juge-commissaire 4

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Jean-Claude LEMALLE

Examen par le juge-commissaire des créances contestées

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1. – Les textes applicables

Article L. 624-2 du Code de commerce (à jour au 30/04/2022) :

« Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »

Article R. 624-5 du Code de commerce (à jour au 30/04/2022) :

« Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Les tiers intéressés ne peuvent former tierce opposition contre la décision rendue par la juridiction compétente que dans le délai d’un mois à compter de sa transcription sur l’état des créances. »

A noter que l’article L. 622-22 alinéa 2, impose au débiteur, partie à l’instance, d’informer le créancier poursuivant de l’ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci. Si le débiteur manque sciemment à cette obligation, le tribunal pourra prononcer à l’encontre du débiteur personne physique  ou du dirigeant une d’interdiction de gérer (article L. 653-8 alinéa 2).

2. – La compétence exclusive du juge-commissaire en matière d’admission ou de rejet de la créance : des exceptions 

En application de l’article L. 624-2, le sort de la créance déclarée, semble donc relever de la compétence exclusive du juge-commissaire, désigné par le tribunal qui a ouvert la procédure collective (article L. 624-2). Ainsi :

  • les dispositions de l’article R. 621-21 du Code de commerce, qui permettent à la personne de saisir directement le tribunal, lorsque le juge-commissaire n’a pas statué dans un délai raisonnable, ne s’applique pas à la procédure de vérification des créances qui échappe à la compétence du tribunal (Cour de cassation chambre commerciale du 19/03/2002 n° 00-11219).
  • l’article R. 662-3-1 dispose que « les dispositions de l’article 47 du code de procédure civile ne sont pas applicables aux litiges qui relèvent de la compétence du seul juge-commissaire » (il s’agit ici d’un magistrat ou d’un auxiliaire de justice partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle il exerce ses fonctions).

Toutefois, nous constaterons, ci-après, que d’une part cette compétente exclusive disparait en cas de constatation d’une instance en cours, et que d’autre part, en cas d’incompétence un désaccord existe entre la jurisprudence et la doctrine

Rappelons qu’en cas de contestation sérieuse, admise par le juge-commissaire, le juge de fond a seulement compétence par trancher le litige, et non de fixer la créance à la procédure collective.

3. – Les décisions possibles du juge-commissaire 

3.1 – Quelles décisions peut prendre le juge-commissaire en matière de contestation de créance, au regard de l’article L. 624-2 ?

Il résulte de l’article L.624-2 que la procédure de vérification et d’admission, par le juge-commissaire, des créances antérieures à l’ouverture de la procédure collective, ne tend qu’à la détermination de l’existence de la créance, de son montant et de sa nature. Le juge-commissaire ne dispose donc pas du pouvoir juridictionnel de trancher un litige concernant l’exécution d’un contrat.

Le juge-commissaire ne peut donc  prendre que les décisions suivantes :

  • Il admet (totalement ou partiellement) ou rejette la créance à la condition :
    • qu’elle soit régulière,
    • en l’absence d’instance en cours,
    • s’il est compétent,
    • et en l’absence de contestation sérieuse.
  • Il déclare irrecevable la déclaration de créance (problème de régularité.)
  • Il constate qu’une instance est en cours.
  • Il se déclare incompétent pour statuer sur la contestation.
  • Il constate l’existence d’une contestation sérieuse et qu’en conséquence ce litige dépasse son pouvoir juridictionnel (présence de contestation sérieuse).

Aucun texte ne l’écartant, la juge commissaire peut toujours surseoir à statuer, dans l’attente d’un évènement qui lui permettra d’être suffisamment informé. C’est le cas :

  • pour une créance « conditionnelle » suspendue à la survenue d’un fait incertain,
  • si la créance déclarée fait l’objet d’une demande de relevé de forclusion non encore définitivement jugé,
  • si la créance est dépendante de l’issue d’une action en nullité de la période suspecte .

3.2 – Quelles questions doit se poser le juge-commissaire avant d’admettre ou de rejeter une créance déclarée ?

Il en résulte qu’avant de pouvoir prendre la décision d’admettre totalement ou partiellement la créance ou de la rejeter, le juge-commissaire doit se poser une série de questions qu’il convient de  schématiser ainsi (raisonnement emprunté au professeur Pierre-Michel LE CORRE)  :

Question 1 : existe-t-il une instance en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective 

Si la réponse est oui : se reporter à l’hypothèse 1 « Constat par le juge-commissaire de l’existence d’une instance en cours«  .

Si la réponse est non : le juge-commissaire passe à la question n° 2.

Question 2 : est-ce que la contestation en débat porte sur la régularité de la déclaration de créance (délai, pouvoir, qualité, demande d’admission définitive pour les créances fiscales ou sociales…) ?

  Si la réponse est oui : se reporter à l’hypothèse 2 « La contestation porte sur la régularité de la déclaration de créance« 

Si la réponse est non : le juge-commissaire passe à la question n° 3.

Question 3 : est-ce que la contestation relève de la compétence matérielle d’une autre juridiction ou de la compétence de la juridiction dans laquelle siège le juge-commissaire ?

Si la contestation relève de la compétence matérielle d’une autre autre juridiction, se reporter à l’hypothèse 3 « L’incompétence du juge-commissaire « .

Si la contestation relève de la compétence de la juridiction dans laquelle siège le juge-commissaire : se reporter à l’hypothèse 4  » L’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire « .

Examinons l’ensemble de ces hypothèses.

4. – Hypothèse 1 : Constat par le juge-commissaire de l’existence d’une instance en cours

C’est la première question que le juge-commissaire doit se poser, avant même d’examiner la recevabilité de la déclaration de créance. Car, en cas de constatation d’une instance en cours, le juge-commissaire étant totalement dessaisi, c’est le tribunal saisi, avant l’ouverture de la procédure collective, qui examinera la recevabilité de la déclaration de créance et ce, au regard de ladite déclaration que le créancier est dans l’obligation de produire, pour que l’audience reprenne (article R. 622-20). 

Il appartient, au mandataire judiciaire ou au liquidateur, lorsqu’il remet la liste des créances déclarées, de proposer au juge-commissaire de constater l’existence d’une instance en cours (article L. 624-1 et L. 624-2).

Le juge-commissaire qui a connaissance d’une instance en cours au jour de l’audience de l’examen de la contestation de créance, devra également constater ladite instance et sera donc totalement dessaisi du pouvoir de fixer la créance.  

A noter, qu’en application de l’article R. 622-23 (3°), le créancier dans sa déclaration de créance doit mentionner l’existence d’une instance en cours, avec indication de la juridiction saisie.

4.1 – Conditions à remplir pour qu’une instance soit considérée comme étant en cours.

L’instance doit être en cours au jour du jugement d’ouverture (voir 4.1.1), contre le débiteur (voir 4.1.2), devant une juridiction de fond ( voir 4.1.3), et doit tendre à la condamnation du débiteur au paiement ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance antérieure (voir 4.1.4).

4.1.1 – Instance introduite avant l’ouverture de la procédure collective

L’instance en cours suppose que la juridiction soit saisie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation, au plus tard la veille de l’ouverture de la procédure collective (application de l’article 857 du Code de procédure civile).

Si l’assignation est remise au greffe le jour de l’ouverture de la procédure collective, il ne s’agit pas d’une instance en cours. Dans cette hypothèse, le tribunal saisi au fond, ne peut pas fixer la créance, il doit déclarer la demande irrecevable, seul le juge-commissaire ayant qualité pour statuer sur l’admission de la créance.

Est en cours, l’affaire ayant fait l’objet d’une radiation, avant l’ouverture de la procédure collective, la radiation ne faisant pas obstacle au rétablissement de l’affaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/04/2015, n° 14-10172).

Ainsi une opposition à injonction de payer, constitue une procédure en cours que si l’opposition est antérieure au jugement d’ouverture.

La décision arrêtant un plan ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles, de sorte qu’une instance constatée par le juge-commissaire doit se poursuivre dans les conditions prescrites, le tribunal devant se borner à fixer le montant de la créance sans pouvoir condamner le débiteur à payer (Cour de cassation, chambre commerciale du 07/09/2022, n° 20-20404

Un recours en cassation ne constitue pas une instance en cours.

Une instance n’est plus en cours, lorsque le créancier s’est désisté, et cela même si le jugement d’ouverture est antérieur au désistement.

De même, n’est plus en cours une instance dont les débats ont eu lieu avant le jugement d’ouverture. 

4.1.2 – Instance contre le débiteur

Le régime des instances en cours ne s’applique pas aux créances dont le débiteur est bénéficiaire.

