Article 1193 du Code civil
« Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise ».
Article 1194 du Code civil.
« Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi ».
Article 1195 du Code civil
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».
L’article 1103 du Code civil énonce au titre des principes essentiels , le principe de la force obligatoire des contrats, à savoir « Les contrats légalement formés tiennent de loi à ceux que les ont faits ».
La présente section qui traite de la force obligatoire des contrats contient 3 dispositions :
L’article 1193 rappelle que les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que par le « consentement mutuel » des parties ou pour les « causes que la loi autorise ».
Etabli d’un commun accord par les parties, le contenu du contrat ne saurait évidemment être modifié ou résilié par la volonté d’un seul contractant.
L’existence d’un accord des parties est parfois écartée par la loi. Ainsi, les parties à un contrat à durée indéterminée se voient reconnaître une faculté de résiliation unilatérale, dans le respect d’un préavis (article 1211).
Même, si l’article 1193 n’en fait pas mention, la faculté de résiliation ou de modification unilatérale peut être prévue par le contrat, sous réserve de ne pas être mise en œuvre de façon abusive (voir l’article R. 212-2, 3° 4°, 5° et 8° du Code de la consommation).
En complément de l’article 110 du Code civil qui dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, l’article 1194 y ajoute qu’ « ils obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage et la loi ».
C’est sur le fondement de ce texte que le juge peut enrichir le contenu du contrat, en consacrant des obligations qui lui semblent être la suite naturelle ou nécessaire de l’engagement pris par les parties.
C’est l’exemple historique de l’obligation de sécurité imposée aux transporteurs de personnes (Cour de cassation, chambre civile du 21/11/1911), ou la création plus récente du devoir de mise en garde imposée aux établissements bancaires au profit de leurs clients non avertis.
L’application du principe de la révision du contrat au regard de circonstances imprévisibles, nécessite deux conditions :
Concernant la source de l’imprévision le texte exige qu’il s’agisse d’ « un changement de circonstances imprévisibles », dont le contractant n’avait pas accepté « d’assumer le risque » lors de la conclusion du contrat.
L’évolution des circonstances, qui devront être extérieures au débiteur, mais qui pourront être de diverses natures (économiques, sociales, politiques, juridiques, technologiques, ou encore climatiques), doit d’abord être « imprévisible ». Le demandeur devra convaincre, non seulement qu’il n’a pas « prévu » le changement de circonstances, mais encore qu’il ne pouvait raisonnablement le « prévoir », Il s’agit de distinguer « imprévision » et « imprévoyance » : si l’évolution était raisonnablement prévisible, le contractant se devait de l’anticiper contractuellement … ou de ne pas conclure le contrat.
L’évolution d’un taux de change, du tarif des matières premières ou du coût de la main-d’œuvre, pourrait-elle être considérée comme « imprévisible » lorsque l’on conclut un contrat de longue, voire de très longue durée ? En revanche, tout événement étant dans l’absolu prévisible, il semble justifié de n’exiger, comme en matière de force majeure, qu’une imprévisibilité raisonnable.
Le juge devra ensuite vérifier que ce risque n’a pas été « assumé » par le contractant demandeur.
Tel pourrait être le cas, par exemple, du marché à forfait, par lequel l’entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.
La seconde condition est relative à l’effet de l’imprévision. L’article 1195 prévoit qu’elle doit rendre l’exécution « excessivement onéreuse » pour l’une des parties.
De toute évidence, le simple renchérissement de la prestation, ou le moindre amoindrissement de la contrepartie reçue, ne pourra justifier la révision judiciaire.
Si l’intervention du juge est admise, elle ne peut intervenir qu’en cas de désaccord persistant des contractants.
Dans un premier temps, la partie lésée pourra solliciter la renégociation conventionnelle du contrat à son partenaire. Le texte précise que dans cette hypothèse que la partie devra alors continuer d’exécuter ses obligations, on ne saurait invoquer une « exception d’imprévision » dans l’attente du résultat de la renégociation. A noter que le texte n’impose aucune obligation de renégocier au partenaire.
Dans un second temps, en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties pour convenir de la résolution du contrat du contrat, à la date qu’elles déterminent.
Mais les parties peuvent également d’un commun accord au juge de procéder à l’adaptation du contrat.
Dans la limite des demandes des parties, le juge pourrait ainsi être amené à réviser le prix, mais également à accorder des délais, à réduire ou prolonger la durée du contrat, ou encore à évincer ou modifier telle ou telle clause du contrat.
Ce n’est que faute d’accord des contractants pour réviser, mettre fin au contrat ou saisir le juge d’une demande conjointe d’adaptation, que la partie lésée pourra dans un troisième temps, solliciter la résiliation ou la révision judiciaire du contrat.
Saisi d’une telle demande, le juge « peut » et non « doit » y faire droit. En pratique, si le juge constate que les conditions de l’imprévision sont remplies, il est difficile d’imaginer qu’il refuse soit de résilier, soit de réviser le contrat.
Le rejet, par le juge, de la demande faite par la partie lésée, n’est envisageable que dans l’hypothèse où les conditions de l’imprévision ne sont pas remplies.
Dans sa décision, le juge fixera la date et les conditions de la révision ou de la résiliation.
Pour la date, le juge pourra faire rétroagir la résiliation ou, au contraire, la reporter dans le temps en accordant un préavis aux contractants.
Concernant les conditions, il pourra juger opportun d’accorder une indemnité compensatrice, soit au débiteur qui aura subi un temps les conséquences de l’imprévision, soit au créancier pour le préjudice subi du fait de la résiliation anticipée.
L’article 1195 du Code civil n’a pas été déclaré d’ordre public, comme le confirme le rapport au président de la République.
Les parties pourront convenir à l’avance d’écarter la renégociation pour imprévision pour choisir d’en supporter les conséquences, pour cela, il suffira qu’elles déclarent « assumer le risque » des changements de circonstances imprévisibles.
Sans vouloir écarter toute possibilité d’une renégociation en cas d’imprévision, les parties pourraient se contenter d’en aménager les conditions et les modalités, et notamment d’écarter toute intervention judiciaire.
DALLOZ – Documentation/Encyclopédie/Répertoire de droit civil : Force obligatoire du contrat – Imprévision
Documentation/Ouvrages DALLOZ/Droit et pratique de la procédure civile/Chapitre 272 : sanction des règles de formation des actes de procédure : vices de forme, irrégularité de fond
LEXIS 360 Entreprise – Force obligatoire du contrat – Imprevision
Site A. Bamdé et J. Bourdoiseau : lLa force obligatoire du contrat – la théorie de l’imprévision