la notion de « patrimoine », le législateur a donc exclu de prendre en compte les revenus.
Il est résulte donc que la notion de retour à meilleure fortune doit s’analyser comme la possibilité pour la caution de faire au jour où elle est appelée, à faire face à ses obligations, par comparaison entre la valeur nette de son patrimoine et le montant de ses engagements.
Dans un arrêt du 17/10/2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 17-21857 a jugé que « la capacité de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée s’apprécie en considération de son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution ».
Dans un arrêt du 30/01/2019 (n° 17-31011), la chambre commerciale de la Cour de cassation précise « que la capacité de faire face à son engagement au moment où elle est appelée s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments d’actif et de passif composant son patrimoine et ne peut résulter de la seule existence de liquidités d’un montant supérieur à la somme due au titre de cet engagement ».
S’agissant de la date à laquelle l’aptitude de la caution à faire face à son engagement doit être appréciée, un arrêt précise qu’il s’agit de celle de son assignation et non de celle du jugement (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/07/2019, n° 17-31346).
Il est cependant fait exception à cette règle au cas de plan de sauvegarde, la date retenue étant alors celle où le plan a cessé d’être exécuté (Cour de cassation, chambre commerciale du 01/03/2016, n° 14-16402).
C’est au créancier qu’il appartient, s’il prétend au moment où il appelle la caution échapper à la sanction, de prouver que son patrimoine lui permet de faire face à son engagement (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/04/2024, n° 22-21880).
Dans cet arrêt la Cour de cassation précise que :
» Vu les articles 1353 du code civil, L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, ces derniers dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 :
Aux termes des deux derniers textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Selon le premier, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Il résulte de la combinaison de ces textes qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
Pour rejeter la demande de la caution au titre de la disproportion et la condamner à paiement, l’arrêt retient encore, par motifs adoptés, que M. [O] [E] ne démontre pas qu’il dispose, à présent, des moyens de faire face aux engagements qu’il a pris au titre de son cautionnement solidaire du 11 avril 2017.
En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés « .
Si le cautionnement est jugé disproportionné – ce qui suppose qu’il l’ait été au jour de l’engagement et que son patrimoine, au moment où elle est appelée, ne lui permette toujours pas de faire face à son obligation – le créancier « ne peut se prévaloir » du cautionnement. La caution est donc purement et simplement déchargée. La disproportion n’autorise aucune décharge partielle, a jugé la haute juridiction, censurant un arrêt ayant considéré que l’engagement d’une caution était « manifestement disproportionné dans une certaine mesure » et ayant condamné la caution à payer une certaine somme (Cour de cassation, commerciale du 28/03/2018, n° 16-25651).
Il en résulte que s’agissant d’une décharge et non une nullité de l’acte de cautionnement, la caution peut invoquer la disproportion même dans l’hypothèse d’une reconnaissance de dette.
La première conséquence réside dans l’opposabilité de la libération pour cause de disproportion de l’engagement aux cofidéjusseurs agissant, après paiement, en contribution à la dette. La libération pour cause de disproportion ne peut être assimilée à une remise de dette libérant partiellement lesdits cofidéjusseurs, mais doit l’être à une insolvabilité, que doivent assumer les autres garants solidaires.
Une seconde conséquence, subsidiaire, consiste dans le refus de mise en œuvre par la caution solvens du bénéfice de cession d’actions pour perte de son recours contre le cofidéjusseur déchargé. « La sanction prévue à l’article L. 341-4 du Code de la consommation, décide la haute juridiction, prive le contrat de cautionnement d’effet à l’égard tant du créancier que des cofidéjusseurs ».
Article 2300 du Code civil applicable à compter du 01/01/2022
« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date ».
Il suffit donc désormais qu’un cautionnement souscrit par une personne physique au profit d’un professionnel soit manifestement disproportionné au jour de sa souscription pour que la sanction soit encourue. Le créancier ne peut plus y échapper en établissant que la caution est « en mesure d’y faire face au moment où elle est appelée ».
Si l’article 2300 du Code civil dispose que la sanction de la disproportion consiste dans la réduction des capacités financières de la caution, il précise que celles-ci doivent être examinées au jour de l’engagement et non au jour des poursuites. Il s’agit donc de réduire l’engagement, non à ce qui peut être payé par la caution poursuivie, mais au moment auquel les parties auraient dû plafonner le cautionnement.
Le juge aura à compter des actes signés le 01/01/2022, la lourde tâche, en cas de disproportion, de fixer le montant de l’engagement auquel la caution aurait pu s’engager au jour de la signature de l’acte.
Dans une première analyse, le juge devra au préalable déterminer si le cautionnement est manifestement disproportionné au regard des revenus et du patrimoine de la caution et ce suivant les mêmes critères que ceux fixés par la jurisprudence, en application de l’article L. 332-1 du Code de la consommation (biens insaisissables, biens de la communauté…).
Une fois, la disproportion admise, le juge devra déterminer le montant pour lequel la caution aurait pu s’engager au jour de la signature de l’acte.
Il s’agit ici d’un exercice difficile, car si l’on peut admettre qu’une caution disposant d’un bien d’une valeur de 100.000 euros peut s’engager à hauteur de ce montant, quelle fraction du revenu mensuel faut-il affecter au paiement de son engagement et sur quelle période (24 mois comme semble le suggérer la Cour de cassation !).
De plus, si comme le précise la jurisprudence si un bien insaisissable doit être pris en compte dans le patrimoine de la caution pour déterminer l’existence d’une disproportion, il semble impossible d’en tenir compte pour fixer le montant auquel la caution pouvait s’engager.
Les problèmes sont multiples, il conviendra d’examiner avec attention les prochaines décisions des juges de première instance.
La caution ne peut opposer au créancier le caractère manifestement disproportionné de son engagement sur le fondement des articles L. 332-1 nouveau que dans l’hypothèse où il est assigné en exécution de son engagement, puisque cette disproportion doit être appréciée non seulement à la date de son engagement, mais aussi à celle où le créancier agit contre elle.
La caution ne peut donc prendre les devants pour faire constater l’inefficacité de son engagement.
Se pose alors la question de savoir si l’exception de disproportion , comme l’exception de nullité, est imprescriptible.
La Cour de cassation a, de fait, jugé que la demande fondée sur le défaut de proportionnalité de l’engagement est une défense au fond et non une demande nouvelle et qu’elle ne peut se voir opposer une prescription (Cour de cassation, chambre commerciale du 21/10/2018, n° 17-11420).