Le débiteur doit avoir la situation procédurale de défendeur. Ainsi, il y a instance en cours en présence d’une demande reconventionnelle formée contre le débiteur (demande faite avant l’ouverture de la procédure collective, ce qui semble impossible en procédure orale).

Il y a également instance en cours, en cas d’appel en garantie du débiteur, avant le jugement d’ouverture de la procédure.

4.1.3 – Instance devant une juridiction de fond

L’instance en cours doit se dérouler devant une juridiction au fond (la nature de la juridiction importe peu, la juridiction arbitrale est compétente à la condition que le tribunal arbitral ait été définitivement constitué au jour de l’ouverture de la procédure) et non par exemple devant le juge des référés (Cour de cassation, chambre commerciale du 19/09/2018, n° 17-13210) ou devant le tribunal judiciaire pour une instance de saisie immobilière.

En cas d’instance en cours devant le juge des référés celui-ci doit déclarer la demande irrecevable, la créance ne pouvant être contestée que devant le juge-commissaire, en l’absence d’instance en cours au fond.

Dans l’hypothèse de l’ouverture d’une première procédure collective puis d’une seconde, après résolution du plan, la procédure de contestation de créance concernant la première procédure, toujours en cours au jour de l’ouverture de la deuxième procédure, n’est pas une instance en cours.

L’article L. 626-27 du Code de commerce dispensant le créancier qui a déclaré régulièrement sa créance au passif de la première procédure, d’avoir à la déclarer au passif de la seconde, alors même qu’elle ne serait pas encore admise, la procédure de contestation dans la première procédure doit être déclarée caduque. A noter, qu’ne nouvelle contestation, concernant la créance déclarée à la deuxième procédure peut être soulevée. 

4.1.4 – L’instance qui doit tendre à la condamnation du débiteur au paiement ou à la résolution du plan pour défaut de paiement d’une créance antérieure

L’instance en cours doit concerner une demande de condamnation du débiteur au paiement d’une créance antérieure ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance antérieure (article L. 622-21).

Ainsi, l’action en résolution pour violations contractuelles diverses, autres que le paiement de la créance due, n’est pas arrêtée. Par exemple, l’action en résiliation d’un bail pour non-respect de l’obtention de l’accord du bailleur pour effectuer des travaux n’est pas arrêtée, par l’ouverture de la procédure collective.

4.2 – Quelques observations concernant la constatation d’une instance en cours

Le juge-commissaire fait le constat par voie d’ordonnance, de l’existence d’une instance en cours, après avoir entendu les parties et vérifier que l’instance invoquée peut être qualifiée d’instance au cours. Cette constatation le dessaisit, il ne peut donc prononcer de sursis à statuer.

Lorsque le juge-commissaire constate l’existence d’une instance en cours, même à tort, il ne peut plus se prononcer sur l’admission de la créance, il est dessaisi (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/11/2014, n° 13-24007 et du 29/06/2022, n° 21-10981). La décision prise à l’issue de cette discussion a autorité de la chose jugée, conformément à l’article 480 du Code de procédure civile, et est donc susceptible de recours, lequel est déterminé en fonction du montant de la demande.

Le greffier doit notifier aux parties l’ordonnance statuant sur l’existence d’une instance en cours.

Aucun fait, aucun motif, ne redonne le pouvoir au juge-commissaire d’être ressaisi au titre de la déclaration de créance.

4.2.1 – Les conditions de reprise de la procédure et son déroulement devant le juge du fond

La demande initiale du créancier étant une demande de condamnation, celle-ci se modifie automatiquement en demande de fixation de créance, lors de la reprise de l’instance.

L’instance interrompue en application de l’article L. 622-22 est reprise à l’initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l’instance (article R. 622-20 alinéa 1) :

  • une copie de sa déclaration de créance (ou éventuellement qu’il justifie que sa créance est mentionnée sur la liste établie par le mandataire ou liquidateur judiciaire, dans l’hypothèse où le débiteur a effectué une déclaration de créance pour le compte du créancier),
  • et mis en cause :
    • dans une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l’administrateur lorsqu’il a pour mission d’assister le débiteur (et non dans le cas de surveillance) ou le commissaire à l’exécution du plan,
    • dans une procédure de redressement judiciaire, le mandataire judiciaire ainsi que le cas échéant l’administrateur judiciaire ou le commissaire à l’exécution du plan,
    • dans une procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire.

A la reprise de l’instance le juge du fond devra alors :

  • vérifier que les conditions imposées par l’article R. 622-20 sont remplies,
  • et après avoir examiné la demande du créancier, fixer éventuellement le montant de sa créance à faire figurer sur l’état des créances du débiteur, dans la stricte limite du montant déclarée au mandataire ou liquidateur judiciaire.

S’agissant de la créance des dépens (Cour de cassation, chambre civile 3 du 07/10/2009, n° 08-12920Cour de cassation, chambre civile 3 du 08/07/2021, n° 19-18437), d’indemnité procédurale « article 700 du Code de procédure civile » et de dommages et intérêts pour procédure abusive, il est désormais de jurisprudence constante que le fait générateur de ces créances est le jugement  de condamnation. Ces créances ne sont donc pas à déclarer au passif, dans le cadre d’une instance en cours, elles constituent des créances postérieures payable hors plan, en sauvegarde ou en redressement judiciaire.

En cas d’absence de mise en cause des organes de la procédure collective ou de la déclaration de créance, il faut considérer que cette instance se trouve interrompue jusqu’à la clôture de la procédure (avis de la Cour de cassation du 08/06/2009 n° 0900002).

Dans le cas où l’instance en cours n’a pas été signalée par le débiteur au mandataire ou liquidateur judiciaire et que la déclaration n’a fait l’objet d’aucune contestation, l’inscription sur la liste des créances signée par le juge-commissaire a l’autorité de la chose jugée.

4.2.2 – Le cas de l’ouverture de la procédure collective qui intervient avant la plaidoirie au fond, mais après la remise au greffe pour enrôlement de l’assignation

Il y a instance en cours, l’assignation ayant été enrôlée avant l’ouverture de la procédure collective. La procédure ne pourra tendre qu’à la constatation de la créance (et non à sa fixation).

A noter que le tribunal pourra se prononcer sur la caractère privilégié de la créance.

4.2.3 – Le cas de l’ouverture de la procédure collective qui intervient après la plaidoirie

Si l’ouverture de la procédure collective intervient après l’ouverture des débats (la plaidoirie devant le tribunal de commerce), l’instance n’est pas interrompue conformément aux dispositions de l’article 371 du code de procédure civile. Il n’y a plus matière à instance en cours et un jugement de condamnation pourra être prononcé par la juridiction saisie. Cette décision ne sera pas non avenue (Cour de cassation, chambre commerciale du 03/04/2019, n° 17-27529), toutefois, la condamnation du débiteur à paiement ne pourra pas être exécutée par le créancier.

4.2.4 – La mise à jour de l’état des créances après décision définitive de l’instance en cours

Lorsqu’un jugement ou un arrêt définitif intervient dans le cadre de l’instance, qualifiée d’instance en cours par le juge-commissaire, comment est-elle répercutée dans le dossier de procédure collective ? 

Deux possibilités coexistent pour mettre à jour l’état des créances

  • Après le dépôt au greffe de la liste des créances, celle-ci est complétée par le greffier agissant à la demande du mandataire judiciaire (ou liquidateur) ou du créancier intéressé, par l’inscription des créances définitivement fixées à l’issue d’une instance judiciaire ou administrative (article R. 624-2 et R. 622-20).
  • Le créancier dont les droits ont été reconnus par une décision d’une autre juridiction passée en force de chose jugée adresse au greffier du tribunal qui a ouvert la procédure une expédition de cette décision, à l’effet d’être mentionnée à l’état des créances. Le greffier doit aviser les mandataires de justice qui sont encore en mission de cette modification à l’état des créances (article R. 624-11 et R. 624-9 2°).

A la lecture de ces deux textes il semble que la première disposition concerne spécifiquement les instances en cours, car celle-ci est reprise dans le deuxième alinéa de l’article R. 622-20du tribunal de commerce qui traite exclusivement des instances en cours.

