Lorsqu’il statue en tant que juridiction, le juge-commissaire, rend des ordonnances, qui sont des décisions de justice (L. 621-9, R. 621-21).
L’audience tenue par le juge-commissaire n’est pas une audience publique, mais une audience dite en “cabinet“, c’est-à-dire avec la seule présence des parties, sans aucun public.
Si, le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence, ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l’administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l’exécution du plan, il peut être dispensé, de respecter le contradictoire et donc par voie de conséquence il n’a aucune obligation de prendre sa décision après un débat contradictoire.
Lorsque le juge-commissaire, à la demande du débiteur ou d’un organe de la procédure collective, ne fait que délivrer une autorisation, ou lorsqu’il émet un avis, il peut prendre sa décision sans organiser un contradictoire, c’est-à-dire sans aucun débat.
Si la décision est frappée d’un recours, le débat contradictoire s’impose.
Exemples (liste non limitative) :
Certains textes précisent que des décisions peuvent être prises sans audition contradictoire, mais le plus souvent elles exigent la sollicitation des observations d’une personne déterminée. Ces observations n’appellent pas une discussion contradictoire, de sorte qu’une communication écrite au seul juge-commissaire suffit à respecter cette exigence.
On peut citer (liste non limitative) :
En matière de procédure collective, les décisions qui sont dispensées d’un débat, ainsi que de la sollicitation d’observations d’une personne déterminées ne sont pas nombreuses. Le juge-commissaire devra porter une attention toute particulière au texte qui régit la matière qu’il traite, afin de prendre sa décision dans le respect des obligations imposées.
Lorsque le juge-commissaire tranche un litige, il doit alors respecter les dispositions du Code de procédure civile, en particulier, le respect du contradictoire.
Exemples (liste non limitative)
Certains textes obligent expressément le juge-commissaire à respecter le principe du contradictoire, soit en précisant les personnes qui doivent obligatoirement être entendues, soit en obligeant le juge-commissaire à recueillir des observations qui appellent une discussion contradictoire :
Le juge-commissaire est saisi par voie de requête, que la demande fasse ou non l’objet d’un débat (R. 621-21).
La requête émane principalement des organes de la procédure ou des dirigeants de l’entreprise débitrice. Il peut également être saisi :
Aucune forme n’est exigée pour la requête, qui doit être enregistrée au greffe, qui lui attribuera un numéro de dépôt.
En l’absence d’exigence de forme, tout courrier adressé au juge-commissaire par le débiteur ou par un tiers est susceptible d’être qualifié de requête s’il contient une demande entrant dans la compétence juridictionnelle du juge-commissaire.
En ce qui concerne l’admission ou le rejet des créances contestés, le juge-commissaire est saisi par le dépôt au greffe de la liste des créances déclarées (articles L. 624-1 et L. 624-2).
A la demande du juge-commissaire, le greffe convoque les créanciers contestés, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Préalablement à toute audience, les parties sont convoquées par le greffe, selon la procédure prescrite par l’article 665-1 du Code de procédure civile. L’audience ne pouvant se tenir si le greffe ne dispose pas de l’accusé de réception de la convocation.
La procédure devant le juge-commissaire étant orale, les parties peuvent se présenter elles-mêmes ou se faire représenter ou assister par toute personne de leur choix, si le représentant n’est pas avocat, il doit justifier d’un pouvoir spécial (article 853 du Code de procédure civile).
Ce même article précise, que les procédures concernant les entreprises en difficultés (livre VI du Code commerce) sont dispensées de l’obligation de constituer avocat.
Les moyens et les prétentions des parties peuvent être formulés oralement au cours de l’audience non publique et elles sont présumées avoir été contradictoirement débattues (article 446-1 du Code de procédure civile).
