juge-commissaire 4

Jean-Claude LEMALLE : une expérience de juge-consulaire

Jean-Claude LEMALLE

Cautionnement donné par une personne physique au profit d'un créancier professionnel
1ière PARTIE : généralités, formation et étendue du cutionnement

Sommaire de la page Voir le sommaire

0. – Ce que traite la présente étude

Comme le précise le titre, nous ne traiterons dans la présente étude que le cautionnement donné par une personne physique au profit d’un créancier professionnel, litige qui constitue la quasi totalité des affaires traitées par le tribunal de commerce. Nous n’aborderons donc pas les particularités :

  • d’un cautionnement donné par une personne morale,
  • du cautionnement d’une personne physique au bénéfice d’un créancier non professionnel, sauf exceptions,
  • les cautionnements signés avant le 01/09/2023

Par contre, il sera pris en compte les modifications apportées par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15/09/2021, qui a apporté de profondes modifications au cautionnement.

1. – Présentation générale du cautionnement 

Article 2288 du code civil (nouvel article issu de l’ordonnance du 15/09/2021)

:

 » Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

Il peut être souscrit à la demande du débiteur principal ou sans demande de sa part et même à son insu « .

Le cautionnement est donc un contrat (ou une convention) :

  • unilatéral liant une caution et un créancier,
  • accessoire d’un contrat principal liant un débiteur au créancier cautionné.

1.1 – Le cautionnement est un contrat unilatéral conférant au créancier une garantie personnelle

Le cautionnement est un contrat, entre la caution et le créancier. Le débiteur est donc un tiers à ce contrat et ce même si c’est lui qui sollicite l’engagement de la caution.

C’est un contrat unilatéral, car seule la caution s’engage et ce en dépit des obligations et devoirs secondaires, notamment d’information, qui pèsent sur le créancier.

Le cautionnement est un contrat unilatéral qu’il convient de qualifier de garantie personnelle, car il ne confère pas au créancier un avantage sur un biens de la caution (comme l’hypothèque par exemple), mais un gage général à l’encontre de son garant.

1.2 – Le cautionnement est un contrat accessoire

Le cautionnement est l’accessoire de l’obligation principale, car il a pour finalité que de garantir au créancier le paiement de la dette du débiteur principal, en cas de défaillance de celui-ci.

Ce caractère accessoire du cautionnement a pour conséquence :

  • qu’il ne peut, en principe, excéder ce qui est dû par le débiteur principal,
  • la possibilité pour la caution d’opposer au créancier, des exceptions qui appartiennent au débiteur. 

1.2.1 – Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur principal

Ce caractère accessoire du cautionnement permet de déterminer l’étendue de l’obligation de la caution, tel qu’il est défini par l’article 2296 du Code civil :

Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. 

Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses

Le cautionnement ne garantissant que la défaillance du débiteur principal, il en résulte la possibilité pour la caution d’opposer au créancier des exceptions qui appartiennent au débiteur et qui ont pour conséquence une action directe sur la dette du débiteur principal (prescription, dol etc…).

1.2.2 – Possibilité pour la caution d’opposer, au créancier, des exceptions qui appartiennent au débiteur

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

Le cautionnement ne pouvant excéder ce qui est dû par le débiteur (article 2296 du code civil, anciennement 2290), la caution doit donc être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter. Ne pas reconnaitre à la caution cette faculté, l’exposerait à être condamnée à  plus rigoureusement que le débiteur principal.

Il convient toutefois d’effectuer une distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et les exceptions personnelles au débiteur.

Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent l’existence même de la créance, à savoir son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc..).

Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

1.2.2.1 – La situation avant le 01/01/2022, prise en compte des seules exceptions inhérentes à la dette

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cour de cassation, chambre mixte du 08/06/2007, n° 03-15602).

Cour de cassation du 13/10/2015, n° 14-19734 :

Qu’en statuant ainsi, alors que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu’une telle clause figure dans un contrat de prêt, que les modalités d’exercice de l’action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu’elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Cour de cassation du 11/12/2019, n° 18-16147 :

Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu qu’en ce qu’elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution ; que le moyen n’est pas fondé ;

1.2.2.2 – La situation à compter du 01/01/2022, prise en compte des exceptions inhérentes à la dette et personnelles au débiteur

Nouvel article 2298 du Code civil, applicable à compter du 01/01/2022 :

La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293.

