Jean-Claude LEMALLE

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Porte-fort - Stipulation pour autrui
(articles 1203 à 1209 du Code civil applicable à compter du 01/10/2016)

Table des matières

1. – Les articles applicables (1203 à 1209 du Code civil)

Article 1203 du Code civil

« On ne peut s’engager en son propre nom que pour soi-même ».

Article 1204 du Code civil.

« On peut se porter fort en promettant le fait d’un tiers.

Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts.

Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit ».

Article 1205 du Code civil

« On peut stipuler pour autrui ».

Article 1206 du Code civil

« Le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation.

Néanmoins le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée.

La stipulation devient irrévocable au moment où l’acceptation parvient au stipulant ou au promettant ».

Article 1207 du Code civil.

« La révocation ne peut émaner que du stipulant ou, après son décès, de ses héritiers. Ces derniers ne peuvent y procéder qu’à l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jour où ils ont mis le bénéficiaire en demeure de l’accepter.

Si elle n’est pas assortie de la désignation d’un nouveau bénéficiaire, la révocation profite, selon le cas, au stipulant ou à ses héritiers.

La révocation produit effet dès lors que le tiers bénéficiaire ou le promettant en a eu connaissance.

Lorsqu’elle est faite par testament, elle prend effet au moment du décès.

Le tiers initialement désigné est censé n’avoir jamais bénéficié de la stipulation faite à son profit ».

Article 1208 du Code civil

« L’acceptation peut émaner du bénéficiaire ou, après son décès, de ses héritiers. Elle peut être expresse ou tacite. Elle peut intervenir même après le décès du stipulant ou du promettant ».

Article 1209 du Code civil

« Le stipulant peut lui-même exiger du promettant l’exécution de son engagement envers le bénéficiaire ».

2. – Introduction

L’article 1203 édicte un principe, à savoir, l’interdiction de s’engager pour autrui. Il en découle qu’un tiers à un contrat ne peut se trouver créancier ou débiteur d’une obligation par l’effet d’un contrat auquel il est étranger.

Cette interdiction, de s’engager pour autrui, n’est pas en contradiction, ni avec la promesse de porte-fort, pour laquelle le tiers n’est pas engagé par la promesse, ni avec la stipulation pour autrui qui ne peut faire naître de créance ou d’obligation à la charge du bénéficiaire, que dans l’hypothèse de son accord.

3. – Promesse de porte-fort

3.1 – Définition de la promesse de porte-fort.

La promesse de porte-fort est l’engagement souscrit par un contractant (le porte-fort) d’obtenir l’accord d’un tiers à un acte juridique (soit par ratification de l’acte, soit par la conclusion d’un acte indépendant).

Il y a promesse de porte-fort de ratification, lorsque par exemple, le conjoint marié sous le régime de la communauté ne peut vendre seul un immeuble commun. Mais il peut conclure l’acte en se portant fort auprès de l’acheteur d’en obtenir la ratification par son conjoint.

De même, un actionnaire qui cède sa participation dans une société, peut se porter fort que les autres actionnaires seront d’accord pour céder également leurs parts, afin que son acquéreur soit majoritaire. 

La promesse de porte-fort n’est qu’une dérogation apparente à l’effet relatif du contrat, car le tiers n’est pas directement engagé par la promesse consentie par le porte-fort.

3.2 – Le régime du porte-fort de conclusion ou de ratification.

L’article 1204 détaille le régime du porte-fort de conclusion ( le promettant s’engage à ce qu’un tiers conclue un acte juridique – cas de cession des parts par les autres actionnaires) ou de ratification (le promettant s’engage à obtenir le consentement d’un tiers à un acte négocié et conclu – cas de la ratification par le conjoint d’un acte de cession d’un immeuble de la communauté).

Deux hypothèses possibles concernant la réalisation de la promesse faite par le promettant :

Première hypothèse : le tiers ratifie ou conclut l’acte. Dans ce cas le promettant sera libéré (alinéa 2 de l’article 1204) et, concernant la ratification, le contrat sera validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit (alinéa 3 de l’article 1204).

Seconde hypothèse : le tiers ne ratifie ou ne conclut pas l’acte. Dans ce cas, ce dernier ne sera pas engagé, mais le promettant sera tenu d’indemniser le bénéficiaire du porte-fort des dommages consécutifs à la non-conclusion du contrat (alinéa 2 de l’article 1204), probablement dans les conditions prévues au contrat, ou à défaut judiciairement.

3.3 – Un type de porte-fort oublié par le législateur : le porte-fort d’exécution

Même si l’article n’en fait pas mention, il existe également le porte-fort d’exécution. Le promettant ne s’engage pas à ce que le tiers conclue ou ratifie le contrat, mais à ce qu’il exécute son obligation contractuelle.

C’est le cas, par exemple, du cédant d’un fonds de commerce (promettant) qui promet à son ancien fournisseur (bénéficiaire) que le cessionnaire (tiers) respectera les contrats d’approvisionnement.