Aucune disposition de la loi n’impose au créancier bénéficiaire d’une décision passée en force de chose jugée rendue après reprise d’une instance en cours, de faire porter sa créance par le greffier sur l’état des créances, dans un certain délai, à peine de forclusion (Cour de cassation, chambre commerciale du 21/02/2006, n° 04-20135)

4.3 – Exemple de motivation de la constatation par le juge-commissaire de l’existence d’une instance en cours

Attendu qu’aux termes de l’article L. 624-2 du Code de commerce « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission » ;

Attendu qu’en application de ces dispositions, l’instance en cours enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l’admission ou du rejet de la créance ;

Attendu que l’instance en cours s’entend d’une créance engagée à l’encontre du débiteur avant l’ouverture de la procédure, devant le tribunal du fond, pour obtenir une décision sur l’existence et le montant de la créance ;

Attendu qu’en l’espèce, il convient de constater qu’une instance a été engagée par la SAS MATERIAUX MODERNE à l’encontre de la SARL PLOMBERIE MOUGINOISE, en date du 01/04/2021, soit antérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, devant le tribunal judiciaire de GRASSE, aux fins notamment de la voir condamner à lui payer la somme de 7.626,61 euros au titre d’une facture du 10/05/2020 ;

Attendu qu’en application de l’article L. 624-2 du Code commerce, le juge-commissaire est dessaisi du présent litige, il appartiendra à la juridiction saisie de fixer la créance à la procédure de redressement judiciaire de la SARL PLOMBERIE MOUGINOISE ;

Attendu qu’en application de l’article R. 624-8, mention de la présente décision sera portée sur la liste des créances…

PAR CES MOTIFS  

Le juge-commissaire…

…CONSTATE qu’une instance est en cours, concernant la déclaration de créance effectuée par la SAS MATERIAUX MODERNE dans la procédure de redressement judiciaire de la SARL PLOMBERIE MOUGINOISE, devant le tribunal judiciaire de GRASSE ;

DIT que le greffe devra faire mention de la présente décision sur la liste des créances mentionnée au premier alinéa de l’article R. 624-2 du Code de commerce.

4.4 – Rappel des points importants

  • Vérifier qu’il s’agit bien d’une instance en cours, remplissant les conditions imposées par la jurisprudence (exiger les références précises de ladite instance).
  • Constater l’existence de l’instance en cours, sans prononcer de sursis à statuer.
  • Ne pas oublier que le juge-commissaire étant dessaisi, il ne dispose plus du pouvoir de reprendre l’instance et donc de se prononcer sur la créance.

5 – Hypothèse 2 : La contestation porte sur la régularité de la déclaration de créance (délai, pouvoir, qualité, demande d’amission définitive pour les créances fiscales et sociales)

Une déclaration de créance est régulière lorsque :

  • elle contient explicitement une demande tendant à la prise en compte des droits du créancier dans la procédure collective d’un débiteur (par exemple avec la mention DECLARATION DE CREANCE),
  • elle mentionne l’identité du créancier, le montant de la créance et sa justification,
  • elle est signée par une personne habilitée.  

Rappelons que :

  • Une déclaration de créance effectuée par une personne non habilitée, peut-être ratifiée (c’est-à-dire validée) par le créancier jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance (cette ratification peut-être implicite, dépot de conclusions par le représentant légal du créancier, à l’audience d’examen de la contestation). Etant précisé que cette ratification ne s’impose que pour la déclaration de créance effectuée par une personne non habilitée et en conséquence n’est pas nécessaire par la déclaration faite par le débiteur pour le compte du créancier;
  • Concernant la déclaration faite par le débiteur pour le compte du créancier, la simple mention du nom du créancier et du montant de la créance vaut déclaration de créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/02/2023, n° 21-19330) ;
  • L’absence de pièces justifiant la créance ne peut entrainer un rejet pour irrégularité, qu’à la condition que cette contestation ait été formulée par le mandataire judiciaire (Cour de cassation , chambre commerciale du 02/06/2015, n°14- 10391).

Le juge-commissaire traite alors de la régularité de la déclaration de créance, qui relève de son pouvoir juridictionnel. L’absence de régularité de la créance déclarée devrait donc donner lieu à une déclaration d’irrecevabilité plutôt qu’à une décision de rejet qui touche le fond du droit.  

La Cour de cassation, se fondant sur le fait que l’article L. 624-2, qui détermine les possibilités ouvertes au juge-commissaire pour statuer sur une créance déclarée, n’envisage pas la possibilité de rendre une décision d’irrecevabilité de la déclaration de créance a décidé d’assimiler la décision statuant sur l’irrégularité de la créance déclarée à une décision de rejet (Cour de cassation, chambre commerciale du 22/01/2020, n°18-19526).

L’ordonnance du 15/09/2021 a purement et simplement condamné cette analyse en précisant à l’article L. 624-2 que le juge-commissaire doit prendre sa décision que  » si la demande d’admission est recevable « , ce que n’est pas une déclaration irrégulière. Ainsi, la créance irrégulièrement déclarée, devra être déclarée irrecevable. 

6 – Hypothèse 3 : L’incompétence du juge-commissaire

Il s’agit ici de l’hypothèse dans laquelle la difficulté doit être tranchée par une juridiction arbitrale (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/06/2004, n° 02-13940), un tribunal administratif, ou un tribunal judiciaire qui a une compétence exclusive. Par exemple, un problème de bail commercial, qui relève de la compétence du tribunal judiciaire.

Quelle procédure suivre, il y a 2 façons de lire les textes :

  • Le juge-commissaire se déclare incompétent, il est alors totalement dessaisi de la procédure de vérification.  Ainsi, si aucune des parties ne saisit le juge dans le mois, la forclusion ne pourra aucunement être prise en compte dans le cadre de la vérification des créances, puisque, dans cette interprétation, la décision d’incompétence ne s’accompagne pas d’un sursis à statuer et que le juge perd entièrement sa compétence. 
  • Le juge-commissaire relève simplement qu’il est incompétent pour statuer et non à juger de l’admission de la créance, comme pour le régime que l’absence de pouvoir juridictionnel. Il prononce alors un sursis à statuer

Dans un arrêt du 27/10/2022 (n° 21-15026) la Cour de cassation a précisé sa position concernant les conséquences de la décision d’incompétence au niveau de la fixation de la créance :

” Vu l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 12 mars 2014 :
Il résulte de ce texte que lorsque le juge-commissaire constate qu’une contestation de créance ne relève pas de son pouvoir juridictionnel, sursoit à statuer sur l’admission de la créance et invite les parties à saisir le juge compétent sur cette contestation, ou lorsque, s’estimant incompétent pour trancher la contestation, il renvoie les parties à saisir le juge compétent, le juge-commissaire demeure seul compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance et admettre ou rejeter la créance…”.

Dans cet arrêt de la Cour de cassation ne semble donc pas faire de distinction entre une absence de pouvoir juridictionnel et l’incompétence, en ce qui concerne la compétence du juge-commissaire  pour admettre ou rejeter la créance.

Il en résulte qu’en cas d’incompétence du juge-commissaire, comme en cas d’absence de pouvoir juridictionnel, celui-ci doit surseoir à statuer jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente, car lui seul a le pouvoir d’admettre ou rejeter la créance déclarée. La juridiction saisie ne pouvant que juger la contestation émise.

Cet arrêt, contesté,  qui semble pourtant en contradiction avec les textes en vigueur. a été confirmé par un nouvel arrêt du 06/03/2024, n° 22-22939 qui précise que  » sauf constat de l’existence d’une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées et, après une décision d’incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l’examen de cette contestation « .

Cette contradiction entre les textes et les arrêts de la Cour de cassation résulte essentiellement de l’article R. 624-9 qui dispose que :

 » L’état des créances mentionné à l’article L. 624-8 est complété par :

1° Lorsque la matière est de la compétence d’une autre juridiction, les décisions rendues par la juridiction compétente… « 

6.1 – Obligation pour le juge-commissaire de désigner la partie qui a l’obligation de saisir la juridiction compétente

Il résulte de l’article R. 624-5 que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent il devra renvoyer, par une ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel. 