Toutefois la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire

Ce nouvel article 2298 du Code civil pose donc le principe que la caution peut opposer, au créancier, toutes les exceptions que le débiteur principal pourrait soulever, que celles-ci soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.
 
Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :
 
  • en cas d’incapacité du débiteur (incapables majeurs et mineurs),
  • dans le cas ou le débiteur principal bénéficie de mesures légales ou judiciaires (délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective sauf aménagement particulier de la loi, par exemple en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire etc…) 

1.3 – Les rapports entre les parties

1.3.1 – Rapport principal entre le créancier et le débiteur principal.

Rappelons que le cautionnement ne se conçoit que s’il existe une obligation principale à garantir.

Il en résulte que le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable (article 2293 du Code civil – ancien article 2289). Toutefois, le contrat annulé conserve son efficacité, concernant le cautionnement, à l’égard des obligations qui subsistent à l’annulation. Ainsi, concernant un contrat de prêt annulé, le cautionnement subsiste tant que le prêt n’a pas été remboursé (Cour de cassation du 04/06/1996, n° 93-18612). De même, pour un contrat de franchise, l’obligation de paiements des livraisons antérieures à la nullité demeure (Cour de cassation du 12/11/2008, n° 07-17746).

L’article 2292 du Code civil précise également que  » le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures, déterminées ou déterminables « .

1.3.2 – Rapport accessoire entre le créancier et la caution.

Bien que le cautionnement tire sa raison d’être de l’existence d’une obligation principale à garantir, il ne se confond pas avec cette obligation.

Le cautionnement désigne le rapport qui se noue entre, d’un côté, le créancier de l’obligation cautionnée et, d’un autre côté, la personne qui s’oblige à payer en cas de défaillance du débiteur, la caution. Seuls la caution et le créancier ont la qualité de partie, le débiteur étant un tiers

La spécificité du lien qui unit le créancier à la caution réside dans sa nature conventionnelle. Car un cautionnement procède toujours de la conclusion d’un contrat.

Celui qui donc accepte de se porter caution au profit du débiteur le fera toujours volontairement, sans que la loi ou le juge ne l’y obligent. Dès lors, que la condition tenant à la capacité est remplie, toute personne physique ou morale peut se porter caution.

Toutefois le législateur a jugé utile d’apporter une protection renforcée à la caution qui s’engage au titre de relation d’affaires, il a été ainsi créé toute une série de texte concernant tout particulièrement le cautionnement donné par une personne physique au profit d’un créancier professionnel, que nous serons amené à examiner tout au long de cette étude sur le cautionnement.

1.3.3 – Rapport entre la caution et le débiteur principal, qui n’est mise en jeu qu’en cas de défaillance du débiteur principal.

Le cautionnement est conclu, le plus souvent, sans que le débiteur donne son accord écrit, aussi, faute de rencontre des volontés entre le débiteur et la caution, la qualification de contrat doit donc être écartée. En pratique le débiteur et la caution se confondent, le dirigeant cautionnant la personne morale qu’il dirige.

A défaut de qualification de contrat, la loi reconnait à la caution la possibilité de se retourner contre le débiteur principal après avoir désintéressé le créancier, même s’il faut reconnaitre que ce recours est souvent inutile, le débiteur étant presque toujours insolvable et surtout si le débiteur et la caution ne font qu’un.

Il convient de classer ce recours en deux catégories :

  • recours personnel article (article 2308 du Code civil ):  » la caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu’elle a payées que pour les intérêts et les frais « . Elle peut même demander des dommages et intérêts, si elle a subi un préjudice indépendant du retard dans les paiements.
  • recours subrogatoire (article 2309 du Code civil) :  » la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu’avait le créancier contre le débiteur « . La caution bénéficie donc de toutes les garanties prises par le créancier qu’il s’agisse de sûretés ou de droits préférentiels. 

