Jean-Claude LEMALLE

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Conditions de la poursuite de la caution d'un débiteur principal en procédure collective -
La prise de mesures conservatoires par le créancier

TABLE DES MATIERES

1. – Quelques observations concernant les différents contrats faisant habituellement l’objet d’un cautionnement.

 

1.1 – Le contrat de prêt

En premier lieu, il convient de rappeler qu’un contrat de prêt :

  • n’est pas en contrat en cours,
  • et que son fait générateur se situe au jour de la conclusion du contrat.

En conséquence, si le contrat a été signé antérieurement au jour de l’ouverture de la procédure collective, l’établissement financier a donc l’obligation d’effectuer sa déclaration de créance, dans la procédure collective du débiteur principal, en effectuant la distinction entre les montants dus et les montants à échoir. 

Deux situations peuvent se présenter :

  • Soit la déchéance du terme est acquise (dans les conditions des clauses du contrat de prêt) avant l’ouverture de la procédure collective, et le créancier s’en prévaut, auquel cas le capital restant dû, au jour de l’ouverture de la procédure collective est exigible, ainsi que les échéances impayées, les intérêts dus sur ces sommes jusqu’au jour du paiement (voir article R. 622-23), et les diverses indemnités prévues contractuellement.
  • Soit la déchéance du terme n’est pas acquise à cette même date, auquel cas, seules les échéances impayées au jour de l’ouverture de la procédure collective sont exigibles, les autres créances devant être déclarées comme étant à échoir, car non exigible au jour de l’ouverture de la procédure collective (voir article L. 622-25).

1.1.1 – Quelles sont les conséquences pour la caution de la déchéance du terme du prêt applicable au débiteur principal ?

Si le cautionnement est un contrat accessoire, il obéit à ses propres règles. Ainsi, la caution peut régler les échéances du prêt, en lieu et place du débiteur, suivant les conditions prévues au contrat. En conséquence, la déchéance du terme encourue par le débiteur ne lui sera pas, en principe, opposable.

Toutefois :

  • premièrement, cette possibilité pour la caution de se substituer au débiteur principal, et ainsi de faire application du contrat de prêt, nécessite une exécution correcte de cette substitution.  La caution peut en effet personnellement encourir la déchéance du terme, si elle laisse infructueuse une mise en demeure d’avoir à exécuter en lieu et place du débiteur principal, dès lors que cette dernière vise la déchéance du terme contre la caution. 
  • deuxièmement, le contrat peut valablement écarter cette règle, par une stipulation expresse en ce sens, clause très fréquente dans les cautionnements bancaires sous l’appellation « clause de renonciation au bénéfice d’un terme propre« . En présence d’une telle clause, la déchéance du terme du prêt s’impose également à la caution.

Rappelons que l’absence de déchéance du terme avant le jugement d’ouverture empêche son acquisition après ce même jugement, par le seul fait de l’ouverture d’une sauvegarde, ou d’un redressement judiciaire. 

Il semble difficile d’admettre que la déchéance du terme puisse intervenir pendant la période d’observation, pour non-paiement d’une échéance du prêt, au regard de l’interdiction faite au débiteur de procéder au paiement d’une créance antérieure.

 

La mise en cause de la caution, par l’établissement financier prêteur, pendant le déroulement de la procédure collective, ne pourra s’exercer que dans les conditions prévues par le Code de commerce, que nous examinons ci-dessous.

Concernant les conséquences du prononcé de la liquidation judiciaire, sur le contrat de prêt, voir le paragraphe 2.2. 

1.2. – Le contrat de crédit-bail

Contrairement au contrat de prêt, le contrat de crédit-bail est un contrat en cours, dont le fait générateur est constitué par la jouissance du bien loué (Cour de cassation, chambre commerciale du 12/01/2010, n° 08-21456).