6.2 – Exemple de motivation de la constatation par le juge-commissaire de son incompétence

Attendu que :

Aux termes de l’article L. 624-2 du Code de commerce « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission » ;

Monsieur Thierry ALLARD, commissaire aux comptes a déclaré sa créance, en date du 10/05/2019, pour un montant de 16.528,72 euros ;

Le mandataire judiciaire a contesté la créance, le 15/06/2019, au motif que Monsieur Thierry ALLARD ne prouvait ni l’accord tarifaire dans le cadre de ses interventions, ni la nature des diligences accomplies par lui ;

Monsieur Thierry ALLARD confirme sa déclaration de créance, faisant valoir que son intervention avait été acceptée par une lettre de mission signée le 14/01/2017 ;

Il n’est pas contestable que la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES s’est engagée à rémunérer les interventions de Monsieur Thierry ALLARD, en sa qualité de commissaire aux comptes et que le litige porte sur les prestations facturées ;

L’article L. 823-18 du Code de commerce dispose que « la chambre régionale de discipline et, en appel le Haut Conseil du commissariat aux comptes sont compétents pour connaître de tout litige tenant à la rémunération des commissaires aux comptes » ;

Le tribunal de commerce étant incompétent en matière de litige concernant le montant de la rémunération d’un commissaire aux comptes, il en résulte que le juge-commissaire désigné par cette même juridiction est donc également incompétent ;

En application de l’article R. 624-5 du Code de commerce, il appartient à la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES, de saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à peine de forclusion de sa contestation, à moins d’appel ;

En conséquence, il sera prononcé un sursis à statuer sur l’admission de la créance dans l’attente de la décision qui sera rendue par la juridiction compétente;

En application de l’article R. 624-5 du Code commerce, à défaut par la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES de saisir la juridiction compétente, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, le tribunal constatera la forclusion de sa contestation, à moins d’appel ;

Au regard du prononcé d’un sursis à statuer, il convient de réserver les dépens, ainsi que l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge-commissaire…

SE DECLARE incompétent et dit que la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES devra saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à peine de forclusion de sa contestation, à moins d’appel ;

DIT que la SA CHANTIERS NAVALS DE CANNES devra saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à moins d’appel ;

ORDONNE le sursis à statuer soit jusqu’au jour de la décision définitive du tribunal compétent saisi, soit si celui-ci n’est pas saisi dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance

NOTE IMPORTANTE

Nous appliquons la position prise par la Cour de cassation et ordonnons donc le sursis à statuer, car nous considérons que dans l’hypothèse où le débiteur ne saisirait pas la juridiction compétente, le créancier pourra faire constater cette carence par le juge-commissaire et donc être admis sur l’état des créances.

7 – Hypothèse 4 : L’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire

7.1 – Que faut-il entendre par dépassement de l’office juridictionnel du juge-commissaire (ou absence de pouvoir juridictionnel) ?

La réforme issue de l’ordonnance du n° 2014-326 du 12 mars 2014 et de son décret d’application a consacré la solution prétorienne dégagée par la Cour de cassation, considérant que le juge-commissaire est dans une situation analogue à celle du juge des référés et que son office juridictionnel s’arrête donc à l’évidence.

Il en résulte que même si la discussion relève de la compétence d’attribution du tribunal de la procédure (ou plus rarement, d’un autre tribunal, en vertu d’une clause attributive de compétence Cour de cassation, chambre commerciale du 01/07/2020, n° 18-25522), toute discussion, sur le fond de la créance déclarée, ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.

Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’un problème de compétence d’attribution (article 33 du Code de procédure civile), mais d’une absence de pouvoir juridictionnel, comme en matière de référé.

Ainsi le juge-commissaire ne peut pas statuer :

  • sur la validité du contrat,
  • sur l’exécution prétendument défectueuse d’un contrat et ceci même en présence d’une expertise,
  • sur la contestation d’une somme due à un entrepreneur, qui, au regard de l’analyse du contrat, n’avait pas réalisé les travaux correspondant à la créance déclarée,
  • sur une demande de dommages et intérêts formée par le débiteur contre le créancier,
  • sur une question touchant au TEG susceptible d’affecter la validité du contrat de prêt,
  • sur les créances de dommages et intérêts consécutives à la rupture ou la mauvaise exécution d’un contrat etc…

Ces contestations sur le fond de la créance déclarée, relèvent de la compétence de la formation collégiale contentieuse du même tribunal que celui du juge-commissaire (sauf clause attributive de compétence).

Certaines décisions semblent élargir les prérogatives du juge-commissaire par rapport à celles du juge des référés : c’est ainsi qu’il a été admis que le juge-commissaire puisse réduire, lors de l’admission au passif de la créance, la clause majorant le taux des intérêts contractuels, en cas de défaillance de l’emprunteur, cette clause s’analysant en une clause pénale (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2016, n° 14-18998).

7.2 – Le juge-commissaire doit en tout premier lieu se prononcer sur le caractère sérieux de la contestation

En présence d’une contestation le juge-commissaire à l’obligation, en tout premier lieu, de déterminer si celle-ci est retenue comme étant sérieuse. Il devra bien évidemment, dans son ordonnance, motiver sa décision, qu’il reconnaisse ou non le caractère sérieux de la contestation.

La Cour de cassation demande aux juridictions au fond à « se prononcer au préalable sur le caractère sérieux de la contestation ainsi que son incidence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée. » (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2017, n° 16-1641421/11/2018, n° 17-18978).

Le juge-commissaire pourra écarter la contestation formulée si elle est dépourvue de caractère sérieux ou si elle est manifestement empreinte d’un caractère dilatoire, il lui appartiendra alors de statuer sur la ou les demandes qui lui sont présentées (Cour de cassation, chambre commerciale du 26/10/2022, n° 21-16489).

Un exemple de contestation juger non sérieuse : le débiteur ne produit pas les justificatifs demandés par le créancier. En l’espèce, il s’agit d’une contestations concernant des cotisations à la caisse de retraite, pour laquelle le débiteur ne produit pas les justificatifs nécessaires au calcul des cotisations (Cour de cassation, chambre commerciale du 26/10/2022, n° 21-16489).

Si le juge-commissaire retient en revanche l’existence d’une contestation sérieuse susceptible d’avoir une incidence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée, le juge-commissaire doit relever d’office cette fin de non-recevoir, et rédiger une ordonnance qui devra :

  • Indiquer les raisons de cette contestation sérieuse, relever que cette contestation. dépasse son office juridictionnel et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
  • Ordonner un sursis à statuer, conformément aux solutions dégagées par la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/05/2014, n° 13-13284). Il peut, s’il l’estime nécessaire, ordonner un renvoi à 2 ou 3 mois (pour vérifier par exemple, si la juridiction a bien été saisie et dans le cas contraire, constater la forclusion de la demande, ce qui entraînera la fin du sursis à statuer),
  • Impérativement préciser qui du créancier, du débiteur ou selon le cas, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, doit saisir la juridiction compétente, à peine de forclusion.

Il convient de noter que le juge-commissaire peut constater son absence de pouvoir juridictionnel que sur une partie de la déclaration de créance et en conséquence préciser la nature précise de la contestation que le tribunal compétent devra trancher (Cour de cassation, chambre commerciale du 29/03/2023, n° 21-20452).

7.3 – En cas de constatation de l’existence d’une contestation sérieuse le juge-commissaire a l’obligation de désigner la partie qui devra saisir le juge compétent. Quels critères retenir pour cette désignation ?

Si le juge-commissaire retient l’existence d’une contestation sérieuse, en application de l’article R. 624-5 du code de commerce, il doit désigner la partie, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire (ou liquidateur) qui devra saisir le juge compétent, dans le délai d’un mois, à peine de forclusion.

Cette règle fondamentale a été rappelée par un courrier du 13 octobre 2020 de M. François MOLINS, procureur général près la Cour de cassation, auprès du président de la Conférence générale des juges consulaires de France, relevant que « cette obligation ne semble pas être respectée dans certaines ordonnances ». Il l’invitait dès lors à se « saisir de cette difficulté pour » lui « permettre le cas échéant de proposer un modèle d’ordonnance aux juges commissaires qui tienne compte de cette modification législative. »

Pour définir la partie sur laquelle repose la charge de la saisine, le juge-commissaire doit s’interroger sur l’auteur intellectuel de la contestation. Comme l’indique le professeur LE CORRE, contrairement à la pratique, le créancier devrait assez rarement être désigné par le juge-commissaire.

Le procureur près la Cour de cassation rappelle dans son courrier du 13 octobre 2020 que « selon la doctrine autorisée la jurisprudence peut se résumer ainsi : la charge de la saisine pèse sur celui qui soulève la contestation, un peu comme la charge de la preuve peut peser sur celui qui allègue un fait que ce soit en demande ou en défense ».

(actualité des procédures collectives n° 17 du 31/10/2014 – Défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire : qui doit saisir le juge compétent ?)

Par exemple :

  • lorsque la créance se fonde sur un contrat (ex : montant dû au titre d’un contrat de marché de travaux), le créancier est en droit de se réfugier derrière celui-ci et c’est donc à celui qui conteste le contrat (nullité, caducité, irrégularité…) ou qui prétend qu’il a mal été exécuté que devrait revenir la charge de la saisine de la juridiction compétente.
  • A l’inverse, si la créance déclarée consiste en des dommages et intérêts ou des pénalités (mauvaise exécution ou retard dans l’exécution des travaux), c’est au créancier que la saisine de la juridiction compétente, devrait incomber tout naturellement (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/05/2018, n° 16-27243).