1.3.4 – Rapport entre les cautions en cas de défaillance du débiteur principal et de cautionnement solidaire (voir ci-après)

La caution dispose de recours contre d’autres garants. La caution peut ainsi agir contre la sous-caution.

En cas de pluralité de cautions solidaires, la caution qui a été poursuivie pour le tout par un créancier et qui a dû payer, dispose de recours contre les autres cautions aussi appelées cofidéjusseurs (article 2312 du Code civil).

Au cas où plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a payé ne peut poursuivre ses cofidéjusseurs que pour leur part et leur portion respective et ce recours ne peut avoir pour effet de la décharger de sa propre part contributive. 

Cette même caution, dispose également d’un recours subrogatoire à l’encontre de ses cofidéjusseurs. Le recours subrogatoire présente par exemple un intérêt lorsque le ou les autres garants sont des cautions réelles ou lorsque leurs engagements sont contre-garantis.

2. – Le consentement des parties

Le cautionnement se forme par l’échange des consentements entre la caution et le créancier. De ces deux consentements, seul celui de la caution est véritablement important.

Comme tout contrat, le consentement obéit aux règles communes de l’ensemble des contrats concernant en particulier l’erreur le dol et la violence, donc il conviendra de se reporter.

Le cautionnement obéit également à des règles qui lui sont propres, et concernant en particulier l’obligation de mise en garde de la caution, qui fait l’objet d’une étude spécifique.

3. – Le cautionnement acte civil ou commercial ?

3.1 – Avant l’ordonnance du 15/09/2021

Avant la réforme de 2021, applicable au 01/01/2022, le cautionnement avait un caractère commercial lorsque la caution avait un intérêt patrimonial personnel direct dans l’opération garantie. Cet intérêt était présumé lorsque la caution était en même temps le dirigeant de l’entreprise cautionnée.

Le cautionnement du conjoint n’était considéré comme commercial que si ce dernier se comportait pratiquement comme un dirigeant de fait.

3.2 – Après l’ordonnance du 15/09/2021, applicable à compter du 01/01/2022

Cette ordonnance a ajouté à l’article L. 110-1 du Code de commerce, qui définit l’acte de commerce, un 11° ainsi libellé :

 » La loi répute actes de commerce :

… 11° Entre toutes personnes, les cautionnements de dettes commerciales « .

Les tribunaux de commerce pourront ainsi connaître du contentieux relatif à la dette principale et celui relatif au cautionnement, quelle que que soit la personne ayant signé l’acte de cautionnement.

4. – Etendue du cautionnement

4.1 – Obligations garanties : dettes présentes ou futures, déterminées ou déterminables

Article 2292 du Code civil :

Le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures, déterminées ou déterminables »

Une obligation est dite existante (ou présentes) lorsqu’au moment du cautionnement la dette existe déjà. C’est par exemple le cas d’un emprunt bancaire.

En revanche une obligation est dite future lorsqu’au moment du cautionnement, elle n’existe pas encore. C’est par exemple le cas d’un cautionnement visant à garantir le futur solde négatif d’un compte courant.

Un cautionnement peut être pris sur une dette future à condition d’être clairement identifiée dans le contrat de cautionnement. Le montant n’a pas nécessairement besoin d’être déterminé au moment de la signature de l’acte.

4.2 – Montant garanti : principal et accessoires

4.2.1 – Concernant le principal

Notre étude ne portant que sur le cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d’un créancier professionnel, il convient de rappeler que l’acte doit obligatoirement comporter une limitation en montant de l’engagement, à peine de nullité.

  • Pour les actes signés avant le 1er janvier 2022, cette exigence résulte de l’article L. 331-1 du Code de la consommation, qui imposait à la caution de reproduire manuscritement une mention précisant le montant maximal de son engagement, en principal, intérêts et frais.

  • Pour les actes conclus à compter du 1er janvier 2022, cette obligation découle désormais de l’article 2297 du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, qui impose également une mention écrite de la main de la caution, indiquant le montant garanti en toutes lettres et en chiffres.

