Cautionnement : la mention manuscrite
📊 Comparatif des principales modifications (avant / après le 01/01/2022)
Ce tableau résume les différences essentielles entre l’ancien régime (avant le 01/01/2022) et le régime issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021 (applicable aux cautionnements conclus à compter du 01/01/2022).
🔹 Éléments | Avant le 01/01/2022 (anciens art. L. 331-1 et L. 331-2 C. consom.) | Depuis le 01/01/2022 (art. 2297 C. civ.) |
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Champ d’application | Créancier professionnel | Créancier professionnel ou non |
Forme de la mention | Obligatoirement manuscrite | Apposée par la caution, mais pas nécessairement manuscrite (possible dématérialisation) |
Mentions imposées | – Deux formules légales strictes – Reproduction textuelle obligatoire | – Pas de formule-type imposée – Obligations : 1️⃣ Montant en chiffres et lettres (les lettres priment) 2️⃣ Constat de renonciation aux bénéfices (si solidarité) |
Durée | Obligatoirement indiquée | Plus obligatoire → cautionnement possible à durée indéterminée |
Solidarité | Mention manuscrite spécifique imposée | Aucune formule-type : constat simple de la renonciation discussion/division |
Signature | Devait suivre la mention (sinon nullité) | Pas de règle sur l’emplacement |
- La référence aux « biens et revenus » disparaît : la caution répond de tout son patrimoine.
- En cas de solidarité, la renonciation aux bénéfices discussion/division doit être constatée dans la mention.
- Absence de plafond = nullité totale du cautionnement (nullité relative, non soulevée d’office).
- Absence/irrégularité de la solidarité = maintien d’un cautionnement simple, non nullité.
- Les actes notariés ou d’avocat sont dispensés de mention (protection assurée par le formalisme de l’acte).
1. – La mention manuscrite avant le 1er janvier 2022
Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 septembre 2021, les obligations de la caution personne physique étaient encadrées par les articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation (anciens articles L. 341-2 et L. 341-3).
1.1 – Champ d’application
Ces dispositions concernaient uniquement :
les cautions personnes physiques, que celle-ci soit profane ou avertie (Cour de cassation chambre commerciale du 10/01/2012, n° 10-26630) ;
qui s’engageaient au profit d’un créancier professionnel (banque, établissement de crédit, société de financement).
Rappel : le créancier professionnel est celui dont la créance est née dans lice de sa profession, ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale. La preuve de la qualification de professionnel est à la charge de la caution :
- exemple classique : un fournisseur qui fait crédit à son client avec la caution du dirigeant (Cour de cassation chambre commerciale du 13/12/2017, n° 16-14707)
Elles ne s’appliquaient donc ni aux personnes morales, ni aux créanciers non professionnels.
Les règles visaient les actes sous signature privée : les actes authentiques (notaire) n’étaient pas soumis à cette exigence, ainsi que les actes sous signature d’avocats.
1.2 – Contenu et matérialisation de la mention manuscrites
Deux mentions distinctes étaient prévues selon la nature de l’engagement :
Article L. 331-1 : » En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le montant du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X … n’y satisfait pas lui-même « .
Article L. 331-2 : » En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X … je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X …« ..
L’absence ou la nullité de la mention imposée par l’article L. 331-2 du Code de la consommation avait pour conséquence la modification du cautionnement solidaire, en cautionnement simple.
Il faut noter, qu’au regard des mentions, le cautionnement d’une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne pouvait être que limité dans le temps et en montant.
📌 Ces mentions étaient imposées textuellement : le moindre écart, oubli ou formulation approximative entraînait, en théorie, la nullité, de l’engagement.
1.2.1 – La signature doit précéder la mention manuscrite
L’absence de signature a pour conséquence la nullité du cautionnement, il en est de même si, la seule signature existante, précède la mention manuscrite (Cour de cassation, chambre commerciale du 17/09/2013, n° 12-13577)
1.2.2 – La mention est obligatoirement manuscrite
Il a été jugé qu’une caution illettrée ne pouvait s’engager que par acte authentique (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/07/2015, n° 14-21763. Dans un arrêt du 13/03/2012 (n° 10-27814) la Cour de cassation a annulé un cautionnement dont la mention manuscrite avait été rédigée par la secrétaire. Un arrêt du 20/09/2017 (n° 12-18364) a tempéré cette décision, pour une secrétaire qui avait l’habitude d’écrire à la place de son employeur, lequel l’accompagnait lors de la souscription du cautionnement.
1.2.3 – Mentions non conformes
- Absence de l’identité du débiteur → nullité du cautionnement (Cour de cassation, chambre commerciale du 24/05/2018, n° 16-24400).
- Omission du mot » intérêts » : seule conséquence la limitation de l’étendue du cautionnement au principal (Cour de cassation, chambre commerciale du 04/11/2014, n° 13-24706). Même remarque concernant l’absence du mot » pénalités « .
- Absence du mot » biens » : seule conséquence la limitation du cautionnement aux revenus de la caution (Cour de cassation, chambre commerciale du 01/10/2013, n° 12-20278).
- Absence du mot » principal » : limitation de l’étendue du cautionnement aux accessoires de la dette (Cour de cassation, chambre commerciale du 14/03/2018, n° 14-17931).
- Durée de l’engagement de la caution mal précisé : il est indiqué durée de l’opération garantie, nullité du cautionnement (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/07/2015, n° 14-24287. Idem pour une indication de 108 mensualités au lieu de 108 mois (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/02/2016, n° 14-18721). Par contre, il a été admis la mention » jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes dues » (Cour de cassation, chambre commerciale du 15/11/2017, n° 16-10504.
- La mention de la durée de l’engagement de la caution supérieure à celle portée dans l’acte, n’affecte pas la validité de la mention manuscrite (Cour de cassation, chambre commerciale du 11/06/2014, n° 13-18118).