Si la résiliation du contrat de crédit-bail est acquise avant l’ouverture de la procédure collective du débiteur principal, cette résiliation s’impose à la caution, avec toutes ses conséquences, à savoir l’exigibilité des échéances impayées et des indemnités de résiliation prévues au contrat. Le crédit-bailleur a donc l’obligation de les déclarer à la procédure collective du débiteur principal. La mise en cause de la caution, par le crédit-bailleur, pendant le déroulement de la procédure collective, ne pourra s’exercer que dans les conditions prévues par le Code de commerce, que nous examinons ci-dessous.

A défaut de résiliation, avant l’ouverture de la procédure collective, seules les échéances impayées, à cette date, sont exigibles.

A défaut de paiement des échéances pendant la période d’observation, le contrat de crédit-bail peut être résilié pendant cette période. Dans ce cas, les échéances postérieures à l’ouverture de la procédure constituent des créances exigibles, postérieures à l’ouverture de la procédure collective, pour lesquelles le crédit-bailleur peut en demander le paiement à la caution.

Toutefois, il convient de noter que l’indemnité de résiliation constitue une créance antérieure, qui doit être déclarée par le crédit-bailleur dans le mois de la notification de la résiliation (article R. 622-21 alinéa 2), ce qui fait bénéficier à la caution, concernant cette créance, des dispositions suspendant ou interdisant toutes poursuites pendant le déroulement de la procédure collective du débiteur principal.    

1.3 – Le découvert en compte-courant

Comme le crédit-bail, le contrat d’ouverture d’un compte bancaire obéit au régime des contrats en cours.

Comme tous les contrats en cours, le contrat est poursuivi à ses clauses et conditions, même si pour des raisons pratiques la banque maintien le compte sous un nouveau numéro.

Il en résulte que la banque ne peut refuser de maintenir un compte au nom de son client, ni remettre en cause une autorisation de découvert autorisé, qui doit perdurer, après le jugement d’ouverture de la procédure collective, dans les limites autorisées ou tolérées avant ce même jugement. 

La banque doit déclarer au passif, du débiteur principal, le découvert au jour du jugement ou plus exactement le jour du jugement à zéro heure (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/11/2003, 00-20122).

Comme précédemment, deux situations sont possibles :

  • Le compte a été clôturé avant l’ouverture de la procédure collective du débiteur principal, dans cette hypothèse le solde débiteur est exigible. La mise en cause de la caution, par l’établissement financier, pendant le déroulement de la procédure collective, ne pourra s’exercer que dans les conditions prévues par le Code de commerce.
  • Le compte n’est pas clôturé au jour de l’ouverture de la procédure collective du débiteur principal. Il s’agit alors d’un montant « provisoire« , dont l’établissement bancaire ne peut en exiger le paiement par la caution. Rappelons que seule la clôture du compte bancaire, entraîne son exigibilité.

1.4 – L’arrêt du cours des intérêts

La première phrase du premier alinéa de l’article L. 622-28 (qui concerne la sauvegarde) dispose que  » le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus« .

La deuxième phrase de ce même alinéa précise que les cautions, personnes physiques (et non les cautions personnes morales), peuvent se prévaloir de cette disposition.

Concernant le débiteur principal en redressement judiciaire, cette disposition n’est applicable qu’aux procédures ouvertes à compter du 01/10/2021 (par la modification de l’article L. 631-14). 

S’agissant de la liquidation judiciaire, l’article L. 641-3 en précisant que seule la première phrase de l’article L. 622-28 est applicable, il en résulte que la règle de l’arrêt du cours des intérêts qui bénéficie au débiteur en liquidation judiciaire ne profite pas à la caution personne physique. 

Il convient de préciser que les intérêts continuent à courir y compris si le contrat à plus d’un an fait l’objet d’une déchéance du terme, puisqu’il faut examiner la durée du contrat à son origine et non au jour de l’ouverture de la procédure collective.

Par contre, un découvert en compte courant qui, par tolérance, dépasse la durée d’un an ou l’ouverture de crédit en compte courant pour une durée indéterminée qui se traduit par un découvert permanent du compte courant ne remplit pas les conditions de maintien du cours des intérêts (Cour de cassation, chambre commerciale du 23/04/2013,  n°12-14283) : le contrat, à l’origine, n’a pas été conclu pour une durée supérieure ou égale à un an.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 29/04/2013 (n° 99-15544), a même précisé qu’au regard d’une lecture précise du texte et qu’en conséquence, il convenait d’examiner la situation au jour de la conclusion du prêt, sans prendre en compte les avenants postérieurs. 

