Il convient tout d’abord de préciser que dans la mesure où les articles L. 622-24 et R. 622-23 du Code de commerce ne prévoient pas la forme précise que doit revêtir l’écrit par lequel le créancier fait sa déclaration de créance, il revient au juge-commissaire d’apprécier souverainement si l’écrit envoyé au mandataire judiciaire exprime de manière non équivoque la volonté du créancier de réclamer dans la procédure collective le paiement de sa créance (Cour de cassation chambre commerciale du 15/02/2011 n° 10-12149).
La déclaration de créance doit être accompagnée des pièces justificatives (articles L. 622-25 et R. 622-23 du Code de commerce).
Toutefois, la méconnaissance de ses dispositions n’est pas sanctionnée par la nullité de la déclaration de créance dès lors que le mandataire peut à tout moment demander la production des documents qui n’auraient pas été joints (Cour de cassation chambre commerciale du. 17/12/2003 n° 01-10692).
Il n’en demeure pas moins que la charge de la preuve du contenu de la déclaration incombe au créancier.
Le montant de la créance revendiquée doit être indiqué précisément en principal, intérêts et accessoires article L. 622-25 alinéa 1 et R. 622-23).
Il doit être rappelé que la créance à admettre doit être celle existant au jour de l’ouverture de la procédure collective, indépendamment des événements qui ont pu l’affecter postérieurement. (Cour de cassation chambre commerciale du 11/10/2011 n° 10-17523).
Il est possible d’effectuer des déclarations de créances complémentaires, mais exclusivement dans le délai de la déclaration de créance, même en ce qui concerne les déclarations de créances effectuées par estimation.
Il paraît difficile d’admettre qu’une déclaration complémentaire pourrait faire l’objet d’un relevé de forclusion.
Seuls les organismes sociaux ou fiscaux peuvent déclarer leurs créances à titre provisionnel ou indicatif, les autres créanciers ne bénéficient pas de cette possibilité (article L. 622-24).
Si le montant de la créance ne peut être indiqué, faute d’être définitivement fixé à la date de la déclaration, le créancier doit procéder à son estimation, son évaluation sans pouvoir demander l’admission d’une créance à titre provisionnel.
Mais il ne faut pas nécessairement s’arrêter aux termes employés, le juge dispose du pouvoir souverain d’interpréter l’intention du créancier, dans sa déclaration.
Ainsi, il a été jugé qu’il importe peu qu’une déclaration ait été faite « à titre provisionnel » dès lors qu’il est constant que ce terme aurait dû être remplacé par l’expression « à titre prévisionnel » ou par toute autre expression signifiant qu’il s’agissait d’une évaluation et qu’il en ressortait ainsi que cette déclaration de créance révélait la volonté non équivoque de la part du créancier de réclamer à titre définitif la somme indiquée, sauf à user de la faculté de confirmer ou de réduire l’évaluation jusqu’à la décision d’admission (Cour de cassation chambre commerciale du. 26/09/2006 n° 05-16942).
Dans le même sens, les arrêts de la chambre commerciale du 7/03/2006 n° 04-19078 et du 14 mai 2008 n° 07-12891, pour une caisse de retraite complémentaire, créancier de droit commun.
Voir également l’arrêt de la Cour de cassation chambre commerciale du 6/07/2010 n° 09-68474 pour une déclaration de créance “faite à titre provisoire, sauf à parfaire”.
Les organismes de prévoyance et de sécurité sociale visés l’article L. 622-24 du Code de commerce sont ceux qui, comme le Trésor Public sont habilités à se délivrer des titres exécutoires (ASSEDIC, URSSAF, MSA).
Ce n’est pas le cas de la Caisse des congés payés du bâtiment (Cour de cassation, chambre commerciale du 12/04/2005, n° 02-13053).
La déclaration à titre provisionnel ne devrait concerner que les créances non couvertes par un titre exécutoire (le titre exécutoire pour les impôts est le rôle, pour les organismes sociaux il est constitué par la contrainte).
En conséquence, une créance couverte par un titre au jour de la déclaration, sera admise à titre définitif, même si le titre est contesté (Cour de cassation chambre commerciale du 10/03/2004 n° 01-01265).
Les créances antérieures de ces institutions ou organismes, non encore établies ou non couvertes par un titre exécutoire, doivent faire l’objet d’une déclaration de créance dans les délais légaux, à titre provisionnel.
Cette déclaration à titre provisionnel constitue le montant maximum, auquel la créance pourra être admise définitivement.
Le trésor public et les organismes de prévoyance et de sécurité sociale, habilités à se délivrer des titres exécutoires, doivent solliciter obligatoirement leur admission définitive dans le délai de 12 mois de la parution de l’ouverture de la procédure au BODACC ‘sauf procédures ou contrôle en cours).