Afin de respecter le contradictoire, le juge-commissaire doit :
L’ordonnance est nécessairement écrite, et doit se présenter comme une décision de justice dans sa forme et dans son contenu . Sans qu’il soit nécessaire de faire une différence entre la tenue ou non d’une audience, l’ordonnance doit comporter, en application des articles 454 et 456 du Code de procédure civile, les mentions suivantes :
Sur le fond, l’ordonnance doit, en outre, comporter (article 455 et 456 du Code de procédure civile) :
Il n’en va autrement que pour les décisions d’admission de créances sans contestation, celles-ci sont matérialisées par l’apposition de la signature du juge-commissaire sur la liste des créances (R. 624-3 et R. 624-6).
A l’inverse, certaines ordonnances doivent comporter des mentions spécifiques énumérées par les textes. Il en est ainsi :
A noter qu’en d’absence, de signature du juge-commissaire ou celle du greffier, d’exposé succinct des prétentions et des moyens des parties, ou de motivation, l’ordonnance encours la nullité.
Une fois rendue, l’ordonnance du juge-commissaire est, en principe, revêtue de l’autorité de chose jugée.
Il en résulte que le juge est dessaisi et ne saurait revenir sur sa décision, sauf application des articles 462 et 463 du Code de procédure civile concernant les erreurs et omissions matérielles, ainsi que les omissions de statuer.
En principe donc, l’ordonnance ne peut être remise en cause que par l’exercice d’une voie de recours. Le délai d’exercice de ce recours a pour point de départ la notification de l’ordonnance.
Les ordonnances rendues sont enregistrées sans délai au greffe, qui est seul habilité à procéder aux notifications.
L’ordonnance est “communiquée” aux mandataires de justice et, le cas échéant, au ministère public.
En pratique cette communication est organisée avec les administrateurs et les mandataires judiciaires à l’aide de casiers à l’intérieur du tribunal, dans lequel se trouve l’ensemble des documents dont ils sont destinataires.
Concernant le ministère public la communication s’effectue par internet.
Elle est notifiée aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés (R. 621-21). La notification s’effectue par l’envoi de l’ordonnance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. De nombreux textes de la partie R du livre VI du Code de commerce, donnent une liste précise des personnes à qui l’ordonnance doit être notifiée.
La date de la notification par voie postale est, à l’égard du destinataire, la date de réception de la lettre (article 668 du Code de procédure civile), laquelle est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception à son destinataire (article 669 alinéa 32 du Code de procédure civile).
Si le destinataire refuse la lettre recommandée ou ne se déplace pas pour la retirer au bureau de poste, il n’y a pas notification (Cour de cassation, chambre commerciale du 12/01/2010, n° 08-21032) : le délai de recours ne court pas et l’exécution provisoire de l’ordonnance ne peut être mise en oeuvre.
Lorsque la lettre lui est retournée, le greffier doit inviter la partie à procéder par voie de signification (article 670-1 du Code de procédure civile) ou faire signifier l’ordonnance.
Concernant les notifications et communications adressées le 3° et 4° de l’article R. 662-1 précise :
L’ordonnance du juge-commissaire est exécutoire de plein droit et à titre provisoire dès sa notification, le juge ne peut l’écarter(non application de l’article 514-1 du Code de procédure civile).
Le principe de l’exécution provisoire de droit est écarté pour certaines ordonnances (R. 661-1) :
Concernant ces décisions, le juge-commissaire, peut ordonner l’exécution provisoire de ces décisions, à la demande des parties ou d’office chaque fois qu’il l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire (article 515 du Code de procédure civile).
L’ordonnance constitue un titre exécutoire qui peut donner lieu à des voies d’exécution forcée, à compter de sa notification, nonobstant les délais et l’exercice des recours devant le tribunal ou la Cour d’appel. En principe, les difficultés relatives à l’exécution forcée de l’ordonnance relèvent de la compétence du juge de l’exécution.
Le premier président de la Cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire des ordonnances du juge-commissaire, que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux (Article R. 661-1).