Une question reste posée. L’arrêt du cours des intérêts, intervenu par l’effet de l’ouverture de la sauvegarde ou du redressement judiciaire, doit-il survivre à la conversion en liquidation judiciaire ? 

A titre indicatif, il convient d’observer que, d’une part l’arrêt du cours des intérêts, à la lecture de l’article L. 622-28, est définitif et d’autre part, il résulte du seul jugement d’ouverture de la sauvegarde ou du redressement judiciaire, non du jugement de conversion en liquidation judiciaire.

2. – Les conditions pour assigner en paiement la caution d’un débiteur principal en sauvegarde ou en redressement judiciaire, dans l’hypothèse où le créancier a régulièrement déclaré sa créance

L’article L. 622-21, qui interrompt ou interdit, à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective, toute action en justice de la part de tous créanciers et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, n’est pas applicable à la caution. Cependant des règles particulières, que nous allons examiner ci-dessous, viennent protéger les cautions personnes physiques, .

Rappelons que selon une jurisprudence établie de longue date, le créancier peut poursuivre et obtenir la condamnation de la caution devant le juge du cautionnement, selon les règles de droit commun, avant toute admission de sa créance, en établissant l’existence et le montant de sa créance (Cour de cassation, chambre commerciale du 07/02/2018, n° 16-22280).

 

2.1 – Le débiteur principal est en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire

 

2.1.1 – Pendant la période d’observation de la procédure de sauvegarde ou du redressement judiciaire du débiteur principal

Pendant la période d’observation toute action à l’encontre de la caution personne physique est suspendue, jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire (article L. 622-28 alinéa 2 pour la sauvegarde, article L. 631-14 alinéa 1 pour le redressement judiciaire).

L’article L. 622-28 alinéa 2 indiquant que l’action est suspendue, il en résulte que si le créancier agit contre la caution, personne physique, pendant la période d’observation du débiteur principal, le tribunal devra prononcer un sursis à statuer, jusqu’au jour de l’arrêté du plan ou du prononcé de la liquidation judiciaire, sans avoir à examiner la demande du créancier (fin de non-recevoir, article 122 du Code de procédure civile).

Nous examinerons, au paragraphe 6, la possibilité pour le créancier de prendre des mesures conservatoires (pendant la période d’observation ou pendant la durée du plan).

La caution personne morale ne bénéficiant pas de cette suspension pourra donc être poursuivie en exécution de ses obligations contractuelles et ce, pendant la période d’observation de la procédure collective ouverte à l’encontre du débiteur principal. Il conviendra alors d’examiner le caractère exigible de la créance alléguée (Cour de cassation, chambre commerciale du 30/01/2019, n° 16-18468).

 

2.1.2 – A compter du jour du jugement arrêtant le plan

Les cautions personnes physiques peuvent se prévaloir des dispositions du plan (article L. 626-11 pour la sauvegarde, article L. 631-19 pour le redressement judiciaire), c’est-à-dire que tant que le débiteur principal respecte le plan, la caution ne pourra être actionnée en paiement. Il en résulte que si le débiteur principal respecte les conditions du plan, la caution ne pourra plus, à la fin du plan, être poursuivie par le créancier, étant totalement déchargée de son engagement (Cour de cassation, chambre commerciale du 10/03/2021, n° 19-17154).

Il est à noter que cette disposition n’est applicable au plan de redressement (débiteur en redressement judiciaire), que pour les procédures ouvertes à compter du 01/10/2021 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15/09/2021 qui a réécrit l’article L. 631-20). 

Il en résulte qu’en cas d’assignation de la caution par le créancier pendant le déroulement du plan de sauvegarde ou du plan de redressement (pour les procédures ouvertes à compter du 01/10/2021), le tribunal doit, si la demande est justifiée, condamner la caution au paiement, en précisant que l’exécution forcée du titre exécutoire ne peut être mise en œuvre tant que le plan est respecté.