Ce délai est opposable au créancier par le seul effet de la publication du jugement d’ouverture, même si le délai fixé par le tribunal pour l’établissement de la liste des créances déclarées ne figure pas parmi les mentions de l’avis publié au BODACC.
L’admission définitive après établissement définitif de la créance ne pourra intervenir pour une somme supérieure au montant déclaré à titre provisionnel, même si la déclaration a été faite sur la base d’une évaluation (Cour de cassation chambre commerciale du 03/11/2010).
En revanche, ces créanciers peuvent procéder à des déclarations rectificatives de la déclaration définitive de leurs créances, à condition, que celles-ci soient faites dans les délais et que le montant soit au plus égal à la déclaration provisionnelle (Cour de cassation chambre commerciale du 05/10/2010 n° 09-16558).
Si le titre exécutoire a été émis dans le délai d’établissement définitif des créances et a été régulièrement dénoncé dans ce délai au représentant des créanciers, il suffit au créancier de demander son admission définitive par requête adressée au juge-commissaire pour qu’il ait ainsi satisfait à toutes les exigences légales pour obtenir l’admission de ses créances à titre définitif sans qu’il puisse être exigé qu’il effectue en outre auprès du mandataire judiciaire une déclaration de créances à titre définitif (Cour de cassation chambre commerciale du 13/11/2007, n° 06-17083).
En revanche, faute d’émission d’un titre exécutoire dans ce délai, ce dont il appartient au créancier qui sollicite son admission à titre définitif de justifier, la créance ne peut être admise à titre définitif, elle reste admise à titre provisionnel et elle est donc inopposable au débiteur pendant l’exécution de son plan.
Le créancier doit déclarer les intérêts échus et impayés avant jugement d’ouverture. Le créancier n’a pas ici l’obligation d’indiquer le mode de calcul de ces intérêts échus.
Les intérêts à échoir ne peuvent être déclarés que pour les contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à 1 an (article L. 622-28 du Code de commerce).
Dès lors que la convention de compte courant ne précise ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds est accordée, ni les modalités de son remboursement, le compte courant ne saurait constituer un prêt à plus d’un an, les modalités de remboursement accordées lors de la cession des titres ne lui conférant pas cette qualité (Cour de cassation, chambre commerciale du 23/04/2013, n° 12-14283).
La déclaration de créance doit indiquer, à défaut d’un montant précis, « les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté » (Article R. 622-23 du Code de commerce) – Cour de cassation, chambre commerciale du 22/03/2017, n° 15-19481).
De même, la mention dans la déclaration de créance, d’intérêts à échoir “pour mémoire”, sans indication de leur taux ni de leur mode de calcul, et sans renvoi aux documents joints à la déclaration, ne vaut pas déclaration régulière (Cour de cassation chambre commerciale du 05/04/2016, n° 14-20169).
La seule mention dans une déclaration de créance, du montant non échu de ladite créance et de l’indication du seul taux des intérêts de retard ne peut, soit en l’absence de toute précision sur les modalités de calcul des intérêts dans la déclaration elle-même, soit par un renvoi express de dans la déclaration à un document joint indiquant ces modalités, peut valoir déclaration des intérêts dont le cours n’était pas arrêté (Cour de cassation, chambre commerciale du 23/11/2022, n° 21-14116)
Les contrats de prêt bancaire contiennent généralement une clause d’indemnité d’exigibilité anticipée, qui a vocation à s’appliquer en cas de déchéance du terme.
Cette créance a la nature d’une créance antérieure. Le fait générateur étant constitué par le prêt, elle doit en conséquence être déclarée au passif (Cour de cassation, chambre commerciale du 27/06/2006, n° 05-12306).
Arrêt récent de la Cour de cassation à méditer.
Cour de cassation, chambre commerciale du 22/02/2017, n° 15-15942
« Mais attendu que, saisie d’une demande de fixation d’une créance correspondant au capital prêté dans son intégralité et à échoir, ce dont il résultait que le prêt n’était pas exigible à la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la débitrice et que cette dernière n’était pas défaillante dans l’exécution de ses obligations, la cour d’appel, après avoir relevé que, selon la clause litigieuse, l’indemnité de recouvrement de 5 % était due si la banque se trouvait dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, et également si la banque était tenue de produire à un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l’emprunteur, en a exactement déduit qu’en l’espèce, une telle clause aggravait les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde ;
Que par ce seul motif, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n’est pas fondé ».