En cas d’appel du ministère public d’un jugement mentionné aux articles L. 645-11, L. 661-1, à l’exception du jugement statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, L. 661-6 et L. 661-11, l’exécution provisoire est arrêtée de plein droit à compter du jour de cet appel. Le premier président de la cour d’appel peut, sur requête du procureur général, prendre toute mesure conservatoire pour la durée de l’instance d’appel.
L’ordonnance peut être frappée d’un recours, par toute personne intéressée qu’elle soit partie ou tiers, devant le tribunal, dans les 10 jours de sa communication ou de sa notification, par déclaration au greffe faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe (R. 621-21).
L’expiration du délai de recours est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le tribunal conformément à l’article 125 du Code de procédure civile.
Le recours doit être formé par déclaration faite contre récépissé, ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe du tribunal (R. 621-21 alinéa 4).
Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l’ordonnance.
L’examen est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires étant avisés.
Le jugement statuant sur l’ordonnance du juge-commissaire peut faire l’objet d’un appel dans les conditions du droit commun, de sorte que les affaires devant du juge-commissaire sont susceptibles de trois degrés d’examen du fond.
Le recours des parties (créancier déclarant, débiteur et mandataire judiciaire) contre la décision statuant sur l’admission d’une créance doit être formé devant la Cour d’appel (R. 624-7).
En ce qui concerne l’incompétence ou l’absence de pouvoir juridictionnel, se reporter à l’étude intitulée “examen par le juge-commissaire des créances déclarées“.
Il est à noter que lorsque le juge-commissaire a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et à saisir la juridiction compétente, les tiers intéressés peuvent former tierce opposition contre la décision rendue par la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de sa transcription sur l’état des créances (R. 624-5 alinéa 2).
Les réclamations des tiers intéressés sont portées devant le juge-commissaire. La réclamation doit être formée dans le délai d’un mois à compter de la publication du dépôt de l’état des créances (R. 624-8). La réclamation est formée par déclaration au greffe du tribunal de la procédure collective ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Ces réclamations sont mentionnées sur l’état des créances par le greffier.
Le greffier convoque les parties intéressées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et avise le mandataire judiciaire et l’administrateur (R. 624-10).
L’ordonnance du juge-commissaire rendue sur ce recours ouvert aux tiers peut être contestée devant la Cour d’appel (R. 624-10 alinéa 3).
L’article R. 624-8 précise que ces personnes ne peuvent se voir opposer l’état des créances en l’absence de signification de la décision d’admission d’admission de la créance du codébiteur ou du débiteur cautionné. A l’égard de ces personnes, le délai d’un mois pour porter réclamation de la décision du juge-commissaire court à compter de cette signification.
Le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en matière de réalisation des actifs est porté devant la Cour d’appel (R. 642-37-1 pour les ventes immobilières, R. 642-37-3 pour la cession des biens mobiliers).
En ce qui concerne la situation du candidat repreneur évincé, la Cour de cassation maintient sa position en considérant que « l’auteur d’une offre d’acquisition de gré à gré d’un actif d’un débiteur en liquidation judiciaire, n’ayant aucune prétention à soutenir au sens des articles 4 et 31 du Code de procédure civile, n’était pas recevable à exercer un recours (en l’espèce devant la cour d’appel) contre la décision du juge-commissaire autorisant ou ordonnant la vente au profit de l’auteur d’une offre concurrente et que, n’ayant pas la qualité de partie, il ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Cour de cassation, chambre commerciale du 02/12/2014, n° 12-29916).
Deux autres décisions font l’objet d’un recours devant la cour d’appel :
DALLOZ – Documentation/Encyclopédie/Répertoire de droit commercial/Entreprise en difficulté, procedure et organes : le juge-commissaire.
LEXIS 360 Entreprise – Encyclopédies/JurisClasseur Procédures collectives : fascicule 2220 sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires – Organes – Juge-commissaire – L’ordonnance du juge-commissaire.
Site PERNAUD – Juge-commissaire (et juge-commissaire suppléant)