Article 122 du Code de procédure civile
« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
Article 480 du Code de procédure civile :
« Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.
Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 ».
Article 1355 du Code civil :
« L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».
En l’état des justifications produites, un jugement a dès son prononcé l’autorité de la chose jugée de sorte qu’une nouvelle demande identique, fût-elle assortie de nouveaux éléments de preuve est irrecevable (Cour de cassation, chambre civile 1 du 25 mai 2016, pourvoi n°15-10788).
Le jugement s’impose même en cas de méconnaissance d’un principe d’ordre public. (Cour de cassation, chambre civile 2 du 25 octobre 2007, 06-19151).
Comme le précise l’article 480 du Code de procédure civile, le jugement a l’autorité de la chose jugée dès son prononcé, il n’a donc pas besoin d’être signifié, il acquiert l’autorité de la chose jugée dès le jour où il a été rendu.
Lorsqu’une des parties a exercé son droit d’appel, la cause reste « pendante » devant la Cour d’appel et l’autorité qui s’attache au jugement de première instance est conservée jusqu’à ce que la juridiction du second degré ait statué.
Si le jugement de première instance est infirmé, ou s’il est seulement réformé, l’autorité de la chose jugée s’attache alors à la nouvelle décision. Si le jugement de première instance est confirmé, l’autorité de la chose jugée continue à s’appliquer.
L’autorité de la chose jugée est conditionnée à la démonstration d’une triple identité entre la demande soumise au juge et celle qui a déjà été tranchée (Code civil, article 1355, ancien article 1351) :
Concernant la notion de cause, c’est-à-dire les faits et moyens invoqués, la jurisprudence a instauré le principe de concentration des moyens en vertu duquel le demandeur doit présenter dès l’instance initiale tous les moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci. Voir un exemple page 5, concernant un arrêt de la Cour de cassation, assemblée plénière du 07/07/2006, n° 04-10672.
Toute nouvelle demande fondée sur des arguments différents, mais dont l’objet et les parties resteraient identiques, se heurterait à une fin de non-recevoir tirée de la chose jugée.
Ce principe est également applicable au défendeur qui se voit contraint de présenter tous les moyens qu’il estime de nature à provoquer le rejet des prétentions formulées à son encontre.
Retenant une conception restrictive de l’autorité de la chose jugée, le nouvel article 1355 du code civil précise que l’autorité de la chose jugée ne vaut que pour ce qui a fait l’objet du jugement. Plus précisément, cette autorité est limitée à ce qui a été tranché dans le dispositif de celui-ci (Code de procédure civile article 480) de façon explicite.
La Cour de cassation semble elle aussi privilégier une conception stricte de ce principe puisqu’elle refuse d’étendre l’autorité de la chose jugée à ce qui a été implicitement jugé.
Quant aux motifs de la décision, ils ne bénéficient traditionnellement pas de cette autorité, y compris lorsqu’ils sont décisoires ou décisifs (Cour de cassation, assemblée plénière du 13/03/2009, n° 08-16033).
L’autorité de la chose jugée suppose que l’on soit en présence d’un jugement contentieux définitif, par opposition à provisoire (à savoir un jugement avant dire droit ou référé par exemple).
Aucune distinction ne doit être faite en fonction de l’origine du jugement, qui peut être rendu par une juridiction de première instance ou d’appel, de droit commun ou d’exception, statuant à juge unique ou non, etc.
La régularité de la décision n’est pas une condition de l’autorité de la chose jugée. Le jugement bénéficie de cette autorité tant qu’il n’a pas été annulé par l’exercice d’une voie de recours. La jurisprudence applique ce principe quelle que soit l’irrégularité frappant le jugement. Ainsi, l’autorité de la chose jugée doit être attachée au jugement rendu en violation des règles de compétence, ou comportant une irrégularité de forme, ou un vice de fond, le jugement ayant méconnu une disposition légale, même d’ordre public.
L’article 480 du Code de procédure civile précise que tout jugement a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.
Encore faut-il que le jugement tranche, dans son dispositif, une contestation, qui peut porter sur tout ou partie du principal, sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou sur tout autre incident.
L’autorité de la chose jugée concerne donc aussi bien un jugement qui statue sur le fond du droit que celui qui statue sur une question procédurale, dès l’instant qu’il tranche une contestation sur ces points.
Selon l’article 480 du Code de procédure civil, le jugement définitif a « dès son prononcé », l’autorité de la chose jugée : aucune autre condition n’est exigée et, notamment, on ne saurait considérer que le jugement doit être notifié pour acquérir cette autorité.