Si le contrat était résilié au jour du jugement d’ouverture, aucune difficulté ne peut se présenter. L’indemnité de résiliation a nécessairement la nature d’une créance antérieure, puisque son fait générateur, à savoir la résiliation, est fixé avant jugement d’ouverture. Cette indemnité doit faire l’objet d’une déclaration.
S’il s’agit d’un contrat en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective, la résiliation peut résulter :
Dans les deux cas la résiliation peut donner lieu à une indemnité de résiliation. ou des dommages et intérêts dont le montant doit faire l’objet d’une déclaration de créance au passif, s’agissant de créances antérieures (article L. 622-17-III 2° du Code de commerce).
En application de l’article R. 622-21 du Code de commerce, ces créanciers bénéficient d’un délai d’un mois à compter de la date de résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation.
Rappelons que :
L’indication de la présence d’une sûreté assortissant la créance est obligatoire.
A défaut de mention, la garantie est éteinte.
Les créances non exigibles au jour du jugement d’ouverture doivent faire l’objet d’une déclaration de créance.
Rappelons que le jugement d’ouverture de la sauvegarde ou du redressement judiciaire n’emporte pas déchéance du terme, laquelle ne résultera que de la liquidation judiciaire, sauf poursuite provisoire de l’activité.
En matière de vente, dès lors que la livraison de la chose est antérieure au jugement d’ouverture, la créance du prix doit être, pour la totalité, déclarée au passif, même si l’obligation de payer était prévue postérieurement au jugement d’ouverture.
En matière de prêt, il convient de déclarer au passif, distinctement les sommes échues et les sommes à échoir, en précisant pour celles-ci la date d’échéance (article L. 622-25 du Code de commerce).
L’erreur commise dans la déclaration de créance, qui consiste à déclarer comme échues des créances qui sont à échoir, n’est pas sanctionnée par l’extinction de la créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 28/09/2014, n° 03-12023).
Symétriquement, la déclaration de créances de sommes à échoir, qui étaient échues au jour du jugement d’ouverture, restera sans conséquence, dès lors que le créancier a manifesté sa volonté non équivoque de réclamer les créances à échoir (Cour de cassation, chambre commerciale du 09/01/2001, n° 97-22048).
Il faut ici supposer que les obligations du contrat naissent au fur et à mesure du déroulement du contrat, un crédit-bail par exemple.
L’article L. 622-24 du Code de commerce indique que le créancier doit déclarer les créances antérieures. Il ne convient donc pas de déclarer les créances postérieures.
Ne pas faire de confusion avec l’article L. 622-25 du Code, qui fait mention des sommes à échoir, mais uniquement lorsqu’il s’agit de créances antérieures et non de créances postérieures.
La banque doit établir un arrêté provisoire au jour de l’ouverture de la procédure collective. Si le montant est débiteur, il convient de le déclarer à la procédure collective.
Cet arrêté provisoire ne vaut pas clôture du compte et en conséquence cette somme ne peut faire l’objet d’une demande en paiement à l’encontre de la caution (sauf convention contraire entre les parties).
Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, les créances non déclarées ne sont plus éteintes. Elles sont inopposables à la procédure collective.
Il convient ici d’assimiler créances non déclarées et créances rejetées.
Si la créance non déclarée est inopposable à la procédure, la créance n’est pas éteinte.
L’ordonnance du 18 décembre 2008 dispose, en ce qui concerne la procédure de sauvegarde (article L. 622-26 du Code de commerce) que la créance non déclarée :
En application de l’article L. 631-14 alinéa 7, les dispositions, concernant la caution, ne sont pas applicables en cas de redressement judiciaire.
Ainsi :
Les créances, qui n’ont pas été déclarées au passif d’une première procédure, n’étant plus éteinte, le créancier peut déclarer sa créance au passif d’une seconde procédure ouverte suite à la résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Ce n’est pas le cas d’une créance rejetée.
Après avoir rappelé le formalisme, imposé par le législateur, concernant la déclaration des créances, il convient dans un titre II, d’examiner maintenant, le déroulement de la vérification de la déclaration de créances.
♦ Dalloz – Documentation/Encyclopédie/Entreprises en difficulté/Situation des créanciers : forme et contenu de la déclaration – sanction de l’obligation de déclaration.
♦ LexisNexis – Encyclopédie/Jurisclasseur/Procédures collectives : Fascicule 2352 : contenu de la déclaration – conséquence du non-respect du délai de déclaration
♦ Site Philippe Pernaud-Orliac – La déclaration de créance
♦ Droit et pratique des procédures collectives – Pierre-Michel LE CORRE – Editions 2021/2022 – Chapitre 668 : contenu de la déclaration de créance – Chapitre 666 : dépassement des délais de déclaration de créance