Il incombera au juge-commissaire, lors des débats, d’interroger qui du débiteur ou du mandataire judiciaire (ou du liquidateur), a été l’auteur intellectuel de la contestation, à l’effet de désigner, de manière appropriée, qui devra saisir la juridiction compétente.

L’ordonnance du juge-commissaire qui ne respecte pas les dispositions de l’article R. 624-5 du code de commerce et qui ne désigne pas la partie devant saisir le juge du fond « est entachée d’une erreur de droit qui ne peut être réparée en application de l’article 462 du code de procédure civile » (rectification d’erreur matérielle) « et, faute d’avoir fait l’objet d’une voie de recours, est irrévocable » (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/03/2020, n° 18-23586).

En tout état de cause, la Cour de cassation n’exerce pas de contrôle sur la désignation par la juridiction de celui sur lequel repose la charge de la saisine.

A défaut d’appel, et ceci constitue un piège redoutable, si le juge-commissaire invite toutes les parties ou à tort une partie qui n’a pas d’intérêt à saisir le juge compétent, la forclusion est néanmoins applicable à celle qui avait intérêt à le saisir et qui ne l’a pas fait dans le délai d’un mois (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/05/2018, n° 16-27243 2ième moyen).

Toutefois, cette forclusion n’aura pas lieu si « tant dans l’ordonnance que dans la lettre de notification de cette dernière » il n’est fait aucunement référence aux dispositions de l’article R. 624-5 ainsi qu’à toute indication relative « au délai d’un mois imparti pour saisir la juridiction compétente et à la forclusion encourue en cas d’absence de diligence dans ce délai » (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/11/2016, n° 15-13273).

7.3.1 – En cas de liquidation judiciaire désignation possible du débiteur.

L’instance introduite devant la juridiction compétente pour trancher la contestation s’inscrit dans la vérification du passif à laquelle le débiteur est personnellement partie, au titre d’un droit propre, ainsi n’étant pas dessaisi il peut donc être désigné pour saisir la juridiction compétente (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/03/2022, n° 20-21712).

7.3.2 – Recevabilité, de saisie par toute autre partie que celle désignée par le juge-commissaire

 Pour la Cour de cassation, tout autre partie que celle désignée par le juge-commissaire, est recevable à saisir la juridiction compétente. Aussi seule l’absence de saisie dans les délais imparties, de la juridiction compétente, par l’une des parties peut entrainer la forclusion prévue à l’article R. 624-5 du Code de commerce, pour la partie désignée (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/03/2022, n° 20-21712).

7.4 – Le juge-commissaire reste le seul compétent pour fixer la créance dans la procédure collective

Il est essentiel de noter que le juge-commissaire, qui constate l’existence d’une contestation sérieuse et renvoie les parties à mieux se pourvoir, « reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l’admettant ou en la rejetant » (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/03/2020, n° 18-23586).

Les pouvoirs de la juridiction, saisie pour statuer sur la contestation sérieuse, se limitent à trancher les contestations soulevées et sur lesquelles le juge-commissaire s’est déclaré incompétent, et ne dispose donc pas du pouvoir de fixer la créance, s’agissant d’une compétence exclusive du juge-commissaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/03/2023, n° 21-18737) et ceci, même si le juge-commissaire n’a pas prononcé de sursis à statuer (Cour de cassation, chambre commerciale du 19/12/2018, n° 17-15883). 

Dans cette même logique, cette même juridiction ne dispose pas du pouvoir de juger de la régularité de la déclaration de créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/10/2022, n° 21-15026)

7.5 – Les conséquences de l’absence de saisie du tribunal par la partie désignée par le juge-commissaire

L’absence de saisine du tribunal de la procédure dans le délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis engendrera la forclusion de la demande qui a été déclarée sérieusement contestable.

Cette forclusion préjudiciera à la partie que le juge-commissaire aura conviée à agir (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2016, n° 14-18998).

Elle conduira à vider le sursis à statuer par le rejet de la créance si la forclusion atteint le créancier ou au contraire à l’admettre si la forclusion atteint la demande reconventionnelle ou le moyen opposé à la demande d’admission émis par le débiteur ou selon le cas, le mandataire judiciaire ou le liquidateur.

La Cour de cassation a eu l’occasion de juger que n’encourt pas la forclusion prévue par l’article R. 624-5 du code de commerce la partie qui, à la suite de la décision par laquelle le juge-commissaire a constaté que la contestation ne relevait pas de ses pouvoirs juridictionnels, a saisi, dans le délai prévu par ce texte, un tribunal territorialement incompétent (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/10/2016, n° 15-10039). 

7.6 – Voies de recours

L’ordonnance du juge-commissaire relevant l’existence d’une contestation sérieuse, invitant la partie qu’il désigne, dans le délai d’un mois, à peine de forclusion, à saisir la juridiction compétente et en même temps, ordonnant le sursis à statuer, n’est pas une simple décision de sursis à statuer, dont le régime est fixé par l’article 380 du Code de procédure civile.

En effet, le juge-commissaire ne se contente pas de surseoir à statuer. Le recours classique en matière de vérification des créances (appel ou pourvoi en cassation déterminée en fonction du montant de la demande) est dès lors applicable. La Cour de cassation a opéré en la matière un revirement de jurisprudence qui résulte indirectement d’un arrêt du 27/11/2019 (pourvoi n° 18-18150). Elle a en effet admis qu’un arrêt de la cour d’appel statuant avec les pouvoirs du juge-commissaire pour se prononcer sur la contestation de la créance, peut être déféré devant elle.

7.7 – Exemple de motivation de la constatation par le juge-commissaire de son absence de pouvoir juridictionnel (cas de la contestation retenue comme sérieuse)

Attendu que l’article L. 624-2 du Code de commerce dispose qu’ « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable,  décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission » ;

Attendu que de plus, l’article R. 624-5 précise que « lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte » ;

Attendu que la SARL PLOMBERIE DU LITTORAL a effectué, en date du XX/XX/XXXX une déclaration de créance, auprès du mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la SAS LES MAISONS DE DEMAIN, pour un montant de 94.000 euros correspondant à des travaux exécutés sur le chantier L’AVANT DERNIERE DEMEURE et correspondant au devis établi en date du XX/XX/XXXX et accepté par la SAS LES MAISONS DE DEMAIN ;

Attendu que la SAS LES MAISONS DE DEMAIN conteste la créance déclarée par la SARL PLOMBERIE, faisant valoir que d’une part les travaux ne sont pas intégralement terminés et que d’autre part il existe des malfaçons ;

Attendu que dans son courrier de contestation, le mandataire judiciaire propose de fixer en conséquence la facture à un montant de 45.000 euros ; 

Attendu que la SAS LES MAISONS DE DEMAIN justifie sa contestation par la production d’un constat d’huissier faisant apparaître que le chantier n’est pas terminé, en particulier en ce qui concerne l’installation des appareils de la salle de bains, et la mise en marche du chauffage central ;

Attendu que de plus, la SAS LES MAISONS DE DEMAIN, produit une ordonnance de référé, rendue en date du XX/XX/XXXX par le tribunal de céans, ordonnant une expertise judiciaire, afin de chiffrer les travaux restant à effectuer, ainsi que de constater l’existence de malfaçons et le coût de la mise en conformité suivant le devis  

Attendu qu’en présence d’une contestation sérieuse, et le juge-commissaire ne disposant pas du pouvoir juridictionnel de la trancher, il convient de faire application de l’article R. 624-5 et d’inviter la SAS LES MAISONS DE DEMAIN à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Attendu qu’en conséquence, il sera prononcé un sursis à statuer sur l’admission de la créance dans l’attente de la décision qui sera rendue par la juridiction compétente ;

– Au regard de l’article R. 624-5 du Code de commerce à défaut pour la SAS LES MAISONS DE DEMAIN de saisir la juridiction compétente, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, à peine de forclusion de sa contestation, à moins d’appel ;           

– Au regard du prononcé d’un sursis à statuer, il convient de réserver les dépens, ainsi que l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge-commissaire…

… CONSTATE l’existence de contestation sérieuse dont il ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de trancher ;

DIT que la SAS LES MAISONS DE DEMAIN devra saisir la juridiction compétente dans le délai de d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à moins d’appel ;

ORDONNE le sursis à statuer jusqu’au jour de la décision définitive du tribunal compétent saisi, ou si celui-ci n’est saisi au-delà d’un délai d’un mois de la notification de la présente ordonnance.