Aussi, dès qu’une échéance du plan est impayée, et au fur et à mesure des impayés, le créancier peut poursuivre la caution, sans avoir à solliciter ou à attendre la résolution du plan (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/06/2015, n° 14-10673).

Concernant la caution personne morale, mêmes remarques que celles concernant la période d’observation.

2.1.3 – A compter de la résolution du plan

Si le tribunal, suite à la résolution d’un plan de sauvegarde, ouvre une procédure de redressement judiciaire à l’encontre du débiteur principal, il conviendra de faire application des dispositions indiquées ci-dessus, pendant d’une part la période d’observation et d’autre part à compter du jugement arrêtant le plan de redressement de cette nouvelle procédure de redressement judiciaire.

Si le tribunal prononce en même temps que la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement, la liquidation judiciaire du débiteur principal, il conviendra de faire application des règles applicable à cette procédure, que nous examinons au paragraphe 2.2.

2.2 – Le débiteur principal est en liquidation judiciaire

En liquidation judiciaire, aucun renvoi n’étant fait à l’article L. 622-28 alinéa 2, il en résulte que les créanciers conservent leur droit de poursuite des cautions, en prenant en compte l’exigibilité de la créance, à son égard.

Au regard de cette exigibilité de la créance, il convient de noter que :

  • d’une part, l’article L. 643-1, dispose que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues,
  • d’autre part, l’article L. 641-11-1 précise que « nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire« .

Concernant le contrat de prêt, celui-ci n’étant pas un contrat en cours, les échéances à échoir deviennent donc exigibles au jour du prononcé de la liquidation judiciaire. Voir les conséquences pour la caution à la rubrique 1.1 de la présente étude.

Le crédit-bail et le compte-courant bancaire qui sont des contrats en cours, au regard de l’article L. 641-11-1, ne sont pas résiliés par le prononcé de la liquidation judiciaire. 

A défaut de résiliation du contrat de crédit-bail, avant le prononcé de la liquidation judiciaire, il appartiendra au liquidateur judiciaire de demander cette résiliation dans les conditions fixées par l’article L. 641-11-1, pour que les échéances à échoir ainsi que les indemnités de résiliation dues deviennent exigibles.

Concernant le compte-courant bancaire, à défaut d’être clôturé avant le prononcé de la liquidation judiciaire, le solde débiteur ne devenant pas exigible par le prononcé de la liquidation judiciaire, l’établissement bancaire ne pourrait donc agir en paiement à l’encontre de la caution (voir 1.3).

Toutefois dans un arrêt du 13/12/2016 (n° 14-16037), la chambre commerciale a jugé que :

« Mais attendu que le compte courant d’une société étant clôturé par l’effet de sa liquidation judiciaire, il en résulte que le solde de ce compte, est immédiatement exigible de la caution ; que, dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a jugé que l’admission définitive des créances de la banque au passif des procédures collectives des sociétés dont M. X… a cautionné les obligations, s’impose à celui-ci, qui n’est pas fondé à contester les sommes dont le paiement lui est réclamé ». 

2.3 – Sort de la caution en cas de plan de cession

 

2.3.1 – Le cas du cessionnaire qui devient titulaire d’un contrat en cours, par le plan de cession (L. 642-7).

Dans ce cas, le cessionnaire continue l’exécution du contrat et devient donc débiteur des échéances postérieures au plan, dudit contrat (contrat de crédit-bail, contrat de maintenance d’un matériel…).

Il a été jugé que le plan de cession n’emporte pas novation par substitution de débiteur. Aussi, la caution d’origine, reste tenue des dettes nées du chef du débiteur antérieurement à la cession , mais non des échéances ou obligations, postérieures au plan, qui sont à la charge du cessionnaire (Cour de cassation, chambre commerciale du 21/11/1995, n° 93-20387)

2.3.2 – Le cas du cessionnaire qui prend en charge les échéances à venir d’un prêt

Le contrat de prêt n’est pas un contrat en cours, il ne peut donc être cédé au titre de l’article L. 642-17.