De même, la possibilité d’exercer une voie de recours n’a aucune incidence sur l’autorité de la chose jugée, même si le délai et le recours exercé sont suspensifs de l’exécution : dans ce cas, c’est la force exécutoire du jugement qui est suspendue, non son autorité de chose jugée.
Par exemple, un jugement définitif frappé d’appel et dont l’exécution provisoire a été suspendue, ne peut pas être exécuté, mais la décision subsiste avec son autorité tant qu’elle n’a pas été réformée ou annulée, et les parties ne pourraient pas renouveler la demande devant le juge de première instance.
De même, une décision frappée de pourvoi en cassation a l’autorité de la chose jugée, jusqu’à l’arrêt de cassation.
Si le juge prononce une décision qu’il motive, et contrôle les éléments de fait et de droit : il s’agit alors d’un jugement auquel la jurisprudence et la doctrine accordent l’autorité de la chose jugée.
Dans les cas contraires où le juge se contente de constater l’accord des parties, sans prononcer de décision sur le « litige », l’acte prend la forme d’un jugement mais il est dépourvu de l’autorité de la chose jugée.
Il s’agit de jugements qui se bornent à prendre une décision au cours du procès, à propos d’une mesure d’instruction ou d’une mesure provisoire (Code de procédure civile article 482).
Ces jugements sont dépourvus de l’autorité de la chose jugée « au principal ». Peu importe que le jugement ait prescrit une enquête, ou ordonné une expertise, ou commis un huissier de justice pour faire un constat…. Dans tous ces cas, le juge appelé à trancher le fond du litige n’est pas lié par la décision avant dire droit.
Dans cette hypothèse, le défendeur pourra toujours invoque une exception de connexité ou de litispendance.
Lorsqu’un jugement tranche une partie du principal dans son dispositif, et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire, il est, à la fois, définitif et avant dire droit.
L’article 544 du Code de procédure civile précise qu’il peut être immédiatement frappé d’appel, comme un jugement qui tranche tout le principal.
Il est certain que le chef du dispositif définitif, qui tranche une partie du principal, a l’autorité de la chose jugée, puisque l’article 480 du Code de procédure collective envisage expressément cette hypothèse.
En revanche, le chef non définitif du jugement mixte n’a pas d’autorité de la chose jugée : par exemple, si un jugement mixte statue sur une partie du fond et avant dire droit ordonne la réouverture des débats pour recueillir l’accord des parties sur l’organisation d’une médiation, il n’a pas autorité de la chose jugée sur les prétentions faisant l’objet de la proposition de médiation.
Certains jugements ne tranchent pas le fond du litige, mais statuent sur un chef, le plus souvent urgent, de la demande. Il s’agit, notamment, des ordonnances de référé et des ordonnances sur requête, décisions provisoires par leur nature même. En principe, ces décisions n’ont pas autorité de la chose jugée : elles peuvent donc être modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues à la demande des parties.
Cependant, si le juge du fond n’est pas lié par le dispositif de l’ordonnance de référé, l’ordonnance est revêtue de l’« autorité de chose jugée en référé » : l’article 488 du Code de procédure civile précise en effet que la décision ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de « circonstances nouvelles ».
Dès lors, si les circonstances n’évoluent pas, le juge des référés reste tenu par la décision initiale et ne peut en méconnaître l’autorité de la chose jugée au provisoire.
En revanche, lorsqu’un jugement (ou une ordonnance) est rendu « en la forme des référés », la décision a autorité de chose jugée relativement aux contestations qu’elle tranche (Code de procédure civile article 492-1). Il ne s’agit plus d’une décision de référé, mais d’un jugement sur le fond qui a emprunté la procédure des référés.
L’article 455 du Code de procédure civile prévoit que le jugement énonce la décision sous forme de dispositif : c’est donc à cette partie qu’il échet de se référer pour déterminer la portée de l’autorité de la chose jugée.
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rappelé que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif ». Par exemple, si le jugement statue sur la suspension du bail dans son dispositif, une deuxième demande en nullité de ce bail est recevable.
Pour que l’intéressé puisse opposer à la nouvelle demande la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, les trois éléments prévus par l’article 1355 du Code civil doivent être cumulativement réunis : si l’un d’entre eux est modifié, la demande pourra faire l’objet d’un jugement.
Les juges saisis de la nouvelle demande sont dans l’obligation de constater l’existence ou l’absence de ces trois éléments pour admettre ou rejeter la fin de non-recevoir, à peine d’être infirmé pour manque de base légale.
Le jugement n’a d’autorité de la chose jugée qu’à l’égard des parties. La demande renouvelée se heurte à l’irrecevabilité si elle concerne « les mêmes parties » et est « formée par elles et contre elles en la même qualité ».