Note importante

L’ordonnance rédigée par le juge-commissaire doit donc :

  • motiver le caractère sérieux de la contestation soulevée,
  • constater l’absence de pouvoir juridictionnel,
  • ordonner le sursis à statuer,
  • inviter le créancier, ou le débiteur ou le mandataire (ou liquidateur judiciaire) à mieux se pourvoir, et ce, dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance,
  • rappeler qu’à défaut de la saisie de la juridiction compétente, dans le délai prescrit, application de la forclusion.

7.8 – Rappel des points importants

En cas d’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, celui-ci désigne la partie qui doit saisir le tribunal compétent à peine de forclusion de sa demande et prononce un sursis à statuer. 

Le juge devra désigner, pour saisir la juridiction compétente, la partie qui, pour voir rejeter (partiellement ou totalement) la déclaration de créance, prétend à une mauvaise exécution ou à la nullité du contrat, car elle a la charge de la preuve.  Ce sera donc soit le débiteur, soit le mandataire de justice (ou liquidateur) si la contestation relève de son initiative.

Par contre, si la discussion porte sur l’allocation de dommages et intérêts réclamés par le créancier qui prétend que le débiteur a mal exécuté le contrat, le juge-commissaire devra désigner le créancier auquel il incombera de saisir la juridiction compétente.

S’agissant de l’application de la clause pénale, le juge ne dispose pas du pouvoir juridictionnel, si la contestation sérieuse porte sur sa validité ou son mode de calcul, mais reste compétent pour faire application de l’article 1231-5 du Code civil, à savoir sa minoration, s’il la juge excessive.

Le juge-commissaire qui prononce le sursis à sursis reste donc seul compétent pour admettre ou rejeter la créance, et ce au vu du jugement définitif rendu par le tribunal compétent (éventuellement après appel de sa décision), saisi par la personne désignée par le juge-commissaire. Le tribunal saisi n’a compétence qui pour examiner la contestation et ne dispose d’aucun pouvoir pour admettre ou rejeter la créance.

Un exemple d’ordonnance :

Attendu que :

– L’article L. 624-2 du Code de commerce dispose qu’ « au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission » ;

– De plus, l’article R. 624-5 précise que « lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte » ;

– LA SARL PLOMBERIE DU LITTORAL a effectué, en date du XX/XX/XXXX une déclaration de créance, auprès du mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la SAS LES MAISONS DE DEMAIN, pour un montant de 94.000 euros correspondant à des travaux exécutés sur le chantier L’AVANT DERNIERE DEMEURE et correspondant au devis établi en date du XX/XX/XXXX et accepté par la SAS LES MAISONS DE DEMAIN ;

– La SAS LES MAISONS DE DEMAIN conteste la créance déclarée par la SARL PLOMBERIE, faisant valoir que d’une part les travaux ne sont pas intégralement terminés et que d’autre part il existe des malfaçons ;

– Dans son courrier de contestation, le mandataire judiciaire propose de fixer en conséquence la facture à un montant de 45.000 euros ;

– La SAS LES MAISONS DE DEMAIN justifie sa contestation par la production d’un constat d’huissier faisant apparaître que le chantier n’est pas terminé, en particulier en ce qui concerne l’installation des appareils de la salle de bains, et la mise en marche du chauffage central ;

– De plus, la SAS LES MAISONS DE DEMAIN, produit une ordonnance de référé, rendue en date du XX/XX/XXXX par le tribunal de céans, ordonnant une expertise judiciaire, afin de chiffrer les travaux restant à effectuer, ainsi que de constater l’existence de malfaçons et le coût de la mise en conformité suivant le devis

– En présence d’une contestation sérieuse, et le juge-commissaire ne disposant pas du pouvoir juridictionnel de la trancher, il convient de faire application de l’article R. 624-5 et d’inviter la SAS LES MAISONS DE DEMAIN à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;

– En conséquence, il sera prononcé un sursis à statuer sur l’admission de la créance dans l’attente de la décision qui sera rendue par la juridiction compétente ;

– Au regard de l’article R. 624-5 du Code de commerce à défaut pour la SAS LES MAISONS DE DEMAIN de saisir la juridiction compétente, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, la contestation qu’elle a émise sera rejetée car atteinte par la forclusion ;

– Au regard du prononcé d’un sursis à statuer, il convient de réserver les dépens, ainsi que l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

A noter que le juge-commissaire devra surseoir à statuer, la formation du contentieux n’ayant que le pouvoir de trancher la contestation de créance, sans possibilité d’admettre ou de rejeter la créance.

Il en résulte que les parties devront revenir devant le juge-commissaire afin que celui-ci, au regard de la décision du contentieux, admette ou rejette la créance déclarée.

8. – La procédure devant le juge-commissaire des contestations émises par le mandataire ou le liquidateur judiciaires et non acceptées par le créancier.

8.1 – Convocation du créancier qui a répondu à la contestation dans le délai de 30 jours.

Le mandataire ou le liquidateur judiciaires, une fois la vérification de créances effectuée, dépose au greffe la liste des créances, avec mention des contestations émises et des réponses des créanciers.

Ladite liste est remise sans délai, par le greffe, au juge-commissaire, qui fixe alors une date de convocation du créancier contesté.

En application de l’article R. 624-4 alinéa 2, le greffe convoque le débiteur, le créancier et s’il a été désigné l’administrateur, par LRAR.

Concernant ladite convocation, comme le précise l’article R. 662-1, il est fait application des règles du Code de procédure civile.

Ainsi,

  • Au regard de l’article 670 du Code procédure civile, la notification est réputée faite à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire, elle est réputée faite à domicile ou résidence lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir.
  • En cas de retour au secrétariat de la juridiction d’une lettre de notification dont l’avis de réception n’a pas été signé, quel qu’en soit le motif, l’article 670-1 du Code de Procédure Civile dispose que « le secrétaire invite la partie à procéder par voie de signification».

A noter que la jurisprudence retient de manière constante que la signature figurant sur l’avis de réception d’une notification adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à une personne physique, est présumée être, jusqu’à preuve contraire, celle de son destinataire ou de son mandataire mais que s’il est établi que la signature figurant sur l’avis de réception n’est pas celle du destinataire de la lettre, la notification est dépourvue d’effet.

Qu’en est-il alors, d’une convocation envoyée en lettre recommandée avec accusé de réception au débiteur, mais retournée au greffe avec la mention soit « destinataire inconnu à cette adresse », soit « avisé, non réclamé », soit « refusé » ?

A défaut, le débiteur ne peut pas être informé de la date et de l’heure de l’audience de contestation de créance et ce procédé devrait emporter la nullité de la procédure de vérification des créances. Encore faut-il que les moyens de nullité soulevés causent grief.

Arrêt de la Cour d’appel de Bourges du 04/07/2019 (RG n° 18/0149) :

« Concernant les griefs invoqués par Madame C. du fait de ce défaut de convocation, il convient de relever tout d’abord que la procédure devant le juge commissaire étant orale, Madame C. n’a pu se présenter devant lui aux fins de faire valoir ses arguments face à ceux qui ont pu y être présentés par la SA Corhofi. En ne s’assurant pas, au vu du retour infructueux de la convocation par courrier de Madame C., du fait que celle-ci avait bien été avisée de l’audience et en prenant néanmoins en compte les prétentions de la SA Corhofi, le juge-commissaire n’a pas respecté le principe de la contradiction ».

8.2 – Les sanctions applicables au créancier qui n’a pas répondu, dans les 30 jours, à la contestation de créance émise par le mandataire ou le liquidateur judiciaires.

8.2.1 – Une première sanction : la non-convocation du créancier, par le juge-commissaire à l’audience d’examen de la créance contestée

Au regard de l’article R. 624-4 alinéa 2, le créancier qui ne répond pas au courrier de contestation de sa créance dans le délai de l’article L. 622-27 ne sera pas convoqué par le greffier, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créance.

Si la contestation porte à la fois sur la régularité de la déclaration de créance pour défaut de justification d’un pouvoir et sur le montant de la créance déclarée, la sanction du défaut de réponse dans le délai de 30 jours ne sera pas applicable (Cour de cassation, chambre commerciale du 28/06/2017, n° 16-12382).

Si après un premier courrier de contestation auquel le créancier a répondu dans les délais, le mandataire émet une seconde contestation à laquelle le créancier ne répond pas, dès lors qu’il a répondu à la première il doit être entendu par le juge-commissaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/05/2017, n° 15-27534).

Pour savoir si le créancier doit ou non être convoqué, il est donc nécessaire que le juge-commissaire dispose au préalable de la lettre de contestation, ainsi d’ailleurs que de l’accusé de réception signé.