Deux situations possibles :

  • Soit le cessionnaire prend l’engagement de payer, après l’adoption du plan de cession de l’emprunteur, les mensualités à échoir du prêt contracter, à l’origine, par le cessionnaire.
  • Soit en application de l’article L. 642-12 alinéa 4, le cessionnaire est tenu de s’acquitter, entre les mains du créancier,  des échéances qui restent dues à compter du transfert de propriété, du crédit  souscrit pour financer le bien cédé au cessionnaire. 

Dans les deux cas le bénéfice du cautionnement garantissant le crédit consenti à l’emprunteur, pour financer l’acquisition du bien, est transmis au cessionnaire.

Ainsi, si le cessionnaire est défaillant, le créancier pourra se retourner contre la caution (Cour de cassation, chambre commerciale du 13/04/1999, n° 97-11383Cour de cassation, chambre commerciale du 09/02/2016, n° 14-23219).

3. – Absence de déclaration de créance par le créancier (ou déclaration irrégulière) à la procédure collective du débiteur principal : conséquences pour la caution.

 

3.1 – Le débiteur principal est en sauvegarde ou en redressement judiciaire

 

3.1.1 – Pendant la période d’observation.

Le 2ième alinéa de l’article L. 622-28 ne faisant aucune référence à la déclaration de créance faite par le créancier, toute action à l’encontre de la caution est suspendue, pendant la période d’observation du débiteur principal. 

3.1.2 – A compter du jour du jugement arrêtant le plan

Le 2ième alinéa de l’article L. 622-26, applicable aux procédures ouvertes à compter du 1/10/2021,  précise que :

« Les créances et les sûretés non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Dans les mêmes conditions, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ».

Il en résulte, que les créances non déclarées dans les délais (et qui ne sont pas relevées de la forclusion) ou les créances irrégulièrement déclarées (absence de pouvoir du signataire…) ne sont pas opposables à la caution, personne physique, du débiteur principal, pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements prévus dans le plan, ou modifiés ultérieurement par le tribunal, ont été tenus.

Le créancier qui a omis d’effectuer sa déclaration de créance (ou si sa créance est irrégulièrement déclarée), ne pourra poursuivre la caution que dans l’hypothèse où le plan n’est pas respecté, et donc en pratique en cas de liquidation judiciaire du débiteur principal.

3.2 – A compter de la mise en liquidation judiciaire

A compter du prononcé de la liquidation judiciaire, si le créancier ne peut poursuivre le débiteur principal, il peut mettre en cause la caution, au regard de la défaillance du débiteur cautionné.

Rappelons que l’article L. 622-25-1 dispose que « la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure » et qu’il en résulte donc qu’en l’absence de déclaration (ou de déclaration irrégulière), la prescription de 5 ans, à compter de l’exigibilité de la dette principale, continue de courir.

A défaut d’avoir effectué sa déclaration de créance, le point de départ de la prescription de la créance à l’encontre de la caution, sera fixé au jour de l’exigibilité de la créance par le débiteur principal (échéance impayée et déchéance du terme). 

Rappelons également que le juge ne peut soulever d’office la prescription.

Rappelons enfin la possibilité pour la caution de faire application de l’article 2314 du Code civil qui dispose que  » lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit » (voir l’étude de cet article dans le fichier « les moyens de défense de la caution« , page 26 et suivantes).

 

4. La déclaration effectuée par le créancier, dans la procédure collective du débiteur principal, a été rejetée.

La décision par laquelle le juge-commissaire rejette la créance déclarée, a pour conséquence son extinction, qui profite à la caution, le cautionnement n’ayant plus d’objet.

La caution peut opposer cette extinction de la créance garantie, même si antérieurement il a été condamné à paiement (Cour de cassation, chambre commerciale du 22/01/2020, n° 18-19526).

