Action en justice dilatoire
(La motivation du caractère abusif ou dilatoire de l'action en justice)
Points à retenir
- Le droit d’agir en justice est un principe fondamental, mais son abus peut être sanctionné (article 32-1 du Code de procédure civile).
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Amende civile : jusqu’à 10 000 €, versée au Trésor public, possible même sans préjudice démontré. - ■
Dommages-intérêts : au profit du défendeur, sous condition de preuve d’un préjudice réel. - L’abus peut être retenu sans intention de nuire : une faute ou une légèreté blâmable suffit.
- Le juge doit motiver la sanction en précisant les circonstances de fait qui font dégénérer le droit d’agir en justice en faute caractérisée.
- Les modèles jurisprudentiels fournis peuvent être utilisés comme formules de motivation dans les jugements.
🏛️ 1. Introduction
Le droit d’agir en justice est un principe fondamental. Toutefois, son exercice peut dégénérer en abus et donner lieu à sanction.
L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose :
« Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
Cet article permet donc au juge de prononcer, séparément ou cumulativement :
💰 une amende civile, plafonnée à 10 000 €, versée au Trésor public,
⚖️ des dommages-intérêts, sans limitation de montant, au bénéfice du défendeur qui justifie d’un préjudice.
📚 2. La notion d’abus du droit d’agir en justice
À l’origine, l’abus ne pouvait être retenu qu’en cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière assimilable au dol.
La Cour de cassation a assoupli cette exigence : un comportement fautif ou une légèreté blâmable suffit à caractériser l’abus, sans qu’il soit nécessaire de démontrer une intention de nuire (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 11 septembre 2008, n° 07-18483).
Ainsi, a été jugée abusive l’action intentée par un demandeur qui cherchait à tirer profit d’un gain qu’il savait ne pas lui appartenir (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 6 septembre 2002, n° 98-14397).
⚠️ Attention : Il appartient toujours au juge de motiver précisément la condamnation, en exposant les circonstances qui transforment l’action en justice en faute caractérisée.
💼 3. Les sanctions
3.1. L’amende civile
Prononcée uniquement à l’initiative du juge. La demande faite par une partie est irrecevable
Vise le demandeur ou le requérant, jamais le défendeur.
Constitue une sanction publique, le montant est versé exclusivement au Trésor.
Peut être infligée même en l’absence de préjudice démontré, l’État étant considéré comme lésé par une procédure abusive et coûteuse.
3.2. Les dommages-intérêts
Fondement : article 1240 du Code civil.
Réparent le préjudice subi par le défendeur.
Condition : le défendeur doit démontrer la faute et prouver son dommage.
3.3. Le cumul
📌 Le juge peut cumuler les deux : amende civile (au profit du Trésor public) et dommages-intérêts (au bénéfice du défendeur).
📑 4. Modèles de motivation jurisprudentiels
La motivation de la décision est déterminante : elle doit démontrer les circonstances qui font dégénérer le droit d’agir en justice en abus.
4.1. Rejet d’une demande de dommages-intérêts
« L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit.
Il ne dégénère en abus qu’en cas de faute caractérisée.
En l’espèce, la société demanderesse ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par la société défenderesse ni d’un préjudice distinct des frais de défense.
La demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée. »
4.2. Rejet motivé d’une demande indemnitaire
« Monsieur X sollicite la condamnation de la société Y à des dommages-intérêts pour procédure abusive.
Il ne produit cependant aucune pièce justifiant le préjudice allégué.
Il ne résulte pas non plus des éléments du litige que la société Y ait agi de manière abusive au sens de l’article 32-1 du Code de procédure civile.
La demande sera rejetée. »
4.3. Amende civile et rejet des dommages-intérêts
« La société appelante, qui ne pouvait ignorer le caractère infondé de ses prétentions au vu de la décision rendue et sans élément nouveau, a interjeté appel dans un but dilatoire.
Il convient de la condamner à payer au Trésor public une amende civile de 1 500 €.
Toutefois, la société intimée ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct des frais irrépétibles, qui seront indemnisés par ailleurs.
Sa demande de dommages-intérêts sera rejetée. »
Dispositif type :
« Condamne la société … à payer au Trésor public une amende civile de 1 500 € pour appel dilatoire. »
4.4. Amende civile seule
« Monsieur X a sollicité à plusieurs reprises la désignation d’un administrateur provisoire, déjà rejetée deux fois.
En l’absence d’éléments nouveaux, il ne pouvait sérieusement croire à ses chances d’obtenir gain de cause.
Cette démarche traduit une intention de nuire et un caractère manifestement abusif.
Il convient en conséquence de le condamner à payer au Trésor public une amende civile de 1 000 €. »