Le porte-fort d’exécution a pu être présenté comme un substitut au cautionnement, qui échappe au régime protecteur de cette sûreté personnelle (formalisme, proportionnalité, opposabilité des exceptions …), le promettant prend l’engagement que le débiteur remplira son engagement de remboursement du prêt, par exemple, à défaut le promettant substituera le débiteur dans son obligation.

La Cour de cassation a, en effet, jugé que l’engagement de porte-fort d’exécution constituait un engagement de faire et, plus précisément une obligation de résultat autonome, en vertu de laquelle le porte-fort serait tenu des conséquences de l’inexécution de l’engagement promis (Cour de cassation, chambre commerciale du 01/04/2014, n° 13-10629).

4. – Stipulation pour autrui

4.1 – Définition de la stipulation pour autrui

Il y a stipulation pour autrui lorsque : « L’un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l’autre, le promettant, d’accomplir une prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire » (article 1205 du Code civil).

La stipulation fait naître un droit direct au profit du bénéficiaire contre le promettant dès la stipulation (alinéa 1 de l’article 1206).

Cela signifie que le droit qu’acquiert le bénéficiaire n’a jamais été dans le patrimoine du stipulant, il naît directement dans le patrimoine du tiers bénéficiaire qui n’est donc pas l’ayant cause du stipulant.

Un contrat d’assurance-vie est une stipulation pour autrui, le stipulant est le souscripteur,  le promettant (ou remettant) est la compagnie d’assurances, le tiers bénéficiaire est le bénéficiaire de l’assurance-vie désigné par le souscripteur stipulant.

4.2 – Conditions et effets de la stipulation pour autrui

L’article 1205 alinéa 2 impose comme seule condition, à la stipulation pour autrui, que le bénéficiaire de la stipulation soit déterminé ou déterminable. Ainsi, dans un contrat d’assurance-vie, même si les bénéficiaires ne sont pas nommément désignés, il suffit qu’ils soient suffisamment désignés pour pouvoir être identifiés au moment de l’exigibilité du capital (par exemple : enfant à naître du contractant).

Concernant les effets de la stipulation pour autrui, l’article 1206 dispose que le bénéficiaire est investi d’un droit direct à l’encontre du promettant dès le jour de la stipulation. Ainsi, naissant directement dans le patrimoine du bénéficiaire, ne transitant pas par celui du stipulant, ce droit direct échappe notamment aux saisies éventuelles des créanciers du stipulant.

L’article 1206 précise également que la stipulation peut être librement révoquée par le stipulant tant qu’elle n’a pas été acceptée par le bénéficiaire, et plus précisément, tant que cette acceptation n’est pas parvenue au stipulant ou au promettant.

L’article 1209 précise encore que le stipulant peut lui-même exiger du promettant l’exécution de son engagement envers le bénéficiaire.

4.3 – Modalités de la révocation de la stipulation pour autrui et ses effets

A titre préliminaire, il convient de rappeler que sauf exception, le droit de révocation ne peut plus être exercé, si le bénéficiaire a accepté la stipulation (ainsi exceptionnellement le promettant peut révoquer le bénéficiaire initial s’il a eu un enfant, postérieurement à la stipulation, alors qu’il n’en avait pas antérieurement – article 960 du Code civil).

L’article 1207 dispose que la révocation peut émaner, également, des héritiers du stipulant décédé (étant évident que cette possibilité de révocation n’est possible, que si le bénéficiaire n’a antérieurement accepté la stipulation). Dans cette hypothèse la révocation, par les héritiers, ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter du jour où ils ont mis le bénéficiaire en demeure d’accepter.

Le texte précise également que la révocation produit effet dès que le bénéficiaire ou le promettant en a eu connaissance, ou, si elle est faite par testament, au jour du décès du stipulant.

L’effet de la révocation est radical : le tiers initialement désigné est censé n’avoir jamais bénéficié de la stipulation, qui profitera, selon le cas, soit à un nouveau bénéficiaire désigné, soit au stipulant ou à ses héritiers.

4.4 – Les modalités de l’acceptation de la stipulation pour autrui

L’article 1208 précise que l’acceptation peut être expresse ou tacite, c’est-à-dire résulter du comportement du bénéficiaire, et notamment de sa demande d’exécution de la promesse.

Ce même article précise également que l’acceptation peut émaner du bénéficiaire ou, après son décès de ses héritiers, qui se voient transmettre le bénéfice de la stipulation pour autrui.

Il parait possible que le promettant, par une clause du contrat désigne des bénéficiaires subsidiaires en cas de décès du premier bénéficiaire.

L’article 1208 précise enfin que l’acceptation, par le bénéficiaire, peut intervenir après le décès du promettant ou du stipulant.

DOCUMENTATION

DALLOZ – Documentation/Encyclopédie/Répertoire de droit civil : Porte-fortStipulation pour autrui

LEXIS 360 Entreprise – Porte-fortStipulation pour autrui.

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