Toutefois, si le débiteur a bénéficié d’un plan, et que celui-ci est ensuite résolu, la créance rejetée dans la première procédure pourra être admise dans la seconde, en raison de l’absence d’autorité de la chose jugée de l’admission faute d’identité des parties.

Dans ce cas, la créance redevient exigible et la question se posera du recours retrouvé par le créancier contre la caution qui se croyait déchargée.

5 – La caution face à un débiteur principal en conciliation

 

5.1 – Cautionnement signé antérieurement à la procédure de conciliation

L’article L. 611-10-2 du Code de commerce permet à la caution (personne physique ou personne morale) de se prévaloir des mesures accordées au débiteur dans le cadre de l’accord constaté (par le président du tribunal) ou homologué (par le tribunal).

La caution bénéficie également du délai accordé par le président du tribunal, au regard des dispositions de l’article 1343-5 du Code civil (en application des articles L. 611-7 5ième alinéa et L. 611-10-1 2ième alinéa).

5.2 – Cautionnement accordé au titre de la procédure de conciliation

  L’article L. 611-12 du Code de commerce dispose que, lorsqu’il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l’accord de conciliation (constaté ou homologué) recouvre l’intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l’accord (Cour de cassation, chambre commerciale du 25/09/2019, n° 18-15655).

6. – Possibilité pour le créancier, de prendre des mesures conservatoires

 

6.1 – Pendant la période d’observation

Le 3ième alinéa de l’article L. 622-28 permet au créancier bénéficiaire d’un cautionnement de prendre des mesures conservatoires, dans les conditions prévues aux articles R. 511-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution.

Cette possibilité offerte au créancier présente une difficulté, en effet :

  • d’une part, l’article R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution exige, à peine de caducité de la mesure conservatoire, d’introduire dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire,
  • d’autre part, comme nous l’avons vu, l’article L. 622-28 alinéa 2 suspend toute action à l’encontre d’une caution personne physique.  

La Cour de cassation dans des arrêts récents a jugé que  pour valider cette mesure conservatoire et éviter la caducité, le créancier est fondé à demander un jugement de condamnation contre la caution et ce avant même l’exigibilité totale de la créance. 

Toutefois, en application de l’article L. 622-28 alinéa 2 qui dispose que « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie », il convient de prononcer un sursis à statuer, soit jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal.

Un exemple de rédaction de jugement concernant une demande de condamnation de la caution pendant la période d’observation du débiteur principal, lorsque le créancier bénéficie d’une mesure conservatoire provisoire :

Attendu que :

– Selon l’article L. 622-28 alinéa 3 du Code du commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire, le créancier bénéficiaire d’un cautionnement consenti par une personne physique, en garantie de la dette d’un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit, en application des articles R. 511-4 et R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution, introduire dans le mois de leur exécution une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire, à peine de caducité de ces mesures ;

– Il en résulte que ce créancier, est donc dans l’obligation, afin d’éviter la caducité de sa mesure conservatoire, d’obtenir un jugement de condamnation de la caution avant même l’exigibilité totale de sa créance à son égard ;

– Par une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de GRASSE, du 9 janvier 2017, la BANQUE CANNOISE a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à Monsieur Alain JOURNET, en sa qualité de caution de la SARL MARINE AZUR, pour une créance évaluée à 25.000 euros ;

– La formalité d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire a été déposée au 1ier bureau des hypothèques de GRASSE le 17/01/2017 ;

– En conséquence, l’action de la BANQUE CANNOISE à l’encontre de Monsieur Alain JOURNET, en sa qualité de caution de la SARL MARINE AZUR, à l’effet d’obtenir un titre exécutoire est recevable ;

– Toutefois, l’article L. 622-28 alinéa 2 du Code de commerce dispose que ” le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté ” ;

– Il convient donc d’ordonner un sursis à statuer jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal. 

6.2 – Au cours du plan de sauvegarde ou de redressement.

Comme en période d’observation, le créancier peut prendre des mesures conservatoires à l’encontre de la caution du débiteur principal, pendant la durée du plan et ceci en application du troisième alinéa de l’article L. 622-28.