1ière REMARQUE : Il convient de souligner que, depuis cette réforme, l’exigence de plafonnement s’applique à tout cautionnement souscrit par une personne physique, quel que soit le statut du créancier, qu’il soit professionnel ou non.

2ième REMARQUE : L’exigence de mention manuscrite précisant le montant maximal ne s’applique pas aux cautionnements reçus par acte authentique ou par acte d’avocat, ces actes bénéficiant d’un formalisme renforcé équivalent à la protection manuscrite exigée à peine de nullité.
Toutefois, en l’absence de toute mention de limitation en montant, l’engagement n’est pas nul mais s’analyse comme un cautionnement indéfini, qui ne saurait excéder le montant de la dette existante au jour de la signature, sauf stipulation claire relative aux dettes futures.

3ième REMARQUE : Le nouvel article 2297, applicable à compter du 01/01/2022, précise que le montant de l’engagement de caution doit être exprimé en toutes lettres et en chiffres et qu’en cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres. 

4.2.2 – Concernant les accessoires de la créance principale

Concernant les actes de cautionnement signés avant le 01/01/2022, la mention manuscrites imposée par l’article L. 331-1 du Code de la consommation, précise que l’engagement de caution comprend le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.

Pour les actes de cautionnement signés à compter du 01/01/2022, il convient de faire application de l’article 2295 du Code civil qui précise que :

 » Sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux intérêts et autres accessoires de l’obligation garantie, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution « .

5. – Durée du cautionnement

Concernant la durée du cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d’un créancier professionnel, il convient de faire une distinction entre un acte de cautionnement signé avant le 01/01/2022 et un acte signé à compter du 01/01/2022.

5.1 – Acte de cautionnement signé antérieurement au 01/01/2022

Pour les cautionnements signés entre une personne physique et un créancier professionnel, avant le 01/01/2022, l’article L. 331-1 du Code de la consommation imposé que la mention manuscrite face mention de la durée du cautionnement, sous peine de nullité de l’acte, il en résultait que celui-ci ne pouvait donc être qu’un cautionnement à durée déterminée.

Il convient toutefois de constater que l’article L. 331-1 ne précisait pas la manière d’indiquer la durée de l’engagement de la caution. Dans un arrêt du 15/11/2017 (n° 16-10504), la Cour de cassation a reconnu comme conforme à l’article L. 331-1 du Code de la consommation, la mention suivante :  » jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes dues « , en estimant que par cette mention la caution avait une parfaite connaissance de la durée de son engagement.

5.2 – Acte de cautionnement signé à compter du 01/01/2022

Au regard de l’article 2297 du Code civil, applicable au contrat de cautionnement signé à compter du 01/01/2022, le contrat n’est pas tenue d’indiquer, dans la mention obligatoire, la durée de l’engagement. Dans cette hypothèse deux situations possibles.

5.2.1 – L’obligation principale est stipulée pour une durée déterminée

Dans ce cas, le cautionnement qui a pour objet de garantir une telle obligation, il lui emprunte son terme. Par exemple, un cautionnement souscrit aux fins de garantir un prêt dont la durée de remboursement serait fixée à 5 ans, sera assorti du même terme.

La Cour de cassation assimile le cautionnement indéfini garantissant une obligation principale assorti d’un terme extinctif à un contrat pour une durée déterminée.

5.2.2 – L’obligation principale n’est pas assortie d’un terme extinctif

Lorsque l’obligation garantie n’est assortie d’aucun terme extinctif, le cautionnement est, faute de stipulation contraire, lui aussi dépourvue de terme.

Un engagement ne pouvant être perpétuel, il convient de faire application de l’article 2315 qui précise que  » lorsqu’un cautionnement de dettes futures est à durée indéterminée, la caution peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable « .

6. – Distinction entre le cautionnement simple et le cautionnement solidaire

6.1 – Cautionnement simple : application du principe de discussion et de division

Le cautionnement simple se distingue du cautionnement solidaire en ce qu’il confère à la caution deux prérogatives que sont :

  • le bénéfice de discussion (article 2305 et 2305-1 du Code civil),
  • le bénéfice de division (article 2306, 2306-1 et 2306-2 du Code civil).