Il est à noter que la Cour de cassation ne fait pas une application stricte de l’article L. 331-1 du Code de la consommation, le non respect textuel de la mention manuscrite n’a pas toujours comme sanction la nullité du cautionnement.
1.2.4 – La nullité n’est pas encourue
La nullité n’est pas encourue si la non-conformité résulte d’une erreur matérielle, référence à l’ancien article 2021 au lieu du nouveau 2298 (Cour de cassation, chambre commerciale du 20/04/2017, n° 15-20053.
De même, la nullité n’est pas encourue, en cas d’ajout qui ne modifie pas le sens et la portée de la mention manuscrite (Cour de cassation, chambre commerciale arrêt du 28/03/2018, n° 16-26561)
1.4 – Sanction
La sanction était la nullité relative, que seule la caution pouvait invoquer, il en résulte que le juge ne peut la relever d’office.
La dette principale demeurait due, mais le créancier ne pouvait plus se prévaloir du cautionnement.
Il est à noter que le paiement par la caution, en toute connaissance de cause, de son engagement, alors que les mentions manuscrites étaient irrégulières, indique que celui-ci a renoncé à invoquer la nullité de l’acte (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/02/2013, n° 12-11720).
Les organismes financiers ne commette, aujourd’hui, plus d’erreurs sur la mention manuscrite. Il n’en est pas de même d’un créancier professionnel qui n’est pas un établissement financier.
2. – Les mentions exigées depuis le 1er janvier 2022
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 (applicable aux cautionnements conclus à compter du 01/01/2022), le régime des mentions manuscrites a été profondément simplifié.
Le texte de référence est désormais l’article 2297 du Code civil.
Article 2297 du Code civil :
« À peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions. À défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices. »
2.1 – Champ d’application
L’article 2297 s’applique à tous les cautionnements conclus par une personne physique, que le créancier soit professionnel ou non professionnel.
Même si le texte ne le précise pas, il ne concerne que les actes sous seing privé.
Les actes authentiques (notaire) ou contresignés par un avocat sont dispensés de toute mention, comme sous l’ancien régime.
2.2 – Contenu et matérialisation de la mention
2.2.1 – Dématérialisation du cautionnement
La mention peut être apposée par la caution sans être manuscrite.
La voie est donc ouverte à la dématérialisation du cautionnement, sous réserve du respect des articles 1174 et suivants du Code civil.
2.2.2 – Contenu du formalisme
Le nouvel article 2297 impose deux obligations essentielles :
Indication du montant maximal garanti, en chiffres et en lettres.
→ En cas de discordance, le montant écrit en lettres prévaut.
→ Ce montant comprend le principal, les intérêts et accessoires, sauf clause contraire.Reconnaissance de la privation des bénéfices de discussion et/ou de division, lorsque l’acte stipule une solidarité.
→ La caution doit constater expressément dans sa mention :
« Je reconnais ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions. »
📌 Contrairement à l’ancien régime :
aucune formule légale type n’est imposée : la mention n’est plus prédéfinie par le législateur,
la durée n’a plus à être indiquée : le cautionnement est alors à durée indéterminée.
Dans ce cas, l’information annuelle de la caution doit rappeler la faculté de résiliation à tout moment et les conditions de son exercice.
2.2.3 – La notion d’« accessoires »
Bien que l’article 2295 du Code civil dispose que le cautionnement s’étend aux intérêts et accessoires de l’obligation garantie (sauf clause contraire), l’article 2297 exige que ces accessoires apparaissent expressément dans la mention.
2.2.4 – La clause de solidarité
Aucune rédaction précise n’est imposée. Il suffit que la mention constate la renonciation aux bénéfices de discussion et/ou de division.
Comme l’avait déjà retenu la jurisprudence, l’absence ou l’irrégularité de cette mention ne rend pas le cautionnement nul, mais le réduit à un cautionnement simple.
2.2.5 – La place de la signature
Contrairement aux articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation, l’article 2297 ne précise pas la place de la signature par rapport à la mention.
2.2.6 – Disparition de la notion de biens et revenus
Il n’est plus nécessaire de préciser que la caution s’engage « sur ses biens et revenus ».
La caution répond désormais de l’intégralité de son patrimoine.
2.2.7 – Le libellé de la mention
La mention doit faire apparaître :
l’engagement en qualité de caution,
l’identité du débiteur garanti,
la limite en montant, en lettres et en chiffres.
Il appartiendra au juge d’apprécier si la mention est suffisante pour établir que la caution avait pleine connaissance de la portée de son engagement.
La reprise des anciennes formules peut d’ailleurs satisfaire à cette exigence.
Exemple de mention conforme :
« Je m’engage en qualité de caution de la SARL DUPONT à payer au créancier les sommes dues par la SARL DUPONT en cas de défaillance de celle-ci, dans la limite d’un montant de 50.000 (cinquante mille) euros, couvrant le principal et les accessoires. Je reconnais ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions. »
2.3 – Sanction
En cas de défaut de mention, ou d’omission d’un élément requis, la sanction est la nullité du cautionnement.
Il s’agit d’une nullité relative, que seule la caution peut invoquer.
Le juge ne peut pas la relever d’office.
La nullité est totale si le plafond n’est pas indiqué.
Si seule la constatation de la solidarité est omise, l’acte reste valable mais la caution est considérée comme simple.
2.4 – Précisions pratiques
Le rôle du juge se limite à trois vérifications :
que le plafond est mentionné en chiffres et en lettres ;
qu’en cas de solidarité, la renonciation aux bénéfices de discussion et/ou de division est constatée ;
que la mention contient les éléments suffisants pour démontrer que la caution avait une pleine connaissance de la portée de son engagement.