Comme pour la période d’observation, ce texte a dû être concilié avec l’article R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution qui dispose que  » si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire« .

Si cette demande est faite après le jugement accordant le plan, le sursis à statuer ne se justifie plus, l’article L. 622-28 alinéa 2 n’étant plus applicable, il convient alors de condamner la caution, en précisant que la mise en œuvre du titre exécutoire ne pourra avoir lieu que lorsque des dividendes n’auront pas été payés. 

Un exemple de rédaction de jugement concernant une demande de condamnation de la caution pendant le plan de sauvegarde ou de redressement du débiteur principal, lorsque le créancier bénéficie d’une mesure conservatoire provisoire.

Cet exemple :

  • ne traite que du problème de la saisie conservatoire, en dehors de l’examen de toutes autres contestations de la caution (disproportion, défaut de mise en garde, absence d’information de la caution…),
  • est applicable en sauvegarde, ainsi qu’en redressement judiciaire pour les procédures ouvertes à compter du 01/10/2021,
  • est valable aussi bien pour une saisie conservatoire provisoire que pour une hypothèque judiciaire provisoire.

Attendu que :

– En date du 10 novembre 2016, le tribunal de commerce de CANNES a arrêté un plan de sauvegarde au bénéfice de la SARL MARINE AZUR;

– L’article L. 626-11 du code de commerce dispose, qu’à l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du plan ;

– Si un garant, personne physique, qui a consenti une hypothèque, peut se prévaloir des délais accordés au débiteur principal, bénéficiant d’un plan de sauvegarde, ce même article n’interdit pas au créancier de faire inscrire une hypothèque judiciaire (article L. 622-28 alinéa 3 du Code de commerce) ; 

– Par une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de GRASSE, du 9 janvier 2017, la SA MARSEILLAISE DE CREDIT a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à Monsieur DUPONT, en sa qualité de caution de la SARL MARINE AZUR, pour une créance de 100.000 euros ;

– La formalité d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire a été déposée au 1ier bureau des hypothèques de GRASSE le 17/01/2017 ;

– Il convient de rappeler que le créancier qui bénéficie d’une ordonnance l’autorisant à prendre une inscription d’hypothèque judiciaire conservatoire, doit, en application de l’article R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure conservatoire, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire ;

– En conséquence, l’action de la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à l’encontre de Monsieur DUPONT, en sa qualité de caution de la SARL MARINE AZUR est recevable ;

– Monsieur DUPONT sera donc condamné à payer à la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, la somme de 85.248,12, montant de la créance admise dans la procédure collective de la SARL MARINE AZUR ;

– Toutefois, Monsieur DUPONT pouvant se prévaloir des dispositions du plan, en application de l’article L. 626-11 du Code commerce, la SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT ne pourra agir en exécution forcée, du présent titre exécutoire, tant que le plan de sauvegarde est respecté. 

 

 7. – La caution face à l’autorité de la chose jugée concernant la déclaration de créance faite par le créancier dans la procédure collective du débiteur principal

 

L’autorité de la chose jugée de la décision d’admission s’impose à la caution. Ainsi, la caution assignée en paiement sur le fondement de la décision d’admission ne peut opposer au créancier poursuivant que des exceptions qui lui sont personnelles (défaut de mise en garde, non-respect de l’information annuelle de la caution, disproportion…).

Toutefois, la caution bénéficie du droit de réclamation de l’état des créances en application de l’article L. 624-3-1 et R. 624-10. Il est jugé que l’état des créances déposé au greffe n’acquiert autorité de la chose jugée quant à l’existence et au montant de la créance à l’égard du débiteur principal qu’à l’expiration du délai légal de réclamation (1 mois à compter de l’avis mentionnant le dépôt au greffe de l’état des créances).

Concernant les procédures ouvertes à compter du 01/10/2021, par l’ajout d’un deuxième alinéa à l’article L. 624-3-1 les cautions, lorsqu’elles sont poursuivies, ne peuvent se voir opposer l’état des créances lorsque la décision d’admission prévue à l’article L. 624-2 ne leur a pas été notifiée.  

 

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