6.1.1 – Le bénéfice de discussion (articles 2305 et 2305 -1 du Code civil)

Le bénéfice de discussion permet à la caution d’obliger le créancier à poursuivre d’abord le débiteur principal.

Ce n’est que si les poursuites engagées à l’encontre du débiteur principal sont vaines que le créancier pourra actionner en paiement la caution.

C’est là la particularité du cautionnement simple, l’engagement de la caution présente un caractère subsidiaire, en ce sens qu’elle ne peut être actionnée en paiement qu’à la condition que le créancier ait engagé des poursuites, à titre principal, contre le débiteur défaillant.

Le 2ième alinéa de l’article 2305 du Code civil précise que  » ne peut se prévaloir de ce bénéfice ni la caution tenue solidairement avec le débiteur, ni celle qui a renoncé à ce bénéfice, non plus que la caution judiciaire « .

6.1.2 – Le bénéfice de la division (articles 2306 à 2306-2)

Le bénéfice de division est une prérogative qui ne se conçoit qu’en présence de deux cautions au moins qui garantissent le paiement d’une même dette.

En cas de pluralité de cautions – qualifiées de cofidéjusseurs – celle qui est poursuivie peut opposer le bénéfice de division, ce qui aura pour effet de contraindre le créancier à diviser ses poursuites entre les cautions simples. Il ne pourra alors réclamer à chacune que sa part de la dette.

Le bénéfice de division a donc pour effet de contraindre le créancier à diviser ses poursuites entre toutes les cautions solvables. Il ne peut alors leur réclamer que la part qui revient à chacune d’elle.

Première situation : toutes les cautions garantissent l’intégralité de la dette ou ont limité leurs engagements à un même montant. La division se fait par part virile. Il suffit de diviser le montant garanti par le nombre de cautions solvables.

Dette cautionnée 120.000 euros : 3 cautionnements simples de 120.000 euros. Chaque caution ne sera poursuivie que pour 40.000 euros, bien qu’elle soit engagée pour 120.000.

Si une caution est insolvable, chaque caution solvable sera tenue pour un montant de 60.000 euros (120.000 / 2), montant toujours inférieur à son engagement initial. 

Deuxième situation (calculs plus compliqués) : les cautions garantissent des montants différents, elles ne peuvent être poursuivies que pour une part de la dette proportionnelle au montant de leur engagement.

Dette cautionnée 120.000 euros : 1 cautionnement simple de 40.000 euros (A) et 2 cautionnements (B et C) simples de 60.000 euros.

Part proportionnelle de A de la dette de 120.000 euros : 120.000 (montant de la dette cautionnée) / 160.000 (montant total des cautionnements) x 40.000 (montant du cautionnement de A) = 30.000 euros.

 Part proportionnelle de B et C 120.000 / 160.000 x 60.000 = 45.000 euros.

Soit un montant total de cautionnement de 120.000 euros (A 30.000 + B 45.000 + C 45.000)

Si A est insolvable, il convient de répartir sa part entre les cautions solvables, leurs engagements étant d’un même montant, soit 15.000 euros chacun (30.000 / 2). En théorie donc 60.000 pour B et C. 

Si B est insolvable, sa part sera répartie entre A et C proportionnellement à leurs engagement initiaux :

  • pour A : 45.000 (part répartie de B) x 30.000 (dette initiale de A) / 75.000 (total des engagements répartis de A et C) = 18.000 euros.
  • pour C : 45.000 x 45.000 / 75.000 = 27.000 euros.

Soit pour A : 30.000 + 18.000 = 48.000 euros limité à 40.000 euros montant de son engagement.

Soit pour C : 45.000 = 27.000 = 72.000 euros limité à 60.000 euros montant de son engagement.

Le 3ième alinéa de l’article 2306 du Code civil précise que  » ne peuvent se prévaloir du bénéfice de division les cautions solidaires entre elles, ni les cautions qui ont renoncé à ce bénéfice « .

6.2 – Le cautionnement solidaire : les cautions ne peuvent se prévaloir des bénéfices de discussion et division

Comme le précise les article 2305 et 3ième alinéa de l’article 2306 du Code civil, les cautions solidaires ne peuvent se prévaloir ni du bénéfice de discussion et ni du bénéfice de division.