En effet, le juge-commissaire ne peut rejeter la créance au prétexte que le créancier n’aurait pas répondu dans le délai de 30 jours, sans se livrer à une vérification sur ce point et sans aucune précision sur la date de cet avis, ni sur la date de la réponse du créancier à cet avis (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/09/2017, n° 15-28699).

Rien n’interdit cependant au greffier, en accord avec le juge-commissaire de convoquer le créancier qui n’a pas répondu dans le délai de 30 jours, il sera évidemment entendu.

Le juge-commissaire, que le créancier soit ou non convoqué, aura la liberté de suivre ou non la proposition du mandataire ou liquidateur (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/11/2004, n° 03-12333).

8.2.2 – Une deuxième sanction : fermeture du recours au créancier n’ayant pas répondu à la contestation en cas de confirmation par le juge-commissaire de la proposition du mandataire judiciaire.

L’article L. 622-27 dispose que « le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire ».

Comme pour la non-convocation, cette sanction ne peut trouver à s’appliquer si la contestation concerne la régularité de la déclaration de créance (problème de validité du pouvoir du signataire, par exemple), et ceci même partiellement.

Le délai de 30 jours ne peut trouver à s’appliquer, en cas de demande de pièces justificatives, même si celle-ci s’accompagne de  demande concernant le montant de la créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/09/2023, n° 22-15296).

Cette fermeture du recours pour le créancier n’est applicable, que si le juge-commissaire a suivi,  précisément, la proposition du mandataire ou liquidation judiciaires.

Au contraire, si le juge-commissaire rend une décision aggravant la proposition de rejet partiel du mandataire judiciaire, ou au contraire adoucissant la proposition de rejet de ce dernier, la voie de recours est à nouveau ouverte au créancier (Cour de cassation, chambre commerciale du 16/06/2015, n° 14-11190).

Reste en suspens la question de savoir, si le créancier qui n’a pas répondu à la contestation, dans le délai de 30 jours, mais a, quand même, été convoqué par le juge-commissaire, peut contester la décision de celui-ci, conforme à la proposition du juge-commissaire ?

La fermeture de l’appel, ne justifie pas que le juge-commissaire qualifie son ordonnance de « rendue en dernier ressort », le créancier disposant toujours du recours, s’il conteste le défaut de réponse à la contestation de créance (Cour de cassation chambre commerciale du 21/01/2003 n° 99-20557).

8.2.3  – Les cas où ces sanctions ne sont pas applicables

L’article L. 622-27 précise dans  que  » à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créance « .

Il en résulte donc que, par exemple, en cas de défaut de réponse du créancier dans les 30 jours, concernant une contestation portant sur le défaut de pouvoir du signataire de la déclaration de créance, qui constitue une irrégularité, le créancier ne pourra être sanctionné comme indiqué précédemment.

Dans un arrêt du 13/09/2023 ( n° 22-15296) la Cour de cassation précise que la sanction prévue par les textes précités ne peut être étendue au cas où le mandataire judiciaire se borne à demander au créancier des pièces justificatives de la créance en précisant qu’à défaut, il envisage de proposer au juge-commissaire le rejet de cette créance.

8.3 – Défaut du créancier à l’audience devant le juge-commissaire

Les créanciers du débiteur en redressement judiciaire n’ayant aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créances, les opérations de vérification des créances incombant au mandataire judiciaire, agissant comme représentant des créanciers, et la direction de la procédure de contestation de créance leur échappant, la caducité de la citation prévue par l’article 468 du Code de procédure civile n’est pas applicable en cas de défaut de comparution du créancier déclarant à l’audience du juge-commissaire, saisi par le mandataire judiciaire de la contestation de sa créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 20/04/2017, n° 15-18598)

En conséquence, impossibilité pour le juge de prononcer la caducité de la déclaration de créance, en l’absence du créancier, régulièrement convoqué, l’instance ne pouvant être que poursuivie, ou éventuellement reportée.

En cas de défaut de comparution du créancier, après avoir contrôlé que l’avis de réception du courrier de contestation a bien été réceptionné par le débiteur ou une personne disposant d’un pouvoir, le juge-commissaire peut :

  • ordonner le renvoi de l’examen de la contestation à une audience ultérieure,
  • prendre sa décision, au regard des pièces produites, en écartant les écrits du créancier, en raison de l’oralité des débats.

8.4 – Le juge-commissaire et la clause pénale (ou clauses requalifiées de clause pénale).

Lorsqu’une clause forfaitaire est prévue au contrat, le juge-commissaire a le pouvoir de la qualifier de clause pénale.

Si la qualification de clause pénale est retenue, par le juge-commissaire, il a un pouvoir de réduire le montant s’il justifie la diminution du montant par le caractère excessif de la clause (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/04/2016, n° 14-20169).

Le droit commun des clauses pénales (article 1231-5 alinéa 2 du Code civil) trouvant à s’appliquer, même dans l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure collective, le juge-commissaire peut d’office en réduire le montant, à la condition qu’une contestation de créance soit émise par le mandataire judiciaire.

Rappelons, que le juge-commissaire, qui n’entend pas modifier le montant d’une clause pénale, à la demande du mandataire judiciaire, n’a pas à motiver sa décision. Il y a là un pouvoir discrétionnaire.

8.4.1 – Quelques exemples de clauses pouvant être qualifiées de clause pénale

L’indemnité de résiliation stipulée au contrat de location financière ou de crédit-bail s’analyse en une clause pénale (Cour de cassation, chambre commerciale du 24/05/2005, n° 04-12369), que le juge-commissaire à un pouvoir discrétionnaire de modérer ou non.

La clause prévoyant le calcul des intérêts de retard à un taux majoré, constitue une clause pénale, pour laquelle le juge-commissaire à un pouvoir de modération.

L’excès peut résulter de la comparaison du taux d’intérêt classique par rapport au taux d’intérêt majoré. Si le taux classique est de 4 %, une majoration de 3 points aboutit à une augmentation de 75 % du taux d’intérêt, ce qui peut être jugé comme manifestement excessif (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/04/2016, n° 14-20170) (voir « exemples d’ordonnances concernant la contestation de créance »).

8.5 – Clause aggravant les obligations du débiteur par le seul fait de l’ouverture de la procédure collective.

Ainsi, une indemnité contractuelle de recouvrement de 5 % destinée à indemniser forfaitairement et proportionnellement la banque de ses frais de production en cas d’ouverture d’une procédure collective, alors que, à l’ouverture de la sauvegarde, il n’y avait aucun impayé, peut-être considérée comme une clause mettant à la charge du débiteur des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde.  (Cour de cassation, chambre commerciale du 22/02/2017, n° 15-15942).

A noter, que dans un arrêt du 04/05/2017 (n° 15-19141) la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que cette indemnité de recouvrement devait s’analyser en clause pénale.

8.6 – Déclaration de la créance faite par le débiteur pour le compte du créancier : possibilité de contestation

Cour de cassation, chambre commerciale du 23/05/2024, n° 23-12134 :

 » Il résulte des articles L. 622-24 et R. 622-23 du code de commerce que la créance portée par le débiteur, conformément à l’obligation que lui fait l’article L. 622-6 du code de commerce, à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai de l’article R. 622-24 du même code, si elle fait présumer la déclaration de sa créance par son titulaire, dans la limite du contenu de l’information donnée au mandataire judiciaire, ne vaut pas reconnaissance par le débiteur du bien-fondé de cette créance, de sorte qu’il peut ultérieurement la contester dans les conditions des articles L. 624-1 et R. 624-1 du code précité.

Ayant retenu que la liste des créanciers remise par la société Du Noireau au mandataire judiciaire mentionnant notamment une créance à échoir de la société ITM alimentaire Ouest, constituait seulement une présomption de déclaration en faveur du créancier, c’est à bon droit que l’arrêt en déduit qu’elle ne s’analyse pas en une reconnaissance de dette et qu’elle ne saurait dispenser le créancier de la preuve de sa créance « 

La Cour de cassation précise, sans ambiguïté, que la déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier, ne vaut pas « reconnaissance » de dette. 

Cette position de la Cour de cassation semble résulter le l’article L. 622-6 du Code de commerce qui   » impose au débiteur de remettre à l’administrateur et au mandataire judiciaire une liste qui comporte les nom ou dénomination, siège ou domicile de chaque créancier avec l’indication du montant des sommes dues au jour du jugement d’ouverture, des sommes à échoir et de leur date d’échéance, de la nature de la créance, des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie « ,  rend donc obligatoire pour le débiteur l’information sur toute les créances, serait-elle incertaine dans leur montant (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/02/2022, n° 20-19157).