Est considérée comme une partie toute personne qui a pris cette position dans l’instance initiale, en qualité de demandeur, défendeur, ou intervenant.
Les juges qui statuent sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée doivent constater l’identité des parties.
En l’absence d’identité de parties, l’autorité de la chose jugée n’est pas opposable :
Pour l’application de l’autorité de la chose jugée, on assimile aux parties les ayants cause universels et à titre universel : les jugements rendus à l’encontre ou au profit de leur auteur ont autorité à leur égard.
Si une société n’est ni partie ni représentée à l’instance, la décision n’a pas autorité à son égard.
Lorsqu’une partie donne mandat conventionnel à une personne de la représenter dans l’exercice de l’action, les effets du jugement se produisent en la personne du représenté, conformément à la technique de la représentation. En conséquence, le jugement a autorité de la chose jugée à l’égard du représenté.
Ainsi, lorsqu’une personne a agi en qualité de propriétaire dans l’instance ayant donné lieu au jugement, elle ne peut pas renouveler sa demande en se fondant à nouveau sur son titre de propriété.
En revanche, si une partie agit d’abord comme représentant d’une personne morale, puis forme une demande à titre personnel ou, à l’inverse, agit à titre personnel puis comme représentant d’une personne morale, la différence de qualité rend la seconde demande recevable.
Il en est de même lorsqu’une personne agit comme tuteur, puis en son nom personnel.
La cause de la demande est l’ensemble des faits et moyens soulevés lors de la formation de la demande. Si ces faits demeurent identiques, l’autorité de la chose jugée s’oppose à toute autre demande, même fondée sur un autre moyen de droit.
L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt d’assemblée plénière du 7 juillet 2006 est exemplaire Après avoir été débouté de sa demande en paiement d’une somme déterminée sur le fondement d’une créance de salaire différé, le demandeur a saisi le tribunal d’une seconde demande, contre le même adversaire et portant sur la même somme, mais en se fondant sur un autre moyen de droit, l’enrichissement sans cause.
La question se posait de savoir si cette seconde demande se heurtait à l’autorité de la chose jugée.
Pour décider l’irrecevabilité de la seconde demande, la Cour de cassation expose un raisonnement en deux temps :
L’objet de la demande c’est le résultat recherché (annulation d’un contrat, exécution d’une prestation, réparation d’un dommage) : une deuxième demande est possible, à condition que les faits sur lesquels elle est fondée diffèrent de ceux de la première demande.
Par exemple, si une banque poursuit une caution qui oppose une cause de nullité du contrat, il n’est plus possible pour la caution de former une deuxième demande contre ce même banquier en se fondant sur une autre cause d’anéantissement du contrat de cautionnement.
En revanche, la caution peut dans la deuxième instance, mettre en cause la responsabilité du banquier et lui réclamer des dommages et intérêts pour octroi abusif de crédit au débiteur, l’objet des deux demandes étant différent.
L’autorité de la chose jugée ne peut pas être opposée lorsque les événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
Dans un premier arrêt, Madame X… avait été déboutée de sa demande en dommages et intérêts formulée à l’encontre de Monsieur Y…, gérant de la SARL Z…, en liquidation amiable pour défaut de paiement d’une condamnation.
Ultérieurement la SARL Z…, a procédé à la publication de la clôture de la liquidation amiable, sans avoir procédé au paiement du montant dû à Madame X….
La publication de la clôture de la liquidation amiable de la SARL Z…, postérieurement au premier arrêt, a modifié la situation jugée par cet arrêt, de sorte que l’autorité de la chose jugée qui lui était attachée ne s’opposait pas à l’action de Mme X….
L’alinéa 2 de l’article 125 du Code de procédure civile autorise le juge à relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée. Il faudra néanmoins que les éléments du débat lui permettent de vérifier son application et que le juge respecte les dispositions de l’article 16 du Code de procédure civile, c’est-à-dire qu’il instaure sur cette question un débat contradictoire avec les parties. Il s’agit en tout état de cause d’une faculté, et non d’une obligation pour le juge.
Si le juge décide de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée, il doit, conformément au droit commun, respecter le principe du contradictoire et solliciter les observations des parties.
En application de l’article 123 du Code de procédure civile, l’autorité de la chose jugée constituant une fin de non-recevoir, elle peut être invoquée « en tout état de cause », c’est-à-dire à tout moment du procès et avant clôture des débats. Possibilité toutefois d’accorder des dommages et intérêts en cas d’intention dilatoire d’une invocation tardive.
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