La solidarité ne se présume pas, elle doit être expressément stipulée.

Ainsi le 2ième alinéa de l’article 2297 du Code civil précise :

Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions. A défaut, elle conserve de droit de se prévaloir de ces bénéfices.

Le créancier, si le cautionnement est solidaire, peut donc demander au créancier le paiement intégral de sa dette (dans la limite de l’engagement de la caution), sans devoir d’abord poursuivre le débiteur principal ou diviser la somme entre plusieurs cautions.

En cas de paiement de la dette par la caution, celle-ci n’a pas vocation à en supporter le poids définitif. Elle dispose d’un recours contre le débiteur à concurrence de ce qu’elle a payé (article 2308 du Code civil). La caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu’avait le créancier contre le débiteur (article 2309 du Code civil).

De même, l’article 2312 du Code civil, précise que « en cas de pluralité de cautions, celle qui a payé à un recours personnel et un recours subrogatoire contre les autres, chacune pour sa part« .

Reprenons nos exemples précédents.

Première situation :  dettes cautionnée 120.000, toutes les cautions solidaires garantissent l’intégralité de la dette.

A pourra être poursuivi pour le paiement de l’intégralité de la dette.  En cas de paiement de cette somme, A pourra se retourner contre B aux fins d’obtenir un remboursement de 40.000 et contre C pour un même montant.

Si B est insolvable sa part sera répartie entre A et C, à savoir donc 60.000 euros pour A et C ((40.000 + (40.00/2)). 

Dans cette hypothèse il n’existe pas de différence entre cautionnement simple et cautionnement solidaire.

Deuxième situation : Dette cautionnée 120.000 euros, 1 cautionnement solidaire de A de 40.000, de B et C de 60.000.

Le créancier poursuit B et C pour 60.000 chacun qui paient.

 Calcul de la proportion de l’engagement de chaque caution par rapport au total des engagements:

A : 40.000 / 160.000 = 25 %

B et C : 60.000 / 160.000 = 37,5 % chacun

B et C n’auraient dû payer que 37,50 % de 120.000 soit 45.000

Ils peuvent donc chacun demandé à A le remboursement de 15.000 euros.

7. – Le sous-cautionnement

Le sous-cautionnement a d’abord été une création de la pratique. Il est aujourd’hui défini par l’article 2291-1 du Code civil :

 » Le sous-cautionnement est le contrat par lequel une personne s’oblige envers la caution à lui payer ce que lui devoir le débiteur à raison du cautionnement « 

Ainsi, un brasseur peut se porter caution pour son client, pour un prêt d’acquisition du fonds, en exigeant d’être lui-même cautionné par le dirigeant de l’entreprise cautionnée. Il s’agit donc d’une garantie (sous-cautionnement) de la garantie (caution principale).

La caution de premier rang devient le créancier de la sous-caution et il n’existe aucune relation entre le créancier bénéficiaire du cautionnement et la sous-caution.

La caution ne peut exercer un recours contre la sous-caution qu’à deux conditions :

  • elle doit avoir payé le créancier,
  • et son recours contre le débiteur principal doit être resté infructueux.

7.1 – Application des règles de formalisme

La caution de premier rang devenant créancière de la caution de 2ième rang, il en résulte que le formalisme exigé est applicable dès lors que les conditions posées par les textes sont réunies.

Ainsi, pour les sous-cautionnements signés avant le 01/01/022, il conviendra de faire application, concernant les mentions manuscrites, de l’article L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation. Alors que s’agissant des sous-cautionnements signés à compter du 01/01/2022 c’est l’article 2297 du Code civil qui est applicable.

7.2 – Obligation d’information de la sous-caution par la caution

A noter que l’article 2304 du Code civil oblige la caution à informer la sous-caution de la manière suivante :

 » Dans le mois qui suit la réception, la caution communique à ses frais à la sous-caution personne physique les informations qu’elle a reçues en application des articles 2302 (information annuelle) et 2303  (premier incident de paiement) « .