Dans ces conditions, le débiteur étant dans l’obligation de déclarer même les créances litigieuses, il est donc logique qu’il puisse les contester ultérieurement.

Voir également l’arrêt 03/07/2024, n° 23-15715.

8.7 – Clause de majoration d’intérêts et ouverture d’une procédure collective

Selon l’article L. 622-28 du Code de commerce, l’ouverture d’une procédure collective n’arrête pas le cours des intérêts légaux et conventionnels, ni des intérêts de retard ou majorations, lorsque le prêt a été conclu pour une durée égale ou supérieure à un an. La créance doit alors être déclarée au passif pour les intérêts à échoir, la déclaration précisant leurs modalités de calcul (art. R. 622-23, 2°).

Toutefois, la Cour de cassation (Com., 7 févr. 2024, n° 22-17.885) rappelle une distinction essentielle :

  • Clause illicite : lorsque la majoration d’intérêts découle exclusivement de l’ouverture de la procédure collective. Une telle clause aggrave les obligations du débiteur en lui imposant des frais supplémentaires uniquement du fait de la procédure, et ne peut donc pas être admise.

  • Clause valable : lorsque la majoration sanctionne le retard de paiement, y compris lorsque la déchéance du terme a été prononcée avant l’ouverture de la procédure collective. Dans ce cas, la cause de la majoration n’est pas la procédure elle-même, mais l’inexécution contractuelle du débiteur.

Il en résulte que la créance issue d’une clause de majoration doit être admise au passif dès lors qu’elle trouve son origine dans le retard ou la déchéance du terme, et non dans l’ouverture du redressement ou de la liquidation.

Enfin, il convient de rappeler que l’admission d’une créance au passif n’implique pas son paiement immédiat : la déclaration des intérêts étant effectuée « à échoir », la clause de majoration ne produira effet qu’en cas de non-respect ultérieur du plan de remboursement.

9. – Quelques observations

9.1 – Concernant la déclaration de créance

9.1.1 – Possibilité pour un créancier de déclarer sa créance dans une seconde procédure collective alors qu’elle avait été rejetée dans une première procédure collective   

Dans un arrêt du 30/01/2019, n° 17-31060, la Cour de cassation juge que  » l’admission ou le rejet de la créance dans la première procédure collective n’a pas autorité de la chose jugée dans la seconde procédure ouverte à l’égard du même débiteur après résolution de son plan de redressement « .

Il en résulte que le créancier peut déclarer à nouveau une créance dans une deuxième procédure, alors qu’elle avait été rejetée dans une première, à défaut de contestation elle sera alors admise.

9.1.2 – A quelle date la créance doit-elle être évaluée ?

L’admission de la créance est « un cliché de la créance au jour du jugement d’ouverture« .

Pour apprécier la créance, le juge-commissaire doit se placer non au jour où il statue, mais au jour du jugement d’ouverture (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/11/2007, n° 06-19192).

Ainsi le juge-commissaire ne peut prendre en considération un paiement de la dette par un garant qui serait intervenu après le jugement d’ouverture (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/03/2008, n° 07-10027).

En revanche, l’évènement antérieur au jugement d’ouverture, susceptible d’emporter extinction en tout ou partie de la créance, devra être pris en compte. Par exemple, le montant qui a fait l’objet d’une saisie-attribution avant le jugement d’ouverture, étant définitivement sorti du patrimoine du débiteur saisi, doit être retranché du montant à admettre (Cour de cassation, chambre commerciale du 08/09/2015, n° 14-12984).

9.1.3 – Charge de la preuve de la déclaration créance ou de la contestation

Concernant le créancier, il doit produire toutes les pièces justificatives concernant sa déclaration, afin de permettre au juge-commissaire, en cas de contestation, de prendre sa décision d’une manière éclairée.

Il est jugé que lorsque le juge-commissaire estime que la créance déclarée n’est pas suffisamment justifiée, il ne peut la rejeter sans inviter au préalable le créancier déclarant à produire les faits justificatifs faisant défaut (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/06/2012, n° 11-17603). Cette procédure n’est pas applicable, lorsque la demande de pièces justificatives faisait l’objet de la contestation de la part du mandataire judiciaire.

Concernant le débiteur, il ne peut se contenter de déclarer qu’il en aurait payé une partie ou la totalité de la créance déclarée, sans apporter une justification (Cour de cassation chambre commerciale du 04/10/2005 n° 04-12583). En l’absence de preuve, le juge-commissaire devra rejetait la contestation.

9.1.4 – Effets de la déclaration de créance

Article L. 622-25-1 :

« La déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites ».

La déclaration de créance au passif du débiteur principal est interruptive de la prescription également à l’égard de la caution (Cour de cassation, chambre commerciale du 18/01/2017, n° 15-10572).

En conséquence, l’absence de déclaration de créance n’interrompt pas la prescription de 5 ans à compter de la date de paiement mentionnée sur la facture. La prescription de la dette principale profite à la caution, qui peut donc s’en prévaloir.

9.1.5 – La déclaration de créance au niveau européen (règlement 2015/848 du 20/05/2015)

Les règles concernant la production, la vérification et l’admission des créances sont déterminées par la loi de l’Etat du lieu d’ouverture de la procédure collective, aux termes de l’article 54 du règlement européen d’insolvabilité 2015/848 du 20/05/2015.

L’article 54 du règlement pose, également, l’obligation d’informer les créanciers étrangers, par une notice comportant des renseignements détaillés sur le déroulement de la procédure de déclaration et de vérification des créances.

L’article 55 paragraphe 1 du règlement précise que tout créancier étranger peut produire ses créances au moyen du formulaire uniformisé.

C’est la loi du pays du créancier qui détermine qui peut effectuer la déclaration de créance pour le compte du créancier.

9.2 – Concernant le juge-commissaire

9.2.1 – Liberté de la décision du juge-commissaire au regard des propositions du mandataire judiciaire

Le juge-commissaire statue au vu des propositions qui figurent sur la liste du mandataire judiciaire. Toutefois, le juge-commissaire n’est pas tenu de suivre ces propositions.

Il peut admettre une créance dont le rejet avait été proposé par le mandataire judiciaire, alors même que le créancier n’avait pas réagi dans les trente jours (Cour de cassation, chambre commerciale du 01/04/2003, n° 99-18545).

9.2.2 – Le juge-commissaire ne peut admettre une créance pour un montant supérieur à celui déclaré 

En tout état de cause, il ne peut admettre une créance pour un montant supérieur à celui qui a été déclaré et ceci même dans l’hypothèse d’une déclaration faite dans l’attente d’une instance en cours (Cour de cassation, chambre commerciale du 22/01/2008, n° 07-10897).

De même, le juge-commissaire ne peut admettre à titre définitif, une créance supérieure à celle déclarée par le Trésor public ou l’organisme de sécurité sociale à titre prévisionnel (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/12/2005, n° 03-16571).

10. – Etat des créances (article L. 624-8 du Code de commerce)

C’est le document établi à l’issue de la vérification des créances, comprenant les admissions de créance, et toutes les décisions du juge-commissaire relatives aux créances déclarées.

Cet état des créances comprend :

  • la liste des créances établie par le mandataire judiciaire et remise au greffe et au juge-commissaire,
  • les décisions du juge-commissaire (mentions portées par le greffier), 
  • les relevés de créances résultant du contrat de travail

L’état des créances est déposé au greffe où il est public, et son dépôt fait l’objet d’une publicité au BODACC qui fait courir le délai de recours des tiers contre chacune des décisions rendues qui y sont regroupées (sauf en ce qui concerne la caution).

L’état des créances est ensuite, le cas échéant, complété par :

  • les décisions rendues par les juridictions compétentes saisies suite à l’incompétence du juge-commissaire,
  • les décisions rendues sur les instances qui étaient en cours au jour du jugement et qui ont été reprises après la déclaration de créance,
  • et les décisions rendues sur recours contre les décisions du juge-commissaire.

En cas d’omission d’une créance ou d’un créancier, il est admis que le juge-commissaire puisse établir un état des créances complémentaire qui doit être traité du point de vue des publicités et voies de recours comme l’état des créances initial (Cour de cassation, chambre commerciale du 17/09/2013, n° 12-2049).

Il se peut également que l’état des créances comporte une erreur matérielle, qui peut être rectifié suivant le régime de la rectification des erreurs matérielles (Cour de cassation, chambre commerciale du 17/05/2017, n° 16-13731).

Il n’y a pas de délai d’établissement de l’état des créances, seul des délais sont imposés au mandataire judiciaire pour procéder à la vérification des créances. 

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