Cet obligation trouve à s’appliquer pour les sous-cautionnements antérieurs au 01/01/2022.

Il convient d’observer qu’aucune sanction n’est prévue en cas d’absence de ces informations.

7.3 – Application de la règle de la disproportion

La sous-caution peut se prévaloir de la disproportion, dans les conditions fixées par l’article L. 332-1 du Code de la consommation pour les contrats signés avant le 01/01/2022 et de l’article 2300 du Code civil pour les contrats signés à compter du 01/01/2022.

8. – Le cautionnement au regard de la situation patrimoniale de la caution

Concernant le consentement des parties, s’agissant d’un contrat il conviendra de se reporter aux études concernant les vices du consentement (erreur, dol, violence).

8.1 – Qualités exigées de la caution

Au regard des affaires traitées par le tribunal de commerce, nous n’examinerons ici, que les problèmes posées par la situation patrimoniale de la caution, laissant de côté les mesures de protection des incapables (mineur non émancipé, majeur sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

8.1.1 – Cautionnements d’époux commun en biens

Article 1415 du Code civil :  » Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés, avec le consentement exprès de l’autre conjoint, qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres « .

8.1.1.1 – Cautionnement souscrit par un époux sans le consentement du conjoint

Si un époux souscrit un cautionnement sans le consentement de son conjoint, le gage du créancier est réduit aux biens propres et aux revenus de l’époux caution, à l’exclusion, des acquêts de communauté, des revenus et des biens propres de l’époux qui n’a pas consenti.

Il est à noter que ces dispositions trouvent à s’appliquer en ce qui concerne le régime de la communauté universelle (Cour de cassation, chambre civile 1 du 03/05/2000, n° 97-21592).

8.1.1.2 – Cautionnement souscrit par un époux avec le consentement du conjoint

Lorsque le conjoint a donné son consentement, il résulte de l’article 1415 du Code civil que le créancier bénéficiaire d’un cautionnement peut exercer ses poursuites sur les biens communs, en sus des propres de l’époux caution.

Le créancier est également autorisé à saisir les revenus de l’époux qui a donné son consentement (Cour de cassation, chambre commerciale du 22/02/2017, n° 15-14915). Seuls les propres du conjoint de la caution restent en dehors de l’assiette du droit de gage général du créancier.

Le consentement du conjoint n’est soumis à aucun formalisme, mais il doit être exprès et ne peut résulter de la seule signature du conjoint apposée dans l’acte contenant le cautionnement (Cour de cassation, chambre civile 3 du 16/12/2014, n° 13-10551). Le conjoint qui consent ne devient pas partie au cautionnement.

Contrairement à la caution, le créancier bénéficiaire d’un cautionnement n’a d’obligation d’information ou de mise en garde au bénéfice du conjoint qui consent au cautionnement.

8.1.1.3 – Cautionnement consentis par chacun des deux époux

Deux hypothèses doivent être distinguées.

8.1.1.3.1 – Les deux époux s’engagent par actes séparés

L’engagement de caution de l’un ne vaut pas consentement à l’engagement de l’autre, de sorte que les acquêts de communauté restent en dehors du droit de poursuite du créancier (Cour de cassation, chambre civile 1 du 13/06/2019, n° 18-13524).

Il n’en irait autrement que si un époux, outre son consentement à son propre engagement de caution, avait consenti expressément au cautionnement de son conjoint.

8.1.1.3.2 – Les deux époux se portent simultanément cautions, dans un seul et même acte

L’engagement consenti par l’un vaut, en sus, consentement à celui de son conjoint (Cour de cassation, chambre commerciale du 05/02/2013, n° 11-18644). Tous les biens, communs et propres de chacun, sont alors engagés.

8.1.2 – Epoux séparés de biens

Le cautionnement consenti par un époux séparé de biens confère au créancier un droit de poursuite sur le patrimoine de l’époux contractant, seul tenu.

8.1.3 – Partenaires pacsés

Sauf disposition contraire contenue dans la convention de PACS, le régime de doit commun des partenaires pacsés est celui de la séparation de biens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

@media print { @page { margin: 5mm !important; } }